Adam Curtis est un documentariste, écrivain et producteur britannique, principalement associé à la BBC. Connu pour son style singulier, il combine images d’archives, narration hypnotique et musique pop/expérimentale pour analyser les forces cachées qui ont façonné la société contemporaine.
Son travail explore l’influence des idéologies, de la psychologie, de la publicité, de la technologie et du pouvoir politique sur nos vies et notre imaginaire collectif. Curtis se décrit moins comme un journaliste que comme un conteur, révélant comment les récits visuels et idéologiques façonnent notre perception du réel.
CENTURY OF THE SELF, 2002
1. Publicité, psychanalyse et manipulation des désirs
Après la Seconde Guerre mondiale, les publicitaires se sont inspirés de la psychanalyse freudienne (notamment via Edward Bernays, neveu de Freud, figure centrale chez Adam Curtis).
L’idée : plutôt que de répondre aux besoins réels, la publicité fabrique des désirs inconscients.
Les images publicitaires cessent de montrer des objets de manière descriptive et deviennent des vecteurs de fantasmes : un parfum = séduction, une voiture = puissance, une lessive = bonheur familial.
Ainsi, l’image devient moins un reflet de la réalité qu’un instrument psychologique, chargé de canaliser des pulsions vers la consommation.
2. La mutation du monde visuel : de l’objet au style de vie
La publicité impose un nouveau régime de visibilité : les images ne sont plus seulement des représentations, mais des promesses d’expériences.
Dans les années 1950-60, cela contamine la mode, la photographie, le cinéma : les codes publicitaires infiltrent l’art (Pop Art, Pictures Generation).
Les images deviennent spectaculaires et stylisées : elles ne cherchent plus la vérité mais l’efficacité émotionnelle.
Ce glissement a mené à ce que Curtis appelle la fabrication d’un monde où les images nous disent quoi désirer — en nous projetant dans un imaginaire toujours plus séduisant que la vie ordinaire.
3. Impact politique et culturel : de l’illusion de liberté à la société de contrôle
Adam Curtis insiste : la publicité a participé à construire l’idée que nous sommes libres — libres de choisir, libres de consommer, libres de nous exprimer — mais toujours dans les limites du marché.
Cette illusion de liberté par l’image a déplacé la politique : au lieu d’agir sur le collectif, on gère les désirs individuels.
Les images publicitaires deviennent ainsi un outil de contrôle : elles façonnent nos comportements, nos attentes, nos identités.
Curtis montre que cela mène à une société où l’image remplace le réel : les campagnes politiques ressemblent à des publicités, les guerres sont médiatisées comme des blockbusters, et les réseaux sociaux continuent cette logique de l’image comme marchandise du soi.