Jean-Pierre Parra
Noir Sommeil Shoah
Vêtu des habits de malheur
dans l’air en tourment
supplier
sanglant comme la mort
les yeux secs
des coeurs sans pitié
pour oeil qui se clôt
s’enfermer
ajournement de soi traversé
dans l’obscurité
des jours fuyants illusoires
*
Par-dessus les ossements des corps morts
qui ne se vengent pas
des coeurs pleins de cruauté
conduire
le regard trop vaste pour l’oeil de l’homme
vers le ciel empreint de désespoir
pour aspirer
devancé
dépassé
à la vie
sur le chemin indécis
vers le premier
vers l’ancien
*
Arrêté par la fatigue
dans le jour trop amer
fuir
bouche éteinte
le grand trop du dehors
pour yeux douloureux qui s’éteignent
mourir sans peine
éclatante lumière écartée
*
Sur la route de la misère humaine
tes soupirs
au poids de rien
interprètent des refus
qui brisent la chaîne formée dans le coeur
Coeur brusque tombé par lui-même
main inquiète qui tremble
rejoindre
jours envolés
la lente terre qui dévore
*
Fatigué
découragé
par la vie qui s’attaque à la vie
aller
coeur peu utilisable
vers le séjour
vide
désolé
de l’humaine race oubliée
qui foule en fuite
les jours à vivre sans bonté
*
De la vie de plus tard
dans l’enclos en vain fermé
par la mort qui se presse
se souvenir
bouche blême qui se tait
du rythme de l’âme quotidienne
en séjour rêvé
éveillée
par les désirs inassouvis dissimulés
*
Homme qui passe dans le plus noir du coeur
être sa propre cage
être sa clé
pour dire
rentre
sors
Verrou tiré par la main pleine de nuit
qui descend sur l’horizon
sentir
sous les accents de douleurs répétés
les lèvres se glacer
pour succomber
*
Feu mal éteint dans le regard
aller
mains posées devant les yeux
accoster
présence oubliée
l’ombre des morts frôlée
sourds aux cris de leurs frères
morts comme eux
au milieu des maux soufferts
*
Homme à genoux sur la rive de l’enfer
parler
héritage recueilli
par la terre
par les arbres
par le ciel
avec les débris d’hommes ignorés
A l’incrédule
dire
voix qui ne parle pas des leçons du malheur
que les astres ne sont pas muets
que ce sont les athées qui sont sourds
Au milieu de la course de la nuit couverte d’yeux ouverts
écouter
vivant sorti du gouffre de l’enfer
le monde sans commencement
le monde sans fin
Chemins inconnus suivis dans la nuit profonde
chercher
pardon non puisé des ombres sans cercueil
la mémoire dans le siècle évanoui
Morts tombés vus de toutes parts
couverts de fumée et de cris
voir
sens glacés
les pâles époux
les pâles épouses
les pâles enfants
immolés avant l’âge
Cieux voilés par l’éclat de l’enfer
savoir
prières entendues dans les heures tombées
que tout est mort
la lune
les bois
les sépultures sans tombe
que tout tombe
que tout s’anéantit
Assis sur les ruines du sommeil terrible
devenir
révolte
haine
désertées
l’homme au masque sur face masquée
qui visions funèbres fuies
mêle sur les vents portés
ce qui ne se dit pas
ce qui ne se peut connaître
*
Nouvelle loi découverte du voyageur sans renom
mené
sentiments perdus
comme du bétail
là où
vol pris vers le brûlant four
s’enfoncent les astres
Dans les jours faillis qui n’ont pas de soleil
la terre effrayée
par les coeurs d’hommes
tombés dans la colère
manque de contrepoids aux hommes sans coeur
Dans l’ignorance des pires moments
impuissantes devant le bruit de l’agitation du mal
les paroles
qui ciel et terre passés
ne passent pas
sur les restes réveillés des hommes
qui s’enfuient
qui fuient
Vie mise à l’épreuve
possédée par la résistance
passée par ce qui a été établi
prendre
pour soudain sur sommeil chassé
garde à soi-même
dans le temps dernier venu
sans tombe appelé
*
Voir
tombé dans la nuit du trépas sans réveil
ce que nul être ne peut voir
les tourbillons d’âme
destin achevé sur la terre
tombés dans l’abîme du siècle
savant destructeur
