Daniel Aranjo
TROIS EFFIGIES
Tal fosti
(Leopardi)
Écouter, yeux ouverts,
écouter une jeune morte, yeux ouverts,
sans requiem ni pleureuses nubiles
sous l’arc de quelque édicule blond
quand l’aube froide frotte l’or terreux de ses contours contre une fine et ocre cité
et que le vieux vent soudain, tout près, se peint en une voix,
et une courte dispersion d’idées
non loin des cinq alvéoles d’un cimetière préroman taillé dans le basalte d’une abside sans arc
(momie en creux, sarcophage à ciel ouvert, épaules fines, pieds serrés, rainure pour la tête)
auge d’eau noire et gelée, lestée de gros cailloux, où un enfant pourrait glisser.
***
Marbre souple de madone descendue au tombeau, plus clair, dans sa nuit pieuse,
sous une seule lampe à huile, et comme sa propre lumière,
d’une chapelle latérale franciscaine de calle vénitien
pris au hasard - pour fuir un jour de grêle grise et d’orage gris en juillet -
où l’on reconnaît soudain l’image, et la sentence, d’une mère
signée Giacomo Cazotta sculpsit (1772) -
avant de repartir philosopher à cinq ou à six, autour d’une nappe crue,
d’un flacon de petit vin brûlé de Chypre et d’une poignée de marrons secs.
***
Le sarcophage pluvieux d’un sculpteur de sarcophages et de sa fille, avec quelques outils et un polissoir (en pierre arrondie) de visages de statues.
Non, tu n’as pas atteint l’éternité, mais ton art te rend, en nous, éternel qui empruntons tes voies symboliques, séchons ton caveau et recroyons aux déités que tu ponças
comme je chante aujourd’hui un chant qui rechante Dieu, sans croire en Dieu mais à mon chant
et au grave sourire silencieux, peint sur les lèvres de ma fille.