▱ Le Christkindelsmärik de Strasbourg

Les marchés de Noël, spécificité du domaine germanique, correspondent encore aujourd'hui dans une large mesure, à la culture de Noël telle que le passé nous l'a léguée. Ils échappent encore à la logique consumériste activée à grands coups de campagne de publicité orchestrée par les grandes surfaces. On y a toujours trouvé tous les éléments pour décorer le sapin de Noël et le sapin lui-même On y a toujours trouvé les personnages de la crèche et toutes les douceurs, gâteaux, pâtisseries, confiseries qui s'y sont succédées souvent depuis plus de cinq siècles. On y trouve aussi des jouets de toutes sortes: pour beaucoup d'entre eux, la tradition artisanale a survécu à la dictature des industriels du jouet.

Les plus vénérables et les plus prestigieux des marchés de Noël ont plus de six siècles d'existence. En Allemagne, le plus prestigieux de tous est celui de Nuremberg, capitale du pain d'épice et centre mondial du jouet. fort prestigieux sont aussi ceux de Francfort, de Dresde et de Berlin .

En France, le Christkindelsmärik de Strasbourg constitue évidemment la référence.

Il est l'un des plus anciens puisque son prédécesseur, le marché de Saint-Nicoles, existait déjà au XIVe siècle. Visitons ce marché de Noël situé sur la place Broglie, que les Strasbourgeois prononcent correctement quand il la désignent en dialectev (Brojel) et incorrectement quand ils la désignent en français.

Strasbourg, mi novembre, place Broglie. Déjà, les éclairages de Noël se préparent. A l'entrée de la place, on montre l'enseigne "Christkindelsmarik". Les bancs disparaissent. Les placiers marquent au sol les emplacements. Une cinquantaine de sapins viennent s'aligner en bordure du champ de foire.

D'abord arrivent les forains et leurs camions magasins. Le noyau de la foire de Noël ce sont eux, les commerçants ambulants.

Une bonne quarantaine qui, chaque année, reviennent garants de la tradition et de la pérennité de la foire. Une, deux, parfois trois générations se côtoient derrière leurs étalages. l'installation n'est pas simple. C'est un vrai branle-bas. Mais les rangées s'ordonnent.

C'est ensuite au tour des artisans qui transportent leurs échoppes en camionnette. très nombreux autrefois, ils avaient presque entièrement disparu. A nouveau ils viennent nombreux compléter les travées des forains. devant le théâtre municipal, les pépiniéristes dressent leurs forêts de sapins.

Les stands sont garnis, les éclairages et chauffages vérifiés. Tout est prêt. L'ouverture est fixée au samedi veille du premier dimanche de l'Avent. L'air s'embaume de résine, de parfums de confiserie et de vin chaud. Les odeurs, les couleurs, le scintillement des allées des forains, personne n'y résistera. tout attire les regards émerveillés des enfants et des adultes jamais blasés: les décorations de Noël de toute sorte, qu'il a parfois fallu aller chercher en Allemagne ou en Italie, les jouets, les santons.

Les barbes à papa, les gaufres, les beignets, le nougat, le pain à Zouk zouk et les pommes d'amour, belles à croquer, s'amoncellent là en exubérante profusion. Les vapeurs montent avec le brouhaha. Déjà l'ambiance est à la fête..... Ce merveilleux marché succède en fait au Klausenmärik, marché de Saint-Nicolas qui connut une grande prospérité durant des siècles devant la cathédrale. Les baraques des ciriers, marchands de poupées et de jouets divers, marchands de pain d'épice et de sucreries s'ajoutaient alors aux nombreuses boutiques des herboristes, des selliers et des fripiers.

Mais en 1570, le Conseil des XXI l'interdit. Les édiles avaient été impressionnés par le sermon d'un prédicateur protestant, Johannes Flinner, qui du haut de la chaire de la cathédrale s'était opposé au culte des Saints.

Seul un marché de Noël fut autorisé. C'est ainsi que naquit le Christkindelsmärik. Désormais devant la cathédrale, il n'y eut plus de marché qu'à Noël. Plus tard ce marché va s'étendre vers la Place du Château. L'emplacement du marché changea à diverses reprises (A côté du Palais Episcopal, Place des Cordeliers devenue la place d'Armes, le Marais Vert de l'ancienne gare, rue des grandes Arcades, Place Kléber ... ) A partir de 1870, chaque année en décembre, c'est place Broglie que viennent s'installer les forains. ......

Longtemps, le marché de Noël de Strasbourg a été le seul en Alsace.

Les Administrateurs et militaires français de Louis XIV le découvrirent en 1681 lorsque Strasbourg devient française. Cr n'est que depuis quelques dizaines d'années qu'on a vu apparaître à travers toute la région des marchés de Noël, celui de Kaysersberg étant le plus authentique. A travers le monde, on trouve sous des formes diverses des marchés de Noël, le plus étonnant étant celui que tiennent les Indiens de l'Altiplano à la veille de la Nativité.

Extrait de "Noël, l'Avent et après" (Catherine Baillaud, Georges Foessel, Roland Oberlé, Tomi Ungerer)

Editions Ronald Hirlé, 3, rue St Aloïse, 67100 Strasbourg