LA CONTINUITÉ

Le Bauchérisme :

un univers à (re)découvrir ?

Sylvain Beaulieu

Avril 2013

Historique :

De nos jours, on utilise majoritairement le concept de « mise sur la main » pour dresser, pour monter les chevaux et pour apprendre à monter à cheval.

Qu'en est-il alors de celui de « mise en main » ? Notre culture est pourtant fondée sur ce concept : cheval au ramener, nuque haute, cession de mâchoire sur des rênes « demi-tendues » (flottantes). Les Anciens (école de Versailles) parlaient du cheval « galant dans sa bouche et diligent dans ses hanches » ! Bien sûr, la descente des aides était pratiquée et les aides en question devaient être aussi discrètes que possible, à un point qu'elles étaient qualifiées d'aides « secrètes ». Et ce sont ces points caractéristiques qui, associés à une assiette « irréprochable » ont formé la « marque de fabrique » d'une équitation à la Française : le cheval « se plaît dans son Air, et manie comme de lui-même ».

N'étant plus ou peu pratiquée, cette forme d'équitation devient au regard du « profane » comme issue d'un autre temps ! Et pour cause, l'emploi de muserolles serrées au maximum ne permet pas le jeu indispensable de la mâchoire pour que le cheval déglutisse, s'entre-ouvre au contact de la main, goûte son mors comme le disaient les Anciens, bref, que la « sacro-sainte » cession de mâchoire puisse se faire ! Dans l'emploi de ces muserolles « muselières » (clin d’œil à Philippe Karl), on ne s'étonnera pas de voir des chevaux le poitrail maculé de salive, non pas par décontraction (!), mais simplement par le fait que le cheval ne peut tout simplement pas l'avaler... Et dire que nous sommes à une époque où les expressions « respect du cheval », « bien-être », « athlète heureux », …, font partie du langage équestre...

Pourtant, si l'on en croit ce que la majeure partie des cavaliers disent, la légèreté, l'équilibre, la grâce, l'impulsion, l'aisance, la prestance, etc... font l'objet de leur idéal. Qu'en est-il dans la réalité ? Je ne peux que constater, comme tout un chacun, que par leur dressage suivant le concept de mise sur la main, dont on pourrait faire une caricature représentant « l'emboutissage » du cheval, rares sont les chevaux qui approchent ces idéaux ! Pourquoi s'obstiner dans cette forme de dressage ne permettant pas au cavalier « lambda » d'approcher ces objectifs, voire s'en éloigner ?

La mise sur la main a un inconvénient majeur, résumé par le fait que la main et les jambes agissent en même temps. Ce qui, comme l'ont fait remarquer Baucher, Faverot de Kerbrech, ou encore Beudant, a pour effet que « la main corrige souvent la faute des jambes et réciproquement » ; cet emploi simultané des aides au cours des apprentissages du cheval comme du cavalier, ne permet pas d'isoler d'où vient la faute, commise dans la majeure partie des cas par … le cavalier !

Car comme l'a fait remarquer Étienne Beudant, le cheval « neuf » n'a que rarement de la « mauvaise volonté » et fait quasiment toujours … ce qui lui est demandé ! D'autre part, « l'apprenti cavalier », mal encadré, tombe vite dans la confusion entre appui et contact, ou encore « obsédé » par l'image du cheval au ramener en mettant son cheval chanfrein au-delà de la verticale, etc.

Il est remarquable qu'en équitation, il est question d'activité et d'équilibre ; le colonel Carde me disait un jour :

« l'équitation, c'est le mariage de l'équilibre et de l'activité... »

Le cheval est en équilibre sur ses quatre jambes. Il est donc en « déséquilibre » s'il y a appui-contact constant sur la main. Simpliste ? Posez-vous la question... où testez sur vous-même !

Dans le bauchérisme, la mise en main prime sur tout mouvement et l'emploi des aides est dissocié en utilisant la main ou les jambes. C'est la « fameuse expression » : main sans jambes, jambes sans main. Ce qui n'exclut pas que sur un cheval mis, l'emploi des deux a son sens et on parlera alors de soutien de la main, ce qui devrait être le cas d'une mise sur la main.

À noter que Beudant a mis en évidence que l'expression « main sans jambes, jambes sans main » tend a se simplifier en devenant « main sans jambes » au sens où la mise en main parfaite génère l'impulsion, qui se règle … par la main !

D'autre part, dès les prémices du dressage du cheval « bauchérisé », une reconstruction posturale se met en place pour palier le déséquilibre occasionné par le fait que la majeure partie du poids du cavalier étant supporté par l'avant-main du cheval, la seule partie sur laquelle on puisse agir durablement est le « balancier tête-encolure » dont on va chercher l'élévation maximale en sorte de « reporter » une partie de son poids sur l'arrière-main. Dans cette élévation maximale, il n'y a pas lieu de s'inquiéter de la position de la tête du cheval, celle-ci pouvant s'approcher de … l'horizontale ! La particularité de la décontraction de la bouche (légèreté à la main) sur l'encolure élevée au maximum fait qu'au fil des progrès dans le dressage, la tête se « place à sa position la plus commode », c'est à dire dans une posture voisine du ramener ; le cavalier à ce stade sera attentif à ce qu'elle ne se place pas au-delà, ce qui est rarement le cas.

Il me paraît important d'insister ici sur le fait que dans ces conditions, le ramener s'obtient pour ainsi dire de lui-même ; inutile d'ouvrir une parenthèse, dans ce contexte, sur l'emploi devenu obsolète et incohérent de toute la panoplie d'enrênements et autres artifices coercitifs dont la liste est malheureusement bien longue et ne demande qu'à s'allonger, justifiés par … un manque de savoir et de savoir-faire, quand ce n'est pas faire preuve (au nom de quoi?) d'actes de cruauté, inacceptables à plus forte raison à l'époque où tout le monde s'accorde sur l'importance du bien-être de nos compagnons quadrupèdes !

Ce n'est qu'à la fin du dressage qu'il sera admis de travailler le cheval « au ramener outré », (hyper-flexion obtenue avec cession de mâchoire sur des rênes flottantes, c'est à dire l'opposé du principe rollkur), ce qui permettra au final de fixer la posture « qui ne se perdra plus ».

Pourtant ces deux concepts de mise sur la main et de mise en main, s'ils paraissent s'opposer, visent les mêmes objectifs ! Leur opposition vient de la façon de les atteindre : dans la mise sur la main, le cavalier « règle » la tension du cheval pour, au final, obtenir la mise en main. Les actions sur le cheval sont d'un ordre « global », c'est à dire dans le mouvement et le contact avec la main demeure constant. Dans le concept de mise en main, celle-ci prime sur le mouvement : les actions sont d'ordre local, au sens où si le besoin s'en fait sentir, un retour à l'arrêt est pratiqué et le cavalier cherchera à « détruire » les contractions locales néfastes au mouvement recherché, la « légèreté à la main » étant la preuve par neuf de la décontraction rétablie permettant d'envisager de nouveau le mouvement préalablement interrompu.

À rappeler ici qu'en « détruisant » des résistances, il s'agit de retrouver une décontraction perdue.

Il faut garder à l'esprit que cette décontraction ne peut pas s'obtenir par la force !

Je conclurai en citant Baucher :

« ...on peut obliger un esclave à marcher, on ne peut pas l'obliger à vous apprécier »

Votre cheval n'est pas et ne doit pas devenir un esclave ! La résignation est votre pire ennemie...

