CREATION D'UNE BASE DE DONNEES PHOTOS POUR COMPRENDRE UN MÉCANISME BIOLOGIQUE DE MANIÈRE COLLABORATIVE
CREATION D'UNE BASE DE DONNEES PHOTOS POUR COMPRENDRE UN MÉCANISME BIOLOGIQUE DE MANIÈRE COLLABORATIVE
Nous partons du constat que les élèves, le plus souvent, ne sont pas exposés au fonctionnement réaliste de la recherche en biologie durant les travaux pratiques (TPs). Pourtant, selon le plan d'études romand l'enseignement de la Biologie vise à " initier l'élève aux méthodes qui ont permis la construction de connaissances objectives... dans une perspective épistémologique". Ainsi, notre démarche s’inscrit dans un objectif de Nature des Sciences (NDS) (Hasni, 2020).
Du point de vue NDS, nous observons 3 points importants :
(1) Les photos et vidéos sont le type de données expérimentales les plus répandues en recherche. Pour citer quelques exemples: les photographies prises au microscope, photographies de gels (ADN ou protéines), vidéos d’interaction et de comportement animal, vidéos sur une longue période de croissance/division cellulaire, etc. Fréquemment ces données numériques seront la base d’analyses poussées qui seront par la suite quantifiées et représentées sous forme de graphique, tableau, statistique etc. Cependant, les élèves prennent très peu de traces sous forme de photographies ou vidéos durant les TPs. Ces traces peuvent ensuite être utilisées pour soutenir une argumentation ou illustrer le phénomène étudié, ce qui ne participe pas à leur enseigner une image réaliste de la recherche.
(2) Les TPs se font souvent de manière individuelle ou par groupe de deux élèves. Les élèves sont peu souvent amenés à travailler de manière collaborative à l’échelle de la classe ce qui pourrait plus s'apparenter au travail d'un groupe de recherche. Au sein d’un groupe de recherche, une collaboration passe par un partage de données expérimentales pour avancer dans la construction du savoir. En effet, les élèves se basent souvent uniquement sur leur propre observation pour conclure et effectuer leur rapport d’expérience. Une fois de plus cela n’est pas représentatif du fait que la science est une discipline “sociale” où chaque chercheur a accès et se base sur le travail de ses collègues pour enrichir ses expériences.
(3) Finalement, la notion de reproductibilité expérimentale indépendante pour accéder à une validation expérimentale est peu perçue par les élèves. Par manque de temps durant le TP, chacun fait une observation mais peu de répétitions sont effectuée . En recherche, un résultat n’étant pas reproduit plusieurs fois de manière indépendante ne pourrait jamais être validé. La mise en commun d’expériences faites par différents binômes au sein de la classe est un moyen que nous voudrions exploiter pour amener cette notion de reproductibilité.
Est-ce que l'implémentation d'un artefact MITIC permet aux élèves de constituer collectivement une réponse à un questionnement scientifique? Comment sensibiliser les élèves, par le biais de l'expérimentation, à certains éléments de la nature des sciences telles que l'importance de collecter des données (photos), le travail collaboratif, la reproductibilité des données et l'utilisation d'une base de donnée commune?
Le but de l’activité développée est de constituer une base de données de photos permettant de mener une enquête pour répondre à la question posée, et ensuite utiliser cette banque de photos pour extraire des photos qui permettront de répondre à l’énigme sous la forme d’une argumentation dans un rapport d’expérience. Ainsi les élèves devront exploiter l’ensemble des photos prises en classe et, grâce à ce partage de données expérimentales, ils construiront, en binôme, une réponse à une problématique sous la forme d'un document partagé Google draw. La répétition de ces données pourra leur donner confiance dans l’exactitude de ces résultats.
Au final, nous désirons mettre en place un partage de photos dans le contexte de la digestion enzymatique des glucides au secondaire 1 et 2.
Le partage de photos valorise le travail et responsabilise l’élève dans sa tâche. L’artefact induit également la curiosité et alimente la motivation de l'apprenant ce qui l'immerge plus facilement dans une phase d'apprentissage active.
Cette conjecture se base sur le fait que la motivation est un levier puissant permettant à l’humain d’atteindre ses besoins fondamentaux. Cela est donc valable pour nos élèves et plusieurs conditions pour alimenter leur motivation sont possibles (Viau, 2000) parmi lesquelles la condition de responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix comme c’est le cas lors de notre séquence.
Le travail sur une base de données permet à l’élève de comprendre la nature collaborative des sciences et d’en finir avec l’image du génie isolé. La base de données fait comprendre l’importance de répéter plusieurs fois une expérience dans des conditions indépendantes pour donner du poids au résultat.
L’initiation à l’épistémologie des sciences (Nature des Sciences , (NDS) est une composante essentielle du cursus scolaire scientifique pour offrir une vision plus réaliste de de la science en tant que métier et méthode de création du savoir (Hasni, 2020). La science est sociale; Les chercheurs sont intégrés au sein de groupes de recherche, d'instituts, d'entreprises, etc. De manière plus étendue, une communauté scientifique. La recherche moderne utilise exclusivement de données sous forme numériques ce qui permet la collecte d'un grand nombre de données pour répondre avec une meilleure certitude à une question. Finalement, la reproductibilité expérimentale est un pré-requis essentiel pour valider toute connaissance scientifique expérimentale.
La production d'un rapport à partir de résultats partagés augmente la possibilité de collaboration.
Nous avons fait le choix de développer cette conjecture car le programme d'études romand (PER) invite les enseignant.e.s à travailler cinq Capacités transversales au travers d'actes didactiques et pédagogiques et la collaboration en fait partie. Pour favoriser la collaboration, nous avons opté pour un travail de partage (les photos) et un travail en binôme concernant la trace écrite de restitution. En responsabilisant les élèves, on souhaite optimiser les interactions sociales lors d'un travail de groupe. (Buchs et al.,2011)
La mise en commun des résultats expérimentaux individuels permettra aux élèves d’accéder à la compréhension du phénomène général et leur permettra de construire une argumentation qui soutient leur réponse au questionnement initial.
