3. La Musique et l'engagement

La musique joue-t-elle un rôle contre les tyrannies, contre l’oppression ? Le compositeur peut-il lutter au travers de ses Œuvres ? Liszt a mis sa musique au service des révolutionnaires hongrois au travers de certains de ses poèmes symphoniques. Chopin, au cours d’un voyage vers Paris, apprend l’invasion de son pays par les Russes, il ne pourra jamais y rentrer il ne le sait pas encore mais il écrira un certain nombre d’Œuvres dont la splendide Etude n° 12 dite « Révolutionnaire » pour crier à la liberté de son pays. Le blues, et au même titre le negro-spiritual sont des cris individuels d’aspiration à plus de liberté. La musique a été présente dans les luttes de l’homme vers la liberté telle que nous la vivons actuellement…

1. Les chants de la leçon :

Diego, libre dans sa tête (F. Gall)

Voici une version Karaoké pour vous entraîner :

Zombi (Cranberries)

Voici une version Karaoké pour vous entraîner :

2. Une Cantate contre l'occupation

Figure humaine de Francis Poulenc est une cantate pour double chœur mixte composée en 1943 sur des textes de Paul Éluard. Publiée clandestinement pendant la guerre, elle est créée à Londres en 1945, et à Paris en 1947 . Consacrée comme le sommet de l'œuvre du compositeur et un véritable chef-d'œuvre par les critiques musicaux, la cantate est un hymne à la Liberté, victorieuse sur la tyrannie.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Francis Poulenc recevait régulièrement des copies dactylographiés des poèmes de Paul Eluard dont il avait fait la connaissance en 1935. Parmi ces textes figuraient des poèmes écrits lors du premier hiver glacial de l'occupation. Y figurait le plus célèbre poème de la résistance : "Liberté". En moins de six semaines, durant l'été 1943, Poulenc compose Figure humaine. Il mit une telle charge symbolique dans la composition que, le jour de la libération de Paris, il installa à sa fenêtre, la partition sur un pupitre en dessous d'un drapeau français.

Liberté (Poulenc)

En 2016, les enfoirés ont repris le texte de P. Eluard sur une musique de Marc Lavoine :

Liberté n'est pas le seul acte de résistance de Poulenc : En pleine occupation, l’opéra de Paris est dirigé par Serge Lifar, serviteur accommodant voire empressé de l’ordre hitlérien. Il commande à Poulenc une suite pour orchestre: Les Animaux modèles. Francis Poulenc semble se plier à l’idéologie du retour à la terre en adaptant six fables de La Fontaine.

Lors de la création le 8 août 1942, le Palais Garnier est rempli d’officiers nazis : vert-de-gris sur fauteuils rouges. Le chef d’orchestre, Roger Désormière, appartient au groupe proche de la Résistance, le Front national de la musique, dont faisait également partie Francis Poulenc. Les membres composaient en secret et refusaient de distraire l’occupant ou de se compromettre avec lui.

Dans la deuxième pièce, Le Lion amoureux (le ballet mettait en scène un maquereau, provocateur pour l’ordre moral en vigueur, qui faisait écran avec la musique), le compositeur dépose une véritable bombe : il y introduit le thème de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, le chant de 1871, dont le refrain affirmait haut et fort :

Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine

Et, malgré vous, nous resterons Français

Vous avez pu germaniser la plaine

Mais notre cœur vous ne l'aurez jamais !

Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine !

Les Animaux modèles - Le Lion amoureux (Poulenc)

Cet attentat sonore, passé inaperçu à l’époque, aurait pu coûter très cher à Poulenc.

Toutefois, ce coup de génie effronté demeure le seul exemple de défi aussi hardi que crypté jeté à la face de l’ennemi installé alors en maître à Paris.

