A quoi ça sert les maths ?...

A rien, peut-être... notamment si l'on s'interroge sur le rapport entre les mathématiques et le monde réel (le monde sensible). Sur ce point, Albert EINSTEIN apporte une réponse sans appel :

"Comment est-il possible que la mathématique, qui est un produit de la pensée humaine et indépendante de toute expérience, puisse s'adapter d'une si admirable manière aux objets de la réalité ? La raison humaine serait-elle donc capable, sans avoir recours à l'expérience, de découvrir par la pensée seule les propriétés des objets réels ? À cette question il faut, à mon avis, répondre de la façon suivante : pour autant que les propositions de la mathématique se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, et pour autant qu'elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité [...]".

Pour être honnête, il faut ajouter que le propos est éclairé par un long développement sur l'axiomatique (dont nous ne dirons rien ici) qui amène le savant à conclure que sans une telle approche, il lui aurait été impossible de construire la théorie de la relativité !

La théorie de la relativité, ce n'est pas rien ! Donc les mathématiques ne seraient pas totalement inutiles...

Oui, d'accord, ça c'est pour les mathématiques de haut niveau mais au quotidien, les maths ne sont pas indispensables. On peut, en effet, vivre sans les maths... Cela est vrai !

Chacun pourra reconnaître, malgré tout, que les mathématiques nous apprennent la rigueur et contribuent en cela à forger la justesse de la pensée. Là encore, pour être honnête, il faut ajouter que si le "penser juste" peut se construire avec l'apport des mathématiques c'est toujours avec un allié indispensable : le BON SENS.


Mathématiques et bon sens...


LES CIGOGNES ET LES BÉBÉS

Il paraît qu'il y a un rapport entre l'observation des cigognes et la naissance des enfants.

Les mathématiques apportent une réponse claire puisqu'il est possible de mettre en évidence, par le calcul, un fort "coefficient de corrélation" entre le nombre de cigognes observé, sur un lieu donné, et le taux de natalité constaté sur ce même lieu : les deux diminuent corrélativement.

En rester à cette corrélation serait néanmoins simpliste car les deux phénomènes sont effectivement liés mais à un troisième facteur : l'urbanisation !

Cet exemple illustre bien la nécessité de mettre son bon sens en alerte lorsqu'une "vérité scientifique" se fonde sur la mesure d'un fort coefficient de corrélation. En 2012, est parue dans le New England Journal of Medicine une étude dont les médias se sont fait largement l'écho. On y apprenait qu'il existe un lien de corrélation très significatif entre la consommation de chocolat par un pays et le nombre de prix Nobel décrochés par ce pays... L'information ainsi livrée pouvait rapidement donner lieu à un glissement (implicite) de "corrélation" à "lien de cause à effet"... Rappelons que si deux facteurs X et Y sont statistiquement corrélés, cela n'implique nullement que l'un soit une conséquence de l'autre !



POLITIQUE SALARIALE

Dans une entreprise, on observe une augmentation des salaires de 2% l'année 2, puis de 4% l'année 3.

La situation peut être représentée par le graphique 1 suivant :

accompagné du commentaire :

"Sur deux ans l’augmentation des salaires n’a pas dépassé les 6%" (1)

Mais la situation peut aussi être représentée par le graphique 2 suivant :

accompagné du commentaire :

"Sur deux ans l’augmentation des salaires a progressé de 100%".

Le simple fait de juxtaposer les deux approches conduit le lecteur à une réflexion, guidée par le bon sens, qui remet en perspective les faits et leur interprétation...

_________________________________

(1) on notera, pour être parfaitement rigoureux, que cette affirmation est erronée. En effet :

- Appliquer une augmentation de 2% c'est multiplier le salaire par 1,02.

- Appliquer une augmentation de 4% c'est multiplier le salaire par 1,04.

- Soit, sur deux ans, un coefficient multiplicateur de 1,02x1,04 = 1,0608. L'augmentation sur deux ans dépasse (d'un tout petit peu) les 6%.


Jeux de hasard

Voici une petite mise en situation :

Après avoir lancé un dé 99 fois, on obtient les résultats suivants :

  • le 1 est sorti 7 fois

  • le 2 est sorti 25 fois

  • le 3 est sorti 17 fois

  • le 4 est sorti 25 fois

  • le 5 est sorti 13 fois

  • le 6 est sorti 12 fois

Au centième lancer le(s) nombre(s) qui a(ont) le plus de chance de sortir est(sont) :

le 1 ☐ le 2 ☐ le 3 ☐ le 4 ☐ le 5 ☐ le 6 ☐

On pourrait être tenté (comme le sont parfois les joueurs du loto) de choisir le score qui est le moins sorti - en faisant, le cas échéant, une référence abusive à la "loi des grands nombres". Or, la seule loi à retenir est celle de "l'équiprobabilité des événements à venir". Autrement dit, au centième lancer, les scores 1, 2, 3, 4, 5, 6 ont la même chance de sortir les uns que les autres (une sur six). J'invite le joueur qui n'en serait pas totalement convaincu à réfléchir à l'argument suivant : la plus grande vigilance devrait s'imposer lorsque l’on prend un dé en main car, si le tirage à venir dépendait de "l’histoire du dé", il serait prudent d'utiliser un dé n’ayant jamais servi !... (argument de "bon sens", là encore.)



Et sur le plan pédagogique, que faire ?

Il faut bien admettre, qu'auprès des élèves, tout argument "utilitariste" (les maths : c'est très utiles dans la vie !) est généralement de peu d'effet...

Ainsi, le pédagogue pourra-t-il s'inscrire dans une autre perspective : faire naître la motivation de l'élève sous la poussée de deux moteurs...

les deux moteurs de l'apprentissage : La CURIOSITE et Le PLAISIR


  • La CURIOSITE est chose naturelle chez l'enfant. Il est relativement facile de la susciter par une "certaine façon de présenter les choses"... Pour l'enseignant cette approche n'est pas toujours facile à adopter spontanément car, en tant qu'adulte, il a parfois perdu ce sens naturel de la curiosité... Encore que...

>>>>>>LIRE LA SUITE...


  • Le PLAISIR : le PLAISIR du JEU. Bienheureux celui qui a compris que faire des mathématiques (résoudre des problèmes) c'est s'adonner à un jeu qui, comme tout jeu, a ses règles. Le joueur d'échec prend un réel plaisir (en général) à s'adonner à son jeu et, de fait, sans jamais se poser la question de savoir si jouer aux échecs c'est utile... Il joue aux échecs, et y prend plaisir, c'est tout !

Oui, bien sûr, un sacré pari pour le pédagogue !...