De bouche à bouche
volent
semées au loin
les cendres du peuple qui sommeille
portées par le vent
qui sourd au néant
échappe à ce qui doit arriver
*
Yeux en larmes
âme en deuil
coeur alourdi par le regard fixe de la mort
s’endormir
yeux fermés sur la lumière
sur le chemin ouvert par les hommes
dans le silence aride du néant
où tout se tait
OEil ouvert pour l’autre monde
multiplier
mémoire du malheur retrouvé
le souvenir
morts qui tremblent peu
de l’homme combattu par l’homme
qui sans rendre compte de rien au coeur
mêle les cendres à la terre
*
Dans la cendre du soir
enlevée comme feuille morte
par le souffle venu du bord du sombre nuage
se sentir pâle
mort debout derrière soi
élu du trépas convoqué
Tente de la vie voyageuse ployée
jeter
combattant à la raison ardente
le dernier regard de la pensée
crépuscule venu
sur la frontière fermée de l’avenir
*
Yeux prêts à mourir
posés sur les portes closes
de l’avenir fécondé par le passé
regarder
jours consumés
les hautes cheminées aux lignes pures
entendre
fleur de l’espérance périe
les voix éteintes par le trépas
attendre
exercé à mourir
le jour chassé par le jour défunt
*
Au courant du monde
parler
sommeil secoué par la mort muette vue
avec la voix des douleurs
du monde borné
Yeux qui tremblent sur l’urne des ans remplie
écouter
plis de peau rugueuse affaissée sur le visage
le lointain souvenir
du temps de tristesse
A genoux sur la pierre sans murmure
revenir
âme lasse de souffrir
de la foi consolatrice des jours qui se retire
sur le vieux chaos réveillé
*
Portes de l’espoir toquées en vain
clore
au bord du chemin de fer
les yeux taris à sauver
A coups pressés
abandonner
wagon ouvert devant le pas tremblant
la vie passée bien passée
Avec la fatigue inouïe
se maintenir
âme engourdie
au milieu de la vie suspendue
Regard resté sur l’horizon
nommer
sommeil apporté par l’air ébranlé
la mort qui verrouille les yeux
*
Dans le rayon sanglant
qui perce la fenêtre ouverte dans le souvenir
voir
tristesse endormie
songe achevé
raison perdue
l’enfance anéantie dans les yeux des mères
entendre
sous la main qui bat
tomber
la couronne de l’enfance autour de la tête
qui ne défie plus la mort qui défait la vie
*
Âme revenue dans les os fatigués
se voir
coeur emporté par la peine qui seule résiste
rappelé
cendres portées par le souffle de l’adversité
dans les champs du monde
*
D’un rire amer
rire
des choses permises
qui vue incertaine sur la mort
comble de victimes
les murmures du jour qui luttent
contre les corps gisants délaissés
sans personne pour les ensevelir
Il faut mourir en entendant le rire des bourreaux
Il faut faire place à la cendre
*
Dire adieu
oeil mort fermé au ciel
dans le sacrifice
au grand vent qui s’élève
néant de l’avenir passé
sous le soleil rouge au coucher du soir
Tomber
sang qui s’écoule pour allaiter les besoins de la vie quotidienne
par les mains sans pitié
sans battre en retraite
sur la tombe jamais ouverte
par les hommes sans ombre de chagrin qui vivent
*
Homme pieds sur terre
homme tête au ciel
yeux baissés pour pleurer
voir
de l’autre bout de l’horizon
la plaine du carnage
qui secrets des fours annoncés
par ceux qui courent sans espoir vers l’hécatombe
vit paisiblement
pour mourir
pour vivre tous les jours
*
Ami de l’ombre
noir de la cendre qui interrompt ta marche vers les cieux
tu ne sors plus
âme dissoute dans l’effroi balbutié
du puissant sommeil
Force de vie exténuée sur les os desséchés jusqu’à la moelle
tu entends encore
mort qui partout poursuit
l’adieu au séjour de souffrance
dans les débris de tes restes non respectés
*
Vie courbée accablée
par l’odeur
corps entassés
des morts dans la sinistre plaine
pleurer
l’âge envolé
des visages changés par la tristesse devant soi
qui savent
