Contexte

Le dispositif a été expérimenté dans plusieurs niveaux de physique :

- CO 11ème LS et LC (Siham)


- Collège 2ème (Thomas, Collège Emilie Gourd)



Objectifs

Mettre à profit les outils numériques pour tirer le meilleur bénéfice d’un travail coopératif. Mettre en place une procédure pour constituer des groupes de travail exploitant la diversité des connaissances initiales des élèves sur le sujet à étudier.

Problématique

La composition des groupes de travail est souvent basée sur des critères arbitraires, de commodité, ou sur les affinités particulières entre certains élèves. Les nombreuses études sur le sujet fournissent des résultats souvent contradictoires sur le bénéfice de recourir à tel ou tel critère (niveau scolaire, catégorie sociale, genre, affinité…). Les experts arrivent en général à la conclusion que le moindre biais est obtenu par une composition aléatoire des groupes. Tous s’accordent en revanche sur l’intérêt pédagogique d’un débat entre pairs.

Céline Buchs et Fabrizio Butera [1] , experts du travail coopératif en milieu scolaire s'appuient sur les travaux de Piaget (1928) qui voit dans la confrontation un facteur de développement de la pensée autonome, et sur ceux plus récents de Doise & Mugny [2] qui mettent en évidence que les conflits socio-cognitifs et la divergence des réponses dans un groupe peuvent être un outil pédagogique bénéfique à la coopération.

Pour qu’il y ait débat et riche argumentation, il faut qu’il y ait diversité de points de vue, voire divergence. Un outil de sondage peut être une façon de repérer ces opinions initiales, et de les exploiter pour faire émerger les plus riches controverses sur un sujet particulier. Par ailleurs, les données initiales de sondage collectées pour chaque élève peuvent servir de référence pour comparer à un sondage similaire effectué à la fin du travail. La progression de chaque élève peut ainsi être évaluée, de même que le bénéfice tiré du travail coopératif dans cette configuration.


QUESTION DE RECHERCHE (QdR):

Quel est l'impact d'un travail coopératif avec des groupes hétérogènes formés à l'aide de Plickers sur l'évolution des conceptions intuitives?

Conjectures

  1. Corriger des conceptions intuitives erronées sans mettre l'élève dans le centre de cette remédiation et encourager les élèves, par conséquent, à jouer au mieux le jeu du questionnement.

  2. Favoriser le travail sur l'erreur entre pairs et le travail en groupe par la même occasion.

  3. Faire de l'évaluation formative une composante clé de l'apprentissage.

Éléments de design (implémentation pédagogique)

Avant l’introduction d’un nouveau concept, un sondage initial est effectué pour identifier les notions préalables correctes ou erronées, et leur répartition parmi les élèves. Quatre ou cinq questions ne demandant pas (ou très peu) de calculs, et à traiter en quelques secondes. Le but est d’identifier la répartition des principales conceptions erronées entre les élèves. L’information issue de ce sondage est utilisée pour constituer des groupes de travail hétérogènes (i.e. de niveaux de connaissance et de points de vue différents sur le sujet traité) dans lesquels un débat collaboratif sera organisé. Ce débat pourra être par exemple associé à la résolution par le groupe d’un problème faisant intervenir le nouveau concept. À l’issue de ce travail, les groupes sont dissous, chacun garde une trace du travail effectué avec le groupe, et un nouveau sondage est organisé (réponses individuelles), pour observer comment les conceptions initiales ont évolué sur le sujet. Le sondage pré-test n’a pas de statut sommatif, le post-test peut par contre en avoir un. Le travail du groupe peut aussi faire partie de l’évaluation sommative, avec un coefficient faible (15% p.ex.) par rapport au post-test individuel.

Le design du sondage initial est critique, puisqu’il doit permettre d’identifier les diverses conceptions présentes dans une classe particulière, sur un sujet donné. Les artefacts numériques utilisés peuvent être :

- Mentimeter:

Avantages = réponses ouvertes -> spontanéité et diversité des réponses des élèves. Ceci peut devenir un inconvénient s’il s’agit d’en effectuer un traitement automatisé. Le regroupement des réponses en catégories doit dans ce cas être fait par l’enseignant.