Dressage du cheval :

Qu'en est-il du cavalier ? État d'esprit :

La plus grande difficulté de l'équitation se trouve dans le fait que de nos jours, peu de chevaux sont parfaitement mis d'une part, et peuvent servir de « maîtres d'école » d'autre part. Car en équitation, pour savoir il faut avoir ressenti ; la lecture de tous les traités, méthodes, études, etc..., ne peuvent en aucun cas développer le tact équestre, l'apprentissage « sensitif », l'accord de son propre corps avec la locomotion du cheval …Il faut pratiquer, pratiquer, et pratiquer encore pour savoir, d'où une grande méfiance vis à vis des « grandes théories », conseils et critiques divers que bon nombre de cavaliers de bibliothèques ou de forums « via internet » ne sont pas avares de délivrer... car il faut bien reconnaître que ces échanges verbaux sont la plupart du temps stériles, au même titre que, comme le disait le général L'Hotte :

« ...les livres n'instruisent que ceux qui savent déjà... » !

Ils ne traitent que du fond, car la forme ne se traite que par la pratique. Ce qui ne me fait pas dire qu'il faille être inculte, mais il faut pratiquer, encore et encore...

Il ne suffit pas de savoir, ce qui, au vu des facilités de pouvoir consulter tout ce qui a été écrit, est à la portée de tout le monde ; il faut savoir faire ! Et pour en arriver là, il est évident qu'il faut se rendre compte de ce que l'on cherche, et pour cela, avoir des « sensations référentielles » sur lesquelles s'appuyer. En priorité donc, il faut « accorder » son propre corps avec celui du cheval dans ses allures : inutile d'y penser sans une mise en selle indispensable qui permettra de rendre indépendants nos mains et nos jambes... pour se faire comprendre du cheval, en ayant à l'esprit que cette mise en selle doit permettre au cavalier d'employer ses aides par touches « fines », « légères », d'intensités minimales, imperceptibles visuellement tout en étant bien perçues par le cheval. Doit devenir évident pour le cavalier que son cheval perçoit « la pression » d'une mouche sur son poil : il devient aisé de comprendre que « l'effet de force » dans l'emploi des aides est incohérent...et que pour parvenir à leur emploi « fin et discret », ce n'est pas pour rien que « les commençants » sous l'école de Versailles entamaient leur cursus par … une année en selle à piquer sans étriers ! Conclusion : pas de mise en selle, pas d'emploi cohérent des aides ! On comprend mieux ce qui se passe dans les clubs...où les séances de mise en selle sur un cheval longé, le cavalier n'ayant aucun contact avec la bouche du cheval n'existe plus depuis longtemps ! Les prestations se sont adaptées aux demandes du public, et ne sont plus en rapport avec les réalités de l'équitation !

Concernant le bauchérisme, une autre difficulté apparaît rapidement : ses adeptes sont rares et tellement en marge de « l'équitation de masse » qu'il est difficile de les approcher, et encore plus d'échanger...ce qui oblige dans les prémices, à « étudier la méthode sans pouvoir bénéficier des conseils du maître » !

Cette étude de la méthode ne peut être qu'issue d'une démarche personnelle, fruit d'un raisonnement propre à chacun, quant à avoir « éclairci » ce que l'on cherche à vouloir apprendre à monter à cheval, et dans quelles « conditions ». S'insère ici la réflexion que l'important n'est pas « la maîtrise des techniques évoquées dans la méthode », mais l'état d'esprit qu'elle véhicule ! À de très rares exceptions près, je pense qu'on « devient » bauchériste, à l'issue de réflexions et de recherches personnelles. Il n'y a pas, je crois, d'école d'équitation dont la pratique est assise sur cette forme de travail du cheval, ce qui fait qu'on ne peut pas être bauchériste par formation, on le devient...Ce qui différencie notre époque de celle où professaient des écuyers ayant été formés par Baucher et ses adeptes. De nos jours, il n'y a pour ainsi dire plus d'écuyers maîtrisant les principes bauchéristes pour les transmettre. Comme me le suggérait le colonel Carde lors d'un de nos échanges où je lui faisais part de mon souhait d'étudier le bauchérisme :

« ...Pour ce que je sache des expériences bauchéristes dont j’ai eu connaissance, les erreurs étaient soit dans le manque d’impulsion, soit dans l’absence de mise en main, soit les deux. Aucune, à ma connaissance, n’a été menée à bien de façon convaincante sauf ….pour les expérimentateurs. C’est sans doute pour cela que Racinet disait : « Le Bauchérisme est à redécouvrir ». Alors courage mais méfiance... ».

Il faut bien l'admettre, notre équitation actuelle est fondée sur la mise sur la main, répondant ainsi aux exigences d'une équitation « sportive », ce qui a fait passer petit à petit les concepts bauchéristes dans l'oubli.

Motivations :

Alors, pourquoi « sortir du cadre », se mettre dans une situation de « marginal équestre » ? Car il faut bien admettre que ne pas adhérer :

    • au courant exposé par les instances fédérales

    • à l'enseignement proposé dans les structures équestres et autres écoles d'équitation dont la priorité est une équitation « sportive »

    • à l'association de l'équitation et de la compétition

    • … à une sorte de « mondialisation » de l'équitation...

expose à l'isolement, l'incompréhension, parfois au rejet de ceux qui, un temps, vous ont applaudi ! Mais comme l'a si bien exprimé Nuno Oliveira, on ne monte pas à cheval pour les applaudissements des autres... et à chacun de faire son propre « examen de conscience » en observant l’œil de son cheval après l'avoir monté...

Pour comprendre ce qui peut faire faire le pas, je ne peux qu'évoquer mes propres motivations... ce qui a pour conséquence que ce qui suit … n'engage que moi !

J'ai une sorte d'idéal quant à ce que je cherche en montant à cheval : j'ai toujours cherché la sensation du cheval qui manie de lui-même, l'image renvoyée du cheval qui se plaît dans son Air, qui a retrouvé sa majesté naturelle sous la selle de son cavalier dont la discrétion est telle qu'il se fait « oublier ». Ce n'est pas lui qui doit être mis en valeur mais son compagnon-cheval. La décontraction générale, la flexibilité, la fluidité de ses mouvements, tout paraît « simple et facile », équilibré, donnant la sensation d’effleurer le sol avec souplesse et aisance, les allures étant les plus pures possible. Rien à voir avec des allures saccadées, heurtées dans lesquelles ont devine des oppositions, ni cette espèce de nonchalance faisant traîner les pieds au sol sous prétexte de décontraction. Le cheval a conservé, en charge de son cavalier, sa prestance et sa fraîcheur naturelles qui m'émeuvent quand je l'observe en liberté. Mais ce n'est en aucun cas un cheval devenu obéissant (!) par résignation ; je ne veux pas d'un esclave, je cherche un partenaire.

Rien d'extraordinaire là-dedans, pour ne pas dire qu'il ne s'agit que de « banalités » !

Alors pourquoi Baucher ?

J'ai eu la chance de mener à bien le dressage en haute école de plusieurs chevaux en me « calant » sur ce que nous a laissé le général Decarpentry dans son ouvrage « Équitation académique », et pour ne pas être « seul avec le livre », j'ai pu rencontrer et bénéficier des conseils d'écuyers qui resteront toujours, dans ma mémoire, des références dans le domaine. J'ai pu m'approcher, pas ces enseignements, de mon idéal. Mais...

Mais si je me suis approché de cet idéal, je n'obtenais que des sensations éphémères ! Je me trouvais encore trop éloigné de l'image que je me faisais du cheval qui manie seul, sans soutien, qui poursuit de lui-même ce qui lui est suggéré, de la sensation « que la greffe a pris », de l'expression « j'y pense et ça suffit »...