l’espérance absurde dans le temps qui passe
*
Coeur dur comme la pensée
mollir
néant découvert par tes soins
comme une fleur
Yeux de l’âme aveuglés
compter
dans le noir sommeil
tes heures qui fuient nues
A l’heure des regards froids
être
tombe ouverte aux pas inquiets
ton propre fossoyeur
Ciel fatigué par tes prières
périr
là où les sauvages mettent le feu
sur la plaine
*
Dépouillé de toute espérance à venir
lutter
mémoire sans limite scellée dans l’âme
contre les embûches de l’éternel oubli affamé
pour veilleur de nuit chargé de jeter l’alarme
arracher les blessures
du coeur des ténèbres
*
Asservi à la loi de l’indifférence sur laquelle gémit le monde extérieur
ton angoisse
trouve le repos
dans la mémoire silencieuse préparée dans l’oubli
ton angoisse oubliée
dans le regard obscurci las de la vie
ferme le jour
*
Larmes amères contenues
perdu de vue dans la résignation infinie
venir
au cri de la douleur
respirer le vent de mort
Cheveux hérissés
sous le souffle glacial de la mort
croire
mémoire arrachée aux puissances de l’oubli
pour la vie
*
Poussé au tombeau
saut de tremplin exécuté
par les bras de fer
ne plus voir
yeux ouverts aux pleurs
le soleil
pour rejoindre
reposé en soi-même
pensée effacée
la mort inféconde
*
Feu allumé
Cacher
sous la fumée
les hommes pleins de corps sans vie
montrés par les circonstances
pour alimenter
indifférent
la mort
de cadavres féconds
*
Coeur dur comme pierre
coeur froid comme fer
conduire
esprit engourdi
les coeurs emplis de douleurs
des corps mortels faits de terre
vers la fosse creusée en terre
Mort respirée partout
dans la nuit du temps qui fauche
repousser
mort à l’entour du coeur obstrué
l’éloge de la vie lassée du voyage
fait par la mort
qui trouble les yeux
*
Espérance
rire
plainte
crainte
courroux
tombés
par le souffle criminel
hors du chemin de liberté
fuir
dépouillé de volonté
l’humaine misère
pour le dur sommeil
qui dépouille
terre abandonnée
les cadavres parcourus par le soleil
sur lesquels la mort n’a plus de pouvoir
*
Temps cruel de l’aspect des yeux enlevé
qui lisent du dedans
qui lisent du dehors
les vestiges humains
vie cachée aux autres
imprimés sur cendre
Accablante douleur teinte dans le sang des hommes offert
qui appelle
mort invitée
voyage des heures accompli
le sommeil tenu fermé
qui ne laisse pas vieillir
*
Homme insensé de douleur
se lever
dernières ténèbres venues
du fond du désespoir
pour sur la terre asservie
qui pleure sous le soleil éloigné
regarder
dedans du coeur éteint
la vie quittée
sous le signe du meurtre
sous le signe des supplices
*
Ils crient
plaies découvertes
yeux baignés par la douleur
poids posé pour ne plus fatiguer
Dieu viens à notre aide
Ils palpitent
pieds victorieux posés de la mort
regards empêchés sur les beaux ombrages
pensée errante dans l’infini
d’effroi sous le soleil voilé par la cendre emportée par on ne sait quel vent
*
Avoir
regard devenu infirme
l’air d’une personne vivante
qui coeur plus froid que la glace
contemple
les hommes proies enflammées
sur lesquels la flamme gronde
pour dérouler
sang des hommes offert
les replis de fumée
*
Chaleur lavée
chaleur évanouie par le ciel en pluie
tu te relèves abattu
pour coeur serré dans les jours de sacrifice
mêler au sang tes larmes
qui ne peuvent fléchir l’histoire
Désert de l’avenir vu
obscurci par le passé
tu entends sans relâche
rendu aveugle au jour
les bruits pressés des pas des hommes
qui n’ont plus le temps pour avoir la liberté
*
Yeux chargés de larmes
qui ne peuvent plus s’échapper
vivre
fin appelée
debout
Coeur qui souffre la mort
s’élever
cendres craintes
vers l’espoir
dans le temps qui s’enfuit
*
Esprit amoindri
courir
temps en arrière jamais retrouvé
dans le couloir droit
à la mort
Dans la hâte qui survient
entendre
chemin du revenir sur les pas fui
