Bataillon de Marche du 7e RI

Le bataillon de Marche du 7e RI

(Période août 1959 - juin1960)

Le 25 août 1959 : Création au sein du 7e RI du « Bataillon de Marche » comprenant les 10e et 12e Cie du III/7 RI et les 5e et 7e Cie du II/7 RI.

La 11e Cie du III/7 RI reste à Indouz ( 2 km au sud des Béni-Mester),

La 6e Cie du II/7 RI reste à Merchiche. ( Maison forestière, sur la route de Tlemcen à Sebdou à 10 km au sud de Terni.),

Le I/7 reste, sans changement, dans le secteur de Oued-Chouly. Son PC est dans ce village ( sur la oute de Tlemcen à Lamoricière.)

Les quatre compagnies de ce « Bataillon de Marche » peuvent opérer individuellement dans leur secteur d’intérêt. (En chouf pendant 2 à 3 jours, nomadisation, patrouille de reconnaissance, embuscades...)

ou

Groupées au sein de leur « Bataillon de Marche » :

- soit aux ordres du Colonel commandant le 7e RI. (niveau 1)

- soit sous les ordres du Général commandant la 12e Division - État-major à Tlemcen. (Niveau 2)

***

Opérations dans le cadre du « Bataillon de Marche » - Niveau 1.

Du 18 au 20 septembre : Opération dans le secteur de Ras el Oued.

Mise en place des unités au lever du jour. Bouclage à l'est des djebel el Kaudia et el Hammar par les 10e et 12e Cie. Ratissage par 5eé et 7e Cie. Bilan : trois caches avec vêtements et vivres. Présence de jeunes bergers, évacués avec leurs troupeaux.

Du 29 au 30 septembre : Opération dans secteur de Djorf el Abiod. ( renfort d'une Harka). Bilan : Découverte de 10 caches. Dans l'une d'elles 5 cadavres en décomposition. mort due par suite de blessures par balles, quelques vêtements, aucun papier, grenades.

Du 9 au 10 octobre : Opération dans la forêt des Azails ( 5 Km au nord-ouest de Sebdou.) Bilan : découverte de 9 caches contenant matériel divers, habillement et important ravitaillement récent.

Le 31 octobre : Opération dans le secteur du Djebel Kadous (5 Km sur-est de Terni ).

Présence de bergers, évacués avec leur troupeaux brebis et vaches – 1 cheval réquisitionné. Bilan : découverte dans une cache de 1 pioche, matériel de cuisine, insecticide, ravitaillement ( miel, café, blé) et 1 poignard de chasse.

Du 18 au 19 novembre : Opération dans le secteur du Djebel Bou Hallou (5 km au sud-ouest de Turenne) – renfort exceptionnel de 5e Cie /10e RAMA .

Bouclage réalisé en fin de nuit après longue marche à partir de 3 points de largage.Ratissage difficile ( végétation type maquis) - Intervention T6 et B26 (largage napalm) après renseignements Piper. Accrochage par 5e Cie /10eme RAMA en fin de jour.

Bouclage nuit maintenu. Lendemain reprise ratissage. Les fells ( petite bande venue du Maroc ?) se sont exfiltrés ? - recherche de caches. Bilan décevant.

Du 26 au 27 novembre : (Avec renfort de la 5e Cie du 10e RAMA) Opération dans le secteur du Djebel Zébir Ali (8 km nord de Turenne.)

Présence de bergers, évacués avec leurs troupeaux après contrôle. Nuit de tempête et froide. Bilan : nul !

Le 2 au 3 décembre : Opération dans le secteur du djebel Tefatisset (2,5 km nord-est des Béni-Mester.) Bilan : découverte de 3 caches avec ravitaillement (sucre, café, pain...) et trace de feux récents. Arrêt deux suspects sans arme. Maintient bouclage de nuit. Reprise ratissage à l'aube. Fin d'opération à midi.

Le 17 décembre : Opération dans le secteur du Djebel Madjar.

Présence de bergers, évacués avec leurs troupeaux après contrôle. Dans un marabout un « pauvre d'esprit » s'est mis à l'abri avec son baluchon. L'officier du B2 et son équipe l'embarquent pour vérification. Bilan nul.

Du 19 au 20 janvier 1960 : Opération dans le secteur de l'oued Majmar ( 3 Km Nord-ouest des Béni-Mester.)

