L’art
Introduction.
Approche : La diversité des arts.
les différents arts. Citer les arts que vous connaissez.
Quelles sont les différences entre ces arts
Quels sont les points communs.
On voit une première difficulté : art = un domaine où il y a beaucoup de diversité.
Approche : art et technique.
Quelle est la différence entre un objet technique et une œuvre d’art classique ?
Ces frontières apparemment claires bougeront beaucoup lors de la période la plus récente de l’histoire de l’art.
Question de départ :
L’art : une œuvre n’a pas de fonction pratique précise (pas de fonction déterminée).
Par opposition aux objets techniques.
Pourtant, l’art est omniprésent et on lui attribue une grande valeur ; de plus on fait de gros efforts pour produire des œuvres d’art.
Pourquoi alors attribue-t-on à l’art une telle valeur ?
But du cours : comprendre ce qu’est l’art pour comprendre pourquoi on lui attribue une telle valeur, et si c’est légitime. Que nous apporte l’art ? quelle importance a-t-il ?
L’art se contente-t-il d’imiter et/ou de représenter ?
Thèse la plus classique : l’art a pour but principal d’imiter la nature.
Cette thèse permet-elle de comprendre ce qui fait la valeur de l’art ?
Platon : l’art, une imitation des apparences.
Texte : extrait de la République
Thèse de Platon :
Pour Platon, l’art consiste à faire à imiter la réalité au sens de la copier.
Il montre alors que ce travail de copie n’a que peu d’intérêt. En effet, la peinture par exemple ne fait que copier les apparences ; il n’y a alors pas de vérité dans la peinture.
La peinture copie les apparences et non l’essence. Elle ne suppose pas de connaissance ni ne peut donner de connaissance, mais elle ne peut servir qu’à tromper les êtres dépourvus de raison ou les enfants, dit Platon.
La réalité d’une chose, c’est sa définition, ce qu’elle est : l’essence. Non son apparence.
Platon explique dans un autre texte qu’il y a trois degrés de réalité :
l’idée
l’individu qui est une copie plus ou moins bien faite de l’idée
la copie qui s’inspire de l’individu ou de l’objet concret.
L’art se situe au troisième niveau : il est l’imitation d’une imitation de la réalité. Il ne nous apprend rien, et ne sert qu’à tromper : donner des illusions.
Critique de la thèse de Platon :
Platon présuppose que la seule chose qui peut donner de la valeur à une activité, c’est le fait qu’elle nous rapproche de la vérité. L’art éloigne du vrai, donc il ne vaut rien : la conclusion est-elle nécessaire ? pas évident. L’art ne vise pas les mêmes fins que la science !
De plus, la théorie de Platon implique que l’œuvre d’art est toujours moins belle que l’objet qu’il copie. Or, ce n’est pas toujours vrai, car l’art ne fait pas que reproduire, mais il produit aussi de la beauté qui n’existait pas à l’état « naturel ». quand on copie un objet ou une réalité, même si cet objet ou cette réalité ne sont pas beaux au départ, il est possible que la représentation de cet objet ou de cette réalité soit plus belle que le modèle. En tout cas, on peut prendre un certain plaisir à contempler la représentation d’une chose même laide au départ.
Si Platon a raison, l’œuvre d’art ne peut être belle que si elle copie bien un beau modèle. (or on va montrer que c’est faux). Or en fait, la beauté d’une œuvre dépend moins de la beauté du modèle que de la qualité de l’artiste, qui met en place une organisation harmonieuse des formes et des couleurs. La beauté d’une œuvre ne dépend alors pas de sa ressemblance avec un beau modèle mais de son organisation et de sa structure. Exemple de la photo : les qualités formelles sont plus importantes que la beauté du modèle. La thèse de Platon mène alors à une conséquence absurde : elle est certainement douteuse. Autrement dit encore : la beauté d’une image dépend des propriétés de cette image, beaucoup plus que des propriétés du modèle représenté.