enveloppé dans le mal
les voix toujours en haine
*
Eclate
dans l’air froid qui résonne
les larmes amères
qui pleurent de ton visage
Tonne
rapidité du monde qui abandonne
dans le coeur
le dernier moment qui emporte tes ans
Pleure
par tous les pays
clés du coeur perdu
la mort indigne qui te ravit
*
Coeur fatigué
pas ralentis
tu ne respires plus
cris d’angoisse éclatés partout
dans la fuite qui protège tes jours
Coeur enserré
dans l’espérance sans fin qui tue
tu attends
cris entendus mis dans la bouche
le Dieu qui tarde
*
Cité des morts entendue
suivre
yeux accablés trempés de larmes
le cercle de douleurs
pour dans la rencontre de la vie cachée
se sentir
au terme même de l’existence
glacé au milieu des flammes
*
Flamme presque éteinte
arrêter le pas
tempes blanchies
sourcils barrés par les rides
de la vie usée par le temps
qui reste
pour mourir
entouré du gris des uniformes
asphyxié
sans le moindre signe qui résonne
*
Arrivé
sans être mort
au bout du voyage en train
s’engager
soleil incliné sur l’horizon
pour oublier le monde qui t’oublie
sur le chemin emprunté par
les pères
les mères
les époux
les enfants
les vieillards
qui solitude partagée
s’en vont
en monde meilleur
*
Coeur épaissi de douleurs
déchargé de la haine
déchargé de ressentiments
enveloppé par l’ennemi
gémir toujours
sur la terre teinte de sang
dans le séjour commun qui rassemble dans le même camp
le troupeau paisible
les hommes sans loi devenus bêtes sauvages
Armure des pensées dissoute
amour contenu dans la vie évanoui
aller
mort sur les épaules
au-delà
*
Âme appesantie dépouillée de toute volonté
cachée à l’oeil curieux
tu les entends
meurtre levé dans les yeux enténébrés
désunir les hommes des autres hommes
rompus par les ans
qui savent
larmes aux yeux
le printemps ne plus venir
*
Esprit fatigué
cheveux devenus d’argent
réveille-toi
épouvante quittée
dans les rêves qui parcourent seuls
le lever du jour
Au bord du chemin
nuit dépensée en coeur déchiré
entends seulement
seul de la race
le charme de ce jour
qui ne se retourne pas
*
Enchaîné dans ce monde
qui n’est pas celui des humains
chercher
frémissant au milieu de la peur
la vie en toi-même qui s’enfuit
Homme à venir sans avenir
tu te vois homme passé
chercher
dans l’air où flotte la tristesse
la parole qui cesse
*
Nu au vent
attendre
égaré sur la route
avec la patience qui soulage la douleur
le ciel brûlé
qui boit les cris
Comme attiré vers le vivant brasier
brûler
coeur éteint
au-dehors et au-dedans
vie molle écartée
dans la puanteur qui monte jusqu’au ciel
*
Coeur qui se plaint à haute voix
dans l’air froid du jour
tu sens
solitaires
les larmes couler
en ton âme inquiète
Misère ignorée traînée
jusqu’à l’espoir arrivé à terme
tu t’éteins
d’accord avec ce qui arrive
au désert des êtres
non liés par l’avenir
*
Maux soufferts tus
demander au ciel
coeur agité par le souffle des arbres éveillés
de terminer ta douleur
Voix qui ne sont plus que des bruits sonores portés au loin
rester
sous le regard des coeurs toujours froids opposés à la pitié
sans espoir
Visage détaché qui ose fermer les yeux
rejoindre
sans jamais laisser de trace
le sommeil des hommes
*
Sentier trop raide poursuivi
s’unir
yeux brûlés de larmes
dans le jour trop chargé d’angoisses qui t’abandonne
comme poussières et cendres
Mots étouffés
dans l’adieu difficile à la vie fanée
mourir
force d’âme rendue
par la volonté du ciel qui défend
*
Entrailles dressées par le sang de colère
douter
hauteur du ciel
profondeur de la terre
ignorées
dans le jour rongé de tourments promenés
de l’évidence au coeur du chaos
Coeur serré épuisé souffrant
craindre
nuée partie
trace annulée
d’aller brûler
dernière heure arrivée
d’un feu médiocre sur le chemin sans retour
*
Silence vrillé dans le coeur
