Marie Leroy

Prenez soin de vos idées…

Les idées sont un peu comparables à la pluie : on sait qu’elles vont tomber, on ne sait jamais quand.

Le mystère qui plane autour de leur naissance est une raison supplémentaire de préparer un terrain favorable à leur développement. J’entends par là : gardez les yeux ouverts, soyez à l’écoute, mais à l’écoute de vous-même, non de ce que les gens racontent.

Une fois que l’idée a germé dans votre tête, sachez la faire grandir sans être obnubilé par elle. Travaillez la terre, arrosez-la, laissez-la prendre la lumière de temps à autres ; mais soyez conscient de l’importance de lui laisser un peu d’autonomie : un minimum de liberté est indispensable à son équilibre, et surtout au vôtre – trop y penser provoquerait chez elle un accroissement tout bonnement ingérable.

Il n’existe aucune garantie que votre idée a atteint sa maturité. Même si, un beau jour, elle vous semble suffisamment aboutie, elle peut se révéler le lendemain aux antipodes de vos espérances et vous ramener à votre position initiale. Alors, si vous souhaitez tirer un bénéfice de votre trait d’esprit, la seule solution est d’oser prendre un risque. Croyez-moi : le plus dur est de se lancer, le reste vient tout seul.

Quand vous avez finalement franchi le pas - et que vous vous sentez l’âme d’un héros au sommet de sa gloire -, redescendez un peu parmi nous, et prenez garde à bien sélectionner vos fruits. C’est une phase délicate, car bien que vous ayez envie de sublimer cette idée intégralement, il s’y cache, comme partout, des choses à prendre et à laisser. Des fruits les plus appétissants et les plus parfumés, peut s’écouler quand on les mord un venin fatal ; une baie saine en apparence peut avoir dans notre bouche un amer goût de moisissure…

Choisir les parties exploitables d’une idée ne peut s’apprendre qu’à l’école de la vie. C’est davantage une question d’expérience que de talent chez l’exécutant ; bien qu’il semble que certaines personnes apparemment saines d’esprit, aient beaucoup de mal à faire la part des choses concernant les produits de leur imagination.

L’idée m’est venue un jour que tu pouvais m’aimer. S’il m’a été facile de la laisser grandir, j’ai (plus ou moins volontairement) oublié de lui fixer des limites ; et la voilà aujourd’hui parasitant toutes mes pensées, crevant mes raisonnements sensés de ses branches assassines, et ses fruits hallucinogènes m’enferment chaque jour dans un monde dont tu es le centre. Si un traitement adapté ne suffit pas à canaliser le poison, je crains qu’un déracinement ne s’avère inéluctable…