On a souvent tendance, quand on regarde une image, à s’intéresser à ce qu’elle représente. Notre premier réflexe = qu’est-ce que ça représente ? et on s’intéresse à ce qui est représenté, non aux qualités de l’image elle-même (organisation, composition, etc.). de même que quand on regarde un film, on s’intéresse moins à la mise en scène, à l’organisation des plans, à leur succession etc. qu’à ce qui est raconté.
Or, ce qui en réalité fait qu’une image nous intéresse, c’est justement toutes ces choses que nous ne voyons pas, auxquelles nous ne sommes pas attentifs, mais qui sont les conditions qui font que nous aimons l’image. C’est la qualité de l’image, de son organisation, de sa composition (ex. photo), les choix des couleurs (ex. peinture) et non le choix du modèle qui font que nous allons aimer une image et la trouver belle.
Ainsi : deux images d’un même modèle peuvent être très différentes : l’une peut être intéressante, belle, riche ; l’autre quelconque et fade. Pourtant c’est le même modèle ; seules les qualités formelles changent ; mais ces qualités formelles sont ce qui définit l’image, ce qui la constitue.
Evoquer peut-être Proust : le décollage. Deux auteurs littéraires parlent d’un salon. En soi, ce qui s’y passe est consternant de bêtise. Quel intérêt de décrire la bêtise ? pourtant, l’une des deux œuvres est enthousiasmante et révèle le génie de son auteur. Pourquoi ? c’est que nous sommes dans le salon. (cf. textes ?)
De plus, en général on considère qu’une œuvre d’art réussie n’est pas l’œuvre d’art qui ressemble le plus à la réalité concrète ; mais celle qui est belle en elle-même. Pour apprécier la qualité d’une œuvre, nous n’avons pas besoin de la comparer avec son modèle, peut-être même que l’artiste n’a pas besoin d’imiter tel ou tel modèle précis. l’artiste ne vise d’ailleurs pas à produire l’illusion de la réalité, mais l’artificialité de l’œuvre est souvent assumée.
La thèse de Platon paraît donc trop simple : l’art n’est pas une simple production d’illusion.
Ici : travail maison cf. Hegel p. 45, qui propose une critique de la théorie de l’art comme imitation de la nature. Travail : expliquer les arguments de Hegel contre la théorie de l’imitation.
l’imitation n’est pas un travail de copie ; la représentation a une certaine valeur.
Platon dévalorise l’imitation. Mais l’imitation produite par l’art n’est pas une tentative de simulacre ; elle a peut-être en elle-même de la valeur, si elle est capable de produire de la beauté, et si les hommes s’intéressent autant à ces imitations.
C’est la thèse défendue par Aristote, qui montre que imiter ou représenter une action n’est pas essayer de tromper celui qui la regarde, mais lui faire comprendre qq ch grâce à une organisation systématique.
En effet, imiter = choisir des éléments qui mis ensemble forment un tout signifiant.
Imiter = choisir et organiser pour faire comprendre et faire saisir qq ch.
Ainsi raconter une vie : c’est choisir les éléments les plus significatifs pour faire comprendre cette vie dans son ensemble.
Peindre : choisir tel ou tel élément pour restituer une ambiance ; ou faire un portrait : choisir l’expression qui sera significative de l’identité ou du type de la personne qu’on veut représenter.
Là où la réalité est chaotique, l’art apporte de la cohérence.
Ccl du I :
On voit alors que la fin de l’art, ce n’est pas tellement l’imitation en elle-même ; mais que l’imitation est subordonnée à des fins qui la dépassent : faire comprendre, produire du sens. la fonction d’expression est finalement plus importante que la fonction d’imitation. L’art ne vise donc pas d’abord à imiter la réalité, mais à produire un sens ou à exprimer une vision du monde.
L’art n’imite pas, il ne vise en aucun cas à produire des illusions.
Il vise plutôt à représenter : à rendre intelligible, compréhensible, visible qq chose. Il se saisit d’une partie de la réalité pour la rendre captable, préhensible par un spectateur.