savoir
temps pour se taire
ton âme perdue aller en sens inverse
Coeur serré de peur
chercher
écrasé de fatigue
à rassembler tes pensées
Regard qui montre son fond
attendre
sanglots ravalés
ton corps devenir cendres
*
Coulent les larmes
de ton coeur resserré par la frayeur glaciale
qui sous le ciel sans réplique
tremble
intelligence laissée en doute
devant la mort redoutée
cernée par la parole
des hommes propres indifférents à tout
*
Dans le silence
dans l’ombre
vouloir
parce que dit juif
parce que reconnu juif par l’Etat
parce que brûlé juif dans le camp
parce qu’envoyé comme juif dans l’éternité
se cacher profondément
*
Âme mêlée aux âmes
des femmes
des hommes
tu entends
cris
plaintes
sanglots
tu vas
rempli de frayeur
vie qui s’enfuit devant la mort
bras levés pour frapper
vers la haute cheminée
béante
illuminée
qui dévore
*
Devant l’ennemi toujours plus cruel
tu acceptes
avec l’âme
qui voit
qui entend
qui lit
qui dit
qui écrit
qui pense
dans l’extrême patience
le tort d’être né juif
*
Voyage commencé à tes pieds terminé
avoir peur
glacé par le froid
jour et nuit
Egaré dans la nuit des jours
évoquer en songe
les jours heureux de ton coeur large
plein de vie féconde
Homme soutenu par la vieille pensée renouvelé
tu pars
nourri de ta mort
vivre dans les flammes
*
Conduit à la mort
réclamer
âme assoupie
une dernière fois
le soleil qui efface la nuit
Bruit du monde haï
se tenir
cendres craintes
dans la solitude
de l’heure destinée aux larmes
*
Tempes blanchies avant le temps
entrer
coeur en douleur
défait de la vie qui s’achève
dans le labyrinthe de la raison morte
Mort invoquée
réclamée par les âmes tordues
chercher
yeux lassés par la vie privée de lumière
le repos
*
Homme plié en aveugle
par la règle nazie qui rend sourd aux plaintes
tu restes
coeur qui fuit
pour voir plus loin que la mort
lèvres immobiles
souffle muet
l’oeil prêt à s’assoupir
sous le ciel sans étoile
*
Existence oubliée
agité par l’effroi
tu tentes
pleurs essuyés
de continuer de vivre
Raison qui s’en va vaincue
par les soldats de fer
tu avances
vie errante qui plonge
comme un homme qui brûle
*
Contraint de suivre la violence
souffrir
coeur percé des deux côtés
le martyre des douleurs
qui ne cessent de croître
dans le temps long intranquille
sur le court chemin
de la collecte des cendres éteintes
*
Extraordinairement agité
aller
haine unie vue
emmené par les bras teints de sang
bouche non colmatée
de l’enfer ouverte
de l’autre côté de la vie
vers l’ardente fournaise
*
Raison mise en arrière
au combat de la vie
ployer
sanglot caché entendu
les genoux
sur la route du ciel obstrué
par les esprits boiteux
qui comme machines se veulent glorifier
pour conduire à la mort
*
Dans ce jour qui termine le monde
obscurci par la nuit nazie
rester
coeur plus froid que la neige
à terre
contre ton gré
pour se sentir
mort à côté de toi
périr
sans chercher ta direction
*
Accompagné par les hommes résignés
passer
honte du visage enlevé
dans le lieu où l’on pleure
pour devant les yeux
voir la mort
Éloigné si vite
de la vie sans cesse habité
vouloir
larmes répandues qui ne servent à rien
se laisser tomber
pour retourner en arrière
*
Sanglot caché entendu
comme une voix qui pleure dans la nuit
attendre
dans l’insupportable attente
dans le temps de mourir
coeur aspiré dans le ciel perdu
ceux qui obéissent
ceux qui tranchent les noeuds de vie
*
Main lasse de retourner le sablier
de la vie qui se désole
pour s’abandonner
partir loin
lumière du regard disputé par le voile douloureux de la fumée
en regardant en arrière
enveloppe terrestre dépouillée
vers le temps qui ne peut plus revenir
*
Désespoir connu fait pour changer la couleur des cheveux
fermer
homme malmené par d’autres hommes
les yeux
