▱ Réflexion sur la solitude

La seule solitude qui vaille, c'est celle que l'on choisit, non celle que l'on subit.

Il est tout à fait possible de se définir comme un solitaire sociable : on apprécie d'être seul, mais on apprécie aussi la compagnie des autres humains. On préfère juste, légèrement, le premier état au second. Si cette solitude est décidée et appréciée, il est possible alors de la célébrer, comme faisait Malraux : "S'il existe une solitude où le solitaire est abandonné, il en existe une où il n'est solitaire que parce que les autres hommes ne l'ont pas encore rejoint."

Mais tous les solitaires ne rêvent pas de grandeur. Beaucoup apprécient simplement le recul que leur confère le retrait du monde, et prennent la solitude comme un exercice salutaire, ainsi que l'écrit Vaugenargues : "La solitude est à l'esprit ce que la diète est au corps." Cependant, la diète n'a de sens que si l'on n'est pas en train de mourir de faim... Ceux qui n'ont pas choisi, les esseulés, les abandonnés, les isolés, n'en retirent que souffrances, et n'y voient qu'une interminable nuit de leurs attentes et de leurs besoins d'animaux sociaux.

Car au bout du compte, la solitude ne peut être, pour la plupart d'entre nous, qu'une parenthèse, entre deux périodes d'échanges et de liens. La solitude comme passage. Souvent, utile, parfois obligé. Passage et non destinée, car on peut aussi se perdre dans la solitude, et certaines existences ressemblent à cette image de Flaubert, grand solitaire mais pas toujours de manière choisie: "Il me semble que je traverse une solitude sans fin, pour aller je ne sais où, et c'est moi qui suis tout à la fois le déserrt, le voyageur et le chameau."