Auteurs : Damien Peter et Davide Calzolari
Projet: Implémentation d'un laboratoire élève en utilisant une app type Phyphox ou FizziQ pour la prise et l'analyse des données.
L'expérience ciblée serait la chute d'un objet (programme de cinématique), filmée à l'aide d'un smartphone et de l'application FizziQ. On peut ensuite placer nos axes, une distance, et placer un point pour spécifier la position de l'objet pour chaque frame. L'application place ainsi tous les points dans un graph, montrant également la vitesse en fonction du temps, ce qui peut nous permettre de calculer l'accélération.
Les élèves pourront ensuite tester l'expérience à la maison en suivant la procédure testée en classe et en utilisant un objet de leur choix.
Il serait aussi envisageable d'utiliser des systèmes de partage comme Beekee pour partager plus facilement les résultats.
Conjectures:A notre avis, cette approche pourrait apporter plusieurs avantages:
1 - En comparaison à la construction classique d'un graphique sur papier millimétrée, l'application permettra de tracer de façon directe les graphiques en libérant l'élève de cette charge cognitive. La charge cognitive est ainsi déplacée sur la compréhension du phénomène plutôt que sur une tâche technique. De plus, l'élève pourra observer de façon très visuelle la trajectoire de l'objet en chute (au "ralenti") et on pense que cela les aidera à mieux comprendre l'évolution de la position d'un objet qui se déplace selon un MRUA.
2 - Cette approche permettra aux élèves d'expérimenter la physique avec des outils du quotidien, sans forcement devoir recourir à du matériel "complexe" présent uniquement dans le laboratoire de physique. L'idée est de sortir la Physique du laboratoire et donner un sens plus authentique à notre enseignement.
3 - Les élèves vont reproduire l'expérience chez eux en modifiant certains paramètres, comme la hauteur initiale, la forme, la masse et le matériau qui constitue l'objet. Le résultats pourront après être mis en commun pour généraliser la validité de l'accélération de gravité. Cela permet d'élargir le champ d'expérimentation et aussi de gagner du temps en classe au bénéfice de la discussion et du partage des résultats.
Détails :
3 groupes d'élèves, chaque groupe se voit assigner un type d'objet : sphéroïdal lourd, sphéroïdal léger, non sphéroïdal. L'idée est de suggérer aux élèves de trouver un objet de leur quotidien (notamment une balle, une bille, un coussin, une boite). On s'attend que, statistiquement, plusieurs matériaux, plusieurs hauteurs de chute et des masses différentes seront testés. On pourra ainsi multiplier les observations grâce à un partage d'expériences multiples.
Artefact FizziQ
Passation :
SCENARIO 1 (Davide) :
Cette progression didactique s'étale sur trois leçons (trois fois 2x45 min), dont une leçon est un labo classique qui précède la séquence MITIC.
Leçon 1- Laboratoire élève: chute d'une bille étudiée avec un apparat de mesure "standard" (chronomètre et photodétecteur)
Prérequis: Avoir déjà introduit et travaillé la représentation graphique et les équations horaires du MRUA.
OA1: Reconnaitre les paramètres d'intérêts pour l'étude cinématique d'un corps en chute libre
OA 2: Savoir extrapoler la valeur d'accélération à partir d'un graphique position vs. temps^2
OA 3: Associer à la chute d'une bille sphérique lourde une accélération de chute de g=9.8 m/s^2
Les élèves travaillent en petit groupes. Ils auront à disposition un dispositif qui permet de déclencher automatiquement la chute d'une bille métallique. Un autre dispositif permet de mesurer la durée de chute entre le relâchement de la bille et le passage à travers les bras d'un aimant à forme de U. Les élèves mesurent les durées associées à différents déplacements. Ils produisent ensuite:
un graphique position vs. temps
un graphique position vs. temps^2
Sur la base de leur connaissance de la loi horaire, on leur demandera d'extrapoler la valeur de l'accélération de chute de la bille. On institutionnalisera cette valeur en faisant une synthèse des valeurs trouvés par les groupes. Ceci devrait prendre 2 périodes complètes.
