Le safran

Safran refait à neuf lors de l'achat

Le propriétaire m'a clairement montré (et comment l'aurait-il caché ?)  Que le safran est détruit à cause d'un mauvais évitement autour d'une chaîne de mouillage. En effet, la partie basse du safran a été arrachée et le corps métallique (tige d'au moins 30 ou 50 mm de diamètre qui rentre dans le bateau) a été tordue. 

Bref, tout sera refait par professionnel avant la vente et ce sera le cas en effet (j'ai même vu la facture proche des 3 000 € ou 5000 € même ! 😱)

Âme mousse refaite, stratification, etc. Je repars avec un safran neuf pour faire St Malo => Plévenon cap Fréhel puis je mets le bateau au sec.

Je repars avec un safran neuf, mais qui a un peu de jeu (les bagues n'ont pas été refaites à cette occasion : un comble !). 

Je repars avec un safran neuf mais dont la barre a 15 ° d'angle sur bâbord lorsque le safran est droit !

Je repars avec un safran neuf mais le bateau tire sur bâbord sans cesse !

Je repars avec un safran neuf qui, au bout d'un an, commence à pourrir ! 

=> Décidément, le travail de pro est discutable ! 


Démonter le safran

Bon, après avoir longuement regardé l'engin comme une poule qui a trouvé un couteau, j'ai compris comment le démonter ce safran ! 

Après avoir démonté la crapaudine (une grosse vis à dévisser par le dessous de la crapaudine), la barre et son axe (10 mm de diamètre), on retire l'axe longitudinal qui traverse la tête en bronze et le tube de safran. (6 mm de diamètre en inox).


On retire la tête en bronze (si on y arrive sinon pas de soucis (voir plus loin)).

On retire la bague anti-frottement (en noir)

On essaye de retirer la première bague de maintien de l'axe de safran (en blanc). Pour ce faire, on fait levier avec un tournevis plat et large sous l'épaulement de la bague. 

Avec un tube de diamètre à peu près équivalent au tube de safran, on vient frapper sur le haut de ce tube de safran qui va descendre peu à peu dans le tube de jaumière. Attention à penser à préparer une réception pour le safran, car il va tomber d'un coup. Un oreiller ou un bout de mousse épaisse va éviter tout risque de casse. 

Il faut ensuite dévisser la vis de bague inférieure (qui est située sur le tube de jaumière dans un regard arrière de la cabine skipper). Sans cela, la bague inférieure ne pourra pas être délogée.

On récupère ainsi les deux bagues de maintien de l'axe de safran (on en profite pour tout refaire à neuf bien entendu).

Astuces :


Et le safran qui va subir de nombreux travaux également. 

Le bateau qui tire à bâbord

Comme expliqué plus bas, sans axe de crapaudine, compliqué d'avoir un safran qui ne dévie pas

Vous voyez l'axe de maintien latéral de crapaudine entre le sabot de crapaudine et le bas du safran ? Non ? => C'est normal, il n'y en a pas ! 

Pourtant, le sabot de crapaudine montre clairement les vestiges d'une vis de maintien en son centre

La stratification du safran a été refaite par-dessus le trou d'axe de crapaudine

En effet, on comprend mieux que le bateau puisse tirer à bâbord si le safran n'est pas maintenu en point bas par la crapaudine. Il suffit que le safran prenne un flux d'eau asymétrique (ce qui est toujours le cas, car le safran possède toujours de micro-imperfections) et il dévie. 

Normalement l'axe de crapaudine (conjugué aux bagues de maintien de l'axe de safran) corrige ce défaut en maintenant le safran droit et ne lui permettant que très peu de jeu en partie basse. 

Travaux pour remédier à cela

C'est donc simple : pour remédier à cela, il "suffit" de refaire un axe de crapaudine. Pour ce faire, je cherche des tube et rond en inox de diamètre à peu près similaires pour réussir à faire un axe sur platine. 

L'idée est de faire un système que j'installerai moi-même et qui ne traversa pas le sabot de crapaudine (car s'il est traversant, il ne faut pas que je me bâche sur son emplacement précis pour ne pas contraindre le safran).

En revanche, s'il est vissé sur le sabot via une platine, je peux réaliser une pose à blanc pour m'assurer de son emplacement exact, tracer les points de fixation, redémontrer le sabot puis le fixer précisément

Allez, au boulot !

Ensemble des pièces nécessaires (sauf platine)

Tube femelle obturé par le haut en soudure TIG

Rondelle soudée au bas du tube femelle

Perçage de la platine après découpe

Soudure du tube plein mâle en inox sur la platine

Ça y est ! On obtient le résultat recherché !


Il suffira d'insérer la partie femelle dans le safran et de fixer la platine avec partie mâle sur le sabot de crapaudine.

Je perce un trou de diamètre 16 mm dans le bas du safran. Je gave de résine époxy chargée et j'insère le tube femelle de 14 mm. La différence de diamètre entre le perçage et la pièce m'assure une épaisseur de résine qui va servir de support.

Le safran qui prend l'eau...

