Dernières missions à Tal-Terny

L'école déserte

Un matin, alors que j'étais au poste et avais décidé de signer moi-même les laissez passer des autochtones (nécessaires pour pouvoir circuler en zone dite d'insécurité), l'instituteur me rendit compte que l'école était déserte, pas un seul élève ne s'étant présenté. Je flairais une "manip" des fells et attendais le chef de douar pour la signature des laissez passer. Lorsqu'il arriva, je lui demandais pourquoi les enfants n'étaient pas allés à l'école. Il me répondit qu'ils étaient tous très fatigués. Je lui répondis en souriant que cette fatigue devait être très contagieuse car ma main, chargée de signer, était elle aussi très fatiguée et me refusait tout service. Il repartit tout penaud et une heure après l'instit me rendit compte que les élèves étaient de nouveau en classe. Je fis appeler le chef de douar et lui annonçais, qu'à l'instar de celle des enfants, la fatigue de ma main avait disparu et que je pouvais donc signer à nouveau les précieux sésames. Il n'y avait pas eu de cris ou de menaces pour régler en douceur cette affaire délicate quant à ses suites possibles.

Le recensement

Un autre matin, de très bonne heure, à trois heures, je fis sortir discrètement toutes mes sections avec ordre d'encercler le regroupement et d'intercepter toute personne tentant d'y pénétrer ou d'en sortir. Puis à six heures je convoquais le chef de douar et lui donnais l'ordre de faire sortir, successivement, chaque famille au complet. A la sortie principale, j'avais fait installer une table où siégeait un secrétaire muni des documents de recensement de la population. Au fur et à mesure du passage des familles, le "greffier" contrôlait les effectifs réels avec ceux de ses archives. Le but de cette opération était de démasquer d'éventuels clandestins. Nous n'en découvrîmes pas mais par contre nous avions trois nouveaux nés non déclarés. Ils furent donc inscrits à l'état civil et munis d'une identité. Leurs dates de naissance portaient la mention "né présumé le…" car traduire le nombre de jours avant ou après telle lune en date réelle était impossible. Pendant ce contrôle, un officier très supérieur était passé par là et m'avait demandé ce que je fabriquais. Lui ayant répondu, il me demandait si je voulais déclencher une émeute. Je l'assurais du contraire et lui communiquais les premiers résultats concernant les naissances non déclarées. Il se calma enfin et reprit sa route. Les fells sauraient à l'avenir que le douar de TAL TERNY n'était plus pour eux un havre de paix.

Le chien de berger

Au cours de l'une de nos sorties, nous étions passé à proximité d'un poste où il y avait des mulets et un chien qui avait été dressé à les rentrer au poste le soir. Le chien nous suivit jusqu'à TAL TERNY où les bourricots du regroupement paissaient tranquillement à l'extérieur des zéribas (clôtures faites d'épines) entourant les khaïmas. Obéissant à son instinct, le chien se mit en devoir de faire rentrer ces malheureux bourricots dans le regroupement. Ces animaux, non habitués à ce traitement de la part d'un chien, s'affolèrent et traversèrent la zériba en balayant tout sur leur passage, y compris deux ou trois khaïmas. Une fois le fou-rire passé, je donnais l'ordre de faire ramener ce chien à ses propriétaires pour éviter d'autres incidents.

La mission en T6

Début septembre, une note de la Division précisait que tous les chefs de commandos de chasse devraient effectuer une mission en T 6 (avion d'appui feu de l'armée de l'air) sur leur zone d'action et que les pilotes devraient effectuer des sorties au sol avec les commandos pour augmenter les connaissances réciproques. Un message me convoquait à la base aérienne de ZENATA, au nord de TLEMCEN, le dimanche 27 septembre à 9 heures pour effectuer cette mission. Accueilli par un lieutenant, et après un petit déjeuner copieux, je pris l'air en place arrière du T 6 n° 926 piloté par le Sous lieutenant RUSICKA. Cette reconnaissance dura deux heures et après avoir survolé le poste et mon "fief ", nous fîmes le tour de la zone divisionnaire, passant au dessus du port de NEMOURS, faisant le tour de l'île RACHGOUN ainsi que la région de NEDROMA. Au retour, voyant mon insigne de brevet d'observateur, le lieutenant chef de patrouille me demandait si je voulais voir mes camarades de l'ALAT à l'autre bout du terrain. Lui ayant répondu par l'affirmative, il m'y conduisit et je tombais sur le capitaine MILLORY, commandant le peloton, auquel je me présentais, Il m'accueillit avec joie me disant : "enfin te voila !… " Je le détrompais en lui racontant mon accueil au 7ème et la réflexion du Chef de Corps sur ses besoins propres. Il me dit aussitôt qu'il allait s'occuper de cette affaire, le 7 demandant des pipers d'observation et le peloton étant en déficit d'observateurs, il avait des arguments.

La mutation à l'ALAT

Le 29 septembre, la décision n° 1620 / DI.12 / INS prescrivait mon détachement au 1er peloton ALAT de la 12ème Division à compter du 12 octobre 1959. Heureux de rejoindre l'ALAT, je quittais mon commando avec, malgré tout, un peu de tristesse pour ces moments vécus ensemble. Le sous-lieutenant Dumont me succédait provisoirement, un capitaine devant assurer la relève.

Le 9 avril 1960, j’effectuais une mission OPS avec le 2° Bataillon du 7e RI dans l’ouest de Merchiche. Vers 11 heures, je survolais le commando 129 par une météo tangente. Au moment où je découvrais les fells mon poste radio tomba en panne et le brouillard arrivait. Je dis au pilote de se poser sur la petite route d’Azail et nous tirâmes l’appareil hors de la route. Je rejoignais le PC du bataillon avec le poste pour le faire dépanner. Vers 15 heures un trou apparut dans le brouillard et nous pûmes redécoller et rentrer à la base.

J’appris plus tard qu’après mon atterrissage forcé les fells, que j’avais découverts, avaient blessé un membre du commando…