III. le bonheur dans l'acceptation du désir
1. Récapitulatif
Le bonheur est un état de satisfaction complète, totale, globale.
Il suppose alors soit la réalisation des désirs, pour ne plus ressentir de manque : c'est l'idée de Calliclès (hédonisme radical).
Soit la limitation, voire l'éradication des désirs : c'est la thèse d'Epicure et des Stoïciens.
Mais la réalisation de tous les désirs est impossible, notre pouvoir sur le monde état limité et nos désirs étant infinis et contradictoires.
la limitation des désirs est très difficile voire impossible, parce que le désir est spontané : nous constatons l'existence en nous de os désirs, et ne sommes pas libres de les choisir comme nous voulons, ni de les supprimer - ils font pleinement partie de nous. Du reste leur suppression serait-elle en réalité souhaitable ?
quoi qu'il en soit : ils sont là, à la fois manques et sources de plaisirs passagers... quant au bonheur comme état stable, ce n'est peut-être qu'une illusion. A moins qu'on puisse trouver une autre façon de gérer le désir, entre la réalisation et la limitation.
C'est ce que propose Rousseau dans un texte extrait d'un de ses romans.
2. le bonheur dans et par le désir
Dans Julie ou la nouvelle Héloïse, Rousseau évoque un amour impossible à cause de certaines conventions sociales et de circonstances qui y font obstacle. Dans un passage important du livre, Julie affirme que le vrai bonheur n'est pas dans la réalisation de ce qu'on souhaite le plus ardemment.
« Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux; on s’attend à le devenir: si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge, et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une sorte de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme, avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et, pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur; on ne se figure point ce qu’on voit; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité, et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas. »
Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761) GF 527-528
Rousseau est romancier, mais aussi philosophe. Il intègre dans son roman des réflexions morales, ici sur les liens entre bonheur et désir. c'est un personnage qui tient ce discours, mais le texte a une valeur philosophique, malgré ou plutôt avec ses traits littéraires.
Questions pour préparer le travail :
commencez par essayer de comprendre ce que veut dire Rousseau avec cette formule : "on est heureux qu'avant d'être heureux".
pourquoi "malheur à qui n'a plus rien à désirer"?
est-ce que le désir peut se suffire à lui même ?
Quels sont les arguments de Rousseau pour défendre son idée ?
exercice :
rédigez les réponses aux deux premières questions type bac :
1. Dégagez la thèse et les étapes de l'argumentation.
2. Expliquez :
a. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une sorte de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être.
b. En effet, l’homme, avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et, pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion.
bilan sur Rousseau : en quoi il nous permet de donner une solution au problème de départ