Le fait d’observer des expériences est un facteur d’intérêt pour les élèves (cf. cours Müller, Motivation, ATELIER Didactique, IUFE). Avec l’enseignement par travail pratique on veut passer de l'intérêt situatif à l'intérêt habituel. L’aspect pratique permet d’éveiller la curiosité pour un type de sujet et à long terme permet peut-être de provoquer la curiosité chez les apprenants et éviter ainsi l'ennuie (Astolfi, 2008). Cependant, l’utilisation de colorants dans ces travaux pratiques pourrait susciter un intérêt purement situatif. D'où l'intérêt de lier le travail pratique à la récolte des résultats avec un artefact MITIC. Ce dernier permet notamment une mise en commun de toutes les expériences. L'artefact permet donc de créer une banque de données et remplace ainsi le protocole standard "individuel" typique des travaux pratiques.
live.beekee.ch est une petite plateforme WEB (dont les serveurs sont situés en Suisse) qui permet à un.e enseignant.e de créer facilement un espace partagé pour sa classe afin que les élèves puissent y déposer et y partager des photos prises lors du travail pratique avec leur smartphone personnel.
Justification du choix de « Beekee »
L’utilisation de cet artefact permet :
de partager les photos des élèves facilement à partir d'un QRcode pour la connexion et une identification par prénom.
de légender facilement les photos
un accès pour consulter et récupérer les photos
augmenter la motivation des élèves car ils travaillent avec leurs propres productions, ainsi le contenu est plus authentique et motivant.
Le recueil des traces écrites est effectué par Google Draw sous la forme d'un rapport d’expérience. Il ne s'agit pas d'exploiter l’entièreté des opportunités de Draw comme un artefact MITIC à proprement parler. Ce logiciel est cependant le meilleur moyen que nous ayons à disposition pour faire travailler le sélèves simultanéemnt sur la base de donnée photo Beekee. Draw est un logiciel gratuit développé par google et accessible à tous les élèves ayant un compte EEL.
Justification du choix de « Draw »
L’utilisation de cet artefact permet :
aux élèves de produire une trace écrite commune et utilisant les ressources à disposition (banque de donnés produite avec beekee et documents du cours).
à l'enseignant.e de vérifier si les objectifs visés ont été atteints et de remédier aux lacune si nécessaires par le biais d'un retour formatif en direct.
Nous estimons que le partage de photos, en plus de donner une vision plus réaliste des sciences, pourra également soutenir l’apprentissage.
En effet, selon l'apport des recherches en didactique des sciences, ce type de modalité d’enseignement produit différents effets sur la motivation et les apprentissages des élèves:
Quand les élèves utilisent leurs propres productions (les photos), l’activité est perçue comme plus authentique et motivante (Lombard, 2013).
Les élèves prennent conscience qu’ils auront besoin des réponses de leur camarade afin de répondre à la problématique. La confrontation entre les groupes permet une amélioration des productions du groupe classe (Meirieu, 1999).
Plusieurs méta-recherches ont démontré certains avantages (quantité et qualité du travail fourni) qu’apportent les technologies dans une situation d’apprentissage coopératif (Resta & Laferrière, 2007). (Exemple: partage de photos, utilisation de document collaboratif partagé (Google Draw)).
Nous anticipons ainsi un gain de motivation et d’engagement à travailler de cette manière avec un effet bénéfique sur les apprentissages des élèves.
Les effets attendus se situent au niveau du travail en autonomie, de la responsabilisation des élèves, du sens donné à l’expérimentation individuelle, de la motivation, de l' esprit d’équipe. Avec, à la clé, un meilleur transfert des connaissances acquises lors de futurs re-mobilisations.
5. Sequences dévelopées et passées
5.1 Contexte curriculaire
Le dispositif partage de photos lors d'une expérimentation scientifique sera testé dans deux contextes différents :
Secondaire I (Cycle d'orientation) (CO): 10 ème HARMOS, regroupement LS, 12 élèves, 2 classes.
Lien avec le plan d'études romand (PER) : MSN 37, Séquence 12, Système digestif. Objectif spécifie du PER en lien avec la séquence "faire le lien entre le processus réalisé par le système digestif et les besoins de la cellule. Plus précisément, le glucose est le sucre utilisé lors de la combustion réalise par les cellules (respiration cellulaire). Ce dernier se retrouve aussi dans l'amidon et donc dans de nombreux aliments consommées.
Secondaire II (Post-obligatoire) (PO): Collège : 2ème DF , 16 élèves, 2 classes.
Lien avec le programme du Collège de Genève: Thème général "Physiologie". Notion et concept structurant : équilibre interne des organismes -nutrition. Système digestif.
5.2 Vue d'ensemble des sequences
Au secondaire II (PO)
Le partage de photos permettra la détermination de la macromolécule alimentaire qui est mise en évidence par le colorant/réactif lugol. Afin de ne pas risquer qu’un élève ne révèle dès le début le rôle du colorant, celui-ci sera anonymisé. Le partage de photos d’échantillons testés divers et variés par tous les élèves permettra l’établissement d’une « banque de données » afin de répondre à cette question de recherche: « Quelle molécule alimentaire met en évidence le réactif X? ». Les élèves devront , en guise d’introduction à leur Travail Pratique évalué sur la digestion, utiliser les photos les plus pertinentes pour produire un texte argumentatif sur le rôle du réactif. Ce travail sera effectué sur Draw.
Cette première étape est essentielle pour étudier grâce à ce même colorant, la digestion enzymatique de l’amidon lors du travail pratique suivant.
