Pourquoi homosexuel OU hétérosexuel ?

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"Il n'est pas hétérosexuel, il est donc homo". "Il n'est pas homosexuel, alors il est hétéro comme tout le monde". "Qu'est-ce que je vous sers : du rouge ou du blanc ?".

Toute une kyrielle de choix fermés nous enferment dans un système de pensée dont nous sommes à peine conscients. A ou B, mais pas A et B, et en aucun cas ni A ni B...

Pourquoi faudrait-il que les gens s'avèrent soit homosexuels soit hétérosexuels ? Pourquoi les bisexuels sont-ils aussi rares ? Il pourrait se cacher derrière cette bipartition quelque chose de beaucoup plus complexe qu'on ne l'imagine. Tout comme le veut une certaine convivialité traditionnelle : vous ne pouvez pas refuser le verre de vin qu’on vous offre, ce serait blesser votre hôte. Votre seule liberté reste le choix entre le rouge et le blanc. On vous prendrait pour un martien si vous demandiez un verre de dioxyde d’hydrogène (H2O), pourtant la seule boisson naturelle… En substance, votre refus dénoncerait le fait gênant que toute notre société est dépendante de l'alcool.

Freud considérait la bisexualité comme une propriété fondamentale, innée chez tout individu et destinée à se polariser avec la croissance dans le sens conventionnel, évidemment celui de l'hétérosexualité. Bien que prêchant l'amoralité, c'est-à-dire la liberté de pensée par rapport à la norme, il considérait l'homosexualité comme l’exception à la règle. Bien d’autres psychanalystes, à l’instar de la psychiatrie jusqu'aux années 70-80 y voyaient une abomination, une pathologie, une perversion... Puis une paraphilie, pour ne plus lui coller aujourd'hui aucun de ces attributs et la ranger dans le simple concept d’orientation sexuelle.

La norme a donc lâché du lest. Mais elle n’a pas disparu. On la retrouve déplacée justement dans la dichotomie : ou bien homosexuel, ou bien hétérosexuel, avec quelques exceptions bisexuelles pour confirmer la règle. L'unisexualité nous paraît aller de soi, c'est donc bien elle qui est aujourd'hui normative.

La psychanalyse tente d'expliquer le basculement de la bisexualité infantile dans l'une ou l'autre des orientations adultes par le poids des images paternelle ou maternelle. Grosso modo, une image maternelle castratrice pousserait le garçon à fixer sa sexualité sur quelque chose qui n'y ressemble pas (un homme ou une femme très différente, voire une femme ressemblante dans le but de la dominer) ; une image paternelle trop interdictrive ne laisserait d'autre espoir d'amour que dans le sexe féminin. Comme la plupart des pères représentent le pôle familial le plus sévère, la plupart des jeunes mâles aboutissent ainsi au modèle réputé normal.

Ce type d'explication s'inscrit parfaitement dans le modèle reproductionnel : on peut s’attendre à ce que les lois de l’évolution aient prévu que chaque adulte en âge de se reproduire soit hétérosexuel. Mais il pourrait bien recouvrir une réalité plus complexe. Il ne tient en effet pas compte de la fonction métapsychique de l'amour. Comment faut-il le repenser dès l'instant où l'on admet le postulat métasexuel et le modèle relationnel fondé sur la constellation triangulaire ?

Si nous postulons, comme semble le montrer l’expérience, que la constellation triangulaire est la cellule de base du PIM (le modèle de relation le plus simple permettant le fonctionnement du programme instinctif métasexuel), nous sommes automatiquement renvoyés au corollaire suivant : dans toute relation triangulaire, il y a au minimum une relation homosexuelle et au maximum trois. Cela signifierait a priori que, pour être capable de vivre le PIM, qui implique une circulation d'énergie entre les trois partenaires, il faut être ouvert à un partenaire de même sexe. On retrouve là la bisexualité fondamentale de Freud : dans la mesure où le PIM est inné et doit être vécu à tout âge, l’adulte doit conserver les deux orientations, c’est-à-dire être capable d’éprouver de l’amour aussi bien pour un partenaire de sexe différent que pour un partenaire de même sexe.

