Leçon n°7 - PROBLEMES : leurs 4 vérités…

IL N'Y A PAS DE PROBLÈME ; IL N'Y A QUE DES PROFESSEURS

Jacques Prévert

Que dit l'Histoire ?

FAIRE DES MATHEMATIQUES C’EST RESOUDRE DES PROBLEMES. LA DEMARCHE CONDUIT A LA CONSTRUCTION DES CONNAISSANCES MATHEMATIQUES.

Toute l’histoire des mathématiques montre que la connaissance, en ce domaine, s’est construite par la résolution de problèmes, qu’ils soient très concrets (la mesure des grandeurs fut la seule base logique de la notion de nombre jusqu’à la fin du XIXe siècle) ou totalement abstraits.

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Cerner la notion...

IL Y A PROBLEME SI ON EST FACE A UN ENONCE QUI APPELLE UNE RECHERCHE PERSONNELLE NE POUVANT SE RAMENER A UN SIMPLE EXERCICE DE MEMOIRE.

Corollaire : EN MATHEMATIQUES, L'IMPORTANT N'EST PAS LA SOMME DE VOS CONNAISSANCES, MAIS PLUTOT LA FACON DONT VOUS VOUS COMPORTEZ LORSQUE VOUS NE SAVEZ PAS.

Cette clarification est d'autant plus nécessaire que, dans une démarche de résolution de problèmes, il n'est pas rare de constater qu'un réflexe de mémoire peut facilement induire en erreur...

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Clarté didactique

UN ENONCE DE PROBLEME NE PORTE JAMAIS EN LUI-MEME l’OBJECTIF DE L’ACTIVITE ATTENDUE DE L’ELEVE. CELUI-CI RELEVE DE LA "CLARTE DIDACTIQUE" DU MAITRE.

Voici un énoncé de problème :

Oncle Gilbert a ramassé ce matin 51 œufs dans son poulailler. Il doit les ranger dans des boites, chacune des boites contenant 6 œufs. Combien de boites lui faudra-t-il pour ranger tous ses œufs ?

Quel est l’objectif de cet exercice ?

La réponse est : ça dépend !… ça dépend de la classe et des intentions du maître.


  • Ce problème, proposé à des élèves de CE1, pourra se présenter comme une "situation ouverte", les élèves n’ayant à leur disposition aucune « démarche experte » (la division ne fait pas encore partie de leurs acquis).


  • Le même problème proposé à des élèves de CE2 pourra être conçu comme une approche de la division. En perspective, des démarches raisonnées comme :

6 x 8 = 48 6 x 9 = 54 (les élèves connaissant leurs tables !)

⬇️

51 est entre les deux ...


  • L'énoncé peut aussi être proposé à des élèves de CM1 comme simple exercice de réinvestissement de leurs acquis sur la division. Ce qui est visé, dans ce cas, est l’utilisation d’une « démarche experte » : reconnaissance du sens de l’opération et maîtrise de sa technique opératoire qui conduiront l'élève à poser :

Qui veut faire l'ange fait le démon !

LE PIRE ENNEMI DE LA CLARTE DIDACTIQUE S'APPELLE... "TOPAZE"


Voici une situation de classe (cours moyen) somme toute assez banale.

Le maître vient de proposer le problème suivant à ses élèves :

Un cycliste roule à vitesse parfaitement régulière (sur du plat).

Au bout de 45 minutes, il a parcouru 18 kilomètres.

Quelle distance aura-t-il parcourue en 1h 15 ?

Le maître s’approche d’un élève qui a commencé par poser une opération sur son cahier :

Le maître : Qu’est-ce que tu as fait ?

L’élève : Ben… 18 km… je cherche combien pour 1 km…

Le maître : Voyons voir (le maître s’installe à côté de l’élève), ce que tu sais c’est que le cycliste a parcouru 18 km en 45 minutes. Donc combien parcourt-il en une minute ?

L’élève : On fait 18 divisés par 45…

Le maître : Oui, parfaitement. Alors pose ton opération…

L’élève pose correctement son opération et trouve : (18 ÷ 45 =) 0,4

Le maître : Très bien. Alors 0,4 c’est quoi ?

L’élève : Euh… c’est 0,4 km

Le maître : D’accord. Et le cycliste, il parcourt ces 0,4 km en…

L’élève : 1 minute.

Le maître : Exactement. Et maintenant est-ce que tu peux répondre à la question du problème ?

