2. Musique, Amour, et Poésie

Les chants de la Leçon :

Le Garçon Jardinier

Les Troubadours

La courtoisie naît, au début du XIIe siècle, dans l'entourage des seigneurs du Midi. Elle s'est incarnée dans l'art raffiné des troubadours des cours méridionales où se mêlaient les influences de la poésie liturgique latine, des chants populaires, du lyrisme des poètes arabes d'Andalousie. Les Troubadours chantent en langue d'Oc.

On imagine généralement que les troubadours étaient ces chanteurs frêles et ennuyeux, qui allaient de château en château. C’est entièrement faux. Ils étaient en fait une multitude de créateurs de poésie à chanter, lettrés et passionnés. Pour eux les mots et la musique sont indissociables. Souvent le poète s'accompagne lui-même de la vielle.

Les troubadours ont développé l'art du chant courtois, entre 1000 et 1350, soit 8 à 10 générations.

Le Morceau écouté en classe :

A l'entrada del temps clar

Les troubadours venaient de milieux sociaux très différents : on compte parmi leurs rangs des rois, des comtes, des princes, des barons, des chevaliers, mais aussi des bourgeois et même des hommes de Dieu, des moines, des chanoines, des serviteurs ou des commerçants :

  • Gui Folqueis était troubadour avant de devenir le pape Clément VI.

  • Bernard de Ventadour, qui suivit Aliénor d'Aquitaine à la cour Angleterre, était le fils d'une servante du château de Ventadour.

  • Jaufré Rudel, vers 1125-1148, était prince de Blaye.

  • Folque de Marseille devint évêque de Toulouse.

Il faut savoir que les troubadours apparaissent juste après la fin des invasions barbares, au moment où la triste vie des châteaux forts demande à être améliorée par des distractions nouvelles. Les Troubadours vont donner le ton à la vie des cours du Moyen Age en créant le style de vie raffiné des cours seigneuriales. La fin amor (l’amour courtois) y joue un rôle prépondérant. Elle nous vient directement des cours arabes. Le principe est simple, puisque le troubadour se met au service de sa dame car il espère toujours la conquérir. C'est là une grande nouveauté car jusqu'alors, les femmes de l'aristocratie étaient cantonnées à un rôle de mère et d'épouse. Désormais, on chante la femme non plus en fonction de son rôle social mais en fonction de sa personnalité. L'amour courtois se développa jusqu’à répondre à des règles très précises, finalement codifiées par plusieurs arrêts pris à la cour par la reine Aliénor d’Aquitaine, petite-fille de Guillaume IX.

Le premier troubadour, est un grand seigneur débauché et désabusé, Guillaume IX, duc d'Aquitaine et comte de Poitiers (1086-1127). Très riche et rustre, il se vautre dans le stupre et les plaisirs à sa cour, s’empare des terres de son voisin parti en croisade ! En 1101 il se croise à son tour avec 30 000 hommes qui mourront tous. il rentre en 1102 et recommence sa vie de plaisirs. Sa femme Ermangarde d’Anjou, sans cesse trompée, divorce et Guillaume est excommunié. D’autres suivent, toutes les mal-aimées de Guillaume fuient à Fontevrault ! Guillaume s’en moque d’abord. Puis tout penaud, s’en chagrine. Miracle ! Guillaume le rustre aux écrits hardis devient Guillaume le délicat. Il se met à écrire des poèmes où la femme aimée devient l’inaccessible, n’acceptant que les purs hommages de son chevalier, de son amoureux qui peut soupirer sa vie entière sans récompense ! Les relations entre hommes et femmes sont totalement inversées !

Guillaume en fin de vie se consacre à la religion et meurt en février 1127.

Seulement onze pièces et des chansons nous sont parvenues.