Devoir (pour le cours suivant) :
Apporter un smartphone. Si ce n'est pas possible, prévenir l'enseignant (qui formera les groupes de manière à ce qu'au moins un des élèves aient un smartphone, mais ça devrait être une occurrence très rare).
Leçon 2 - présentation de l'application FizziQ et premier test.
Prérequis: Avoir déjà introduit et travaillé la représentation graphique et les équations horaires du MRUA.
OA 1: Savoir utiliser le matériel mis à disposition pour effectuer une expérience (ici, application, objets pour la chute)
OA 2: Suivre des instructions pour effectuer une expérience.
Durant la période, nous présentons l'application FizziQ, en castant l'écran du téléphone de l'enseignant sur le rétroprojecteur. On montre que l'analyse de la chute peut être faite également en prenant une vidéo de la chute et en utilisant FizziQ pour l'analyse. On prendra soin de montrer une fois en détail les points "critiques", notamment la procédure de calibration de la distance et de repérage des points lors de la chute
Une fois les résultats obtenus, nous expliquons ce que les élèves vont devoir faire pour la semaine suivante (voir ci-après pour le détail).
Chaque élève va ensuite suivre les indications de l'enseignant pour installer, puis lancer le mode cinématique de l'application afin d'effectuer un test. L'enseignant et les élèves les plus aguerris se déplacent pour aider ceux qui ont plus de difficultés.
Devoir (pour la semaine suivante)
Les élèves vont devoir filmer en duo ou en solo la chute d'un objet de leur choix mais répondant à un critère assigné par l'enseignant:
sphéroïdal lourd
sphéroïdal léger
non sphéroïdal
Indépendamment de l'objet choisi, on demandera à l'élève de décrire l'objet, faire une hypothèse sur le matériau dont il est composé et d'en mesure la masse avec une balance ou une pèse-personne, si possible.
A partir de la vidéo réalisée, l'élève va devoir faire l'analyse, en suivant la procédure montrée en classe. On donnera aux élèves un document dans lequel ils pourront retrouver les phases de cette procédure. On laissera à l'élève la responsabilité de choisir quels paramètres il faut analyser afin de extrapoler la valeur de l'accélération de chute (le logiciel d'analyse permet très facilement de choisir entre une interpolation linéaire ou quadratique et donne tout de suite une "loi horaire").
On demande à l'élève de téléverser sa vidéo et l'analyse sur la page Beekee.
Leçon 3 - Mise en commun des résultats et institutionnalisation.
OA 1: reconnaitre dans des exemples pratique que la masse et la hauteur de départ n'impactent nullement l'accélération de chute d'un objet (= appliquer la loi horaire du MRUA à des situations réelles des chute libre).
OA 2: comprendre l'impact de la forme des objets et des frottements dans le phénomène de la chute libre.
Les élèves auront pris connaissance au préalable des expérience des autres duos. L'enseignant rappellera brièvement leurs expérience avec un schéma au tableau qui peut être préparé à l'avance: l'objet étudié, sa masse, sa forme, le matériel dont il est composé.
L'enseignant aura préparé aussi une synthèse des résultats des élèves. Il montre des comparaisons qui visent à prendre en compte le rôle de la masse des objets. Il demande aux élèves de réfléchir et de tirer des conclusions. On fera la même chose en considérant le rôle de la forme des objets.
On débattra les hypothèses en classe entière jusqu'à arriver à un point de questionnement (le rôle du frottements de l'air devrait ressortir du débat). Il faudrait pouvoir tester la chute des objets en absence d'air...par exemple sur la Lune!
