A.-E. Fournier

Albedo

Le matin lavé de lumière n'apporte aucunes réponses.

Mais il a éloigné les questions,

comme la marée se retire de la grève

révélant la nudité de l'espace.

Ainsi les mains vides

paumes ouvertes

marcher au creux des heures qui se déplient

debout dans l'air hyalin, humide

fendu ça et là par le craillement d'oiseaux invisibles

serrer le pouls ténu du jour

dans une amorce de brume.

Marcher vers cette fenêtre

phare allumé en lisière de nuit

et boire l'affairement de la vie

comme elle éclot une fois encore.

S'en tenir au ras des choses,

car nous ne savons rien.

Ceux qui restent

C’est un jour comme un autre

pour ceux qui restent.

La bruine creuse patiemment le ciel

délavé

absent.

C’est toujours l’hiver sous les arbres aux cheveux de Gorgones

qui dévorent la brume

ils ont si faim.

Les visages de ceux qui sont partis

s’effacent si vite

dans la lumière du soleil trop ancien.

Ceux qui restent alors

serrent le vent contre leur sein

crevassé de conques marines.

Quand vient la mort des heures ils écoutent

des échos affleurant de très loin

dans les anfractuosités du ciel

ils guettent

les traces d’un chemin.

L'appel

Les étoiles savent-elles la trace

et la chaleur de la main humaine ?

Nous sommes si peu faits pour tant d'immensité.

Contre la béance le chant des solitaires

puits de lumière qui ouvre le silence

et déplie l'espace

fêlure dans le rire et rire dans la fêlure

notre chant comme une bouteille à la mer

confiée au ventre sans yeux de l'univers.

Qui la trouvera ? Qui entendra son appel ?

Et comprendra la joie, la joie insensée et coriace

au milieu de l'infinie violence de la mort.

Résilience

L'aube convalescente accueille toutes les feuilles mortes.

Elles dansent, virevoltent dans l'air blanc

sur la page encore intacte du jour

comme oublieuses de leur dessiccation.

Mais le souvenir de la nuit

est si semblable à la nuit

Et à son immense blessure.

La mère veille comme un oiseau inquiet.