3. La Réinterprétation d'hymnes nationaux

En 1969, à Woodstock, Jimi Hendrix interprète l'Hymne Américain afin de dénoncer les horreurs de la guerre du Vietnam. Il y intercale des sons de guerre (mitraille , bombes, cris perçants) produits par le jeu de sa guitare.

The Star Spangled Banner (Jimi Hendrix)

  • Le mouvement Hippie

Les hippies, enfants issus du baby-boom, forment le mouvement le plus contestataire des années 60. Ils ne supportent plus la société de leur parents. Les hippies rejettent totalement leur mode de vie. Étant généralement issus des milieux aisés et bourgeois, ils sont énormément gâtés par leurs parents. Ces derniers les couvrent de bien matériels alors qu'eux ne pensent qu'à une chose : la liberté. Les parents ont tous le même but pour leurs enfants : les faire entrer dans le système. Les enfants doivent faire de bonnes études pour acquérir un métier qui leur donnera un bon salaire, se marier, avoir des enfants etc... La jeunesse hippie vit très mal ce conformisme. Les adultes croient agir pour le bien de leurs enfants mais les jeunes eux, se sentent totalement opprimés.

Les hippies cherchent à fuir par tous les moyens ce monde aux besoins superflus. Ils prônent un véritable «retour à la nature». Pour cela, ils partent s'installer, seuls ou à plusieurs, dans les campagnes. Ils veulent retrouver leurs racines dans une nature qu'ils voient douce et sans contrainte. Ils tentent également de fuir la société occidentale en se tournant vers l'Orient. Ils sont attirés par l'exotisme, le culte de la spiritualité et recherchent la paix intérieure et la maîtrise de soi. Ils reprennent également le style vestimentaire indien : tuniques à fleurs, sandales, bandeaux dans les cheveux etc..

Pour échapper à la triste réalité, les hippies se tournent vers la drogue : haschisch, marijuana mais surtout LSD (acide lysergique diéthylamide). Cette puissante drogue hallucinogène transporte l'esprit beaucoup plus loin que le haschisch. Le LSD n'est ni rare ni cher. Il existe sous différentes formes : pilules, cristaux, buvards ou timbres imbibés. Les hippies en consomment principalement pour voir le monde de manière psychédélique. Même si la drogue est diabolisée à outrance, elle devient rapidement un phénomène de masse et paradoxalement, a tendance à se banaliser. Il ne sera interdit au Etats-Unis qu'en 1967.

Les hippies sont engagés en politique, mais toujours de manière pacifiste. C'est principalement à l'occasion de la guerre du Vietnam que les hippies témoignent de leur refus de la violence. La guerre est le premier objectif de lutte des Hippies. La guerre du Vietnam fut déclenchée en 1959 et pris fin en 1975. Elle opposa la république démocratique du Vietnam ( nord ) à la république du Vietnam ( sud ), cette dernière fut soutenu par les Etats-Unis à partir 1964. Cette guerre fut marquée par de grandes horreurs comme le bombardement de certaines villes au napalm.

Les premières manifestations pacifistes ont lieu aux Etats-Unis en 1965. Par la suite de nombreuses marches sont organisées par des artistes beat et se finissent souvent en sit-in : on s'assoit pour opposer aux forces de l'ordre une résistance passive. Pour afficher leur appartenance aux mouvements de paix, les hippies portent le symbole désormais très célèbre peace and love en collier ou cousu sur leurs jeans.

  • Woodstock

Le premier grand festival de musique, Woodstock en 1969 marque l'apogée du mouvement hippie. Pendant 3 jours, des artistes comme Jimi Hendrix, Janis Joplin, Joe Cocker, The Who... défileront sans interruption sur la scène du festival. Woodstock, avec 500 000 participants, se déroule dans un climat de paix et d'amour. Le festival de Woodstock est entré dans la légende et, s'il est encore connu des jeunes en ce début de XXI° siècle, c'est grâce à des témoignages, des disques et de nombreuses photos.