Au secondaire I (CO)
Ce projet sera mené lors du chapitre “système digestif”. A la différence du PO, sera déjà institutionnalisé que le colorant lugol met en évidence la macromolécule alimentaire étudiée : l' amidon. La question de recherche se résumera à: « Quels aliments contiennent de l’amidon ?». Les élèves testent en classe divers aliments communément utilisés à la maison avec le lugol et partagent leurs photos dans le but de créer une banque de données commune au groupe classe. Cette banque de données sera par la suite utilisée pour classer les aliments en deux catégories: “contenant un sucre lent amidon” et “ne contenant pas de l’amidon”. Les élèves devront ensuite effectuer un rapport scientifique (à compléter sur Draw) en utilisant les exemples recueillis par la classe. Ils devront choisir les photos les plus pertinentes pour répondre à la question de recherche dans la base de données collective se trouvant sur beekee.
5.3 Objectifs d'apprentissages et taxonomie
Du point de vue des notions:
Définir le rôle d'un réactif -uniquement au PO
Définir des catégories d'aliments contenant de l'amidon -uniquement au CO
Du point de vue des démarches:
Observer et identifier le rôle d’un réactif chimique (LOCS)*
Déterminer la place de l’amidon dans les aliments (HOCS)*
Déterminer la molécule mise en évidence par le réactif (HOCS)* - uniquement au PO
Réaliser une expérience (LOCS)*
Comparer et analyser l’ensemble des photos (LOCS)*
Généraliser une observation (HOCS)*
Argumenter et communiquer ses résultats (LOCS/HOCS)*
5.4 Déroulement des séquences
Déroulement au PO
Semaine 1 période 1:
Cours introductif digestion (hors activité)
Semaine 1 période 2:
Cours digestion (hors activité)
faire avec les élèves la liste des aliments à amener la semaine d’après, pour éviter, trop de doublons.
Semaine 2 période 1:
Cours digestion (hors activité)
contextualisation Nature des sciences, présentation de la problématique
Expérimentation: tester le réactif sur l’aliment
prendre une photo et la téléverser sur le site
Semaine 2 période 2:
en devoir pour la semaine 3: par groupe de 2, finaliser un document draw ou figurera l'hypothèse en réponse à la problématique initiale en exploitant la base de données de photos avec la sélection et l’insertion de photos qui permettent d’appuyer l’hypothèse émise par le groupe.
Ce fichier draw sera inséré comme hypothèse introductive du rapport d’expérience évalué que les élèves devront rendre à la suite des travaux pratiques sur la digestion.
Déroulement au CO
Semaine 1 période 1:
Cours introductif digestion (hors activité)
Semaine 1 période 2:
Faire avec les élèves la liste des aliments à amener pour éviter trop de doublons , composition des binômes de travail.
Contextualisation et première approche de la problématique.
Semaine 2 période 1:
Cours digestion (hors activité)
Semaine 2 période 2:
TP avec lugol : tester le réactif sur l’aliment
Prendre une photo et la téléverser sur le beekeelive créé pour cette séquence
Semaine 3 période 1 et 2:
En salle informatique, connexion à beekeelive et classroom
analyse des photos sur beekeelive
compléter le rapport pré-rédigé sur google draw (un google draw par binôme)
Du côté des productions:
les élèves font des photos des résultats des aliments testés
les élèves les déposent sur l'espace de la classe sur la plateforme live.beekee.ch
la base de données de photos des élèves partagée sur Beekee est établie
en utilisant la base de données commune, les élèves produisent/complètent le document google draw afin de répondre à la problématique initiale
Du côté des attitudes et compétences:
attitudes des élèves pendant l'activité
autonomisation du travail
travail collaboratif
utilisation de l'artefact
retour oral des élèves sur l'activité
6 Traces et observations
6.1 Traces photos : CO
Les élèves se sont associés par groupe de 2 pour tester 4 aliments. Les résultats de tous les groupes étaient ajoutés sur l'espace beekee de la classe au fur et à mesure de leur avancement durant la phase d'expérimentation. Selon le design expérimental explicité, les élèves plaçaient l'aliment (coupé en morceau si nécessaire) dans un verre de montre. Une photo était prise et déposée avec le nom de l'aliment et la condition "Avant". Le colorant (lugol) était ensuite ajouté et mélangé à l'aliment. Une nouvelle photo était déposée avec le nom de l'aliment et la condition "Après". Il était prévu par le design expérimental que certains aliments soient répliqués par plusieurs groupes. Cependant, l'enseignant.e veillait à ce que, durant la phase de sélection des aliments, un maximum soient représentés et qu'il n'y ait pas plus de trois réplicas par aliment. La figure 1 présente une sélection représentative de photos des aliments testés et de leur potentiels réplicas. Au sein d'une telle collection de données il y a forcément une certaine diversité. Par exemple, un échantillon comme celui le pain, pouvait ne pas avoir fait l'objet d'un réplica. Le riz, en revanche, a été répliqué deux fois mais le résultat est différent car la quantité de lugol ajoutée selon les groupes peut varier, ce qui donne une coloration incomplète dans un cas. Les 3 réplicas du fromage sont homogènes avec des manipulation et des des photos de qualité très similaires entre groupes. Le concombre quant à lui est un exemple de diversité à la fois de préparation et de prise d'image. En effet, l'aliment est soit coupé en gros dés avec peu de logol, soit coupé très finement avec beaucoup de lugol. L'une des photo est floue et rend le résultat difficilement interprétable par les autres groupes.
Figure 1: Représentation de la base de donnée beekee à partir de captures d'écrans. La base de donnée de chaque classe comportait 20 analyses d'aliments donc 40 photos au total (5 groupes multiplié par 4 aliments).