Ratissage de l'oued et de ses abords depuis son confluent avec l'oued Messaoud, jusqu'au marabout de Mohamed el Aradj ( 2km nord des Béni Mester.) Bilan : Découvertes de 2 caches. Un fusil de chasse et des cartouches, 4 grenades, un drapeau FLN, vaisselle, vivres, vêtements et couvertures. (logement possible de trois à quatre hommes.)

Du 7 au 8 février : Opération secteur du djebel Demaméne ( 8 km sud de Oued-Chouly.

Bouclage sur ligne de crête du djebel Demamène au djebel Mekméne. Ratissage vallée du chabet Bou Dali . Bilan : deux caches vides avec traces de passage récent.

Nuit du 7 au 8 février : Signaux lumineux région Djebel Sidi Hamza, vers minuit et une heure du matin. Bilan : nul.

12 au 13 février : Opération dans le secteur de Ouzidane ( 5 km au nord-est de Tlemcen).

Bouclage de tout le village d'Ouzidane avec contrôle du Djebel Sidi Yaya, de l'oued Sikkak et de la partie nord de Négrier. Éléments 2éme bureau effectuent contrôle population avec 10e Cie. Bilan : six personnes arrêtées et emmenées pour contrôle.

Le 22 février : Opération (bis) dans le secteur de Ouzidane. ( 5 km au nord-est de Tlemcen) - Après renseignements obtenus sur prisonniers faits du 12 au 13 février.

(Rebelote !)Même mission et même dispositif que du 12 au 13 février. Bilan : deux personnes arrêtées avec documents et mallette de billets de banque !

Le 23 février : Opération dans les secteurs du djebel Bou Kouri, ( 10 km nord-est de Tlemcen.)

Large bouclage avant lever du jour. Contrôle de fermes abandonnées par la 5e Cie. Bilan : nul mais destruction d'une partie de meute de chiens devenus sauvages!

Opérations dans le cadre du « Bataillon de Marche » - Niveau 2.

Du 14 au 15 octobre : Opération secteur de Guernzarah ( 10 km sud est de Sebdou et 3 km au sud de Beni-Badelh. Renfort des 3e et 6e Cie/7e RI + 2 compagnies du 5e RI. Et une compagnie du 10e RAMA. Ratissage par 5e et 7e Cie de la vallées de l'oued Tadjarel.

Bilan : deux caches avec traces récentes d'occupation contenant restes de vivres, cartouches de 7,5 et une grenade. Dynamitage de ces deux caches par élément du PC de l'OP.

Du 20 au 22 octobre : Opération dans le secteur du djebel El Bedel (20 km sud-ouest de Tlemcen entre la Tafna et la route allant de Marnia à Sidi Medjahed.)

Action après renseignement passage de rebelles venant du Maroc. Renfort de 2 Cie du 10e Rama puis de la 9e et 11e Cie / 7e RI héliportées le 22 en fin de matinée après-midi suite à renseignements du Piper sur groupe d'hommes vu bas falaises de Ras Talimet. Ratissage par 10e et 12e Cie. Bilan : Groupe de fels non retrouvé ( action tardive et nuit). Le 21 octobre: trois caches dont une contenant plus de 15 quintaux de blé ? Et une autre avec 9 cadavres en voie de fin de décomposition. Retour des unités le 22 soir.

Du 10 au 13 novembre : Opération dans la vallée du Sikkak près de Pont de l'Isser.

Renfort 3e et 6e Cie /7eRI + Harka. Mise en place du bouclage durant la nuit du 9 au10. Le 10 à l'aube ratissage de la vallée de l'oued Bourara par 10e et 12e Cie. Progression lente et difficile (massifs importants de lauriers roses, oued très sinueux , présence de bergers et des troupeaux nécessitant contrôle. Le 12, accrochage par la 10e Cie. 5 rebelles tués. 2 PM et 3 fusils récupérés avec munitions et grenades. Fuite d'un agent de ravitaillement, abattu par élément de bouclage ( secteur 6e Cie et Harka). Retour le 13 en fin d'après midi aucun blessé chez nous ( après deux nuit sans repos ou presque !)