(il ne faudrait pas croire pour autant que l’art est épuisé par la fonction de représentation).
II. L’art : un mode d’expression spécifique.
Travail de préparation : lire l’extrait de la lettre de Van Gogh. Question : priorité de Van Gogh est-elle la ressemblance ? la beauté ? alors quelle est son intention ?
L’art vise d’abord à exprimer, avant de viser à imiter.
La figuration ne peut être une fin en soi. Cf. la critique de l’imitation par Hegel. Le but de l’art ne peut être la perfection de l’imitation, parce qu’alors cela voudrait dire que l’art le plus accompli aurait pour résultat la confusion entre la copie et le modèle.
Mais alors l’art n’a pas grande valeur, et est condamné à échouer toujours : un ver de terre derrière un éléphant. Car jamais une copie ne peut avoir la même intensité et la même réalité que le modèle naturel : l’art ne peut faire concurrence à la nature, et s’il se pose en concurrent de la nature, il ne peut qu’être faible et minable.
De plus cette perfection de la copie n’a pas en soi d’intérêt : elle peut certes être admirée, mais à titre de prouesse technique. Cf. le texte de Hegel p. 168.
L’art doit donc avoir une autre fin. Quelle fin ? exprimer qq ch, produire un sens. L’art aurait alors une fin qui serait spécifiquement différente de la nature : la nature n’a pas d’intention, elle ne veut pas dire qq ch.
Cette idée que l’art vise à exprimer est-elle juste ?
en art figuratif, l’objectif ne peut être slt l’imitation. Quel peut-il être alors ? on a vu avec Aristote que l’imitation ou la représentation était une série de choix. Dans le récit, on fait des choix par rapport à une intention : celle de rendre le type d’un personnage, ou de rendre l’unité d’une action, de montrer sa nécessité. Il s’agit bien alors, non de copier, mais de signifier, et de rendre intelligible.
Même un art aussi « imitatif » que la photo a pour fin la signification. (Selon la théorie de la pure imitation, la photo serait l’art parfait, et rendrait la peinture inutile : on voit bien que c’est faux, que la peinture garde son intérêt, et qu’il y a de bons et de mauvais photographes : c’est donc que le but de l’art ne peut être l’imitation.) en effet : cf. l’ex. de Cartier-Bresson. Dans ses photos on voit une recherche : il ne fait pas que montrer, il dit : il met en évidence, par des choix, certains aspects du réel. Et ses photos disent qq ch du modèle, ou de la réalité. L’idéal serait une photo qui puisse tout dire d’un événement, ou d’une journée : une concentration de sens qui permette de comprendre.
Enfin : l’existence même de l’art abstrait (peinture abstraite de Kandinsky) prouve que l’art vise autre chose que l’imitation et qu’il vise d’abord à exprimer. L’art abstrait ne vise pas la figuration : donc ni l’imitation, ni même la représentation. Mais cela reste quand même de l’art, de même que la musique, art d’abord non figuratif, est de l’art. La couleur n’est plus du tout en effet pour Kandinsky un moyen de représenter ou de faire qq ch de ressemblant. Mais elle est un moyen d’expression. Exprimer un contenu spirituel.
Cf. aussi le document de Van Gogh.
L’artiste fait donc des choix qui lui permettent de dire qq ch.
Ex. de la photo : choix du point de vue et de l’instant significatifs.
Littérature : choix.
Figurer, représenter : mettre en forme pour donner du sens. L’artiste rend intelligible une idée. Ainsi une œuvre est-elle toujours composée. Par ex : l’art rapproche ce qui paraît sans rapport, pour faire comprendre qq ch d’inédit.
Ainsi, le portrait par ex. ne vise pas à donner l’apparence mais l’essence. Idem pour les autres formes d’art.
le langage de l’artiste.
L’artiste dit donc qq ch à travers son œuvre. Mais pourquoi le dire à travers le sensible ? est-ce que cela ne va pas obscurcir le sens de ce qu’il a à dire ? au contraire, c’est la condition pour que ce sens puisse advenir.