On propose donc de voir avec les élèves la vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=MnfW17XeZ-k qui explique très bien le rôle de la masse et de la forme des objets lors d'une chute libre. On aura au préalable préparé des question et on prendra bien soin de faire des liens avec l'expérience que les élevés ont fait en labo et à la maison. On termine par une institutionnalisation.
Lors de la réalisation de cette séquence, il a fallu au finale rajouter une période supplémentaire:
Leçon 4 - Reprise des traces déposés par les élèves suite à la mise en commun faite en classe et la correction de certains erreurs. Bilan des concepts acquis.
SCENARIO 2 (Damien) :
Une version plus courte, ne nécessitant que 2 périodes de 45 minutes, avec une semaine d'intervalle, et utilisant de préférence Classroom plutôt que Beekee Live.
Contexte- Les élèves ont terminé le cours sur les MRUA et viennent de commencer la dynamique (vecteurs forces en particulier). Ils n’ont cependant pas encore vu ce qu’est une chute libre car ils ne savent pas définir le poids. La seule information supplémentaire qu’ils ont (à part leur intuition) est que la chute libre est un MRUA (nécessaire pour que les régressions linéaires et quadratiques de FizziQ aient un sens, ce qui est d’ailleurs confirmé par les données).
Leçon 1- Activité élève et guidée par l'enseignant :
L'enseignant a préparé un protocole (voir Protocole Fizziq.pdf), et il le suit en détaillant les étapes avec les élèves. Pour cela, il projette l'écran de son portable sur l'ordinateur qui le projette à son tour à l'aide du vidéoprojecteur (j'ai utilisé l'application Screen Stream Mirroring pour Android et un partage de connexion 4G pour mon ordinateur portable). De cette manière, les élèves sont en mesure de suivre étape par étape ce qu'il se passe sur l'application FizziQ de l'enseignant, et de faire la même chose en même temps. Le protocole écrit est là surtout pour noter le résultat final et pour qu'ils aient un guide au cas-où ils aient tout oublié pour l’activité hors classe.
Ainsi, au cours de cette séance, ils ont pu travailler sur la vidéo préenregistrée d’une chute libre et ainsi se familiariser avec l’application, et déjà réfléchir à un moyen d’obtenir l’accélération (il y en a plusieurs que nous listerons dans les traces élèves).
En fin d’heure, l’enseignant explique ce qui est attendu d’eux aux élèves :
- Filmer une chute libre,
- Analyser la vidéo à l’aide de FizziQ,
- Extraire les données intéressantes,
- Déposer sur la classroom une vidéo de max. 3 min où un élève du groupe montre les données obtenues et explique la méthode employée, et donne les informations utiles (noms des personnes dans le groupe, objet utilisé, etc.), ainsi qu’une capture d’écran des données obtenues (et utilisées).
Tout ceci est noté clairement sur la page 3 du document. Ils sont libres de choisir leur objet, j’ai juste manqué de temps (3 minutes) pour leur demander de préciser à l’avance quel type d’objet ils allaient utiliser). Maintenant que je sais à quoi m'attendre, je pourrais facilement rattraper ces 3 minutes, en demandant par exemple aux élèves de télécharger l'application en devoir lors de la dernière séance.
Leçon 2- Mise en commun :
L’enseignant a préparé une feuille récapitulative des données obtenues. Il voit qu’une majorité des élèves a obtenu une valeur entre 8,5 et 10 m/s2, mais certaines valeurs sont tout de même très éloignées. Il montre donc aux élèves certains graphes, corrects et erronés, et demande à tous les élèves de vérifier la cohérence (par exemple, si une valeur est plus grande que 100 m/s2, c’est incohérent), et de réfléchir à une source d'erreur possible. L'enseignant demande ensuite pourquoi certaines valeurs sont plus faibles que d’autres (un objet avec une forte force de frottement a une accélération pus faible). De même, il leur demande (si la question ne sort pas d'elle même) pourquoi les valeurs sont négatives, et comment y remédier.