Curieux de nature, j'ai eu l'occasion de consulter les œuvres complètes de Baucher... Révélation ? Je ne sais pas, mais je n'avais jamais rien lu qui s'approche autant de mes recherches. Et naturellement se sont succédés Faverot de Kerbrech puis Beudant. Là, j'ai trouvé que je n'avais jamais été aussi proche de ce que je considérais comme une sorte de Graal ! Non seulement je m'en approchais, mais je pouvais « le voir à travers ce que je lisais » . Quel bonheur la première fois où j'ai piaffé dans la descente des aides complète ! Enfin, j'obtenais cet équilibre du premier genre après lequel je courais depuis des années...et cet équilibre perdurait !

En résumé, ce n'est qu'en adoptant ces concepts que j'ai pu trouver cet équilibre « du premier genre ». Et pour y parvenir, j'ai entamé l'étude théorique et pratique de La méthode, c'est à dire ce qu'enseignait Baucher à la fin de sa vie (on désigne cette forme comme étant un bauchérisme deuxième manière), « fixée » sur le papier par le général Faverot de Kerbrech, et dont l'utilisateur le plus connu et reconnu fut Étienne Beudant qui, il me semble, ne fut pas égalé dans cette forme d'équitation !

Progression du dressage :

L'aboutissement, la finalité, l'objectif ultime, c'est l'équilibre du premier genre.

Le cheval se tient SEUL, poursuivant sans aucun soutien (descente totale des aides) le mouvement qui lui est suggéré. Et pour s'en approcher, les quelques directives suivantes sont à prendre en compte, pour ne pas dire qu'elles doivent se « graver » dans la tête du cavalier !

Elles sont issues des « préalables » de Faverot de Kerbrech (Dressage méthodique du cheval de selle...), exposant le simple fait que :

« ...Quand on entreprend le dressage d'un cheval, la première condition pour réussir est de bien se rendre compte de ce que l'on cherche à obtenir, c'est-à-dire des qualités qu'on veut faire acquérir à son élève.

Ces qualités peuvent se résumer en peu de mots, et il est à remarquer que ce sont toujours les mêmes, quel que soit le genre de service auquel une monture soit destinée.

Tout cheval de selle doit en effet être rendu facile et agréable à monter, régulier dans ses allures, docile, franc, et aussi brillant que le comporte son ensemble.

Or, pour qu'il soit « facile et agréable à monter, régulier dans ses allures », il faut qu'il soit bien équilibré, c'est-à-dire léger à la main et aux jambes, droit d'épaules et de hanches, avec la tète constamment fixe et placée, et qu'il conserve de lui-même son équilibre sans le secours des aides. Pour qu'il soit « docile, franc »,il faut que toute défense, toute résistance instinctive ou volontaire ait disparu, ou puisse, dès qu'elle reparaît, être aussitôt détruite.

Enfin, pour qu'il soit « aussi brillant que le comporte son ensemble», il faut qu'on puisse à volonté l'asseoir, grandir ses mouvements, et relever ses allures.

On voit donc que dans le dressage il faut :

1° s'attacher sans cesse à obtenir la légèreté, un ramener bien fixe, et

2° une grande obéissance aux jambes;

3° s'efforcer de maintenir le cheval constamment droit d'épaules et de

hanches, et

4° l'habituer à se passer du secours des aides.

5° Il faut de plus lui rendre le rassembler familier... »

Tout est là ! Tout le fond se résume à ces quelques directives !

Quant à la forme, elle n'est guère plus compliquée, si ce n'est de devoir se séparer de la multitude d'actes réflexes acquis pendant nos apprentissages par le biais des moniteurs et instructeurs divers que nous avons côtoyés et qui prônaient, forcément, une conception de « mise sur la main » ! Et là, tout devient « moins simple »... En effet, il faut accepter de faire le pas pour chercher à avoir un cheval « en avant des jambes et derrière la main », accepter de suggérer et de laisser faire le cheval, accepter de ne pas intervenir tant que le cheval poursuit ce qui lui a été demandé, accepter de marquer l'arrêt et d'attendre... le temps qu'il faut(!) pour que les tensions disparaissent complètement du corps (et de la tête) du cheval avant de reprendre un exercice interrompu,…, bref, tout ce que nous ne faisons pas d'ordinaire ! Car force est de constater que notre habitude est bien d'agir tout le temps ! Inutile de préciser que l'emploi de la force est PROSCRIT. Une rêne qui se tend sous une force de plusieurs kilogrammes est un acte incohérent et inacceptable ! Le but recherché demeure dans le fait de pouvoir se faire comprendre par l'intermédiaire de rênes « flottantes » qui par leur propre poids, sont déjà … bien lourdes ! Utopie ? Gravez dans votre mémoire les photographies de Beudant et de Vallerine ou d'autres chevaux qu'il a dressé !


Pour aborder la forme, quelques précisions s'imposent concernant les termes employés :

    • position, action et mouvement : la position est la répartition du poids sur les quatre membres correspondant au mouvement recherché ; l'action est la quantité d'impulsion nécessaire au mouvement recherché, et le mouvement est la conséquence de l'action sur la position.

    • Ce qui met en évidence que si la position est « correcte » et que la quantité d'impulsion délivrée est le strict nécessaire au mouvement envisagé, seul ce mouvement sera créé... On en revient au « mariage » de l'équilibre (position) et de l'impulsion ; il est remarquable aussi de faire le rapprochement avec la définition de la légèreté du général L'Hotte.

    • La légèreté (à la main) : c'est le fait que le cheval suive la moindre indication de la main ; par conséquent toute résistance ou « force » d'opposition sont proscrites, et la moindre demi-tension d'une ou de deux rênes provoque la cession moelleuse de la mâchoire sans pour autant qu'il n'y ait d'ouverture apparente de la bouche, et surtout sans que la tête ne bouge. Cette mobilité de la mâchoire doit perdurer après la demande, et surtout ne pas cesser brusquement.

    • À noter que sous ces conditions de décontraction de la mâchoire, le ramener s'obtient « de lui-même » : sous la légère demande de la main, la tête se rapproche de la verticale sans que l'encolure ne perde sa fixité ni son soutien.

    • ==> Pendant le dressage du cheval, avant de lui demander quoi que ce soit, le cavalier s'assure qu'il est « léger à la main », c'est à dire que le cheval n'a pas contracté sa mâchoire car là réside une des grandes découvertes de Baucher : en effet, le cheval ne peut contracter une partie de son corps en opposition aux aides de son cavalier sans contracter sa mâchoire ; il suffit donc de rétablir la légèreté à la main pour faire disparaître immédiatement toute contraction inutile au mouvement recherché, et ceci perdure tant que la mobilité de la mâchoire demeure.

    • Forcément, le cheval en cours de dressage va manifester diverses oppositions au fait que la main du cavalier lui demande la légèreté à la main. Deux, et deux actions seulement permettent d'y parvenir : il s'agit du demi-arrêt et de la vibration. L'emploi de l'un, de l'autre ou des deux en même temps permettent d'obtenir cette légèreté. Si malgré tout elle ne réapparaît pas, on en vient à :

    • Décomposer la force et le mouvement : c'est le fait qu'en cas de « résistances » sérieuses qui ne disparaissent pas au moyen du demi-arrêt ou de la vibration, on marque simplement l'arrêt, aussi longtemps que nécessaire en sorte que « les résistances » ne résonnent plus dans le corps du cheval ; à ce moment-là, après avoir obtenu l'immobilité totale puis de nouveau la légèreté à la main, on reprend le mouvement interrompu. On décompose autant de fois qu'il le faut jusqu'à ce que l'équilibre et la légèreté demeurent dans le mouvement ou l'allure souhaités.

    • À noter que l'on procède de cette manière avec des chevaux dont les allures ont été « détraquées », étant ainsi amené à marquer des arrêts très fréquents. En effet, ce qui importe, c'est que chaque foulée d'une allure soit régulière, et ce dès la prise de l'allure. C'est pourquoi à la moindre irrégularité dans l'allure, on s'arrête, on décontracte et on repart... autant de fois que nécessaire, jusqu'à ce que l'allure soit bien franche et régulière dès sa naissance. Il faut apprendre à se contenter de quelques foulées parfaitement régulières et équilibrées au lieu de longueurs interminables et médiocres !