En effet : ce qu’il a à dire n’est pas intellectuel slt, mais aussi teinté d’émotion et d’affects. Il a à communiquer qq ch qui relève de l’expérience profonde et intime, et qui est donc singulier et ne peut être dit dans un langage trop abstrait.
En effet, le langage ordinaire est trop abstrait pour dire ce que je ressens de façon singulière à propos du monde. Ainsi, pour dire mon amour, ma douleur, ma joie, les mots amour, douleur, joie ne suffisent pas ; car ils ne disent pas ce que mes affects ont de spécifique. Un seul mot pour une grande diversité de sentiments ou de façon de les ressentir. Le passage par un langage plus sensible permet une expression plus profonde et moins abstraite.
De plus : le spectateur peut être touché autrement. Le langage de l’art peut être plus frappant dans la mesure où il s’adresse à la sensibilité et où il procure des émotions qui ne sont pas provoquées par un discours qui serait plus intellectuel. Par ex. en littérature : l’identification aux personnages rend les pbs traités par le texte plus vivants ; le lecteur est alors touché par ces pbs, peut-être même par ex. qu’il peut élaborer ces pbs de façon plus efficace qu’en essayant de les formuler de façon abstraite.
Cela explique les caractéristiques du langage de l’art :
dans le lge ordinaire, le signe est oublié et ne sert que de transition vers le sens
dans le langage de l’art, un peu comme ce qui se passe pour les symboles, on prend en compte le signe en lui-même dans sa matérialité. On ne peut comprendre profondément l’œuvre que si on prend en compte le signe en lui-même, avant de se demander ce qu’il désigne. On ne doit pas séparer forme et fond. En fait, ce qui est dit n’est pas séparable de la façon dont c’est dit : on ne peut pas traduire, rejoindre le même contenu d’une autre façon ou dans un autre langage.
Cf. Staël : impossibilité de traduire ou de donner des titres aux œuvres
Cf. Kandinsky : l’art exprime un certain contenu spirituel par des moyens qui n’appartiennent qu’à lui.
L’art ne vise donc pas à imiter d’abord, mais s’il imite (et il ne fait d’ailleurs pas que cela : si le but est d’exprimer, on n’est plus du tout forcé de se contenter d’imiter ou de figurer : on peut inclure l’art abstrait) c’est pour mieux exprimer des idées ou des affects singuliers et qui ne peuvent être exprimés autrement que par des procédés artistiques spécifiques.
Du coup : un artiste = qq’un qui a qq ch à exprimer qui ne peut être exprimé ni par le lge courant, ni par les formes académiques de l’art, parce que ce qu’il veut exprimer est trop singulier
Ccl du II :
On commence alors à entrevoir ce qui fait la valeur de l’art : c’est que toute authentique œuvre d’art doit sans doute avoir un sens, une signification uniques, qu’on ne peut atteindre par d’autres moyens.
Quelle est la valeur de l’art ?
Plusieurs réponses sont possibles :
1. L’art est inutile dans la mesure où il ne permet pas de réaliser une fin pratique déterminée. Il est inutile par opposition aux objets techniques. Limites de cette position : comment comprendre l’attachement des gens à l’art et aux activités artistiques ? inutile : cela veut dire que l’art a sa fin en lui-même.
2. L’art est un divertissement, il nous permet de nous détourner de ce qui est sérieux. De nous changer les idées. L’art, en effet, a bel et bien un statut de divertissement. Recherche d’un certain plaisir chez le spectateur. Limites : Mais dire que c’est un divertissement est insuffisant pour comprendre ce que c’est. Qu’a-t-il de spécifique par rapport aux autres divertissements ? pourquoi attribue-t-on à l’art la capacité d’élever l’âme ? pourquoi la valeur financière ? bref : le plaisir de l’œuvre d’art est un plaisir d’une nature spéciale.
