Si les régions d’outre-mer et la Corse bénéficient justement de cette politique d’équité territoriale, le traitement des inégalités propres aux régions de province pose davantage de questions. Pour en rendre compte, rappelons que, depuis les années 1970, les régions du nord et du nord-est de la France (Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val-de-Loire, Grand Est, Hauts-de-France et Normandie) ont été confrontées à diverses difficultés (la désindustrialisation notamment) responsables de taux de croissance économique nettement inférieurs au reste du pays (voir graphique 1)*. Depuis un quart de siècle, l’accompagnement de ces régions vulnérables (en rouge sur les graphiques) par les fonds européens a fluctué, compromettant longtemps la mise en œuvre du principe d’équité pourtant officiellement recherché. Concernant le programme 2000-2006, on constate que les régions en difficulté n’étaient pas nécessairement celles qui étaient les plus aidées (graphique 2) : rapporté au nombre d’habitants, le montant des fonds investis en Bretagne (139 euros/hab), en Nouvelle-Aquitaine (139) et en Occitanie (163), pourtant en pleine croissance, étaient alors supérieurs à ceux octroyés au Centre-Val-de-Loire (116) et au Grand Est (126). Ce manque d’équité a pu être lié à un paramétrage inadéquat des fonds mais aussi à un maillage régional différent à l’époque (le Limousin recevait par exemple une enveloppe spécifique). Au cours des deux programmes suivants (2007-2013 et 2014-2020, graphiques 3 et 4), les anomalies concernant les régions Bretagne et Grand Est disparaissent et elles s’atténuent pour les régions Centre, Nouvelle Aquitaine et Occitanie. Il faut cependant attendre le programme actuel (2021-2027, graphiques 5) pour constater la disparition de la totalité des anomalies, les cinq régions stagnantes du Nord-Est de la France bénéficiant désormais toutes de fonds supérieurs à la moyenne nationale alors que les enveloppes allouées aux régions du Sud-Ouest, toujours très dynamiques, sont devenues moindres.
Une telle évolution montre que la politique de cohésion de l’UE tend à devenir de plus en plus équitable et à mieux tenir compte de l’hétérogénéité effective des rythmes de croissance économique que connaissent les différentes régions françaises. S’il y a là lieu de se réjouir de cette amélioration, cela ne préjuge pas :
de l’effet de ces mesures d’équité sur l’état des inégalités effectives dans la durée : même en escomptant un effet levier, le montant engagé en France dans la politique de cohésion pour la période 2021-2027 (16 Mds d’€) correspond à moins de 50 % du budget des Régions pour la seule année 2021 (lesquelles pèsent 2,6 % de la dépense publique), ce qui peut vraisemblablement permettre d’atténuer les inégalités sans pour autant les réduire de façon significative ;
de la façon dont les Régions (associées à l'État) répartissent ces fonds au sein de leur territoire ;
des effets des autres politiques de l’UE et du gouvernement français, potentiellement contradictoires avec l’objectif d’équité, sur l’évolution des inégalités entre régions.