DISPARITION DE NOËL CHOUX:
HOMMAGE À UN HOMME AUX TRÉSORS
Noël Choux, prêtre de la Mission De France Pontigny, est décédé dans la nuit du Jeudi saint, à 75 ans, des suites de la maladie de Charcot qui lui avait été diagnostiquée en janvier 2019.
Noël a été une figure marquante de cette fratrie sacerdotale originale de l’Eglise de France: la Mission de France: elle est née de l’intuition du cardinal Emmanuel Suhard, après la Seconde Guerre mondiale, d’envoyer des prêtres dans les quartiers, les usines et les milieux où Dieu n’avait pas droit de cité.
Noël était un héritier des prêtres ouvriers (Cf. Lire ou relire à ce sujet "Des saint vont en enfer", le chef-d'oeuvre de Gilbert Cesbron): il a vécu sa mission aux périphéries de la société et de la foi chrétienne. Il a été un prêtre là où on ne l’attendait pas. Comme ses confrères, il célébrait la messe, mais celle-ci se poursuivait aussi dans son activité professionnelle: ancien cadre commercial chez Trigano et Carrefour, devenu prêtre, il travailla à la télévision comme producteur délégué de l’émission « Le jour du Seigneur » pour les Dom-Tom. Il fut aussi l’aumônier national des policiers. Noël restera pour moi le premier visage emblématique de la Mission de France. La première fois que je l’ai vu, c’était en 1980: j’étais alors journaliste stagiaire à l’hebdomadaire La Vie. On m’avait expliqué que j’allais rencontrer un prêtre ouvrier. Je n’en avais jamais rencontré de ma vie, surtout pas dans ma campagne picarde! Quelle surprise quand je vis entrer dans mon bureau le quasi sosie de Jean Ferrat!! Bigre! c’était donc vraiment un prêtre!!! J’ai ensuite découvert l’homme aux trésors qu’était Noël: Trésor de fécondité d’abord: il fut ainsi le créateur du Service Jeunes de la Mission de France. Grâce à des spectacles magnifiques, associant créateurs, artistes et témoins spirituels, avec le renfort précieux de son compère et ami, le prêtre-poète Jean Debruyne, il réussissait à transformer l’abbatiale de Pontigny en une nef de jeunes en liesse qui s’y rassemblaient par centaines. Avant même les JMJ, Noël avait eu cette intuition formidable que l’annonce de l’Evangile, dans notre monde endurci par ses propres prouesses, devait mobiliser les forces de la joie et de la générosité qui peuplent l’Eglise et dont les jeunes sont les éclaireurs naturels.
Noël fut aussi un trésor d’empathie: son humanité était sans frontière, encore moins sans barrière: quand on parlait avec lui, c’était toujours vers les autres que s’orientait la conversation. On ne parlait jamais de lui. Les autres d’abord. Et d’abord, les plus paumés, les plus en marge, les plus égarés. Derrière sa grosse moustache et ses lunettes qui entouraient un beau regard bleu franc, on pouvait parfois voir passer un nuage de tendresse à l’évocation du prénom de tel ou tel. Noël avait l’humain à fleur de peau. Et sa gouaille de Bourguignon manquera beaucoup à tous ceux qui se savaient portés, même à distance, par ce drôle de curé à la dégaine si peu compassée. Noël fut enfin pour moi, comme pour tant d’autres sans doute, un trésor de discrétion. Pour ne pas dire d’humilité. La preuve, j’ai cherché sur Google des photos de lui pour illustrer cet hommage. Malgré sa renommée, je n’en ai trouvé presque aucune. Et sur les rares que j’ai dénichées où il apparait, soit son visage est tronqué, soit il est en arrière plan. Jamais devant. C’est la vertu de l’homme aux trésors d’être un donateur, un créateur, un formateur, qui ne demande jamais son reste. Surtout qui ne se met jamais en avant. Qui préfère toujours la coulisse à la scène; ’ombre à la lumière. La lumière il l’a réserve aux autres, à ceux qu’il aime, à ceux qu’il guide. Et en premier au Christ à qui il avait consacré sa vie entière. Quand Noël célébrait l’eucharistie, il avait beau être pudique, il était criant en le regardant, que Jésus avait été un trésor de tendresse pour lui: L’Homme au trésor de sa vie!
Je n’aurais qu’un regret: n’avoir pas pu éditer son dernier livre dans les délais et les termes qu’il avait souhaités. Mais je me console du fait que l’ouvrage ait pu paraître avant qu’il n’entre dans la Vie, pour parler comme Thérèse de Lisieux, l’une des patronnes de la Mission de France ( avec Charles de Foucauld et Madeleine Delbrêl). Ce roman intitulé « Jusqu’à la tendresse » s’inspire des prêtres qui vivaient dans la clandestinité sous le régime communiste tchèque: Noël les avait rencontrés lors d’une mission effectuée en Tchécoslovaquie dans les années 1990. Une expérience marquante pour lui, au point qu’il y ait voulu avant de mourir, honorer ces prêtres qu’il évoquait toujours avec grande émotion.
Trésor de fécondité; trésor d’empathie; trésor de discrétion. C’est beaucoup de richesses pour un vase d’argile. Noël Choux laisse derrière lui beaucoup de traces fraternelles qui ne sont pas prêtes de s’effacer. Car ce qui reste de nos pèlerinages terrestres, ce sont les gestes amoureux que nous aurons dispensés gratuitement aux proches ou aux lointains que nous aurons eu la grâce de rencontrer. Alors, en mémoire d’un homme aux trésors comme Noël Choux, veillons à ne pas dilapider notre propre trésor, mais à le distribuer largement, « jusqu’à la tendresse »!
Hommage lu sur FB sur la page de Michel Cool-Tadel