Vu sous l’angle de l’échange d’énergie : on peut s’attendre à ce que ce ne soit pas le sexe de l’Autre qui compte (donc son genre), mais ce que son Être représente en tant que source d'énergie métapsychique. Il faut être capable de ressentir dans le partenaire, qu’il soit homme ou femme, jeune ou vieux, cette promesse mystérieuse de bonheur qui ouvre la voie à la relation transcendante et que l’on ressent sous forme de magie amoureuse, sans être inhibé par une orientation sexuelle restrictive.

Ce modèle de fonctionnement nous renvoie à la structuration psychosexuelle, c’est-à-dire à tout l’apprentissage que l’individu fait de ses propres pulsions et de son environnement social. Si la bisexualité n'est pas qu'une affaire de sexualité infantile, mais doit se maintenir tout au long de l’existence, il faut considérer toute orientation unisexuelle comme un accident de parcours, une fixation qui correspond certes à la norme, mais qui serait en soi contre-nature.

Dès lors, comment expliquer l’universalité de cette fixation unisexuelle ? La réponse est toute trouvée : le PIM est refoulé dès la petite enfance, soit par les interdits sexuels opposés aux pulsions précoces, soit par le fait que l'enfant ressent les relations adultes comme incompatibles avec la dimension subtile à laquelle il aspire inconsciemment. Dans un cas comme dans l’autre, les pulsions finissent par être refoulées dans l'inconscient, et le PIM abandonné. Cette idée correspond à la notion de latence : si l’on en croit Freud, l’intensité des pulsions précoces fait place à une relative indifférence, qui persiste jusqu’à la maturité. (voir Essai de métapsychanalyse au regard de..., p. ex. page 104).

Lorsque survient la puberté, avec ses pulsions reproductionnelles toutes neuves (PIR), les barrières du refoulement ne résistent pas à l'urgence biologique, de sorte que l'adolescent finit par vivre certaines expériences sexuelles. Le partenaire est soit fantasmé, soit choisi en accord avec les images parentales les moins chargées de destructivité, les réalisations sont particulièrement intenses car elles sont investies non seulement par la libido propre au PIR, mais aussi par l'énergie refoulée associée au PIM. De sorte que les premiers plaisirs ou orgasmes fixent le psychisme de manière très définitive sur un seul sexe.

L'unisexualité apparaît ainsi comme le résultat d’une explosion des pulsions restées confinées dans l'inconscient sous la pression des interdits pendant la période de latence. La fixation s’opère à partir du vécu, qui est généralement unilatéral (sauf de rares exceptions) et conforme au modèle ambiant (hétérosexuel, sauf images parentales particulières). La puissance de la fixation s'explique par l'importance des pulsions métasexuelles (contenant les pulsions dites infantiles), par l’accumulation de l’énergie pulsionnelle due à leur refoulement, et par le climax psychoaffectif que produit leur soudaine libération. La puberté étant par surcroît une période sensible, le conditionnement s’installe irréversiblement, de sorte que l'individu se retrouve unisexuel. La culture a repris depuis des millénaires les ressentis individuels, fixant la norme sur soit l'hétérosexualité (déjà du temps de Moïse...), soit tout récemment sur l'unisexualité.

Cette situation s'avère en définitive contre nature. Elle se traduit par toutes sortes de contradictions, par exemple l’incapacité de la lutte contre les discriminations à faire taire la haine populaire contre les homosexuels, ces derniers jouant inconsciemment le rôle de témoins intolérables de la déviation sexuelle généralisée dans l’unisexualité. Ou par l’incohérence entre l’aspiration de chacun à la réalisation sexuelle et l’agressivité contre les réalisations sexuelles des autres. Ou encore l’attrait intense pour la relation adultère et la haine contre le conjoint adultère, etc.

Le modèle de fonctionnement naturel serait simplement l’accomplissement de toutes les potentialités génétiques, donc l'absence de tout refoulement des pulsions innées, et l'absence de névrose (celle-ci n'étant autre chose que des déviations des pulsions refoulées). La règle serait la capacité de vivre le PIM et la constellation triangulaire dans l’harmonie à laquelle chacun aspire en son for intérieur, loin des inhibitions, des jalousies et des souffrances ordinairement associées à ce type de situations. L'absence aussi de discriminations et de haines sexuelles, chacun se sachant à la fois hétéro et homosexuel – bien que cette hétérosexualité et cette homosexualité là seraient d’une nature autrement subtile que les comportements dits normatifs.