L’élève (il se replonge dans l’énoncé): on me demande combien il fait en 1h15…

Le maître : On récapitule, le cycliste fait 0,4km en une minute. Combien fait-il en 1h15…

L’élève : 1h15 ça fait combien de minutes…

Le maître : Là, tu devrais pouvoir répondre tout seul à cette question, non ?

L’élève : 1heure c'est 60 minutes ; 1h15 c'est... 75 minutes

Le maître : Super ! Maintenant, si le cycliste parcourt 0,4km en une minute, alors en 75 minutes…

L’élève : 75 fois plus...

Le maître : Très bien. Tu peux donc finir le calcul tout seul. Tu vois, en réfléchissant, on y arrive comme sur des roulettes !


Que penser de cette situation ?

Sur le plan pédagogique, on reconnaît un maître attentif, qui a le sens de la relation avec l’élève.

Et sur le plan didactique ?... Là c’est beaucoup moins brillant !!...


Pour comprendre, nous allons faire un petit détour par une pièce de théâtre ("TOPAZE", pièce de Marcel Pagnol) :

Topaze, l'instituteur, dicte en se promenant.

"Des moutons... des moutons... étaient t-en sûreté... dans un parc ; dans un parc.

Il se penche sur l'épaule de l’élève et reprend : "Des moutons... moutonss... (L’élève le regarde, ahuri.)

"Voyons, mon enfant, faites un effort. Je dis moutonsse. Etaient (il reprend avec finesse) étai-eunnt. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas qu'un moutonne. Il y avait plusieurs moutons."

L‘élève le regarde, perdu […]


Vous avez compris... Topaze a transformé l’exercice d’orthographe en une simple activité de reconnaissance phonique !

En didactique, l’effet Topaze est défini par Guy Brousseau (en référence à la pièce de Marcel Pagnol) :

  • Le maître négocie l'adhésion de l'élève en transformant la tâche.

  • Il prend à sa charge l'essentiel du travail.

  • Les connaissances sollicitées pour produire la bonne réponse détournent l'élève de la démarche qui l'aurait conduit au savoir visé.


Revenons sur le problème posé à l'élève dans la situation évoquée plus haut.

Qu’est-ce qui est visé du point de vue de la tâche ? Difficile de répondre avec exactitude à cette question puisque la réponse dépend du contexte (où en sont les élèves dans leurs apprentissages ?) et des intentions du maître... En tout état de cause, sans faire d'hypothèse particulière sur la classe et le contexte, il est raisonnable d'attendre deux choses de l'élève :

1/ une appropriation de l’énoncé (qui pourrait passer par un petit schéma) ;

2/ une démarche raisonnée - qui ne peut se réduire au « réflexe » qui consiste à poser directement une opération.

Dans le "dialogue" maitre-élève, on voit bien que l'enseignant est surtout guidé par la procédure dite de la « règle de trois ». Ainsi prend-il en charge la plus grande partie du travail de recherche qui incombait à l’élève ; ainsi négocie-t-il, pas à pas, l’adhésion de l’élève ; ainsi l’élève passe-t-il à côté d’une recherche personnelle susceptible de le conduire à la solution. L'enseignant a bien été victime de "l'effet Topaze" !


Quelle serait la bonne approche didactique ?

L’énoncé du problème bien compris de l’élève (on le vérifie en lui demandant de résumer l'énoncé de tête, c’est-à-dire sans le lire) aurait pu donner lieu à un petit schéma (la traduction visuelle, quand elle est possible, est souvent un plus) comme par exemple :

Ce schéma ne doit, bien sûr en aucun cas être considéré comme un "modèle", il est juste l'illustration de ce que pourrait être la démarche personnelle d'un élève qui reconnaît une "situation de proportionnalité".

APOSTILLE : la schématisation ci-dessus suppose, de la part de l'élève, une représentation analogique du temps qui passe. Cette dimension analogique est celle induite par la lecture de l'heure sur une montre ou une horloge traditionnelle : l'espace parcouru par la grande aiguille, sur le cadran circulaire, matérialise le temps qui passe en donnant pleine signification à des durées comme 1/4 d'heure ou 3/4 d'heure, par exemple. Cette "facilité" n'est malheureusement plus d'actualité avec les montres ou pendules à affichage digital (celles qui affichent l'heure en chiffres - comme 13 :45 par exemple)...