    • Quand le dressage est un peu avancé, on cherche à rétablir l'équilibre et la légèreté sans repasser par l'arrêt par les moyens employés « de pied ferme » (demi-arrêt et vibrations) en prenant en compte les directives suivantes :

    • « ...Il faut, comme nous l'avons dit, que ces différentes actions de la main (demi-arrêt et vibration) ne prennent en rien sur la force d'impulsion ; c'est-à-dire qu'elles ne doivent amener ni un arrêt, ni un ralentissement, ni une altération quelconque dans le mouvement, la direction ou l'allure... »

Les grandes étapes du dressage :

Préparer

    • à pied

    • étude des flexions

    • marcher "sur la cravache"

    • reculer

    • pas de côté

    • pirouette renversée

    • pirouette ordinaire

    • monté, au pas

    • leçon du montoir

    • reprendre toutes les leçons faites à pied (pas à pas)

    • leçon de la jambe et de l'éperon

    • effet d'ensemble

    • marcher DROIT

    • descente de main

    • alterner le pas et le reculer

    • tourner

    • changement de main de deux pistes, pas de côté, tête et croupe au mur

    • pirouettes

    • voltes et demi-voltes

    • reculer prolongé

    • arriver au ramener

Préparer (suite)

monté, au trot

reprendre au trot tout le travail exécuté au pas

transitions arrêt / trot / arrêt, puis reculer / trot / reculer

foule en arrière

élévation maximale d'encolure

perfectionner le ramener

rassembler

Assembler

Travail du galop

demander le galop

départ au contre-galop

descente de main

reculer

petits cercles

galop de deux pistes

pirouettes

manières différentes de demander le galop

changements de pied

Développement du trot et du galop

le "grand trot"

développer le galop et arrêter du galop allongé

Équitation de fantaisie

piaffer

passage

trot en arrière

passage de deux pistes

extension des antérieurs

pas espagnol

trot espagnol

trot à extension soutenue

...

Fixer

Reprise de toute la progression au ramener outré.

Attaques de l'éperon

Être bauchériste, c'est quoi ?

Quelques précisions s'imposent !

Il n'y a pas d'équitation sans … imposer des contraintes !

Quels que soient les méthodes ou les concepts, aussi minimes soient-elles, les contraintes existent, et je crois que pour ne pas contraindre le cheval à quoi que ce soit, il n'y a pas de solution … hormis de ne pas l'extraire de son milieu naturel, et à plus forte raison de ne pas le monter ! Auquel cas, notre affaire d'équitation n'a plus lieu d'être ! Inclus les berceaux d'élevage et toute la filière professionnelle équine.

En ressort qu'un choix est fait quand on entreprend de monter à cheval ! Ce qui ne veut pas dire que cela ouvre la porte à tous les débordements dans l'emploi de méthodes et de techniques contraignantes, brutales voire cruelles pour mener à terme un projet équestre...La brutalité et la cruauté sont à bannir, ce qui n'est pas exclusivement du domaine de l'équitation !

Dérives de notre époque :

Le vingtième siècle a vu s'appauvrir le savoir et le savoir-faire, la compétition ayant fait naître de nouveaux objectifs dans l'emploi du cheval. S'est trouvé chassé peu à peu l'Art Équestre au profit des résultats sportifs, avec toutes les dérives que cela induit tant dans le cadre de vie que dans les moyens techniques d'entraînements. Le cheval DOIT devenir un athlète, et si possible, de haut niveau, d'où l'ingéniosité à créer une multitude de moyens permettant d'obtenir, coûte que coûte, les objectifs visés. Pour cette forme d'équitation héritière du classicisme de l'école de Versailles, ça finit mal !

À contrario, ces dernières décennies ont vu naître, face à cette perversion d'un courant « classique », une forme d'équitation dite « éthologique » ; ça commence mal, le terme étant particulièrement mal choisi quand on sait que l'éthologie est du domaine de l'observation de l'espèce, donc à l'opposé de l'équitation où l'on est dans l'action sur un individu de l'espèce. Ceci dit, les termes employés par ces « nouveaux maîtres », « chuchoteurs », etc..., ne peuvent que rassembler les opposants d'une équitation qui se voudrait héritière des grands maîtres classiques : prônant le bien-être du cheval, son confort, son respect, son intégrité en tant qu'individu, etc...

Le tout enrobé d'un soupçon de sensiblerie, et hop, le tour est joué : parce qu'il n'y a pas d'utilisation de mors, ni de selle, mais d'un simple licol (tiens, c'est un licol dit éthologique, ce qui mérite de le comparer à un licol d'écurie pour … s'apercevoir que sous cette qualification, il est, par l'intermédiaire de ces nœuds et la finesse des cordes qui le constitue, bien autant contraignant que le caveçon des Anciens... et je ne parle pas du poids de sa longe ni de son mousqueton, si si, testez sur vous-même : mettez une ficelle en collier autour de votre cou, attachez-y la longe éthologique (hem!) et son mousqueton, penchez-vous et demandez à ce que l'on reproduise les mouvements de longe tels qu'ils sont faits sur le cheval, je vous garantis que vous abandonnez immédiatement le principe !). À ce stade, pour un observateur ayant en mémoire la barbarie du « rollkür », et pour peu qu'il n'ait pas d'autres références équestres, cela apparaît comme étant LA solution, LA façon de faire « naturelle » pour manipuler le cheval ! Que les Anciens pouvaient être barbares !

Poursuivons ; pour évoluer avec le cheval, on nous dit qu'il faut être « connecté ». Là, les techniques employées sont plutôt de l'ordre de la castration psychique, où la résignation l'emporte plus ou moins rapidement sur la rébellion, et le principe du join up en est un exemple représentatif. Mais pour l'observateur, que d'émerveillement que de voir le cheval suivre son « chuchoteur » ! En effet, celui-ci a cherché à sensibiliser ou à désensibiliser le cheval ; mais pas n'importe comment ! Vous sera expliqué que ce sera de l'ordre positif. S'il ne s'agit pas d'une modification des comportements naturels du cheval, c'est que je n'ai rien compris ! Pourtant, il me paraît qu'on s'éloigne par ces principes de ce que voudrait être un « natural horsemanship ». Il me semble que nous soyons face à un refus, un déni, une volonté à ne pas vouloir accepter « les choses telles qu'elles sont »;un exemple me vient pour faire une allusion à un phénomène de société actuel écologiste : stop au nucléaire puisque nous voulons une énergie propre. Soit, mais... ça n'existe pas ! Il en est de même pour l'équitation, elle ne peut ni ne sera jamais, je crois, « naturelle » … pour le cheval, et ce, quel que soit le courant auquel on adhère. Il n'y a pas d'équitation naturelle ! L'équitation est un acte contre-nature pour le cheval, qu'on se le dise, et ce quelle que soit l'argumentation des uns et des autres de courants proches ou opposés, il ne s'agit que de joutes verbales stériles justifiées pour se dédouaner, en quelque sorte, de prendre ses responsabilités !

En clair, il y a là, de quelque école que l'on soit, un refus quant à assumer nos actes et leurs responsabilités, d'où des termes permettant d'entendre ce que nous avons envie d'entendre et des techniques pour voir ce que nous voulons voir... Les chevaux la langue bleuie sous la pratique du « rollkür » sont autant torturés que ceux en colique dans un rond de longe après une succession violente d'arrêts et de changements de directions. Il ne s'agit là que d'extrêmes mettant en avant la volonté d'asservir, mais comme chacun sait, l’extrémisme …

Pour conclure, en ressortent des « bagarres de cours d'école » où chacun entend avoir raison, entrant dans une forme de sectarisme qui me paraît bien stérile... à plus forte raison pour le cheval qui, quel que soit le camp auquel on appartienne, en fera les frais de toute façon !