Je demande enfin quelle est à leur avis la valeur de l’accélération moyenne pour un objet sphérique (et lourd), et ils devraient me dire une valeur entre 8,5 et 10 m/s2.
Il ne reste plus qu’à continuer en leur disant qu’il s’agit de la valeur de l’accélération gravitationnelle terrestre, et la leur faire calculer avec la formule : g = GMT/RT2. On tombe sur une valeur plus ou moins proche (g = 9,81 m/s2), on discute à nouveau de pourquoi la valeur est plus ou moins éloignée.
Analyse de l'expérience et conclusions
En générale, nous avons trouvé cette expérience très positive, pour les élèves comme pour les enseignants. Les élèves étaient satisfaits et motivés, ils posaient des questions pour en savoir davantage et pour se corriger. Les élèves se sont montrés très proactifs !
La conjecture 3 est validée puisque les différentes valeurs obtenues par les élèves permettent de renforcer leur point de vue sur le modèle, et de soulever des questions intéressantes (rôle de la masse, forme, frottement, etc.).
En revanche, nous avons remarqué que Beekee n’est probablement pas l'outil le plus adapté pour la mise en commun de notre expérience, puisque la mise en page est peu pratique pour l’enseignant, surtout pour l'organisation des retours élèves. De plus, on a eu l'impression que le fait que les élèves aient accès au travail des autres ne leur apporte pas grand-chose sans la médiation (interprétation) de l’enseignant. Une méthode de partage des résultats est sans doute souhaitable, mais nous réfléchissons encore à quelle serait la meilleure plateforme pour rendre cela possible.
La possibilité de voir le mouvement des objets au ralenti donne aux élèves un outil très puissant: ils peuvent facilement observer que l’écart Δy entre les positions augmente au cours du mouvement, preuve d’une accélération. L'étude du mouvement accéléré devient bien plus authentique, relié à une expérience proche du vécu de l'élève, surtout comparé à un simple graphe quadratique «parfait».
Pour terminer, cette expérience peut montrer parfaitement bien le lien entre modèle mathématique et expérience réelle, puisque (sauf en cas de mauvaise manipulation) notre modèle MRUA calque très précisément les données obtenues.
Remarques post-présentation
Cette expérience comme telle permet de vérifier facilement les difficultés et les préconceptions des élèves, et de les corriger lors de la mise en commun.
L'authenticité dont nous discutions dans notre conjecture numéro 2 est aussi améliorée par les limites dues au matériel (échelle peu précise avec la perspective, effet de flou à haute vitesse, etc.). Ceci permet à l'enseignant de rappeler qu'il s'agit d'un modèle, qui calque au mieux la réalité, et non la solution même aux lois de l'univers.
Une variante peut être mise en place au cours d'une nouvelle itérations de cette expérience : faire refaire l'expérience (analyser à nouveau les données afin d'extraire une valeur cohérente), et comparer à nouveau ensuite --> ceci améliore la multiplicité des résultats (conjecture 3).
Limite
Une limite de cette expérience est le temps consacré au traitement des données des élèves. Certes, faire l'expérience de la chute libre demande du matériel et du temps pour le mettre en place, mais ceci incombe principalement au préparateur, et non à l'enseignant. Cette expérience de Fizziq demande donc du temps, et ne peut pas non plus donner lieu à une note, contrairement à un travail pratique en classe. Il n'a qu'une dimension d'étayage du cours.
Positionnement modèle SAMR
Nous pensons de pouvoir distinguer deux aspects:
- notre expérience se situe dans le domaine de la redéfinition, puisque les élèves n’auraient pas pu effectuer la tâche à la maison, et nous n’aurions pas pu obtenir autant de résultats (conjectures 2 et 3).
- du point de vue de la conjecture 1, il s’agit d’une modification, puisque l’application FizziQ permet d’alléger grandement la charge cognitive de l’élève pour se focaliser sur la notion à apprendre (chute libre)
Traces élèves