6.2 Production Draw : CO
La séance suivante a eu lien en salle informatique durant laquelle les binômes ont produit leur rapport en co-écriture. Pour les guider, chaque groupe avait un rapport pré-formaté sur google Draw subdivisé en sections de couleur avec les titres des chapitres à compléter et un tableau vide (Figure 2). Le premier objectif des élèves était d'analyser la base de données commune produite la semaine précédente. Pour se faire, les élèves ont du réouvrir sur l'ordinateur le beekee et analyser les images afin de concevoir un tableau de résultat. Pendant le travail, ils pouvaient se diviser les tâches afin de compléter les différentes sections (titre, but de l'expérience, matériel, etc...). Dans une des section il est demandé aux élèves de déposer des photos représentatives d'aliments ayant réagis ou pas au lugol. Finalement trois sections leurs adressaient des questions pour les aider à extraire l'information apprise durant cette expérience et faire une conclusion sur les résultats.
Figure 2: Rapport "Draw" avec éléments de correction d'un binôme ayant obtenu 5.5/6 à titre d'exemple de ce qui était attendu par l'enseignant.e. Les erreurs faisant l'objet de correction sont les suivantes: Imprécisions dans la description et la liste du matériel et méthode. Mauvaise interprétation d'un résultat (polenta).
6.3 Observations de l’enseignant et de l'observatrice externe : CO
Durant la passation de cette activité comportant des artefact MITIC il a été observé par les enseignant.e.s que pas tous les élèves avaient des téléphones. En effet sur les deux classes testés (total de 24 élèves), 6 élèves ne possédaient pas de téléphone. L'activité a donc du du débuter par la question adressée à la classe "qui possède un téléphone connecté à internet?" permettant de former des binômes avec au moins un élève équipé de téléphone. Cette solution est utilitaire mais ne résout en rien les questions éthiques, d'égalité et institutionnelles soulevées. Il est évident que ce problème de ressource va dépendre des filières et niveau de l'enseignement secondaire. Malgré toute la volonté possible du coté de l'enseignant.e, il semble difficile de mettre en place l’utilisation durable des artefact MITIC au secondaire (surtout au cycle) sans un effort institutionnel. L’école deviendrait sinon un espace d’inégalité sociale.
L'activité a été très bien reçue par les élèves. Il semble que la responsabilisation des élèves dans le cadre de ce travail collaboratif ait d'emblée motivée et impliqué le groupe classe. L'effet de nouveauté n'est pas la seule explication à invoquer au vue des commentaires profonds qui ont émergés au cours d'une discussion avec les élèves suite au travail (C.F. 6.8). Par exemple: “On fait comme dans notre vrai travail plus tard” en parlant de l'utilisation générale de la technologie. Ou encore: “on n’a pas peur de perdre le document ou qu’il s'abîme" en parlant du Draw. De tels commentaire sont relevants d'une appréciation profonde et d'un gain de sens pour les élèves concernant l'utilisation des outils MITIC. Outre les aspects purement pédagogiques, l'observatrice signale toute de même que le cadrage disciplinaire en amont et pendant de la séquence indispensable. Un bref moment dédié au rappel des règles d'utilisation d'un téléphone portable est absolument nécessaire. Le talon de réponse que les élèves doivent signer semble parfaitement adapté à la situation.
Le dépot de photos sur beekee (et le draw) a permis a l'enseignant d'avoir une vue d’ensemble générale du travail de la classe par rapport au traditionnel "passage dans les rangs". L’enseignant, durant les phases d’utilisation de l'artefact, était connecté avec son ordinateur aux travaux des élèves et pouvait les guider aisément: "attention groupe 2 votre photo ne contient pas de titre", "essayez de prendre des photos moins floue, groupe 4", etc... Le guidage était d'autant plus efficace avec Draw car l'enseignant entrait dans le Draw des groupes sans les déranger ni les interrompre dans leur travail (ce qui est généralement le cas quand on s'arrête dans les rangs). L'enseignant pouvait lire les Draw en construction et laisser des commentaires avec une couleur attitrée. Il en allait de même pour répondre aux questions. Cette interaction de quasi co-écriture prof-élèves avait un effet très motivant sur eux. Les enseignant.e.s soulignent la réussite d'un vrai travail collaboratif grâce aux dispositifs MITIC. Ont été observé au niveau des binômes la division des tâches dans le draw et des relectures croisées entre élèves. Au niveau plus général du partage de photos, les élèves sont bel et bien tous analysé une banque de données constituée collaborativement. De manière générale, les élèves ont montré une surprenante autonomie dans leur travail malgré l'utilisation d'outils nouveau. Le lien motivation-implication-autonomie est peut être une piste d'explication. Sur les deux classes, 10 rapports au total ont été évalués de la sorte. Aucun rapport n'a obtenu en dessous de 4.5 avec une majorité de rapport de 5 et plus. Les notes peuvent être un indicateur de progression des apprentissages, d'atteinte des objectifs visés et, indirectement de l'investissement des élèves. Cette première observation a été corroborée par les résultats aux évaluations qui ont suivies.
Les objectifs NDS visés au C.O. n'ont pas pu être estimés quantitativement car malheureusement car aucune institutionnalisation explicite à ce sujet a été faite. De plus, aucun contrôle de connaissances n'a été effectué de manière certificative (C.F. 8.3, améliorations). Cependant, les commentaires d'élèves lors de la discussion 1 semaine après l'activité semble indiquer que certains de ces objectifs ont été atteints. Par exemple l'idée d'un construction collaborative par itération successive et l'acquisition de grands nombres d'expérimentation et de réplica semble avoir été comprise par les élèves: "C'est intéressant quand on voit les résultats de tout le monde" (C.F. 6.8). D'autant plus que le travail de compilation des données de toute la classe pour répondre à la question de recherche a été effectué avec brio par les différents groupes dans le rapport Draw.