Du 16 au 17 novembre : Opération région de Beni-Badelh :

Accrochage dans le Djebel Aimer (voir ci-dessous carte et texte) – Renfort de deux Cie/5e RI + 1 Harka + une Cie de 10e RAMA. Mise en place bouclage fin de nuit du 15 au 16 par 5e et 7e Cie + Harka et unités du 5e RI ( en place dès le 15 soir. Ratissage par 10e et 12e Cie. Présence de bergers et signaux par fumée de feux sur versant nord du Djebel Aimer. Vers les 10h le Piper signale un groupe de cinq rebelles armés en fuite vers sommet ouest du Djebel. Ordre intervention immédiate. ( voir le récit de cet accrochage dans l'extrait ci-joint, car ma section est engagée au premier niveau!).

Bilan trois fels tués, 2 prisonniers dont un blessé par balle 12,7 au pied droit. Récupération de 2 PM, 1 PA, 2 fusils, près de 500 cartouches et des grenades. Une sacoche contenant des papiers et de l'argent intéresse le B2 ! Retour le 17 en fin d'après midi après fin de fouille de deux grottes dans les falaises au pied ouest du djebel.

Du 18 au 19 Décembre ( il neige!) : Opération dans le secteur des djebel Messeguémine, (à 16 km au nord-est de Sebdou)

Le 18 : ratissage et fouille de grottes. Bivouac sur place -12e et 10e Cie en bouclage sur ligne de crête massif du Messeguémine - il ne neige plus mais il fait un froid de canard !

Le 19; recherche, puis fouille de deux grottes dans djebel el Minouna puis au djebel el Meqsen par 5e et 7e Cie. Contrôle et arrestation de deux bergers ( avec trois moutons !) par la 12e Cie en bouclage. Remis à élément B2. Bilan nul, à cause aucun appui aérien (temps neigeux).

Du 7 au 8 février 1960. Opération secteur de la maison forestière d'Aïn el Souk ( abandonnée) , puis du djebel Tirbirhit. Suite à renseignement militaire ( section de 3e Cie en chouf sur djebel bou Nefer), passage d'un groupe de 5 rebelles avec deux mulets chargés de matériels au lever du jour, le 17 ! venant secteur sud-ouest du djebel el Aoud, allant en direction de la vallée de l'Isser. Mise en place difficile et tardive. Temps épouvantable et appui aérien impossible. Bilan nul ! Mais nuit sans dormir !

Du 23 au 24 février 1960 : Opération dans le secteur de la forêt d'Ifri

Renfort deux Cie du 10e RAMA + une Harka. 5e et 7e Cie en ratissage - Autres unités en bouclage dans secteur nord et ouest du djebel el Kala – Contrôle de bergers avec leur troupeau dans une grotte du djebel el Assa. Fouille de grottes et découverte d'une cache avec traces de passage récent.

Présence de couvertures et reste de vivres dans vallée oued Kala. Bivouac sur place dans la nuit du 23. Le matin du 24 temps de tempête, pluie, visibilité nulle. Fin d'opération en fin de matinée. Fiasco complet !

[ Dernière opération importante avant dissolution des unités des 2e et 3e Bataillon du 7e RI en juin 1960. ]

Après le départ de nos Unités, dès le mois de juillet 1960, la région des monts de Tlemcen ( plus de 1800 km²) était livrée aux fels !

Triste fin ! Rideau sur une tragédie...

***

NB. Rédaction faite grâce aux extraits du journal de marche du 3/7RI et à mes notes personnelles.

Jean-Charles Point, chef de section à la 12e Cie.

Extrait de mes souvenirs d'Algérie. Tome 1 - « L'aurore »

Opé du 16 novembre 1959

(Je me cache sous le prénom de Vincent ! ! )

« Au signal donné, les hommes jaillirent de leur position et parcoururent en un temps record les trois cents mètres de la pente rude et parsemée de rochers qui constituaient de redoutables pièges. Ce déplacement avait quelque chose d'irréel: ses hommes bondissaient, sans dire un mot, en faisant craquer les branches mortes et rouler les cailloux alors qu'au-dessus d'eux les T6 virevoltaient dans le bruit assourdissant de leurs moteurs en étoile et le vacarme des tirs qu'ils effectuaient.