En 1137, Aliénor hérite du duché d'Aquitaine et du comté de Poitiers, c'est-à-dire de tout le sud-ouest de la France actuelle. La même année, on la marie au Dauphin de France. Aliénor a 15 ans environ, et son époux n'en a que 16. Deux semaines plus tard, on apprend la mort de Louis VI, et l'époux d'Aliénor entame son règne sous le nom de Louis VII. À peine installée à la cour de France, Aliénor y impose les mœurs et coutumes de celle de Poitiers, qu'elle juge plus évoluées et moins moroses. Elle fait venir des troubadours, et introduit de nouvelles habitudes alimentaires et vestimentaires : les confitures les couleurs vives et les décolletés échancrés sont mis à l'honneur ; la jeune reine lance de nouveaux jeux de toutes sortes, transformant radicalement l'ambiance jusqu'alors un peu terne de l'entourage de Louis VII.

C'est en partie grâce à sa petite fille, Aliénor, que l'art des Troubadours s'est propagé.

Pendant la deuxième croisade (1147-1149), Aliénor, qui a parcouru l'Aquitaine pour convaincre ses vassaux de participer à l'expédition, accompagne son mari. Cette croisade sera un fiasco total, et au retour, les relations du couple royal ne sont plus au beau fixe. Malgré l'intervention du pape qui les accueille pour tenter de les réconcilier, les rapports ne cessent de se dégrader entre Aliénor et son époux. Un concile est réuni à Beaugency, près d'Orléans. Une assemblée de prélats complaisants y examine la situation du couple royal. Aliénor invoque le prétexte de la consanguinité pour obtenir le divorce. C'est la première fois qu'une reine demande elle-même – et obtient – l'annulation de son mariage.

En fait, Aliénor est déjà amoureuse d'Henri Plantagenêt, séduite par le mélange de culture et de force virile du futur roi d'Angleterre. Elle l'épouse en 1154. Le Plantagenêt se trouva alors à la tête d'un royaume qui comprenait, avec son domaine angevin, la Grande-Bretagne et la Normandie et, par Éléonore de Guyenne, l'Auvergne, l'Aquitaine. Avec ce mariage, la culture occitane se répand en Anjou, en Normandie et en Angleterre par l'entremise d'Aliénor. Elle qui n'avait donné que deux filles à Louis VII, donnera huit enfants (dont cinq fils) à Henri.

Pour une affaire de succession, elle se dresse contre son mari en soutenant ses fils, Henri et Richard, puis Jean. Alors que, vêtue en homme, elle tente de se réfugier auprès du roi de France, son ancien époux, Aliénor est capturée. Henri II la fait enfermer au château de Chinon en 1173. Elle reste prisonnière durant seize ans et ne sort de sa captivité que lorsque son fils Richard monte sur le trône à la mort d'Henri, en 1189.

C'est alors une femme âgée (elle a près de 70 ans), mais qui n'a rien perdu de son remarquable dynamisme, ni de l'intérêt qu'elle porte aux affaires politiques. Pendant la troisième croisade (1190), c'est elle qui régente le royaume. Elle travaille à affermir le pouvoir de Richard, contesté par son frère Jean sans Terre. Lorsque Richard est retenu prisonnier à Vienne, elle part elle-même chercher son fils avec une énorme rançon et organise le deuxième couronnement de Richard après leur retour triomphal en Angleterre. Elle se retire ensuite au monastère de Fontevrault, sans toutefois quitter des yeux les affaires politiques. En 1199, Richard Cœur de Lion est assassiné. L'avènement de Jean sans Terre ne va pas de soi, mais Aliénor jette toutes ses forces dans le combat pour la succession. Elle prend la direction des opérations, conduisant à coups de chevauchées la résistance contre les nobles frondeurs. Par ailleurs, après un voyage en Castille, elle marie sa petite-fille Blanche avec l'héritier du trône de France (le futur Louis VIII).

Aliénor meurt le 31 mars 1204 à Fontevrault. Quelques temps après, l'Aquitaine est intégrée au royaume de France par Philippe Auguste. Peu après sa mort, elle devient une source d'inspiration pour les conteurs, les ménestrels et les poètes.