6.4 Traces photos : PO
Les élèves, au fur et à mesure de l’expérimentation, ont ajouté les photos de leur résultats sur l'espace partagé de la classe de la plateforme beekee. Chaque élève avait 2 aliments à tester. Le design expérimental est le suivant: l'aliment est séparé en deux et déposé sur un verre de montre: à gauche le contrôle non traité, à droite le test avec le réactif Lugol. Sur la figure 3, ci dessous, le rendu de l'interface de l'espace collaboratif ainsi que quelques photos des élèves ou l'aliment est noté en commentaire au dessus de la photo, sont représentés.
Figure 3: Captures d'écran illustrant le rendu de la plateforme beekee et de la base de données crée collectivement par les élèves. Chaque élève est identifié par son nom et la photo est publiée sous son nom avec le nom de l'aliment ajouté en commentaires au dessus de la photo.
6.5 Production Draw : PO
En devoir et par groupe de deux, les élèves ont complété un fichier google Draw, pré-formaté, avec les zones d'écritures identifiées avec un titre et un code couleur (Figure 4). La consigne donnée était de produire un rapport d'expérience à travers ce document draw avec comme finalité de répondre au questionnement initial à travers une argumentation qui repose sur les informations de la base de données de photos avec l'utilisation de quelques photos pertinentes pour illustrer le propos. L'évaluation de ce travail est basée sur une grille dont la moitié des points concernait l'argumentation avec la base de données, et l’explication logique qui les à mener à leur hypothèse quand à la molécule mise en avant par le réactif testé.
Figure 4: Rapport d'élèves représentatif incluant: un tableau récapitulatif construit à partir de la base de données, une sélection de photos illustratives issues de la base de données, une réponse à la question initiale. Cette partie du rapport final est corrigée et annotée par l'enseignant.
6.6 Observations de l’enseignant et de l'observatrice externe : PO
L'enseignant et l'observatrice s'accordent pour dire que les élèves ont pu, avec des instructions initiales claires, réaliser l’ensemble des étapes sans guidage supplémentaire. L'utilisation de l’artefact est intuitif et simple, ainsi que l'utilisation du format draw pour le rapport. Tous les élèves ont travaillé de manière autonome à une exception près. Un groupe d'élèves avait apporté un oeuf ce qui a nécessité l'intervention de l'observatrice afin de trouver les outils nécessaires pour séparer le blanc du jaune. Généralement, les élèves semblent apprécier l’activité, ils s'impliquent dans l'exécution de la tâche avec sérieux et sont fier de partager leurs résultats en direct avec leur camarades.
La motivation, mesurée de façon subjective à travers l'implication durant la partie pratique ainsi que dans la réalisation des productions, a été très bonne. A titre d'exemple, plusieurs élèves ont interpellé l'enseignant dans les couloirs les jours suivants pour partager avec lui leurs hypothèses sur la réponse au questionnement initial.
Au niveau de la réponse à la problématique initiale, on peut affirmer que les élèves (14) ont tous réussi à répondre en utilisant le produit du travail collectif; la base de données de photos. Il est important de soulever que seul l’utilisation de la base de données permettaient aux élèves de répondre à cette problématique. La seule réponse à la question initiale ne suffit pas à attester de l'atteinte des objectifs d'apprentissages qui comportaient aussi les savoir-faire d'analyse et de compréhension des résultats avec une argumentation logique. Cette dernière a aussi été analysée de manière qualitative dans les productions d'élèves. Sur les 7 groupes de la classe testés, quatre d'entre eux ont produit une argumentation complète, logique qui montrent l'utilisation exhaustive de la base de données (Figure 4, par exemple) . Pour les 3 autres, l 'argumentation était partielle ou confuse ce qui pouvait relever de difficultés d’expression écrite ou d'un manque de sérieux avec un éventuel échange de réponse intergroupe .
Il est intéressant de relever aussi, que cette classe, qui a été soumise à ce travail collectif pratique initial, a eu plus de facilité à transposer l’utilisation de ce réactif dans des contextes expérimentaux différents au cours d'une évaluation, en comparaison avec une autre classe qui ne l'avait pas eu. Ce qui pourrait suggérer aussi une meilleure acquisition des notions grâce à cette activité.
6.7 Compte rendu de discussion avec les élèves :CO et PO
Ci dessous un liste de citation d'élèves, lors d'une discussion ouverte et non guidée, une semaine après la passation de l'activité. Les questions posées était simplement:
Qu'avez vous pensé de l'utilisation des téléphone portables, du dépôt des photos sur le beekee et de la création du rapport en salle informatique?
Faudrait il travailler plus souvent comme ça ou pas?
Y avait il des inconvénients ou des avantage à travailler de cette manière?
Plutôt positif:
“C'est passé vite" (en parlant du cours)
"C'est nouveau d’utiliser le portable” (avec le sourire)
“On doit pas faire de découpage et de collage des photos c'est plus rapide”
“On fait comme dans notre vrai travail plus tard ” (en parlant de la technologie)
“C’était amusant, je n’ai pas stressé durant l’activité alors que c'était noté. Je faisais mon travail et ma partie tranquille” (de la part d'un élève qui a des angoisses lors d'évaluation)
“la présentation est meilleure, le rapport est joli à la fin, c’est satisfaisant”
"C'est intéressant quand on voit les résultats de tout le monde"
“On n’a pas peur de perdre le document ou qu’il s'abîme ” (en parlant du rapport Draw)
"On voudrait bien faire ça plus souvent"
Plutôt négatif:
“il y a déjà assez d’écrans à la maison, on va passer notre vie sur les écrans si ça continue”
7. Retour sur les conjectures
Cj1: Le partage de photos valorise le travail et responsabilise l’élève dans sa tâche. L’artefact induit également la curiosité et alimente la motivation de l'apprenant.e ce qui l'immerge plus facilement dans une phase d'apprentissage active.