3. L’art a une certaine valeur spirituelle. Ce n’est pas une connaissance cpt ; pas la même valeur que la science.
Art ≠ Science : donne la connaissance du vrai ou au moins permet de comprendre les lois de fonctionnement du monde ou d’une partie du monde. Avec des applications pratiques (question qui reste ouverte : est-ce que la science vaut parce qu’elle sert des fins pratiques, ou en elle-même ? en général on est prêt à admettre que la recherche du vrai vaut en elle-même. Mais on dit parfois que le vrai ne vaut que dans la mesure où il permet d’agir efficacement).
L’art ne vaut pas de la même façon que la science : il vise parfois une fin didactique, mais ce n’est pas l’essentiel. En effet, on ne peut pas réduire une œuvre d’art à sa fonction didactique, à un message comme « le progrès c’est bien » ou « la liberté est une belle chose » ou « il faut voter »…on peut même dire que souvent une œuvre d’art qui ne vise qu’une fin didactique (un « message » n’est pas très intéressante. Subordonner l’art à une fin politique par exemple : l’art y perd souvent beaucoup, et si l’œuvre d’art militante vaut, ce n’est pas par le contenu de son message, mais par un caractère original qui lui a été conféré par l’artiste créateur. Ce qui fait la valeur de l’art, ce n’est donc pas un contenu qui en est séparable et qu’on aurait pu exprimer par d’autres moyens.
Alors ?
Hypothèses :
- L’art permet de comprendre le monde à un niveau plus profond. En effet, l’art peut contribuer à ordonner et à donner une cohérence : cela peut être la fonction de la fiction. Qui fixe dans l’imaginaire des archétypes par rapport auxquels je me repère pour savoir qui je suis.
- L’art donne du sens à la vie. Il permet de comprendre quel sens peuvent avoir les événements désordonnés de ma vie.
- L’art révèle une la vérité de l’expérience humaine, celle d’une subjectivité.
En effet : l’artiste = celui qui porte sur le monde un regard différent et nouveau : il nous fait voir des aspects du monde que nous ne voyions pas et nous révèle une expérience humaine que nous n’aurions pas connue autrement. Il ne s’agit pas d’une connaissance objective et scientifique, mais de la révélation d’un regard sur le monde qui révèle le ressenti à un niveau profond.
L’art permet alors de connaître des émotions que nous n’aurions pas connues. Ouverture à l’autre et communication non pas simplement sociale mais entre les « moi » intimes. Cf. évt Proust.
(perso : attention ici de ne pas confondre la théorie de Bergson et la théorie de Proust. )
- l’art révèle non slt une vérité subjective, mais la réalité même ; mais d’une façon complètement différente de la science. Thèse de Bergson.
Pour Bergson, la réalité que voit l’artiste n’est pas de l’ordre d’une vérité subjective : il s’agit bien d’une révélation de la réalité. Lever le voile. Il ne s’agit pas simplement ou pas du tout, peut-être, de montrer la façon dont il ressent le monde. (peut-être que cette dernière idée est davantage celle de Proust).
C’est que la réalité dont parle Bergson n’est pas la même que celle qui est cherchée par la science : ou plutôt la science ne révèle pas le réel, parce que la raison ne permet pas de saisir ce qu’il y a de spécifique dans la réalité. Elle fait avant tout des découpages et des classifications générales. Et ne rejoint pas ainsi le réel.
Explication du texte : Qu’est-ce que l’artiste ? C’est un homme qui voit mieux que les autres, car il regarde la réalité nue et sans voile. Voir avec des yeux de peintre, c’est voir mieux que le commun des mortels. Lorsque nous regardons un objet, d’habitude, nous ne le voyons pas ; parce que ce que nous voyons, ce sont des signes conventionnels qui nous permettent de reconnaître l’objet et de le distinguer pratiquement d’un autre, pour la commodité de la vie. Mais celui qui mettra le feu à toutes ces conventions, celui qui méprisera l’usage pratique et les commodités de la vie et s’efforcera de voir directement la réalité même, celui-là sera un artiste.