Vibrer ensemble, ressentir comme une immense vague de confiance collective, sont en effet les émotions qui sont restées à jamais gravées dans les esprits des participants. Cette notion de "vibrations collectives" n'est pas restée sans postérité.

Le vendredi après-midi, avant que ne commence le premier concert, plusieurs dizaines de milliers de gens occupent le champs depuis la veille, d’autres arrivent toujours plus nombreux. Des groupes, avec ou sans leur billet, arrivent ensuite de toutes parts, arrachent les grillages seulement pour arriver à entrer tellement l’accès principal est encombré. La marrée humaine oblige les organisateurs à prendre la seule décision possible, un tonnerre d’applaudissements salue l’annonce faite par John Morris:

Le souvenir de la gratuité de ce festival contribuera largement au mythe Woodstock. Il poursuit son annonce et demande au personnel d’évacuer les guichets, d’ouvrir les portes et d’aider à la mise à terre des clôtures - dont la pose vient de s’achever - afin que nul ne se blesse en la franchissant.

John Morris a d’autres soucis. La paralysie du trafic provoque d’énormes retards dans l’acheminement des instruments et du matériel des artistes. Le concert doit commencer et les amplis de la plupart des groupes ne sont pas arrivés, les camions étant restés bloqués sur l’autoroute 17.

Des artistes, alors présents sur le plateau, seul Richie Havens semble capable d’ouvrir le concert, en s’accompagnant de sa seule guitare. Son bassiste a fait 25 km à pied avant de monter sur scène. Richie Havens épuise son répertoire et sort éreinté.

« From now on, this is a free concert ! »

(A partir de maintenant, l’entrée est libre.)

Mais personne n’est encore prêt. Country Joe McDonald, qui n’était pas au programme, bavarde au bord dela scène, il n’a même pas de guitare. On lui en trouve une, et le voilà face au public. Quelques morceaux plus tard, il entonne Fixin’-to-Die-Rag repris en cœur par le public, chanson qui fait de Woodstock un grand rassemblement contre la guerre au Vietnam.

Joan Baez, enceinte, interprète TheBallad of Joe Hill, chanson syndicaliste qu’elle dédie à son mari, emprisonné pour refus de Vietnam.

Samedi et dimanche, groupes et artistes alternent avec de longues coupures que rendent nécessaires les changements de plateaux, au cours desquelles sont lues d’innombrables annonces, qui font parties intégrantes du folklore du festival. Les retards accumulés mèneront les concerts jusqu’au lever du soleil.

Samedi, The Band, les Who, Canned Heat, Grateful Dead, se succèdent et Janis Joplin, captant en une phrase l’espritde Woodstock, suggère: « S’il vous reste quelque choseà manger, le gars à votre droite est votre frère, et la fille à votre gauche est votre sœur, alors partagez en toute fraternité.»

Dimanche matin, comme se lève le jour, Jefferson Airplane entre en scène.Un peu plus tard, Wavy Gravy annonce Breakfast in Bed et les volontaires qu’a recruté la Hog Farm font circuler des bassines de flocons d’avoine. L’après-midi, avant que ne reprenne le concert, Max Yasgur est invité au micro et s’adresse à la foule qui a envahi sa propriété : « Vous avez prouvé quelque chose au monde entier, qu’un demi million de jeunes peuvent se rassembler et s’offrir trois jours de musique et de bons temps et que rien d’autre ne leur arrive que du bon temps et de la musique. Dieu vous bénisse. » Au-delà de sa propre générosité, le commentaire de Max Yasgur traduit l’évolution de l’opinion de la plupart de ses concitoyens. Alors , quand le bruit se répand que les stocks de nourriture sont épuisés, un sentimentde solidarité se développe avec cette jeunesse. Des milliers de sandwiches sont préparés dans des dizaines de familles, tandis qu’un hôtelier de Monticello fait durcir des centaines d’œufs. Et par les petites routes forestières,les habitants, leurs camions chargés de provisions, rallient le site du festival où le concert a repris. Après l’époustouflante interprétationde With a Little help from my friends de Joe Cocker, version promise à devenir plus célèbre que l’original des Beatles, s’enchaînent des groupes qui vont également marqués ce festival comme Santana, Ten Years After, Crosby, Stills, Nash & Young.