Nous n’avons pas de donnés quantitatives nous permettant de confirmer cette première conjecture. Néanmoins, les « impressions » des élèves recueillies de façon qualitative ainsi que le ressenti des enseignant.e.s, semblent donner du crédit à notre conjecture. En effet, globalement, l’artefact semble avoir alimenté la curiosité et la motivation des élèves tout au long de la tâche travaillé (récolte et travail en groupe). Ces observations viennent corroborer la relation intime existante entre l’efficacité personnelle et l’engagement dans une tâche spécifique. Pour réussir, l'élève doit ressentir qu'il est efficace d’un point de vue personnel, dans ce cas, il est le seul responsable du résultat et de son partage. L'artefact vient alimenter le sens d'efficacité et donc motivation et engagement seront plus importants (Bouffard-Bouchard & Pinard 1988).
Cj 2: Le travail sur une base de données permet à l’élève de comprendre la nature collaborative des sciences et d’en finir avec l’image du génie isolé. La base de données fait comprendre l’importance de répéter plusieurs fois une expérience dans des conditions indépendantes pour donner du poids au résultat.
En amont, un cours dialogué avec le groupe classe, permet à l’enseignant.e de contextualiser la séquence en axant sur la nature collaborative des sciences. Pendant l’activité d'analyse des photos, les élèves ont pu constater des réplica expérimentaux parmi la collection de données. Par la suite, ils ont pu choisir quelques photos représentative parmi la collection proposée. En aval, l’enseignant.e, évoque les notions et démarches travaillées en demandant aux élèves de justifier les choix effectués. Ce cheminement permet à l’enseignant.e de rappeler l’importance d’avoir des conditions indépendantes ainsi qu’une base de donnés collective afin d’aboutir à une conclusion commune. Après réflexion, nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas confirmer cette conjecture. Elle reste en effet implicite et n'a pas été institutionnalisée avec le groupe classe.
Cj 3 : La production collaborative en binôme d'un rapport des résultats augmente la possibilité de collaboration.
Les écrits en science peuvent se faire sous diverses formes, ici nous avons choisit le poster sur DRAW. Notre choix semble pertinent car cette forme de rendu semble la plus adaptée à l'objectif visé (rapport scientifique). Un Draw a été pré-formaté avec des zones d'écritures identifiées pour le CO et pour le PO (à différents degrés) afin de respecter les objectifs et la zone proximale d’apprentissage. Les observables corroborent notre conjecture car la majorité des rendus respectent les consignes et les attentes de l’enseignant.e. Finalement, nous pouvons affirmer que notre séquence permet de développer des apprentissages transversaux tels que le travail collaboratif (Buchs, 2011). De plus, la mise en commun des réponses par binôme lors du travail sur le draw peut être considéré comme une forme de différenciation pédagogique (tutorat entre élèves) (Forget, 2008).
Cj 4 :
La mise en commun des résultats expérimentaux individuels permettra aux élèves d’accéder à la compréhension du phénomène général et leur permettra de construire une argumentation qui soutient leur réponse au questionnement initial.
Nous avons relevé que beaucoup de photos ont été classées dans la bonne catégorie d'aliments (CO), et que le rôle du colorant a été identifié (PO). Cela nous permet de conclure que les élèves ont pu utiliser la banque de données sur Beeke afin d'atteindre le(s) objectif(s) visé(s).
8. Réponse à la question de recherche (problématique)
Nous tenterons de répondre aux deux dimensions de la problématique qui introduit ce travail (C.F. 1.1). Les élément de réponse sont issus des rapports draw, des observations faites en classe et de l'analyse des éléments émergents des discussions avec élèves 1 semaine après la passation de l'activité.
8.1 Réponse collective à une question de recherche grâce aux MITIC
Comme développé dans les deux paragraphes d'observation C.O et P.O. (C.F. 6.3 et 6.6), l'utilisation des outils MITIC a effectivement permis de constituer une base de données commune au groupe classe beaucoup plus exhaustive que celle qui aurait pu être produite par des binômes seuls. Grâce à cette large base de données, les élèves du P.O. ont pu répondre à une question de recherche complexe. Au C.O. l'exploitation de cette base de donnée a permis aux élèves de découvrir dans quel groupe d'aliments se trouve les sucres lents et d'en observer de nombreux exemples. L'utilisation du partage de photo par beekee a été très efficace pour atteindre cet objectif de partage en permettant de sauvegarder des données expérimentales d'une semaine à l'autre et de les exploiter ultérieurement. Le Draw en co-écriture a permis aux élèves de diviser efficacement les tâches afin de constituer l'analyse de l'expérience et de répondre finalement à la question. Il serait impossible d'imaginer sans les MITIC de mettre en place une telle activité dans laquelle les élève puissent être aussi autonomes au niveau des apprentissages. Sans artefact, l'enseignant.e aurait dû imprimer toutes les photos, en couleurs, et prévoir du matériel de découpage-collage etc... Une modalité que les élèves semblent eux-même qualifier de désuète: “On doit pas faire de découpage et de collage des photos c'est plus rapide”, “la présentation est meilleure, le rapport est joli à la fin, c’est satisfaisant", “On n’a pas peur de perdre le document ou qu’il s'abîme ”, "On voudrait bien faire ça plus souvent" (C.F.6.7).
8.2 Travailler par l'expérimentation et les MITIC des éléments de NDS
Trois aspects de la NDS sont travaillés dans chacune de ces deux séquences (C.F. 1, Introduction).
La science est sociale:
Les élèves font souvent face au stéréotype du chercheur isolé mais génial, voir fou. Cette préconception sociétale est à déconstruire pour offrir une vision plus réaliste de de la science en tant que métier et méthode de création du savoir. Au contraire, la science est sociale. Les chercheurs sont intégrés au sein de groupes de recherche, d'instituts, d'entreprises, etc. De manière plus étendue, une communauté scientifique s'articule autour de l'actualité scientifique relayée sous forme de publications par des journaux scientifiques. Le fondement même de cette communauté est basée sur le principe du "peer review". La construction du savoir est bien collaborative et débute par le partage de données expérimentales. La séquence développée a permis aux élèves d'avoir un aperçu de cette collaboration scientifique par l'échange de leurs données pour répondre à une question scientifique.