La simple question de bon sens et de responsabilité incombe à l'humain qui, faisant le choix de dresser et monter le cheval, doit lui rendre les situations les moins inconfortables possibles. Pour ne pas dire qu’au-delà de sa responsabilité, c'est même son devoir ! Et s'il ne peut l'assumer, qu'il n'approche pas les chevaux, c'est le plus sûr moyen pour ne pas les maltraiter...ce qui implique du savoir et du savoir-faire, et un minimum de réflexion. Évident, sûrement, mais vu la quantité de chevaux qui transitent toujours chez les maquignons...

Quoiqu'on dise, monter à cheval nécessite le fait de pouvoir « contrôler » les situations. À chacun de chercher ce qui lui permet d'y parvenir, sans pour autant avoir fait de son cheval un esclave, tant du domaine psychique que du domaine physique. Sous l'influence de l'homme, le cheval doit pouvoir malgré tout, conserver le plus possible les caractéristiques propres à son espèce.

Avant de monter à cheval :

Nous avons donc des responsabilités envers nos compagnons quadrupèdes ! Et préserver sa santé en fait partie, prenant en compte son moral et son physique. Par conséquent, son cadre de vie est un des facteurs importants, et il est à prendre en compte que le fait d'être enfermé

23heures sur 24 n'est pas, mais vraiment pas ce qui lui convient le mieux... pas plus que de se retrouver dans un paddock de quelques milliers de mètres carrés où aucune herbe ne peut plus pousser, et par conséquent le nourrir. Apparaissent dans ces conditions de « détention » une multitude de troubles comportementaux loin d'être négligeables. Si les apprentis-cavaliers n'acceptaient tout simplement pas d'entrer dans des écoles d'équitation dans lesquelles les chevaux ne bénéficient pas de conditions de vie « acceptables » au regard des besoins liés à son espèce... harangués par le fait que « le cheval, c'est trop génial », et de tous les clichés qui vont avec ! Ce qui pervertit dès le départ, par des images répondant à des fantasmes, des attentes suggestives et suggérées, ce qu'est réellement l'univers du cheval.

Donc, pour résumer, le cheval grégaire vivant naturellement dans des espaces « ouverts », se retrouve enfermé et privé de contacts sociaux ; à part ça, on l'aime bien et pour qu'il puisse satisfaire nos besoins, on lui impose un univers « carcéral »...

Des alternatives sont certainement envisageables, mais les enjeux financiers prenant le dessus... vive notre société et les « RTT » où la notion de loisirs a son importance.

Mais pour cela, il faut que le futur cavalier sache ce qu'est un cheval, et prenne en compte ses besoins de vie fondamentaux...La formation ne devrait-elle pas commencer par là ? Et permettant ainsi d'éviter les drames que nous connaissons tous, y compris du propriétaire, plein de « bonnes intentions », qui va isoler son cheval dans un hectare (c'est déjà un luxe) le privant ainsi de tout contact social... Bref, avant d'envisager de monter à cheval, je pense que serait un acte de bon sens que de prendre connaissance des besoins liés à l'espèce.

Encore une occasion de se mettre à la place du cheval, simple question de bon sens et pour employer une expression « à la mode » : respect du cheval...à laquelle je rajoute, où es-tu ?

Autre point « qui fâche »: l'indispensable ferrure. Nécessité liée à ses conditions de « détention » pour palier à la dégradation de ses pieds qui macèrent dans le fumier de son box, la ferrure permet d'en ignorer les conséquences. Toutefois, le cheval bénéficiant de conditions de vie les plus proches de ses besoins, il s'avère vite que la ferrure devienne ... obsolète, pour ne pas dire « handicapante » au grand dam des maréchaux. Et ce constat ne date pas d'hier, la qualité des pieds du cheval étant un facteur important pour son utilisation, bien des siècles en arrières, pour ne pas dire des millénaires. Xénophon expose très bien les soins particuliers et nettement moins contraignants que la ferrure à apporter aux chevaux. Mais s'il doit répondre à nos besoins, dans les conditions de vie imposées par les centres équestres et autres poney-clubs, le ferrure devient par conséquent … indispensable, et c'est tant pis pour les conséquences sur sa santé, car force est de constater que le cheval ferré est sujet à une multitude de pathologies qui n'auraient pas lieu d'être s'il n'était … pas ferré, en vivant dans un environnement mieux adapté à ses besoins fondamentaux !

La liste n'est pas exhaustive, et je laisse à chacun le soin de la compléter en fonction de son propre vécu et de ses propres expériences.

Monter à cheval :

Enfin ! Mais...

Mais ne doit pas être occulté le simple fait que le bipède que nous sommes n'est pas, mais alors pas du tout, apte à s'accorder spontanément avec la locomotion du cheval. En effet, pour que le cavalier demeure en équilibre sur le dos du cheval en mouvement, il doit apprendre à accorder les mouvements de son corps avec les allures particulières du pas, du trot et du galop pour ne citer que celles-là. Sans oublier qu'il ne s'agit pas de « tenir dessus à tout prix », mais de trouver un accord corporel tel qu'il ne gêne pas les mouvements du cheval, pour ne pas dire en observant ce que nous avons tous l'occasion de voir, ne pas « ENTRAVER » les mouvements du cheval Si j'osais, au risque de passer pour un gardien de musée ou je ne sais quel extra-terrestre, je dirais qu'il s'agit de cette foutue mise en selle dont les heures de « tape-cul » des écuyers de ma génération et des précédentes sont marqués « à vie » par la recherche de cette posture particulière et du liant qui lui est associé formant, au final, une des particularité de ce qui était nommé comme étant la « belle équitation à la Française » ! Par le besoin d'obtenir des résultats rapides, cette « mise en selle » est, de nos jours, tombée dans les oubliettes et par conséquent, l'indépendance de nos mains et de nos jambes s'en est allée au rang d'une équitation passéiste ; quant à ceux qui y font référence, ils sont bien souvent considérés comme des aigris nostalgiques d'un autre temps !

Pas étonnant que dans ces conditions, soient apparus des concepts plus que des techniques qui, donnant bonne conscience à ceux qui les emploient, tendent à faire disparaître les mors et les éperons, voire pour se justifier, à fustiger ceux qui les emploient en les plaçant dans une catégorie de barbares issus d'une autre époque, bien cruels et irrespectueux (ça y est, le mot est lancé) des chevaux ! Faut-il rappeler que les méthodes, techniques et outils n'ont pour valeurs que celles de la main ou de la jambe qui les utilisent. Et pour aller au bout de l'idée, devrait apparaître comme évident que sans le liant indispensable issu d'une bonne posture à cheval, il y a bien peu de chance d'avoir cette indépendance des aides sans laquelle aucune précision, pour ne pas parler de la finesse ou de la délicatesse, aucune précision donc n'est envisageable dans l'emploi de la main et des jambes. Si je veux pousser le bouchon un peu plus loin, quant bien même s'en ressent une certaine amertume de son inutilité tant il apparaît comme évident de se retrouver dans un contexte de guerre contre des moulins à vents, en mettant en évidence que sans cette assiette souple et liante, devient utopique l'idée de ressentir la langue du cheval répondre à la main de son cavalier, sans que la bouche ne s'ouvre pour autant ; certains ont réagi, dans le meilleur des cas, avec des sourires de complaisance, exprimant que l'expression est plutôt de l'ordre poétique ! Et pourtant...

