L'anthropologie ternaire chez les Pères de l'Église

Les Pères de l’Église enseignants l’anthropologie ternaire n’ont pas tous la même façon de comprendre l’esprit.

Saint Irénée (130-200) penche pour la première interprétation :

« Or l’âme et l’esprit peuvent être une partie de l’homme, mais nullement l’homme : l’homme parfait, c’est le mélange et l’union de l’âme qui a reçu l’Esprit du Père et qui a été mélangée à la chair modelée selon l’image de Dieu… lorsque cet Esprit, en se mélangeant à l’âme, s’est uni à l’ouvrage modelé, grâce à cette effusion de l’Esprit se trouve réalisé l’homme spirituel et parfait, et c’est celui-là même qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Quant au contraire l’Esprit fait défaut à l’âme, un tel homme, restant en toute vérité psychique et charnel, sera imparfait, possédant bien l’image de Dieu dans l’ouvrage modelé, mais n’ayant pas reçu la ressemblance par le moyen de l’Esprit. » (Adversus Haereses, 1. 5, c. 6, n. 1 (SC, 153, p. 75-77) ; trad. Adelin Rousseau.)

Saint Macaire d'Égypte semble avoir cette même interprétation.

"De même qu'un corps privé d'une main, d'un pied ou d'un œil, fait un homme mutilé, ainsi l'âme, séparée de l'âme céleste et privée de l'Esprit divin, est mutilée elle aussi... Le Seigneur a jugé bon que le vrai chrétien ait deux âmes, l'une créée et l'autre céleste, provenant de l'Esprit divin. L'homme est ainsi parfait et propre au Royaume des cieux, et il vole, soulevé par les ailes de l'Esprit." (Homélies spirituelles, 37, 10; Coll. Spiritualité orientale 40, p.309)

On pourrait représenter ainsi cette interprétation :

Esprit de Dieu en l’homme

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âme (psychisme)

corps physique

Pour sa part, Origène (185-253) penche pour la seconde interprétation, parlant de l’esprit de l’homme, en tant qu’ouverture à l’Esprit de Dieu, distinguant donc entre les deux:

« Autre est l’Esprit de Dieu, alors même qu’il est présent en nous, et autre le pneuma propre à chaque homme, celui qui est en lui... L’Apôtre affirme clairement que cet esprit (ce pneuma) est autre que l’Esprit de Dieu, même quand le Saint-Esprit est présent en nous, en plus de l’esprit de l’homme qui est en lui. » Et encore : « Que l’homme soit un être composé, nous le savons par l’Écriture. L’Apôtre dit en effet : "Que Dieu vous sanctifie l’esprit, l’âme, le corps", etc. Cet esprit n’est pas le Saint-Esprit, mais une partie du composé humain, comme l’enseigne le même apôtre quand il dit : "L’Esprit rend témoignage à notre esprit", etc. » (In Matt., 13, 2. Klost. - B, GCS, 10, p. 180 ; PG, 13, 1093 AB. – Cité par Henri de Lubac, in Théologie dans l’histoire, tome I, p.136)

On retrouve cette même anthropologie chez saint Ephrem (306-373), qui provient d’un milieu où la Tradition originelle semble avoir été protégée des influences extérieures et postérieures. Dans une de ses hymnes sur le Paradis, saint Ephrem chante la sublime destinée de l’homme qui collabore avec la Divinité présente en lui:

Car l’âme est précieuse encore plus que le corps.

Et précieux est l’esprit plus encore que l’âme,

Et la Divinité plus cachée que l’esprit,


De la beauté de l’âme le corps se vêtira quand surviendra la fin,

L’âme revêtira la beauté de l’esprit.

L’esprit revêtira en son visage même, la Majesté (divine).


Le corps au rang de l’âme se verra élevé ;

L’âme, au rang de l’esprit ;

L’esprit, à la hauteur où est la Majesté.


( Hymnes sur le Paradis, Hymne 9, strophes 20 et 21. Trad. René Lavenant et François Graffin, SC, 137, 1968, p. 129.)

Selon cette hymne de saint Ephrem et selon la pensée d’Origène, on pourrait représenter ainsi le composé humain habité par Dieu :


Divinité/Majesté (Esprit de Dieu en l’homme)

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esprit de l’homme (ouverture à Dieu)

âme (psychisme)

corps physique