Après dix petites minutes consacrées au réajustement des positions sur la ligne d'assaut, tout le monde resta dans l'attente des ordres précis pour exécuter cette phase délicate. Tous les hommes engagés dans ce combat se trouvaient projetés dans cette ambiance bien particulière où l'on oublie son soi pour ne penser qu'à l'action collective, seule garante de la vie à conserver. Tous n'avaient qu'une envie: « leur foutre une bonne raclée ! »

Vincent, après avoir bien briffé ses chefs de groupe, se déplaça prudemment tout le long de sa ligne de départ en encourageant du regard et de la voix chacun de ses hommes. Dès son retour près de son radio et de sa petite équipe de protection, il observa une dernière fois à la jumelle le terrain et indiqua à ceux qui le suivraient de près le groupe des trois rochers qu'ils devraient atteindre avec lui.

Soudain, alors que deux T6 piquaient sur la position des rebelles et qu'ils l'arrosaient de mitrailles, l'ordre attendu tomba: « À l'assaut! »

Vincent fit un geste violent du bras en criant à son tour « En avant » ! Toute la section se mit en mouvement. Les GV comme les tireurs FM se déplaçaient de rocher en rocher, l'arme tendue devant eux. Alors que les T6 cabraient et que les premiers groupes étaient à moins de cent mètres de l'objectif ce fut une succession violente de tirs de PM et de fusil, d'explosions de grenades, de cris et d'ordres. Vincent, dans ce climat nouveau, voyait avancer irrésistiblement ses deux groupes de tête, sentait près de lui la présence rassurante de son petit « goum » et gueulait ses ordres pour se faire entendre de ses chefs de groupe qu'il apostrophait de leur prénom. Soudain ce fut le contact sur toute la ligne de sa section. Les rafales des armes et les explosions des grenades redoublèrent. Vincent, pour la première fois de sa vie entendit le claquement des balles au-dessus de lui et de son équipe de protection. Il allait sauter un petit rocher quand Martinez, son fidèle radio, le retint violemment par la manche et lui cria: « Couche-toi ». Ce cri, il s'en souvient encore. À plat ventre sur une touffe de doum et derrière ce petit rocher ils entendirent la violente déflagration d'une grenade. Ils se relevèrent et constatèrent qu'elle avait explosé à moins d'un mètre de l'autre côté du rocher. C'est à cet instant que Peuvrel, tireur lance grenade, leur dit: « Je suis touché à l'épaule ». Aussitôt ses deux compagnons, qui se trouvaient près de lui, le firent s'asseoir et rapidement lui enlevèrent sa veste de treillis pour voir l'état de sa blessure. Vincent leur cria: « Abritez-vous, occupez-vous de lui, je reviens au plus vite... » Il rendit compte aussitôt à son capitaine qu'il avait un blessé, atteint à l'épaule gauche. Les tirs s'évanouirent. Vincent, son radio et deux de son « goum » avaient atteint les trois petits rochers. Devant eux ils apercevaient l'autre versant du djebel. En se retournant il vit derrière lui son fidèle Martinez tenant le combiné de son poste radio dans la main gauche et son pistolet dans la main droite. En revenant sur ses pas pour rejoindre le chef de groupe de gauche, il vit venir à lui Peuvrel et ses deux compagnons.

- Ça va?

- Oui, mon lieutenant, tu m'as passé ta baraka. Ce n'est qu'une toute petite entaille.

- Sois prudent et abrite-toi ici.

Vincent, fier d'eux, les quitta en souriant, toujours suivi de son « radio-ange-gardien.» Près du sergent Norbert il apprit que deux fels avaient été tués et qu'à côté de son chef de pièce il y avait un rebelle blessé au pied par une balle de 12,7 , provenant sans aucun doute d'un tir des T6. Norbert lui présenta trois armes récupérées, une sacoche de toile contenant des papiers. Par radio le sergent Martial, qui commandait le groupe de droite, lui annonça son bilan.

- Martial, je vais vers toi. Florian peut-il marcher?

- Oui, vraiment rien de grave l'éclat de grenade s'est fiché dans sa guêtre... Il a eu beaucoup de chance!

- Confortez-le. J'avertis Fox autorité et j'arrive...

En escaladant les rochers et en forçant le passage à travers les arbres rabougris, Vincent arriva cinq minutes plus tard près de Florian et de son chef de groupe.

- Le salaud, il a cru m'avoir, mais moi je l'ai buté...

- Courage, Florian... Tu as eu de la chance! Les toubibs vont bien vite s'occuper de toi. Bravo pour ce que tu as fait.

- Mon lieutenant, j'ai eu ce con-là, mais avec Paul on en a rétamé un autre... Nos PM ont fait du bon travail !