Chaque période a ses phénomènes de mode. Il y a peu, Oliveira était en « tête d'affiche », et on a vu une multitude de cavaliers surgir, étant tous d'anciens élèves de ce Maître, donnant l'impression qu'il n'avait jamais eu tant d'élèves … depuis sa disparition !

Actuellement, Beudant apparaît de plus en plus souvent, en arguant le fait qu'il avait la nature pour modèle. Si l'on retient ce que l'on veut bien retenir, et l’interpréter dans le contexte de notre époque, ne peut-on y trouver les arguments du courant « natural horsemanship » ? Qui n'aurait par conséquent...rien de bien nouveau... Pourtant, Beudant formulait que la cession de mâchoire s'apparente au « cheval qui sourit »...et je me demande comment, en licol, il aurait pu obtenir cette foutue cession … et tout ce qui en découle ! Ont occulté, les opposants de l'emploi d'une embouchure, que l'important n'est pas la cession de mâchoire, mais ce qu'elle implique dans la libération des tensions dans le corps du cheval, tout en étant conscient que cette fichue embouchure, employée avec « effets de forces », est bien évidemment néfaste et douloureuse pour le cheval, et ne peut amener la décontraction de toute façon ! De mémoire, lors d'un colloque à Saumur sur la cession de mâchoire, avait été mis en avant que dans l'emploi de la bride, son action dans la bouche avait d'une part moins de contrainte que le filet, et d'autre part devait être employée par touches de l'ordre de grammes (et non de kilogrammes...), ce qui ramène à … une mise en selle telle qu'elle permette au cavalier d'avoir cette finesse d'action de la main !

Sachant que la moindre action sur les rênes, en licol, a une répercussion sur la nuque (entre autre), pression à laquelle le cheval a été sensibilisé pour y céder (l'expression m'amuse, employée par un courant d'équitation éthologique rejetant la contrainte...), donc, en cédant à cette pression, le cheval a tendance à … abaisser le balancier tête-encolure. Dans ces conditions, comment peut-on envisager le relèvement de toute l'encolure, tête comprise ? Car si l'on en revient au respect du cheval, y est inclue sa préservation. Donc une « reconstruction posturale » permettant d'atténuer la surcharge de l'avant-main produite par le poids du cavalier...impossible à obtenir sans incohérence par le biais de licol, ou encore de bittless briddle...Je m'y suis essayé, toute la basse école s'obtient sans aucun problème et ces outils demeurent d'excellents outils pour l'éducation du cavalier, mais ne permettent pas d'obtenir, dans la descente des aides et j'insiste sur ce point, les airs et allures relevés qui, sauf pour les incultes, sont d'origines NATURELLES ! Le passage, le piaffer et autres sauts dits « d'école » sont d'origine naturelle. Je n'y peut rien, c'est comme ça, un cheval ! Je ne m'étendrai pas sur le fait que refuser au cheval qu'il les livre est de l'ordre d'une … contrainte certaine ! Et à ce jour, sans chercher à alimenter d'interminables polémiques ne menant à rien, je n'ai pu voir aucun cheval aborder ces Airs relevés, dans lesquels le cheval donne « tout le brillant que comporte son ensemble » sur un simple licol ou autre outil excluant l'embouchure. Je n'ai vu que des chevaux avec plus ou moins de « déséquilibre » sur l'avant-main, sous eux du devant pour ceux qui piaffaient, et connaissant le poids des rênes et de leur mousqueton « éthologiques », dans ce que j’appellerai une « vraie-fausse » descente de main ! La photo de Catherine Henriquet l'illustre parfaitement bien, le cheval piaffe, soit, mais est en déséquilibre sur l'avant-main et on ne peut être que de mauvaise fois que de ne pas l'admettre ! Ce qui n'enlève rien au talent de cette cavalière, bien évidemment, qui au moins a eu le mérite d'exposer que c'est possible, mais...

Donc, pour parvenir à cet équilibre issu de cette reconstruction posturale, l'emploi d'un outil permettant d'élever (et d'abaisser) le balancier s'avère INDISPENSABLE, et le filet le plus simple permet d'y parvenir. Faut-il reprendre quelques photographies d'Etienne Beudant ? Je laisse à chacun le soin de faire ses propres comparaisons, tant dans la posture que dans l'équilibre...

Pour en revenir au filet, donc au principe d'employer ou non une embouchure, encore faut-il admettre que pour utiliser le filet en question, une éducation de … la main du cavalier demeure indispensable, au même titre que de la bouche de son cheval : si l'acier n'est pas naturel dans la bouche du cheval, son emploi ne l'est pas non plus pour la main ! Et pour y parvenir, faut-il rappeler que cette main, si elle n'est pas indépendante du corps du cavalier par une mise en selle satisfaisante, n'a que peu de chance de sentir quoi que ce soit et donc à fortiori, ne peut transmettre que des saccades et autres mouvements nuisibles à établir un « dialogue » entre la main et la bouche. Sans cette éducation « corporelle » qui seule, je crois, permet d'acquérir puis de développer « l'intelligence » de la main, il n'est pas étonnant que tant de cavaliers qui tiennent à peu près sur le dos de leurs chevaux, optent pour l'emploi d'outils ne leur permettant pas d'atteindre la bouche des chevaux, et … c'est tant mieux pour leurs chevaux ! De là à considérer qu'un autre maniant à cheval dans la descente des aides en bride et chaussé d'éperons soit du domaine de la barbarie...il me semble que l'inculture de la main (entre autres) provoque des réactions démesurées et bien « irrespectueuses » … En effet, celui qui n'a jamais ressenti cette sorte « d’apaisement, d'abandon, de lâcher-prise, de fluidité, de flexibilité, ... » issus de la cession de mâchoire sans pour autant tomber dans une locomotion nonchalante, bien au contraire, ne peut pas entre-voir la sensation procurée si particulière et tellement personnelle, ressentie et évoquée différemment par tous ceux qui s'y sont essayés ! Faut-il que la main soit réceptive, accompagnatrice, bienveillante, etc... et je mettrai en avant le simple fait que le cheval est d'une sensibilité telle qu'il est capable de sentir une mouche posée sur lui ; ce qui m'amène à penser au chemin parcouru et à ce qui reste à découvrir quant à aiguiser la sensibilité de la main dans son dialogue avec la bouche !

Bien des choses ont été écrites, bien des choses ont été dites, et il est navrant de constater que l'inculture et le sectarisme s'appuient sur le refus d'accepter qu'au final, pour citer Baucher, « il n'est pas permis à tout le monde d'aller à Corinthe » ! Notre équitation contemporaine est l'héritière de l'Art Équestre, dans lequel la main de l'écuyer a un rôle clef...pour peu qu'elle soit instruite et sensible...

Pour ma part, je n'en éprouve guère plus que de la tristesse, tant cette « ignorance » de la main est difficile à combler, d'autant que tous les grands discours n'y changent rien ! Il n'y a là qu'une affaire de sensation, et tous les mots employés ne pallient pas au manque de RESSENTI qui ne peut s'obtenir et se développer qu'en … montant à cheval, encore et encore... toujours à l'affût des sensations renvoyées par le corps du cheval et de sa BOUCHE ; mais pour cela, il faut monter !

Ces quelques lignes ne devraient même pas exister tant il devrait être évident pour tout cavalier digne de ce nom au même titre que pour le musicien par exemple, combien il est difficile d'exprimer son ressenti autour d'une table sans instruments ni partitions ! C'est donc à cheval que j'invite les uns et les autres à exprimer ce qu'ils ont à débattre, les « démonstrations pratiques » étant en général plus « parlantes » que nos grands discours et nettement moins longs ! D'ailleurs, à l'heure où j'écris ces quelques lignes, je n'ai qu'une envie : quitter mon bureau pour aller partager un moment avec l'un de mes chevaux !