Un safran comme le mien (et des milliers d'autres), est fait avec une âme en mousse expansive recouverte de stratification. Le tout est pris autour d'un tube structurant ("Mèche" de safran qui remonte jusqu'à la barre franche). Si de l'eau rentre dans le safran, elle "tombe" par gravité dans le fond en se frayant un chemin au milieu des cellules de la mousse expansive et fait "pourrir" son environnement direct. 

Cela est malheureusement le cas lorsque l'étanchéité du safran n'est pas bonne ou lorsqu'une réparation est effectuée SANS retirer l'eau déjà présente dans le safran. Traditionnellement, avant de re-strater un safran ouvert, il faut attendre au sec que l'eau qui y est prisonnière s'en échappe (15 jours selon certains, un an selon d'autres...). Ensuite seulement, on peut le refermer par stratification étanche époxy.

Dans mon cas, comme le bateau est resté au sec pendant plus d'un an, dur de croire à un défaut d'étanchéité, d'autant plus qu'il revenait d'une réparation "à neuf" par professionnel ! Je pense que la réparation a été faite par-dessus l'humidité prise au piège par la stratification. Cependant, l'embase de pénétration de la mèche de safran dans le safran me semble... incertaine. 

Mais tout bon professionnel se serait fait la même réflexion et aurait remédié à ce doute une fois qu'il aurait constaté de l'eau dans le safran... alors comment savoir quelle est la cause ? "Peut-être les deux mon capitaine" ! Donc, je vais m'occuper des deux ! Après l'avoir laissé sécher 3 mois d'été au sec au soleil !

Au printemps; j'ouvre la résine pourrie sur le bas et je perce quelques trous pour laisser s'évacuer l'eau. Le tournevis rentre comme dans du beurre sous le soleil !

Dès le printemps, j'ouvre franchement au lapidaire la zone malade.

Une fois sec, je rebouche les 3 trous (entourés en rouge) situés sous le safran et faits il y a un an pour laisser couler l'eau.

Puis, je les stratifie proprement

Je fais pareil au niveau de l'embase de la mèche de safran.

À gauche : la collerette de pénétration de la mèche de safran me faisait douter, donc j'ai dégommé environ 3 mm de stratification avant d'atteindre la mousse tout autour du tube et j'ai rechargé avec de l'époxy + stratification. 

Ensuite, deux épaisseurs de stratification avec résine époxy liquide qui déborde sur les angles du profil et autour du tube sur environ 10 mm de remontée. 

Je rebouche grossièrement la grosse ouverture avec résine époxy chargée et stratification. Le tout "s'effondre" un peu, donc je maintiens avec une plaque de bois le temps que la résine catalyse. 

Puis mastic époxy pour tous ! 

Ensuite, on gratte et on ponce l'ensemble du safran pour retirer les vieux antifoulings et récupérer la base gelcoat propre. 

Une fois la base récupérée, 4 passes d'Interprotect époxy pour tout étanchéifier.

La barre qui n'est pas droite

En effet : pour que le safran soit droit, il faut conserver la barre à un bon 15 ° sur bâbord. La cause de cette anomalie est à chercher dans l'alignement de la tête en bronze qui se trouve en partie haute de la mèche de safran (tube inox). 

Cette "tête" se trouve traversée par deux axes qui la solidarisent autour de la mèche inox du safran :

=> On comprend donc que cette tête comporte quatre trous en tout, puisque traversée par deux axes. 

Il se trouve que les trous percés ne sont pas dans l'alignement parfait du safran, mais décalés de 15 ° environ. Inévitablement donc, la barre est décalée d'autant lorsque le safran est aligné droit sur la ligne de foi du voilier. 

Une fois le tube désolidarisé avec la tête en bronze (et la crapaudine démontée), on peut "faire tomber" le safran par le bas (ce qui nécessite de monter le cul du bateau TRES haut, environ 1,70 m au minimum). 

Puis, on allonge le tube et on peut constater que les trous (dont 1 visible sur la photo ci-contre) ne sont effectivement pas alignés avec le safran (pour l'axe de 6 mm) ni à sa perpendiculaire (pour l'axe 10 mm). 

Je décide donc de charger à la soudure TIG les 4 trous pour réussir à les repercer au bon endroit. 

À gauche : je prépare la soudure en insérant un tube (pour éviter que le métal en fusion ne tombe dans le fond pendant la soudure).

A droite : une fois la soudure effectuée, un polissage léger puis le 1er trou est rebouché !

On fait pareil pour les 3 autres trous et le tour est joué !

Les 2 bagues de maintien du safran ont été refaites à neuf. Ce serait dommage de ne pas en profiter pour tour remettre nickel. Il y a deux bagues : la première est en haut du tube de jaumière et elle possède un épaulement pour ne pas "tomber" dans le tube de jaumière. La seconde est située en bas du tube de jaumière. 

Elles ont été refaites en Ertacétal et 1/10e de mm a été rajouté au diamètre extérieur pour récupérer un appui parfait dans le tube de jaumière. 

En repassant le tube de safran dans les bagues, il force légèrement = impeccable !