Entre nous et la réalité, il y a un voile. Que veut dire Bergson ? que nous croyons voir le réel, mais qu’en fait qq ch nous empêche de le voir. Idée que le réel est voilé. Le réel est caché derrière une apparence. Notre façon de nous rapporter aux choses est telle que nous ne voyons pas les choses mêmes.
Qu’est-ce que c’est que ce voile ?
Et pourquoi l’artiste justement en serait-il débarrassé ?
« il fallait vivre, et la vie exige que nous appréhendions les choses dans les rapports qu’elles ont à nos besoins » (le rire, p. 115). En effet, quelle est la fonction de la perception du monde ext ? elle est faite pour distinguer ce qui est utile à notre survie, et ce qui y est favorable. Les infos qui me permettent de survivre, et celles qui me permettent d’agir. Tout le reste passe au second plan, et il a fallu, pour la survie, que je ne perçoive presque rien du reste : sinon, c’était la confusion totale, la multiplicité de perceptions impossibles à interpréter. Notre perception du monde est donc très partielle parce que centrée sur l’utilité et la survie et l’action. « mes sens et ma conscience ne me livrent donc de la réalité qu’une simplification pratique ».
cette perception utile s’est figée puis transmise, et elle s’est, en plus, transmise sous la forme de mots, qui désignent non des individus mais le plus souvent des genres.
Et quand il s’agit de savoir ce que nous ressentons, le même voile s’interpose : vu le pli pris par notre esprit, nous ne percevons de notre propre conscience que qq ch d’impersonnel. L’individuel, l’unique, nous échappe.
Mais il arrive que la nature fasse des êtres qui sont dotés d’un « détachement naturel, inné à la structure du sens ou de la conscience, et qui se manifeste tt de suite par une manière virginale, en qq sorte, de voir, d’entendre ou de penser ». le voile cpt est soulevé d’un seul côté… ces êtres, ce sont des artistes : ils perçoivent la réalité complexe, directement, non pas à travers des symboles ou à travers des généralités. Ils perçoivent la fluidité et la variabilité de l’individuel. Et plus : l’artiste peut réussir à nous faire partager ce regard virginal sur la réalité.
C’est ainsi que l’art nous révèle la complexité du monde ext mais qu’il peut aussi « nous révéler à nous-mêmes » : càd nous faire ressentir un sentiment qui est en nous mais que nous étions incapables de ressentir. L’artiste nous ouvre une voie d’accès à ce sentiment.
Bilan : la valeur de l’art selon Bergson : nous montrer la réalité même dans toute la richesse : l’individuel, le complexe cf. le rire p. 123-124). Et nous révéler à nous même ce qui est enfoui en guise de sentiments indiv sg.
Un point non évoqué : la question du beau. Ce qui fait la valeur de l’œuvre d’art, n’est-ce pas la beauté ? cette thèse a longtemps été défendue et pose certains pbs, car en fait on ne peut pas réduire l’art à la visée de production de beauté.
est-ce la beauté qui fait la valeur de l’art ?
qu’est-ce que le beau ? le pb de l’émotion esthétique. Beau = une qualité objective ou subjective ? relative ?
le beau dépend peut-être de qualités objectives : en effet nous avons tendance à dire « cet objet est beau », càd que nous attribuons à l’objet lui-même les qualités qui font qu’il est beau. Quelles peuvent être ces caractéristiques qui font qu’il est beau ? qq idées : symétrie, ordre, harmonie.
Première objection : On pourrait alors trouver des lois de production du beau ? or cela paraît impossible : l’harmonie ou la symétrie ne suffisent pas à faire une belle œuvre d’art.
Deuxième objection : ce qu’on trouve beau varie suivant les époques. Une œuvre d’abord jugée laide peut paraître ensuite belle. Les goûts évoluent ; la sensibilité évolue. Elle dépend peut-être de l’éducation donnée à la sensibilité. Ex. de la musique : la dissonance était inacceptable ; perçue comme belle dans certaines œuvres modernes.