La science est numérisée:
"Traditionnellement", les élèves prennent très peu de traces sous forme de photographies ou vidéos durant les TPs au secondaire I et II. Cependant, la recherche moderne utilise exclusivement de données sous forme numériques dont des photos et vidéos. Le format numérique permet la collecte d'un grand nombre de données pour répondre avec une meilleure certitude à une question. Ce format permet également de conserver les données afin de les analyser plusieurs fois et de plusieurs manières. Ces analyses sont représentées sous forme de graphique, tableau, statistique,... également sous forme numérique. Les séquences proposées ont permis aux élèves de s'approcher de cette manière actuelle de faire de la science et les élèves semblent en avoir très bien compris l'intérêt. Ils avaient l'impression de faire "comme dans [un] vrai travail plus tard". Ce qui reflète qu'ils sont peut être même déjà conscients avec leurs préconceptions que c'est ainsi que la science est faite. Pour eux c'était "intéressant [de voir] les résultats de tout le monde" et grâce au format numérique, ils n'avaient "pas peur de perdre le document ou qu’il s'abîme ”. (C.F. 6.8)
La science doit être vérifiable et reproductible:
La reproductibilité expérimentale est un prérequis essentiel pour valider toute connaissance scientifique expérimentale. Plusieurs expérimentateurs doivent pouvoir effecteur indépendamment les mêmes expériences et arriver aux même observations. Dans les séquences proposées, les élèves ont du observer et analyser des réplicas de la même expérience faits par de nombreux groupes. Au CO, dans leur tableau de résultats, il leur a été demandé d'indiquer combien de réplicas il y avait pour chaque aliment testé. Ainsi, nous espérons avoir travaille avec les élèves sur cet aspect des la NDS. Toutefois, n'ayant pas institutionnalisé ni posé de questions à ce sujet, nous ne pouvons pas être certains que les élèves y ont été sensibilisés. D'autant plus que la notion de reproductibilité n'a pas émergée de manière explicite durant la discussion avec les élèves.
8.3 Perspectives et améliorations
Le travail sur les trois aspects de le NDS présentés plus haut n'a pas fait l'objet d'objectifs d'apprentissages explicites ni d'institutionnalisation. Certains aspects ont pu être "évalué qualitativement" par l'émergence allant dans leur sens durant la discussion avec les élèves une semaine après la passation. Une amélioration primordiale de ces séquence serait d'évaluer quantitativement ces objectifs et de les expliciter. Une institutionnalisation devrait être faite et un questionnaire autour de la nature collaborative des sciences avec des questions plus fermées et spécifiques pourrait être passé avant et après la séquence. Le recueil de ces données (traces écrites) aurait pu nous aider à déterminer si les opinions des élèves ont évolué avec l’activité. Finalement, afin de quantifier l'apport de l'artefact dans la progression des apprentissages, il aurait été intéressant d'avoir une classe test "privée" de l'utilisation de l'artefact mais évaluée de la même manière.
Le modèle au sens large des séquences développées repose sur le partage de photos avec beekee et l'écriture d'un rapport sur Draw en exploitant la base de données d'image. Ce modèle nous semble fonctionner très bien avec des élèves aussi bien au secondaire 1 que 2. Il nous semble que cette approche pourrait être étendue à d'autres chapitres du programme qui s'y prêtent particulièrement tels que:
La dissection de la pelote rejet. Ce travail pratique serait l'occasion de recueillir un banque de donnée collaborative d'ossements pour avoir une vision plus réaliste du régime alimentaire des rapaces.
L'observation des cellules au microscope. Cela permettrait de constituer un banque de donnée collaborative pour institutionnaliser un modèle de cellule au delà de la variabilité individuelle. Cette séquence aurait également l'intérêt de permettre aux élèves de pouvoir voir et revoir une plus grande diversité de cellules et donc de se familiariser avec leur identification (particulièrement utile en histologie).
L'étude de terrain en écologie pour concevoir une banque de donnée d'espèces. Ces dernières pourraient être identifiées sur une zone délimitée par des clés de détermination par différents groupes d'élèves accompagné de photos. Cette approche offrirait un aperçu plus complet de la biodiversité de la zone et permettrai de refaire des observations dans le temps par exemple à différentes saisons.
8.4 Limites du dispositif
De manière générale, les avantages didactiques des MITICS sont évidents et la motivation des enseignant.e.s pour leur intégration en classe semble actée.
La gestion en classe du téléphone en tant qu'outil de travail est cependant compliquée. Nous avons observé que son utilisation peut déconcentrer les élèves de l'objectif didactique. Le téléphone peut être détourné à des fins non pédagogiques ou avoir un simple effet déconcentration par l'écran (Giroux, 2013).
l'accès au matériel à été une problématique rencontrée principalement au secondaire I. En effet, certains élèves ne possèdaient pas de téléphone portable. Les binômes d'élèves ont du être constitués par l'enseignant.e selon cet impératif. Téléphone ne signifie pas forcément un accès à internet, certains élèves n'avaient pas d'abonnements de données. Cette limite pourrait être surmontée par l'utilisation d'une box wifi local (Sembox ou Beekee Box). Le Sembox est mis à disposition par le DIP et peut être réservé à des fins pédagogiques.