Malgré tout, pour clore ce chapitre, je ne peux pas faire l'impasse sur la stérilité de ces bagarres de clochers, constatant avec consternation la bêtise dont nous sommes capables ! Si l'équitation s'apparente à un Art, ce que je crois, tout le monde ne peut avoir du talent, c'est évident, et … ce n'est pas grave : ne peut-on aimer la musique sans être musicien soi-même, les arts plastiques sans avoir d'aptitudes à la peinture ou la sculpture, et sans pour autant incriminer les sculpteurs, peintres et musiciens pour autant..., leur reprochant d'employer des « outils » et des « techniques » qui, simplement, ne sont pas utilisables par tous sans quelques dispositions...

Caractéristiques du bauchérisme deuxième manière :

À mon sens, la caractéristique majeure réside dans la mise en main, associée à une « reconstruction posturale » (cheval qui « s'auto-grandi »). L'encolure est arrondie et donne la sensation au cavalier qu'elle se « rapproche » de lui, tout en demeurant très élevée, le chanfrein se rapprochant de la verticale sans aller au-delà, la nuque demeurant le point le plus haut.

La conduite du cheval se fait dans la descente des aides, sur des rênes « flottantes » : par conséquent, les aides sont TRÈS discrètes, pour ne pas dire invisibles à l’œil d'un tiers. C'est l'opposé du cheval « comprimé sur lui-même » dans la mise sur la main.

À bien y regarder, l'équitation « ancienne » (issue de la Renaissance et dont l'apogée peut être située sous l'école de Versailles) est caractérisée au même titre que dans le bauchérisme par la mise en main, c'est à dire la décontraction de la mâchoire dans la posture du ramener. Mais ces deux formes d'équitation, malgré cette similitude, se dissocient par le fait que chez les Anciens, c'est la « preuve » de l'équilibre au cours d'une « opération équestre », de l'ordre d'une conséquence, alors que chez Baucher, c'est un préalable, auquel la qualité de l'impulsion est directement liée. Certains vont jusqu'à exposer le fait que la mise en main parfaite augmente l'impulsion.

Pour citer encore Beudant qui faisait l'allusion de « l'obéissance du fils à son père », le cheval a pris une forme d'autonomie, de liberté « conditionnelle », qui consiste à maintenir SEUL la « consigne » qui lui a été donnée, pour ne pas dire suggérée par son cavalier qui doit se contenter « d'aller avec » sans agir, et ce tant que la consigne est respectée : c'est la descente des aides, que le cavalier doit respecter « en ne faisant plus sentir ni les jambes, ni la main », et ce tant que le cheval ne modifie en rien le mouvement initial, la posture et l'allure. Le cheval a trouvé (retrouvé) son aisance naturelle sous la charge de son cavalier, et restitue cette aisance dans ses allures sous les directives de son cavalier qui renvoie l'image du « passager clandestin » et non celle du dompteur ayant réalisé un « tour de force » !

De là, il n'y a qu'un pas pour entrer dans des univers personnels où certains feront des rapprochements avec leurs idéaux : centaure, liberté, etc..., tant ces sensations d'aisance et de fluidité sont de l'ordre du ressenti propre à chacun, et renvoient chacun à ces propres idéaux !

Pourtant, pour faire allusion à une expression issue de la Renaissance où « ...en avoir plein les bras … serait une survivance des temps barbares... » qui nous montre que beaucoup d'entre nous n'auraient guère évolué, ou tout du moins que la réalité serait bien décalée des idéaux...à moins que... ! Comme quoi, encore une fois, quand nous ne voyons que ce que nous voulons voir...

Revenons aux qualités du cheval dressé, telles que Faverot de Kerbrech les expose. Pour cela, il faut :

1° s'attacher sans cesse à obtenir la légèreté, un ramener bien fixe, et

2° une grande obéissance aux jambes;

3° s'efforcer de maintenir le cheval constamment droit d'épaules et de

hanches, et

4° l'habituer à se passer du secours des aides.

5° de plus lui rendre le rassembler familier.

Ajouter à cela la « reconstruction posturale » du cheval par son avant-main grandie ; on en vient à déterminer des caractéristiques telles que la technique d'une méthode doit permettre de les obtenir si l'on s'en tient à des rapports de « causes à effets » ! MAIS...

S'en tenir qu'à la technique ne suffit pas ; et ce simplement parce que notre affaire d'équitation s'adresse « à du vivant », et que chaque cheval est différent ! Il y a donc matière à communiquer nos intentions, et à les faire accepter par le cheval sachant que le rapport de force est exclu. En effet, tout partant de la légèreté (à la main) impliquant la décontraction, cette même décontraction ne peut être obtenue sous la contrainte et à fortiori par la force !

Là est une des richesses de ce concept, au sens où il n'est pas « figé » par l'emploi de techniques précises, mais s'appuie sur un état d'esprit! Bien sûr, des techniques existent, mais l'important n'est pas tant dans leur emploi, que dans la réflexion pour trouver, voire pour créer celles qui sont appropriées à chaque individu. La méthode à proprement parler ne devrait être considérée que comme ouvrant des « grands axes directionnels », et revient à chacun de créer ses propres contre-allées !

Pour faire référence à un extrait d'une communication de P. Franchet d'Esperey, « il ne faut pas chercher à marcher sur les traces des Anciens ; il faut chercher ce qu'ils ont cherché ».

Sachant qu'en opposition à la « mise sur la main » où le cheval est comprimé sur lui-même, la « mise en main » suggère au cheval de se prendre en charge, de « s'autograndir » pour faire de nouveau référence à P. Franchet d'Esperey. Ce qui prime, c'est que le cheval gagne en flexibilité, sans compression, en conservant les particularités de sa locomotion que le cavalier va « influencer sans détruire », contrairement à ce qui se produit dans la mise sur la main où l'on voit nettement une « altération » de la locomotion « naturelle » du cheval, à contrario de ce qui s'obtient par la mise en main où le « fonctionnement naturel » du cheval n'est pas affecté, comme on peut le voir sur les vidéos suivantes :

La continuité :

Voilà donc quelques grandes lignes du bauchérisme posées ! Et si tout ne reposait-il pas sur … la communication ? Comment se faire comprendre ? Comment établir ce langage des aides ? Comment obtenir l'adhésion du cheval à notre « projet équestre » ? Le commandant Rousselet, au milieu du 19ème siècle, exposait déjà le principe : « il faut faire aimer le travail au cheval »...sans oublier que ce même commandant Rousselet a laissé l'image « du doux écuyer qu'on ne vit jamais perdre patience »...

Au-delà de la technique, ne faut-il pas aller chercher entre les lignes, au sens de chercher les moyens, propres à chacun, permettant d'obtenir cette flexibilité, cette reconstruction posturale issue de la meilleure répartition de la charge du cavalier, etc... tout en respectant les caractéristiques propres à la nature du cheval.

S'ouvre alors un champs d'étude extraordinaire, où tout « est à faire » ! À partir du moment où sont « intégrés » les principes techniques, ce qui s'acquiert en peu de temps, il y a tout lieu de « s'émanciper » de la méthode car au fond, il ne s'agit pas de reproduire ce qui a été fait au risque de tomber dans un mauvais plagiat car les écuyers qui ont marqués sous cette forme de travail du cheval demeurent inimitables ! Il ne s'agit donc pas de « figer » ce qui a été fait pour devenir une sorte de gardien de musée. Il n'y a pas d'intérêt à reproduire tous les exercices suggérés dans la méthode par une technique irréprochable, ce qui occulte le fond de leur propre existence ! Concernant ces exercices, il faut s'interroger sur leur origine, et ce qu'ils permettent de développer. Et quand c'est fait, et bien, …, c'est fait ! Au-delà, c'est de l'acharnement... Et il n'est pas interdit de créer ses propres exercices et enchaînements dont le but sera d'améliorer l'équilibre, la flexibilité, etc... Faut-il rappeler qu'est du domaine de l'incohérence le fait de demander au cheval plus que ce qu'il puisse faire ! Et il en est de même que d'entamer un exercice sans savoir pourquoi on le fait...