Alors, le jugement de goût est-il purement subjectif ?
le beau n’est pas slt dans l’objet ; le jgt de goût résulte de la rencontre entre l’objet et ma ssté. Pas un jgt de connaissance comme « ceci est bleu ». beau : c’est le pb de la manière dont l’objet affecte ma ssté. Non le pb de ses qualités objectives.
Mais alors le jgt de goût est-il totalement relatif ?
Pas totalement.
Car beau ≠ agréable. J’exige que les autres attribuent aussi cette qualité aux objets que je trouve beau. On aimerait qu’un accord univ (plus ou moins) soit possible.
Le jgt de goût est désintéressé ; cela légitime sa prétention à l’universalité subjective.
En effet, on voit bien qu’il y a une éducation possible du goût. On peut apprendre à apprécier ce qu’on n’aimait pas d’abord. Grâce à une cpréhension du lge de l’artiste, d’abord ; mais aussi grâce à une connaissance des genres, des conventions de genre… cette compréhension nous donne la possibilité d’appréhender la beauté.
Pour Kant, tout le monde peut accéder au beau ; pour Hume, il faut une éducation de la ssté, une fréquentation des œuvres qui forme le goût. La norme alors : l’expert. Celui qui connaît suffisamment pour que sa ssté soit affectée. C’est la connaissance de lges (sensibles et intellos) qui permet la sensibilité au beau.
est-ce que la beauté est un critère de l’œuvre d’art ?
la notion de beauté a été très importante pour définir l’art. en effet, traditionnellement, on distingue l’art des beaux-arts. Les arts du beau = ce que nous appelons aujourd’hui l’art.
l’art semblerait alors se caractériser par la recherche du beau.
Mais une œuvre d’art doit-elle nécessairement être belle ? si on fait dépendre l’art de la qualité de beauté, il faudra dire que tout ce qui n’est pas beau ne peut être une œuvre d’art. or…
On sait qu’une œuvre peut être laide et sinistre, et être de fait reconnue comme une œuvre d’art. cf. certains films ou cf. ce que dit Van Gogh lui-même de son tableau (salle de jeux).
De plus, les artistes modernes et contemporains refusent pour beaucoup que la beauté soit un critère de l’art.
Mais si ce n’est pas le beau, qu’est-ce qui définit alors l’art ?
critères traditionnels d’unicité : pb du ready-made
la présence d’idées dans le sensible. Objection : ex. de l’art conceptuel.
un certain mode d’expression : la volonté d’exprimer un contenu par des moyens spécifiques, sensibles, et avec une inséparabilité de la forme et du fond (il n’y a qu’une façon d’exprimer ce qui est exprimé) ; et un langage spécial, où la prise en considération du signe en lui-même dans sa matérialité est aussi importante que et est la condition de la compréhension du sens. (par opposition au langage ordinaire).
Importance de la notion d’originalité : ce qui n’a pas encore été fait, ce qui n’a pas encore été dit. Mais alors risque du relativisme total. L’originalité doit être couplée avec un certain sens ; mais difficulté de comprendre ce qui est vraiment original : artiste original est reconnu plus tard (cf. Proust) et peut devenir un classique. (ce qui est sûr c’est que l’académisme n’est pas artiste).
Refuge tentant vers la définition institutionnelle, vu la difficulté de trouver un autre critère objectif : est art ce qui est reconnu comme tel par une institution qui est reconuue comme ayant la compétence nécessaire. Mais quelle est cette institution ? les tribunaux, comme dans l’exemple de Riout ? ou les resp de musée ?
Ce n’est donc pas la beauté qui fait la valeur de l’art, puisque l’art vise sans doute d’abord à la production de sens singulier.
Il reste un pb : comment fait-on pour créer ? comment est-il possible de faire advenir des œuvres d’art ? comment devient-on artistes ? sont-ils des génies ou bien peut-on apprendre à créer ?
le mystère de la création artistique
La ssté de l’artiste par rapport au monde. Texte de Bergson.