Et lundi matin à l’aube, Jimi Hendrix entre en scène. Dans la nuit, des milliers sont déjà partis, mais les 30.000 qui restent sont gratifiés de l’une des meilleures performances du festival. Jimi Hendrix au sommet de son art. Quand il attaque The Star Spangled Banner (l’hymne américain), organisateurs et spectateurs sont tirés de la torpeur où les a plongés trois jours de musique, de veille, d’intempéries, d’herbe et d’acide. A travers l’interprétation d’Hendrix, dont la guitare distord les accords de l’hymne national, chacun ressent la distorsion de son ego américain.

Maintenant complètement réveillés par les derniers accords de Hendrix qui clôturent le festival, tous se lèvent, et déjà conscients d’avoir participé à un rassemblement sans précédents et qui n’aura pas d’équivalent, les Aquariens se dispersent. Au contraire des immenses embouteillages provoqués par leur arrivée, leurs départs se fondent dans le trafic routier qui, chaque matin, converge vers les tours de Manhattan. Les hélicoptère ont ramené les artistes en ville.

La musique des Hippies purge son inspiration dans la countries et le blues. Cette musique représente bien le mouvement par sa diversité, sa volonté d'ouverture aux différentes cultures. Elle exprime leurs révoltes, leur refus du racisme, leur refus de la guerre au Vietnam, leur refus de la répression ou encore leur desir d'un nouveau monde.

En France, Serge Gainsbourg, artiste provocateur des années 70 / 80 a lui aussi détourné notre hymne national en lui donnant un style reggae. Il est intéressant de noter le décalage entre le texte de la marseillaise, et l'idée pacifique du reggae.

4. Le SLAM

Né à Chicago, le slam redéfinit littéralement le poète : plus qu’un contemplateur, il (re)devient un agitateur qui diffuse à travers ses interventions un regard sur la société.

En France, Grand Corps Malade en est le plus grand représentant. Il récite des poésies sur un accompagnement musical.

Voici l'extrait que nous avons écouté en classe :

Le blues de l'instituteur (Grand Corps Malade)

L'idée n'est pas récente. Au début du xxe siècle, le parlé-chanté est une forme artistique qui se fonde, sur la déclamation très expressive et très théâtrale héritée des grandes « diseuses » de la fin du xixe siècle et sur une ligne musicale.

Voici un exemple A Cappella :

Sarah Bernhardt 1903 - déclamant un poème de Victor Hugo

En 1912, Arnold Schönberg utilisera cette technique pour écrire son "Pierrot Lunaire" dont voici un extrait :

Pierrot Lunaire - Ivresse de Lune (Schönberg)

5. Le RAP

Le rap est un mouvement culturel et musical prenant ses racines du hip-hop, ayant émergé au début des années 1970 dans les ghettos aux États-Unis. Le rap se caractérise par sa diction très rythmée et en rimes1, le plus souvent une succession de couplets séparés par des refrains. Le rap semble avoir des racines dans la culture africaine. Le chant scandé évoque en effet le griot, poète et musicien africain qui chronique la vie quotidienne ou est invité à chanter lors des célébrations (par exemple un mariage). De même, le retour à une musique fondée plus sur le rythme que sur la mélodie rappelle les polyrythmies de percussions africaines. Cela aurait transité par le jazz et la musique jamaïquaine.

En 1982, The Message de Grandmaster Flash en est le premier tube :

L'essor du rap français se fait à partir des années 1990. Voici un des morceaux qui l'a popularisé :

Caroline (Mc solaar)