Considérons pour commencer un petit problème mathématique :
7 × ( 7 – 7 ) × 1 =
Eh bien, il y a une méthode pour calculer cette expression sans avoir recours à des parenthèses et même au signe d’égalité :
7 7 7 – × 1 ×
Le résultat est chaque fois le même, mais la seconde méthode se passe de règles de priorité et n’a donc pas besoin de marques spéciales pour indiquer le début et la fin des opérations prioritaires. À chaque signe d’opération correspond plutôt un résultat intermédiaire bien défini :
7 7 7 – → 7 0 × → 0 1 × → 0
Si par hasard dans le premier calcul on « oubliait » les parenthèses, alors on aboutirait au résultat faux mentionné dans le sous-titre. Mais pour se gourer autant avec la seconde méthode, il faudrait vraiment modifier l’expression :
7 7 × 7 1 × –
La méthode sans parenthèses introduite plus haut est appelée notation polonaise inverse. Elle est sans équivoque et ne connaît pas de symboles superflus qui ne désignent aucune opération par eux-mêmes.
C’est une notation post-fixée de la sorte qu’on emploie en tant qu’utilisateur bien plus souvent qu’on ne le pense : une telle notation est par exemple à la base du langage de programmation PostScript qui est le fondement du Portable Document Format dont chacun devrait avoir déjà entendu parler dans la forme d’un « fichier PDF ».
On peut s’en douter déjà : à cause du principe d’agglutination et l’utilisation de postpositions à la place de prépositions, le hongrois est aussi une sorte de notation post-fixée*. Cela a pour conséquence que cette langue partage avec la notation polonaise inverse aussi bien l’avantage d’une description moins redondante que l’inconvénient d’une représentation inhabituelle difficile à appréhender.
Si le principe de construction des mots est l’agglomération de suffixes innombrables à leur bout, il faut bien se rendre compte que l’ordre des choses d’avant en arrière ou post-fixé est alors le plus naturel, bien qu’il renverse totalement la logique des prépositions.
Pour illustrer cette différence fondamentale, nous prenons un exemple extrait de l’ouvrage « KEMÉNY Ferenc et al. – Magyar Nyelvünk Tökélyéről » : a düledező viskó tetején ülő fekete gólya la cigogne noire assise sur le toit de la cabane caduque. Par convenance nous utiliserons les abréviations suivantes :
En comparant les tableaux, on peut faire les constatations suivantes :
Examinons maintenant dans la lumière de nos connaissances acquises jusqu’ici une phrase entière. L’exemple suivant provient de « Klára KOROMPAY – Les difficultés d’apprendre le hongrois du point de vue des étudiants dont la langue maternelle est française » (.pdf.hun) :
En raison de l’ordre de mots relativement flexible en français qui permet de suivre la plupart du temps celui du hongrois, l’inversion de la logique ne touche pas forcément à la totalité d’une proposition. Ainsi, dans le tableau nº III, seules les composantes 1–5 du syntagme nominal sont inversées. Du coup, on pourrait les incorporer dans un exemple plus optimiste :
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* Note :
La notation dont nous parlons ici n’est pas à confondre avec la notation hongroise qu’on utilise dans le numérique.
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