Entre le bon et le mauvais élève en maths : des nuances de gris...

CE QUI EST SIMPLE EST TOUJOURS FAUX, CE QUI NE L'EST PAS EST INUTILISABLE

Paul Valéry


Il est des propos qui, au-delà de leur pertinence, ont le mérite de la simplicité et de la clarté.

Dans son ouvrage "l'apprentissage des mathématiques" (Ed. Ch. Dessart - Bruxelles) Gaston MIALARET recense ainsi les attitudes des élèves devant un problème de mathématique...

Le "crack" : l’élève qui a une attitude logique et explicite.


On trouve tout d’abord des élèves qui ont une attitude logique explicite et qui se comportent comme se comporteraient des adultes raisonnant mathématiquement. Ils sont capables de faire l’analyse du problème et d’expliquer pourquoi ils procèdent de telle ou de telle façon ; non seulement leur raisonnement est correct, mais ils peuvent justifier leurs démarches intellectuelles et prennent conscience de toutes leurs façons de procéder.


La résolution est correcte mais l’élève ne sait pas expliciter, expliquer sa démarche.


Dans une catégorie voisine de celle-ci mais légèrement inférieure (dans la mesure où l’on peut classer hiérarchiquement ces différentes catégories) se trouvent les élèves qui sont capables de résoudre correctement le problème sans pouvoir toujours expliquer les raisons de leur façon de procéder. Tous les éducateurs ont remarqué que jusqu’à un certain âge les enfants capables de faire un calcul mental étaient incapables de dire comment ils avaient fait ; il en est de même sur le plan des problèmes. C’est justement un des objectifs de l’enseignement des mathématiques et surtout de la formation de l’esprit mathématique : devenir capable de faire cette analyse des démarches de l’esprit en train de résoudre un problème pour saisir sur le vif les différentes fonctions impliquées ; cet aspect est très important et les mathématiciens dits modernes ont bien mis en évidence ce processus de prise de conscience qui doit aboutir, aux niveaux les plus élevés, à l’axiomatique.


L’élève ne trouve pas la solution mais tâtonne intelligemment : le résultat obtenu à une étape oriente l’étape suivante.


Puis nous rencontrons ceux qui, sans trouver immédiatement la solution logique du problème, sont capables de tâtonner intelligemment. La découverte de la solution logique suppose une possibilité de dominer largement la question posée et certains enfants ne peuvent pas d’emblée avoir un champ mental aussi étendu ; ils procèdent donc à des tâtonnements, mais les résultats de ces tâtonnements les amènent petit à petit vers la découverte de la solution. Nous appelons donc tâtonnement intelligent celui dans lequel les résultats, positifs ou négatifs, obtenus au cours d’une étape sont susceptibles d’orienter l’étape suivante : en termes plus simples nous dirons que l’enfant est capable de tirer parti de ses essais antérieurs. Il est vrai que nous trouvons, ici aussi, tous les niveaux de tâtonnement et la ligne de démarcation entre cette conduite et celle que nous signalerons ultérieurement (ceux qui font n’importe quoi) n’est pas toujours très aisée.


L’élève recherche une solution-type, utilise des automatismes. La démarche est positive car il est utile d'apprendre à reconnaître des classes de problèmes et à utiliser - à bon escient - des automatismes. La démarche est négative quand elle devient trop machinale (l’élève « automath »).


Quelques enfants procèdent autrement et il nous est difficile, ici, de dire si cette conduite est supérieure ou inférieure à une autre ; disons qu’elle est autre et que dans certains cas elle est excellente mais que dans d’autres elle ne traduit que l’aspect trop formel de la formation : c’est la recherche des solutions-types et l’utilisation d’automatismes tout montés. Tout ceci est une question de nuances parce que l’activité mathématique consiste bien à faire entrer un cas particulier dans un cas général, c’est une conduite qu’il faut faire acquérir à l’enfant. Il est donc bon, d’une certaine façon, d’habituer l’élève à rechercher la classe de problèmes à laquelle appartient celui qu’il faut apprendre à résoudre. Mais ceci devient dangereux quand l’activité psychique de l’enfant devient une activité machinale de rapprochement formel avec des solutions-types. C’est l’excès et la systématisation qu’il faut condamner plus que le principe qui est défendable. Il est vrai que lorsque cette attitude devient la seule voie qu’utilise l’élève pour rechercher la solution d’un problème on tourne vite vers le formalisme et l’automatisme contraires à la véritable formation mathématique.


L’élève ne perçoit pas l’énoncé dans son ensemble. Il perçoit une partie du problème sans être capable de la mettre en relation avec le reste de l'énoncé.


Abandonnons maintenant les cas de recherche systématique pour rencontrer les enfants qui ne voient pas le problème dans son ensemble. Ces élèves donnent l’impression que leur champ de conscience est trop étroit et il leur est impossible de prendre en considération tous les éléments du problème. Ils n’en voient qu’une partie, c’est-à-dire que lorsqu’ils considèrent une partie des données de l’énoncé ils en oublient les autres. Nous savons, en psychologie, que ce phénomène n’est pas rare et que, par suite d’une inhibition due à un très grand nombre de stimulations, certains éléments du contenu de la conscience passent sur le plan de l’oubli. Une pédagogie particulière doit donc être adoptée avec ces enfants pour lesquels quelquefois il n’y a pas d’insuffisance mathématique propre mais simplement un défaut de largeur de champ de conscience : mais le résultat de leur raisonnement est forcément inexact puisqu’il n’utilise pas toutes les données de l’énoncé.


L’élève ne donne aucun sens à l’activité en dehors de la nécessité d’utiliser les nombres de l’énoncé (ajouter, soustraire...).


Nous descendons de plus en plus le long d’une sorte d’échelle hiérarchique : nous trouvons maintenant les enfants qui, devant un ensemble de données numériques et après un examen sommaire de l’énoncé du problème, se jettent littéralement sur les opérations ; pour eux, un problème c’est immédiatement des opérations à faire ; devant quelques données numériques et une vague idée de réunion on se met à additionner les nombres sans prendre aucune vue d’ensemble du problème à résoudre ; quand on leur demande les raisons pour lesquelles ils ont procédé de cette façon plutôt que d’une autre ils n’ont aucune réponse à vous donner si ce n’est qu’en présence de deux nombres il faut soit les ajouter, soit les soustraire.