Il s'agit de construire sa propre relation avec son cheval, selon des principes qui respectent les caractéristiques du cheval qui s'appuient sur sa nature et ce qu'elle lui a donné pour les retrouver monté ; d'où l'intérêt de prendre le temps de réfléchir pour comprendre ce qui fait que le cheval n'arrive pas à trouver tel ou tel équilibre en rapport avec tel ou tel mouvement. Puis s'ouvrent des investigations sans fins car il y a toujours matière à les perfectionner ! En effet, l'équilibre peut toujours s'améliorer, au même titre que la qualité de la mise en main, l'impulsion, la finesse dans l'emploi des aides, etc … Tout est améliorable, ne demande qu'à gagner en finesses et en subtilités dans la relation, dans ces échanges... À chacun d'y trouver son domaine de recherches et d'études inépuisables ! Mais il ne faut pas s'attendre à retrouver des clichés en rapport avec ce que l'on voit sur les rectangles de dressages : les adeptes de cette forme de travail du cheval sont plus souvent orientés vers une sorte de relation intime, passés les prémices concernant l'apprentissage de la technique. D'ailleurs, il n'est pas rare qu'à l'interrogation, le cavalier soit bien souvent dans l'embarras pour expliquer « comment il a demandé et obtenu tel ou tel Air » ; c'est du domaine du ressenti, du tact, du sentiment, d'autres diront du « feeling »... et il devient aisé de comprendre la réflexion critique de certains, reprochant de ne pas avoir eu « le truc qui marche »... à chacun son chemin ! De même, non pas que je condamne les études scientifiques, car elles nous éclairent sur bien des points, mais si elles ne sont pas associées à une pratique assidue, ces études alimentent bien souvent des discours interminables en oubliant que c'est à cheval qu'elles doivent prendre du sens. Combien de fois ai-je vu des « érudits » qui, si je ne m'étais arrêté qu'à leur discours, devaient être assurément des cavaliers « hors norme » ! Et quelle déception, mis en situation, que de voir des évolutions à cheval « non-regardables », en contradiction totale des discours précédents...

Au risque de répéter ce qui a été exposé plus haut, on revient au fait que sont indissociables le savoir ET le savoir-faire ! La recherche de l'équilibre demeure un point clef, dont découle la pureté des allures, la flexibilité, l'activité, etc... Le cheval ayant accepté de se livrer à son cavalier, le constat suivant est particulièrement révélateur : le cavalier place son cheval dans une attitude particulière, y associant une « quantité d'impulsion » bien précise ; ne se produit alors que le mouvement correspondant à l'équilibre obtenu. Je rajouterai : « et c'est tout ! » . Pour que ce mouvement puisse se faire, l'équilibre ne doit pas être perturbé, et ce tant par le cheval soumis à diverses contraintes propres à sa nature et à l'environnement dans lequel il évolue, que par le cavalier devant cesser d'agir pour laisser le cheval libre d'agir selon ses disponibilités. Le cavalier doit se contenter « d'aller avec » sans gêner, ce qui est la plupart du temps la cause première d'un éventuel désordre ! Mais avant que le cheval puisse maintenir une longueur interminable de pas de côté par exemple, il faut lui laisser le temps de développer sa musculature de façon à ce qu'il puisse simplement faire ce qui lui est demandé !

Simple question de bon sens, et pourtant, c'est bien par là que commencent un bon nombre de situations « conflictuelles »...

Alors, la « continuité » du bauchérisme, ne serait-ce pas simplement la prise en compte de principes, et non l'application « à la lettre » d'une méthode, puisque la communication demeure la priorité pour peu qu'elle ne soit pas … unilatérale ! L'échange entre le cheval et son cavalier n'a pas de fin, ni de modèle, mais doit être pris en compte au titre d'une relation, avec toutes les fluctuations que cela implique. Peu importe les moyens employés pour peu qu'ils respectent les principes. Se limiter dans l'application et la maîtrise des techniques n'est pas suffisant. Il manque l'essentiel : l'emploi de la technique se trouve effacée, transparente, écrasée par le tact, le sentiment, ce qui fait passer d'une évolution froide, mécanique, à des expressions vivantes et artistiques où la pureté des allures priment au même titre que la sensation de facilité, d'aisance. Le cheval a retrouvé, en charge de son cavalier, la grâce dont il fait preuve en liberté, son cavalier s'en trouve effacé par la discrétion avec laquelle il se fait comprendre. Le cheval s'est « reconstruit » dans son avant-main, son encolure se roue en donnant la sensation au cavalier qu'elle se « rapproche de lui en se grandissant » et ses allures se relèvent : il exprime « tout le brillant » dont la nature l'a doté !

Tout compte fait, ne peut-on dire que l'équitation, ça ne devrait être que ça ! Le cheval, au final de sa « formation », s'est affranchi des contraintes physiques et morales dues au poids de son cavalier et l'apprentissage d'un langage correspondant aux aides employées ; le cheval peut de nouveau exprimer tout ce qui nous émeut lorsqu'il évolue en totale liberté...

Les principes de base :

Avant d'émettre des principes, la priorité doit être mise sur le fait que le cavalier doit savoir ce qu'il cherche, pourquoi, et comment l'obtenir. C'est là que ses actes « prennent du sens » ! Et aussi simpliste qu'il y paraisse, si rien n'a de sens pour le cavalier, il y a de fortes raisons pour qu'il en soit de même pour le cheval ! Il n'y a rien de bauchériste là-dedans, c'est une simple question de bon sens, mais il ne paraît pas inutile de le rappeler !

Revenons aux qualités à faire acquérir au cheval à dresser pour en extraire des principes :

    1. S'attacher sans cesse à obtenir la légèreté, et un ramener bien fixe.

    2. La légèreté implique la disponibilité de la bouche, le fait qu'elle ne manifeste aucune contraction « d'opposition » à la main, qu'elle accepte de « suivre l'indication » de la main. Non seulement cette décontraction est un indicateur quant à l'acceptation « mentale » du cheval, mais elle l'est aussi concernant la disponibilité physique du cheval. A déjà été mis en avant le fait que le cheval ne peut contracter une de ses parties sans contracter sa mâchoire. Ce qui ne veut pas dire que le cheval demeure décontracté au sens de relaxé, apathique, « mou », sans énergie,... Il me semble que c'est le simple fait qu'aucune contraction musculaire supplémentaire n'apparaisse en fonction du mouvement demandé ou entamé. Le cheval en vient, avec cette cession de mâchoire qui perdure au cours du mouvement, à ne produire que le strict nécessaire d'impulsion pour réaliser le mouvement. C'est d'une certaine manière, reformuler la définition de la légèreté telle que l'a fait le général L'Hotte. D'autre part, cette même cession de mâchoire induit l'équilibre. D'où l'importance de s'assurer au cours du mouvement, qu'aucune contraction n'apparaisse dans la mâchoire...

    3. Un ramener bien fixe. Là se trouve un des problèmes concernant les termes équestres ! À l'expression ramener, spontanément, je comprends « ramener vers moi », ce qui implique une action de ma part agissant sur la tête pour fermer l'angle « tête - encolure » et rapprocher la tête du tronc...avec touts les problèmes qui en découlent. Il faut comprendre que le ramener est une attitude dans le port de tête du cheval, et que cette attitude s'obtient quasiment d'elle-même après que le cheval se soit familiarisé au fait d'élever son encolure. