Forêt d'Hafir

Un jour où nous empruntions une piste taillée dans le djebel, j'avais eu 2 scout-cars en protection. (Cette piste avait déjà été coupée par des tranchées que les fells avaient fait creuser par les habitants du regroupement voisin. J'étais passé par là peu de temps après et avait réquisitionné les mêmes habitants pour combler les trous. Leur faisant remarquer qu'ils savaient que je leur ferai défaire ce qu'ils avaient fait, ils me répondirent : "Les fells nous égorgent si on obéit pas, toi tu nous mets en prison à TLEMCEN pour 8 jours et on mange tous les jours, alors tu comprends...!" Je n'avais rien pu répondre à cette logique.). Le chef de la patrouille m'avait invité à prendre place dans le scout-car de tête en tant que chef de l'élément transporté. Je scrutais la piste avec une attention plus que soutenue, craignant une mine. (Souvenir de la mine anti-véhicule sur la piste de Magoura sur laquelle j’avais marché sans qu’elle n’explose lorsque j’étais au 30° Bataillon de Chasseurs au Maroc) Ce jour-là, je sus ce que voulait dire l'expression "avoir les tripes nouées..." C'est une sensation physique que l'on n'oublie pas.

Quelques temps plus tard, le commando fut envoyé à TURENNE, 27 km à l'ouest de TLEMCEN, pour se mettre à la disposition d'un régiment de marche d'artillerie. Ma mission fut, pour une fois, presque conforme à la doctrine d'emploi. Nous devions nous mettre en place dans la forêt d'HAFIR, au sud de TURENNE, avec 2 jours de vivres. Nous devions observer discrètement de jour, nous déplacer de nuit et recommencer. A la fin du 2ème jour, une section d'artilleurs ferait, ostensiblement, une patrouille sur notre zone et marquerait une pause au cours de laquelle elle laisserait sur le terrain notre ravitaillement et l'eau pour les deux jours suivants, que nous récupérerions une fois la nuit tombée. Je donnais à tous les personnels des consignes précises, en particulier sur la discrétion de jour, les incitant à en profiter pour dormir sauf ceux chargés de la sécurité, les nuits devant, elles, être "actives".

Tout se passa à la perfection, sans résultat positif sauf une alerte, la première nuit, due à des éclats lumineux que l'on croyait venir d'une 1ampe et qui, après vérification, s'avérèrent être des braises de fours de fabrication de charbon de bois. Nous regagnâmes le poste heureux d'avoir été utilisés comme nous le devions. Nous reprîmes ensuite nos activités, programmées par le bataillon, sans grand succès; mais comment voulait-on que les fells tombent dans nos embuscades de nuit, alors qu'ils savaient que nous étions dans le coin ? Nous eûmes la chance de trouver deux caches, l'une de ravitaillement, l'autre d'infirmerie, mais vides de personnel. Les harkis eurent le droit de prendre le ravitaillement pour leurs familles, je réservais pour l'usage du commando une touque d'huile Lesieur de 20 litres, Alors que j'étais allé visiter la cache infirmerie et répertorier son contenu, j'avais, comme toujours dans ce cas, passé mon pistolet dans ma ceinture de pantalon, me débarrassant des équipements gênants. En ressortant, j'avais tendu mon pistolet à celui que je croyais être Ahmed mais qui était un capitaine "invité" par l'O.R. Arrivant à l'air libre je le trouvais en train de décharger mon arme en manœuvrant la culasse et vidant le chargeur cartouche par cartouche. Cette manière de procéder me renseigna immédiatement sur la connaissance des armes de l'intéressé. Je récupérais mon bien, regarnissait le chargeur avec les cartouches tombées au sol, ré-approvisionnais l'arme et lui montrais qu'en enlevant le chargeur, il suffisait d'éjecter la cartouche chambrée dans le canon pour vider le pistolet.

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