Une dernière limite observée au secondaire I concerne les règles d'établissement quant à l'utilisation des téléphones portables personnels en classe. En effet, une enseignante du groupe n'a pas pu passer la séquence car la direction n'a pas donné son aval. Cette limite met en exergue le manque de clarté des dispositions cantonales. Une transition institutionnelle semble nécessaire. Cet effort passerait par une reformulation du règlement concernant les téléphones portables et leur utilisation à des fins pédagogiques. Actuellement, certains établissement font des exceptions, d'autres pas. Cela remet en question le principe d'égalité entre les élèves du canton. D'autant plus que les établissements ayant tendance à refuser l'utilisation des téléphone sont ceux qui accueillent les élèves des quartiers les plus défavorisés. Il est à craindre qu'en absence d'actions cantonales, les artefacts MITIC soient des vecteurs d'inégalité. A Genève, une telle inégalité est déjà à l’œuvre entre le secondaire privé et publique. En effet, les école privées investissent beaucoup de moyens dans l'outillage informatique ce qui permet d'intégrer les artefacts MITIC dés le début du secondaire et de façon régulière pour soutenir l'acte pédagogique.
9. Conclusion
Nous pouvons affirmer que l'artefact Beekee a rempli son rôle. En effet, l'utilisation de cet artefact a permis aux élèves de constituer une banque de données commune partagée. Néanmoins, nous estimons que l'utilisation de cet artefact (et d'autres) devrait être régularisée. En effet, cela permettrait de réduire le temps de préparation, la présentation des outillages et pourrait alimenter davantage les effets de l'artefact. Nous relevons que les élèves du CO sont preneurs, mais le cadre doit être bien défini afin d'éviter les débordements et d'atteindre les objectifs visés.
Les quatre conjectures développées ont permis de travailler l'autonomisation des élèves tout en respectant leur rythmes d'apprentissage (Forget, 2008). Pour cela, nous, enseignants et observatrice, sommes devenus des "morts efficaces". Nous étions "présent sans l'être" afin d’accompagner chaque élève dans sa progression sans intervenir dans sa quête du savoir (Houssaye, 1993). Outre l'autonomisation des élèves, la compétence transversale "collaboration" a été travaillée.
Il est aussi apparu, a posteriori, que cette activité avait été perçue comme mémorable par les élèves. En effet, des semaines plus tard, son évocation est revenue spontanément à plusieurs reprises au sein des classes. Comme vu lors du cours en didactique des sciences (cf. cours Müller, Motivation, ATELIER Didactique, IUFE), les faits marquants autour d’une activité d’apprentissage permettre un ancrage fort des notions avec une meilleure mémorisation.
Pour conclure, il est évident que nous vivons une époque de changements ou la fonction de transmission des savoirs évolue vers une «centration» sur les élèves (Périer, 2019). Avec l’émergence grandissante de classes hétérogènes, on pense que l'utilisation des artefacts MITIC, si bien organisée, sera un outil très puissant. Convenablement appliqué, ces outils permettront de travailler avec des classes hétérogènes sans pour autant adapter les objectifs pédagogiques.
10. Apports du colloque
Afin d'étudier l'impact les artefacts MITIC dans notre pratique enseignante on peut se situer par rapport au modèle SAMR (Substitution, Augmentation, Modification et Redéfinition). Comme spécifié par ce modèle (SAMR), la technologie sur laquelle on s'appuie dans nos séquences doit permettre de centrer l’enseignement sur l’élève et mettre ainsi le cyberprof et l’enseignant.e tous deux dans une position de mort efficace. Pour notre séquence nous pensons avoir utilisé l'artefact principal (beekee) en tant qu'artefact de Modification. En effet, beekee a permis aux élèves de collaborer à l'échelle de toute la classe pour résoudre une problématique commune. L'artefact leur a permis de partager leurs résultats afin de constituer une base de donnée très diversifiée. Cette base de données était suffisamment diversifiée pour que leur analyse permettait de répondre à la problématique et d'être sensibilise à la nature collaborative, numérique et reproductible de la science (DNS). Il s'agit bien de Modification car un travail à cette échelle n'aurait pas été possible sans l’artefact. Ainsi, les élèves ont été responsabilisés et ont fourni un travail de qualité. Outre beekee, nous avons utilisé google draw tel qu'un artefact d'Augmentation au CO. En effet, l'enseignant.e était présent lors de la rédaction de rapport et pouvait intervenir si besoin. En revanche, google draw a pris une forme de substitution pour le PO car les élèves l'ont utilisé en dehors du cadre scolaire, sans que l'enseignant.e soit présent (rapport en devoir).
Il y a toujours eu un différence entre Science et travaux pratiques effectuées en classe (deux première colonnes du tableau, figure 5). Cette asymétrie laissait la place à une conception erronée de la nature des sciences en terme d'activité professionnelle permettant de développer le savoir. Ainsi, pour y remédier, le PER fixe comme objectifs d'apprentissage le développement chez les élèves de la posture scientifique leur permettant de "de réaliser la manière dont les savoirs scientifiques se sont construits " (PER, site internet, 2022). Ces objectifs sont communs et transversaux aux différentes disciplines scientifiques. Notre travail s'inscrit dans ce contexte et avait, entre autres, pour objectif de travailler la NDS. C'est à dire de réduire l'écart existant entre Science et travaux pratiques pour donner une meilleur vision de la science eaux élèves. Nous n'avons malheureusement pas mis en place un moyen pour évaluer les acquisitions suite a cette sensibilisation à la NDS. Par exemple nous aurions pu tester la sensibilisation au caractère reproductible des sciences avec une question telle que: "Dans quel résultat avez vous le plus confiance entre l'aliment A et B?" avec un aliment "A" qui aurait été testé une seule fois (une seule photo dans la base de données) et l'aliment "B" 3 fois (trois photos indépendantes dans la base de données). Cependant, plus que d'évaluer, il est surtout important que les élèves vivent ces aspects transversaux en classe. Or, les éléments MITIC ont bel et bien permis de faire vivre une expérience de "science en classe" comme détaillé dans la 3ème colonne du tableau (figure 5).
Figure 5: Tableau de comparaison entre la science (colonne 1), l'expérimentation pratique de la science au secondaire sous forme de travaux pratiques traditionnels (colonne 2) et tel que proposé dans ce travail (colonne 3).
11. Bibliographie
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