ACTUELLEMENT

« Photogrammes ». Oriane Bertone, double championne du monde, qualifiée aux Jeux

Olympiques de Paris 2024, participants à la coupe du monde d’escalade de Berne, Suisse. Août 2023

Crédit: Maxime Riché

BLOC

En prise avec les sommets

Maxime Riché

 

Exposition ouverte du 19 juin au 7 septembre 2024

 

Vernissage le mercredi 19 juin 2024 à partir de 19h


Depuis la nuit des temps, défiant les limites du corps, nous gravissons les parois et les sommets. Cette envie d’ascension, cette quête verticale, est vouée à ne jamais aboutir : nous serions alors inexorablement rattrapés par la gravité de notre condition terrestre.

J’ai voulu retracer la métamorphose de l’homme mû par son envie d’exploration tournée vers les cimes des parois rocheuses et des monts inaccessibles. Faisant corps avec la roche par un contact presque animal, le grimpeur explore sa surface, effleure par le toucher les aspérités minérales pour mieux les voir. Ce désir s’est peu à peu transformé en quête de performance, dirigée vers les contours du corps lui-même, vers l’identité de l’humain. Une recherche non plus seulement de performance, mais de « métaformance » : une hybridation du corps, de la technique et de la matière qui nous permettrait de dépasser la limite de nos capacités physiques alors qu’établir de nouveaux records est de plus en plus difficile et que la performance plafonne en compétition. 

Pour donner corps a nos fantasmes de performance, j’ai laissé mon imaginaire arpenter un monde ou l’homme et la matière pourraient entrer en fusion pour dépasser leurs limites respectives. Dans un futur parfois dérangeant ou notre corps serait augmenté, pouvons-nous imaginer un grimpeur connecte aux capteurs qui réagissent déjà a sa pression sur les prises d’escalade ? La technique peut réparer les corps quand cela est nécessaire, mais quand l’injonction de performance se fait pressante et qu’il faut répondre aux besoins du spectacle, peut-être serons-nous tentés, d’après certains chercheurs, de modifier le corps dans un but de performance, sportive ou sociale. La philosophe Isabelle Queval prévoit que des athlètes valides pourraient alors avoir recours a la mutilation pour bénéficier de ces augmentations et rester compétitifs. Elle interroge : « Qui suis-je si « tout » en moi est interchangeable et améliorable, si « tout » est matériau et renouvelable ? »

À l’aune des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris et du programme Science 2024 qui doit permettre d’y augmenter les chances de médailles des athlètes tricolores, par un travail de résidence à La Capsule sur la commune du Bourget (qui accueillera les épreuves d’escalade) je pose à mon tour les questions : Pourrons-nous lâcher prise sur notre désir de victoire ? Quelles limites accepter pour notre corps ?

Cette résidence croisée expérimentale entre le Collège International de Photographie et La Capsule – résidence de création photo Le Bourget a été réalisée dans le cadre du dispositif « Capsule » mise en place par le Ministère de la Culture, avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France.

Agathe Calliet, championne de France de bloc 2022, catégorie moins de 20 ans. Équipe de France d’escalade, Voiron. Décembre 2023. 

Oriane Bertone, double championne du monde, qualifiée aux Jeux Olympiques de Paris 2024 en catégories bloc et difficulté. Arkose, Pantin, mars 2024.

Pierre Rebreyend, champion de France de vitesse 2024.

Origines / Voie La Coquille (5c), secteur Cuisinière, Fontainebleau. Mai 2023 / Crédit: Maxime Riché 

Le Projet


En 2022, le Collège International de Photographie et La Capsule – résidence de création photo Le Bourget – lancent un appel à candidature autour de la question du corps et du geste en résonnance avec les Jeux olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 et l’accueil de la discipline de l’escalade sur la commune du Bourget. Cette résidence croisée expérimentale offre une synergie inédite entre recherche, création et transmission autour des savoir faire photographiques et souhaite poser les enjeux d’une approche écosophique de la production des images. Maxime Riché est le lauréat de cette résidence avec son projet « Bloc. En prise avec les sommets ».

Arkose, Pantin, mars 2024 / Crédit: Maxime Riché 

Quelles sont les origines du projet ?

Maxime Riché : Au départ, tout commence avec un appel à projet de La Capsule et du Collège International de Photographie, que je vois fin 2022. Il porte sur l'escalade et l'ascension, le geste de la main, et comporte une grande part souhaitée sur une réflexion sur les modes de production des photographies et d'une exposition. Or cela fait 30 ans que je fais de l'escalade et que j'adore ce sport, et plusieurs années maintenant que je développe des recherches de procédés dédiés à mes séries, qui incluent une part forte d'interaction entre la matière de mon sujet, que je peux littéralement "récolter" sur le terrain, et mes tirages. Par exemple sur ma série "Paradise", j'ai mis au point avec un ami tireur spécialisé dans les procédés anciens, une adaptation du "Résinotype" qui permette d'inclure les cendres de pins brûlés collectés dans la ville dont j'ai documenté la reconstruction, pour créer les noirs des tirages. Ici j'ai donc candidaté avec une proposition qui suit ma ligne directrice de travail, le refus des limites physiques et philosophiques dans nos sociétés. Cette fois je l'ai tournée vers les limites du corps et notre désir de victoire, de performance sur la part physique du monde.

Championnats du monde d’escalade, Berne, Suisse. Août 2023 / Crédit: Maxime Riché 

Quel est votre parcours ?

Maxime Riché : J'ai une formation scientifique (un diplôme d'ingénieur) et je me suis reconverti pour devenir photographe-auteur en 2009. J’ai établi des collaborations avec des chercheurs dès mes premiers projets afin de construire mes récits et récemment j'ai également choisi de m’initier à l’anthropologie. Tout cela nourrit naturellement mes travaux : j'ai choisi la notion de limite et son dépassement comme fil conducteur. J'adopte la posture de l'artiste-chercheur et je pose des questions sur notre capacité d'adaptation face aux changements de notre environnement, ou nos envies de puissance, de performance ici. Tout cela est très philosophique et j'aime tourner ces questions vers l'avenir, entrer dans une dimension plus fictionnelle, mais je n'aime pas forcément ce mot, alors je qualifie mon travail de "documentaire spéculatif" car j'aime parler de possibles, imaginer, spéculer, sur ce qui pourra se passer, sur les décisions que nous prendrons. Je pose les questions sans prétendre y répondre et j'espère que chacun en visitant l'exposition y trouvera des sensations ou des débuts de réflexions personnelles, sur notre rapport au corps, à l'ascension, à la performance, ou aux enjeux de notre sociétés sur les frontières du corps.


Composition V. Pôle France de la Fédération français  de la montagne et de l’escalade, Voiron. Décembre 2023.

Composition IV. Pôle France de la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME), Voiron. Décembre 2023. Extrait d’un triptyque de trois résinotypes composés de résine de prises d’esclade upcyclées. Tirage : Maison Picturale

Composition VI. Zone d’entraînement de l’équipe de France d’escalade. Karma, Fontainebleau. Mars 2024.