PICTURES GENERATIONS
PICTURES GENERATIONS
La Pictures Generation désigne un groupe d’artistes américains actifs à partir de la fin des années 1970.
Terme popularisé par l’exposition Pictures (1977) organisée par Douglas Crimp à Artists Space (New York).
La Pictures Generation émerge à New York à la fin des années 1970, période marquée par une crise économique, urbaine et sociale.
Les grands récits modernistes, qui avaient dominé la scène artistique depuis l’après-guerre, montrent leurs limites. L’idée d’un progrès linéaire vers une vérité universelle par l’art (le modernisme de Clement Greenberg, par exemple) est remise en question.
Les artistes de cette génération ne cherchent plus à créer des œuvres « pures » ou « originales », mais interrogent plutôt la circulation des images dans une culture saturée de médias.
Roland Barthes, “La mort de l’auteur” (1968) : l’autorité de l’artiste comme « génie créateur » est mise en cause. Une œuvre n’a pas un sens unique fixé par son auteur, mais se construit dans l’acte de lecture/visionnage.
Walter Benjamin, “L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique” (1936) : question de l’aura et de la perte d’unicité à l’époque de la reproduction mécanique, qui devient encore plus pertinente dans l’ère des mass media.
Mark Rothko, No. 14, 1960, 1960
Prince est l’une des figures fondatrices de l’appropriation art. En re-photographiant des publicités existantes (par exemple les Marlboro Cowboys), il déplace la question de l’art : au lieu de créer une image « originale », il montre que l’important est le geste de sélection, de déplacement et de recontextualisation. Cela remet en cause l’idée romantique de l’artiste-génie créateur et redéfinit l’acte artistique comme critique du système des images.
En choisissant des images publicitaires, des pin-up, des motards ou des cartoons érotiques, Prince met en évidence la manière dont la culture populaire américaine fabrique des fantasmes collectifs (virilité, liberté, sexualité, pouvoir). Ses œuvres agissent comme des miroirs critiques de la société de consommation et de ses stéréotypes.
Son travail joue sur une ambiguïté fondamentale : est-ce encore de l’art si l’artiste ne « produit » pas l’image mais la copie ? Cette tension entre banalité de la source et aura de l’œuvre d’art (musées, galeries, prix exorbitants) rend son travail incontournable pour penser la valeur de l’art dans un monde saturé d’images.
Contrairement aux générations précédentes (Pollock, Rothko, Newman), qui cherchaient l’authenticité et l’expression individuelle, la Pictures Generation adopte une posture ironique et critique.
Là où l’expressionnisme abstrait voyait la toile comme un champ d’action, eux la voient comme un champ de signes. Cette transition illustre le passage du modernisme au postmodernisme, où l’on privilégie :
la citation, le pastiche, l’appropriation
la critique des médias
la fragmentation et la pluralité des sens
l’impossibilité d’un récit universel.
Contexte : Prince a utilisé 41 photographies du photographe Patrick Cariou (tirées de son livre Yes Rasta, 2000) pour créer une série intitulée Canal Zone.
Procès : Cariou a poursuivi Prince pour violation du copyright.
Jugement initial (2011) : La cour a estimé que Prince avait enfreint les droits d’auteur et devait détruire les œuvres invendues.
Appel (2013) : La cour d’appel a annulé partiellement la décision, jugeant que 25 des 30 œuvres examinées relevaient du “fair use” (usage transformatif) car elles apportaient une nouvelle signification ou esthétique, mais 5 restaient litigieuses. Cette affaire est devenue un cas de référence mondial sur la question du fair use et de l’art d’appropriation.
Au Québec (et au Canada), la loi sur le droit d’auteur protège toutes les œuvres (textes, images, musiques, vidéos, etc.).
Normalement, tu dois demander la permission à l’auteur ou au détenteur des droits pour utiliser une œuvre.
Mais il existe une exception : l’utilisation équitable (fair dealing). Cela veut dire qu’on peut utiliser une partie d’une œuvre sans demander d’autorisation, mais seulement dans certains contextes précis (ex. recherche, critique, parodie, enseignement).
Au Québec/Canada, la loi sur le droit d’auteur protège toutes les œuvres (images, films, musiques, textes, etc.).
Exception : l’utilisation équitable permet d’utiliser une partie d’une œuvre sans demander la permission, mais seulement dans certains cas précis :
Recherche ou étude
Critique ou compte rendu
Communication de nouvelles
Parodie ou satire
Enseignement
S’inspirer, transformer, critiquer = OUI
Copier tel quel, revendiquer, vendre = NON
Barbara Kruger, Untitled, Your body is a battleground, 1989.
Les années 1970 sont aussi marquées par une montée des mouvements féministes aux États-Unis.
Les artistes femmes de la Pictures Generation (Cindy Sherman, Barbara Kruger, Sherrie Levine, Louise Lawler, Sarah Charlesworth, Laurie Simmons) mettent en avant la construction sociale du féminin dans les images médiatiques.
L’image devient un champ de bataille politique, où se rejoue la lutte entre pouvoir, désir et identité.
Cindy Sherman, Untitled Film Still #48, 1979
Barbara Kruger est une artiste conceptuelle américaine connue pour ses œuvres provocantes et politiquement chargées qui fusionnent le texte et l'image.
Ses œuvres présentent souvent des photographies en noir et blanc superposées à des textes audacieux en blanc sur rouge ou en blanc sur noir, remettant en question les normes sociétales et les questions de pouvoir, d'identité et de culture de la consommation. Le travail de Kruger incorpore souvent des phrases et des slogans qui incitent les spectateurs à remettre en question et à examiner de manière critique les idéologies dominantes.
Grâce à son langage visuel distinct et à son utilisation de l'esthétique des médias de masse, elle est devenue une figure éminente de l'art féministe et contemporain.
Dans la culture visuelle dominante des années 1970–80 (publicité, cinéma hollywoodien, magazines de mode), les personnes de couleur étaient très largement sous-représentées, ou figées dans des stéréotypes racialisés.
Aujourd’hui, la question est d’autant plus sensible avec les débats sur la justice raciale et la représentation dans les arts. La Pictures Generation a ouvert la porte à la critique des images, mais elle a souvent laissé en marge les problématiques liées à la race. Les artistes contemporains de couleur ont donc prolongé ce travail, en faisant de l’appropriation un outil de revendication et de réparation.
Carrie Mae Weems, Kitchen Table II: Untitled (Brushing hair), 1990/1999
Kara Walker, Slavery! Slavery!, 1997.
Arthur Jafa, LeRage, 2017.
Arthur Jafa, Mickey Mouse was a Scorpio, 2017.
RÉSUMÉ
La Pictures Generation n’est pas née dans le vide :
Elle est le produit d’un moment historique — la fin de la croyance dans les récits modernistes, l’influence de la pensée poststructuraliste, la montée des médias de masse et des luttes féministes.
Ce contexte nourrit une génération d’artistes qui ne cherchent plus à inventer des images neuves, mais à révéler les mécanismes de celles qui nous entourent déjà.
Elle marque ainsi le glissement de l’art contemporain vers une culture de l’appropriation, de la citation et de la critique visuelle — une culture qui reste aujourd’hui la nôtre, dans l’ère numérique et des réseaux sociaux.