Comment la subversion gauchiste est parvenue à faire chuter Nixon

La plus belle attaque ad hominem réussie a été sans conteste celle qui aboutit à la chute du Président Richard Nixon en août 1974. « L’affaire du Watergate », montée au printemps 1973, avait dès ses débuts pour objectif la chute de Nixon dans l’ignominie et son départ de la Maison Blanche (et il est parti de lui-même – après un an et demi de lutte – sous les regards indifférents de la majorité silencieuse).

Quoique le but urgent et proche ait été sans aucun doute de favoriser la victoire du Vietnam du Norden faisant tomber le président du Sud-Vietnam Thieu (ceci en le privant du support résolu et puissant que lui apportait Nixon), cette opération très indirecte menée avec persévérance et brio par les 14 journalistes du journal Washington Post, accrochés au Président comme des chiens dévorants, rencontra l’appui inconditionnel de tous les ennemis politiques de Nixon (le groupe d’Alger Hiss, celui de Daniel Ellsberg, et celui plus puissant de George Mac Govern, candidat de l’opposition, ami personnel de Fidel Castro, et supporter de tous les mouvements favorables aux communistes du Nord-Vietnam).

En fouillant systématiquement toutes les « poubelles politiques » de la capitale fédérale, les journalistes duWashington Post avaient, antérieurement à l’ « affaire du Watergate », « découvert » divers éléments exploitables : « le scandale du bombardement des troupes communistes au Cambodge », « le scandale du soutien de l’I.T.T. à la candidature Nixon », « le scandale des feuilles d’impôts du président », la villa de sa fille, les bijoux de sa femme, etc.

Mais « Watergate » fut le filon décisif. On sait que l’ « affaire » débuta par la découverte que des micros avaient été placés par le parti républicain dans les salles du parti démocrate au moment des élections présidentielles opposant Mac Govern à Nixon. On connaît la suite et la magnifique orchestration de toutes les mass média mondiales, jusqu’à l’abandon final de Nixon par ses propres amis.

A l’occasion du rappel de l’extraordinaire victoire du Washington Post et des amis du Nord-Vietnam sur Nixon, je crois utile de préciser ici, en anticipant sur le paragraphe qui suit, quels sont les principes du montage d’une « affaire » dans une optique de subversion, celle du Watergate étant un modèle du genre.

L’opération se décompose en cinq phases :

    1. - Recherche d’un fait qui sera considéré comme la révélation d’un secret bien gardé. Naturellement, ce secret est gardé pour de bonnes raisons, surtout lorsqu’il s’agit par exemple de Défense Nationale, mais les agents subversifs feindront de ne relever que les raisons « que la morale commune réprouve »…

    2. – Révélation bruyante, par un organe de presse ou un instrument de mass média, du fait « découvert », et cela en insistant sur trois aspects :

      1. a) on a caché ce fait, ce qui « prouve » qu’on veut tromper ou qu’on a trompé l’opinion publique. Ce premier aspect donne au journaliste l’auréole du redresseur de tort

      2. b) les raisons de ce secret sont exclusivement des raisons « que la morale réprouve ». On ignorera délibérément les vraies raisons et on s’indignera sur les atteintes aux valeurs universelles et aux idéaux humanitaires. Ce second aspect donne au journaliste l’auréole d’une moralité inattaquable,

      3. c) « L’affaire » est révélatrice d’un état de choses typique, elle est un symbole. Il faut donc aller jusqu’au bout des révélations, découvrir tout le reste, montrer la pourriture de l’État à abattre.

    3. – Orchestration par l’ensemble des mass média qui relayent le premier crieur.

    4. – Mise en accusation, par les mass média, du ou des coupables, des « vrais coupables », revendication exprimée avec la foi intransigeante du Justicier. Cette phase met la ou les personnes visées en position défensive. (A ce sujet, il faut constater que ce piège marche toujours, la personne visée se met à se défendre et à parler pour se défendre, sans penser à démonter l’opération-piège et ses motivations).

    5. – Exploitation de la situation ainsi créée : on constate que l’Autre, se défendant, reconnaît sa position d’accusé ; on découvrira et on dénoncera les mensonges de défense qu’il serait amené à faire, et « tout ce qu’il dira sera retenu contre lui ». On poussera la mise en accusation et la culture de l’indignation au point que tout défenseur deviendra suspect. Il n’y aura bientôt plus aucun défenseur.

Grâce à une opération de ce genre bien montée, un doute durable est injecté dans un système politique tout entier ou à l’égard d’un groupe politique important, visés par l’entreprise de destruction. Des valeurs s’effondrent On pourra toujours utiliser le « rappel » de l’affaire au cas ou une assimilation serait utile en des temps ultérieurs.

Les mêmes principes seront appliqués pour transformer en « affaires » des incidents fortuits ou savamment provoqués.

Roger Mucchelli – La subversion (1976)