Le Troubadour préféré d'Aliénor était Bernard de Ventadour :

Les Trouvères

Du XIIème à la fin du XIVème siècle, les Trouvères ont adapté en français l'art des troubadours. Un premier cercle de trouvères, qui se met à l'école de troubadours se crée autour de la cour de Marie de Champagne, fille d'Aliénor. La chanson d'amour est au centre de la création poétique de cette première génération, comme elle le restera, au XIIIe siècle, chez Thibaut de Champagne, arrière-petit-fils d'Aliénor d'Aquitaine.

Avec les trouvères, la poésie fleurit et se développe dans la Normandie, la Picardie, l'Artois, la Flandre, la Champagne et la cour Anglo-normande. Les Trouvères chantent en langue d'Oil.

Le plus célèbre Trouvère est Adam de la Halle :

Le Morceau écouté en classe :

Fi maris de vostre amour (A. de la Halle)

Intervention : le manuscrit de Chypre

Le jeudi 21 mars, nous aurons la chance d'accueillir Caroline Marçot, chanteuse et compositrice. Elle vient nous parler du manuscrit de Chypre.

Voici un morceau composé par Caroline Marçot

https://vimeo.com/125908008

Lors de la division de l'Empire romain, Chypre reste dans le giron de byzantin. En 688, les Arabes débarquent : l'empereur Justinien II et le calife Abd al-Malik signent un accord sans précédent : pendant les 300 années suivantes, Chypre fut dirigée conjointement par les Arabes (sur le plan politique, fiscal et militaire) et par les Byzantins (sur les plans religieux et administratif), malgré les luttes constantes entre les deux parties sur le continent. La période de co-dominion dura jusqu'en 965, quand l'empereur byzantin Nicéphore Phocas reconquit l'île.

En 1191, l’île accueillit mal le roi Richard d’Angleterre, qui se rendait alors en Terre Sainte, dans le cadre de la III° croisade. Ce dernier décida alors de conquérir l’île, qu’il céda aux templiers.

Mais les Grecs se soulevèrent, et Richard Cœur de Lion confia l’île à Gui de Lusignan, l’ancien roi de Jérusalem originaire du Poitou. A sa suite débarquèrent en Chypre quelques centaines de familles françaises ou « latines » issues de France ou du royaume Latin de Jérusalem. A ces résidents permanents venaient s’ajouter toute une suite de marchands, de pèlerins en transit vers la Terre Sainte, d’équipages de navires français, génois ou vénitiens qui faisaient escale. L’on entrevoit déjà combien Chypre dut être cosmopolite au Moyen Age.

Chypre figurait parmi les étapes et les bases utilisables par les croisés. La position géographique de l’île paraissait la désigner tout naturellement pour ce rôle du fait de sa proximité avec Jérusalem. Elle était également proche de la Syrie ainsi de la côte égyptienne. L’île permettrait à l’armée de se refaire après les épreuves de la traversée ; elle fournissait le ravitaillement nécessaire ; ce séjour avait l’avantage de laisser le sultan dans l’incertitude quant au point où il lui conviendrait de masser son armée pour s’opposer au débarquement.

Chypre a vu au XIIe siècle la rencontre des civilisations latine et grecque, et arabe. La langue française, émanation du pouvoir politique, s’est imposée immédiatement comme langue de l’administration et de la culture laïque alors que la langue grecque est restée parlée par la majeure partie des habitants de l’île. A côté des Grecs et des Francs, les « Syriens » vivaient en Chypre et parlaient l’arabe. Souvent, ces Syriens étaient des sujets protégés de Venise ou de Gênes. Aux trois premières langues, ils ajoutaient l’italien.

A Chypre, se développe une vie intellectuelle et artistique d’une richesse exceptionnelle. On bâtit en style gothique français, on enseigne les langues du monde dans des écoles spécialisées, et des ports de la petite île, escale incontournable des marchands, des voyageurs d’Orient et d’Occident, s’élèvent les voix et les musiques de ceux qui commercent, se ravitaillent ou se reposent. Les tensions inévitables entre toutes ces populations ont fait place à des moments de grâce où les cultures se tutoyaient tout en se respectant. Le manuscrit de Chypre, l’un des trois plus importants recueils musicaux de la toute fin du XIV° siècle témoigne de cette pluri culturalité.