pour ne plus voir la vérité de l’horrible
Sans voir
regarder
besoin de larmes accepté
l’intention des bourreaux
qui désignent les vies superflues
*
Oreille encombrée de deuils
dans les nuits
dans les jours
livrés aux ténèbres de la tristesse
devenir
soleil obscurci par l’air saturé de poussières d’homme brûlé
sujet à la mort qui vient derrière la vie
mort vraiment
*
Traits contractés
yeux hagards
air effaré
bras tendus fatigués serrés au corps
jambes rentrées dans le corps
secoué de se trouver nu
avoir peur de s’entrechoquer dans la foule
réciter
pensées dispersées
les prières
sous le ciel épris d’amour pour la terre
*
Juif au métier de devenir homme abandonné
tu vis
vie arrosée de larmes
sans condamner personne
Homme d’un dernier moment
tu retrouves
tristes jours ranimés dans le cerveau funéraire
un peu de calme
Homme suivi par les flammes de l’éternelle mort
tu sens
fatigué de vivre
le souffle d’entre les dents arraché
*
Yeux laissés misérables
ne plus revoir
ciel tourné vers le malheur
les siens ici-bas
Os mis à nu
demander à la mort
yeux lourds fermés
secours contre la mort
Souffrance impossible à mettre en oubli
battre
coeur encore rebelle
la vie humaine
*
Coeur d’homme vidé
dire
plis de la vie enchaînés par l’âge effacés
l’adieu difficile
à la route poursuivie
sans une compagne
sans un compagnon
avec l’ombre de plus en plus petite qui te suit en vain
à pied
jusqu’à la chambre à gaz
*
Mis en oubli
penser
oeil égaré
que pour pleurer
dans le monde mis à nu par le tout perdu
Dégagé ici-bas des noeuds qui retiennent
entrer
mort attentive aux voeux
exécuté
dans le deuil de la nuit
*
Yeux sans larmes
enfin parler
des hommes cruels entre les hommes faits par les hommes
qui âmes desséchées
empêchent de vivre
Coeur enserré dans la peine
vivre épuisé
sommeil loin de soi
qui ne répare plus
jusqu’à la tombe
Oreille sourde aux voix qui hurlent
se consommer
part de chacun répartie par les experts
qui tiennent l’angoisse à distance
dans les fours de basse intelligence
*
Yeux imprégnés de douleur
entouré d’âmes éteintes dans le deuil amassé
tu avances
à travers la brume
à travers le flou
des larmes
pour
visage
cheveux
chargés
d’heure en heure
de jour en jour
disparaître dans le jour prêt à paraître
*
Âme fatiguée
corps changé
forces diminuées
mis à genoux
se voir
fardeau de douleur présenté devant les ennemis de la vie
abandonné dans l’extrême passage
*
Du regard attentif
rechercher
caché à l’oeil curieux
l’espoir entretenu par la mémoire qui distrait
de la largeur incompréhensible
de la cruauté des hommes sans remords
qui exécutent
libre de tout souci
les hommes réclamés par la poussière des cendres
*
Suspendu dans la nuit noire
abandonné de tout secours
dans la basse-fosse des ténèbres
ne rien savoir de ce lieu d’absence de clarté de l’air
ne pas en connaître les issues pour en sortir
Laissé en dépôt
assis dans le vide de la pensée
être
dénié injustement
coeur de glace qui saigne
*
Sur le chemin du repos rendu à la vie
tâtonner
vue sur la lumière arrêtée
au midi le plus clair
dans l’obscurité des hommes de haine
qui réclament
dans un ouvrage plein de noirceur composé
somnolence de la pensée patiemment construite
la résignation
*
Sous le ciel où aucun astre ne luit
trembler
froide sueur répandue sur le corps
sous le contact du fouet
Sous les yeux pleins de menace
s’endormir
corps glacé presque sans vie
dans le sommeil qui élimine la violence
*
Honte au front
coeur en plainte
sous les traits de haine pointus
promener l’attention
sur le voisinage des hommes abaissés par les hommes uniformes
souhaiter la rapide retraite
établie dans la mort sourde aux voeux
*
Pâle
sans haleine
sans pouls
laissé froid
dévaler
comme la mort
vers la fosse
pour aller dans la braise
plaire
à ceux bien aise de tuer