Thèse de Bergson.
L’artiste a une sensibilité particulière. Cf. texte p. 45. il voit la réalité même derrière le voile que la vie pratique a tissé entre nous et les objets. Nous ne voyons presque rien du monde ; l’artiste voit. (certains aspects du monde que sans lui nous ne pourrions voir). Nous ne voyons rien du monde parce que nous ne voyons les choses que sous l’angle de l’utilité et/ou de la survie. On ne voit que le général : on classe en catégories. On ne voit pas l’individuel
Maintenant, l’artiste doit traduire ce qu’il voit. Il utilise pour cela un langage qui doit à la fois convenir à ce qu’il a à exprimer et à ses capacités d’expression (talent ? technique ? ) ; puis dans le cadre d’un lge donné, inventer peut-être des procédés nouveaux, qui seuls lui permettront d’exprimer sa vision du monde dans toute sa singularité : c’est ce qui permettra l’originalité.
Pb ici : comment l’artiste arrive-t-il à transmettre sa vision du monde à travers tel ou tel procédé ? comment l’artiste met-il en œuvre une technique qui lui permet de traduire au mieux ce qu’il a ressenti ? comment rend-il public et objectif ce qui est intime et profond ?
production / Création. Texte d’Alain.
Clarifier les termes : il faut distinguer production et création ; création et créativité.
Créer : terme qui s’applique d’abord à Dieu ; qui crée à partir de rien.
Applicable à l’artiste ? Pb : les artistes ne font pas naître à partir de rien leur œuvre, puisqu’ils ne font en fait que transformer une matière qui leur est donnée. Leur création n’est qu’une transformation.
Création / créativité /
Il ne faut pas assimiler les deux.
Dans ce cours il est question de création artistique ; pas de créativité, même s’il est possible que la créativité de telle ou telle personne s’exprime dans l’art.
Créativité : c’est une expression de soi dans ce qu’on a de spécifique et d’unique. Bzw : la capacité à apporter ou à produire qq ch de nouveau et d’inédit et d’intéressant dans quelque domaine que ce soit (en cuisine, en sport, dans son métier…).
Création : action de Dieu ou par extension d’un artiste, puis par extension de certains artisans.
Si on parle de création, avec cette comparaison implicite avec Dieu, c’est peut-être parce qu’on ne peut pas, justement (cf. Alain) comprendre les règles de production. Comment, de plus, le beau advient-il ? incpr. D’où l’idée d’inspiration, voire de génie. Cf. Kant. Idée dénoncée par Nietzsche comme une illusion. Une des difficultés de l’idée d’inspiration : on pourrait alors avoir l’impression que l’artiste procède sans aucune technique.
Une fois admis l’usage du terme de création pour l’artiste, on peut essayer de décrire ce que la création a de particulier par rapport à la production.
Texte d’Alain.
Production : selon une règle préétablie selon une idée.
Création : l’idée se réalise au cours de sa matérialisation : pas de méthode explicable. On ne peut pas donner les règles. D’où l’unicité.
le pb du génie
Kant soutient qu’on ne peut expliquer les règles de production du beau et de l’œuvre d’art.
D’où l’idée que l’artiste est un génie. Cf. texte.
Nietzsche soutient au contraire que cette idée de génie est une illusion qui nous dispense d’avoir à rivaliser avec l’artiste ; mais la part de travail et de technique est en fait prépondérante. On pourrait comprendre, si on ne choisissait pas de s’en dispenser.
Conclusion :
L’art est-il vraiment un besoin ? distinction d’un besoin vital physiol et d’un besoin spirituel ou d’un besoin de la conscience : l’homme a besoin de s’assurer de sa propre existence, et pour cela il a besoin d’une objectivation et de produire lui-même qq ch qui soit un reflet de lui-même. (mais que faut-il ici entendre par reflet ? quel genre de reflet ?)