Inconvénients = si affichées en live, les réponses des uns peuvent influencer celles des autres et éteindre les débats avant qu’ils n’aient eu lieu. De plus, l'usage de Mentimeter demande celui d’un appareil individuel connecté (téléphone, ordinateur…).



- Plickers:

Avantages = ne nécessite pas d’appareil connecté pour chaque élève. Discrétion : chaque élève ignore les réponses données par les autres. Saisie rapide de toutes les réponses, trace électronique associée à chaque élève, à chaque question, pour une comparaison entre le pré-test et le post-test.

Inconvénients = les élèves n’apportent pas la diversité de leurs idées, ils choisissent parmi des réponses préparées. Les conceptions erronées doivent avoir été identifiées par l’enseignant à la conception du questionnaire, et présentées sous forme de réponses possibles pour les élèves. Ce dispositif ne permet alors de détecter que les conceptions erronées que l’enseignant aura anticipées.





Effets attendus

L’outil numérique doit permettre une collecte fine, rapide et neutre des données individuelles. Un algorithme simple peut mettre ces données à profit pour former les groupes de travail les plus à même de débattre sur un sujet particulier. L’enjeu est pédagogique mais aussi social, puisque cette composition des groupes est déterminée en vue de promouvoir la discussion à l’intérieur des groupes. Chacun(e) est conduit à collaborer avec d’autres élèves qui n’ont pas le même point de vue que lui(elle) sur la question à traiter. Une argumentation va être nécessaire pour défendre son point de vue, et pour en convaincre le groupe. L’appropriation de l’outil par les élèves repose sur leur autonomisation (ce n’est plus l’enseignant qui désigne les groupes, ni les pairs qui choisissent). Le sondage initial n’est pas stigmatisant puisque les réponses ne sont pas affichées ; il est un outil neutre permettant de déterminer avec qui chacun va travailler pendant une session particulière.

Taxonomie SAMR: l’outil Plickers dans cet usage augmente la capacité de collecte des données en épargnant un dépouillement chronophage qui interrompt la séance. S’il peut être associé à un simple algorithme d’analyse des réponses, la composition des groupes peut être rapidement communiquée aux élèves pour qu’ils se mettent directement au travail. Avec cette association Plickers+algorithme, il y a modification du déroulement de la séance, et réarrangement de la classe (recomposition des groupes de travail). On peut imaginer plusieurs itérations du processus sur une seule séance de travail, avec gradation de la difficulté selon la progression et le taux de réussite atteint au post-test. Voir par exemple les travaux de GOK[3] et de Harlow[4] .


Observables

- Pour orienter l’évaluation formative :

Les questions du deuxième sondage doivent être semblables mais non identiques à celle du premier. La comparaison des deux sondages (initial et final) doit permettre de décider si une nouvelle session d’activité sur le même sujet est nécessaire, si des préconceptions persistent et demandent davantage de travail ciblé, ou si la classe peut passer à une autre phase du travail (mise en commun entre les groupes, ou institutionnalisation).


- Pour observer le déroulement du travail du groupe :

Une trace peut être gardée sur des fiches individuelles permettant de recueillir les propositions de chaque membre du groupe, et la résolution commune construite par le groupe. À la fin du travail du groupe, chaque élève conserve sa fiche. L’enseignant peut les scanner en fin de séance pour son analyse.


- Pour analyser les fruits du travail collaboratif:

Au-delà de la production du groupe en tant que telle, le bénéfice est à observer à travers la progression des performances individuelles entre le pré-test et le post-test. Cette progression peut être mise en corrélation avec la composition des groupes de travail .




[3] The impact of peer instruction (PI) on college students’beliefs about physics and conceptual understanding of electricity and magnetism

Author: Gok, Tolga (2011)
Ref: International Journal of Science and Mathematics

Education (2012) 10: 417-436 @National Science Council, Taiwan 2011

[4] Effective students teams for collaborative learning in an introductory university physics course
Authors: Harlow Jason J.B, Harison David M., Meyertholen Andrew (2016)
Ref: Physical review physics education

research 12, 010138 (2016) p1-11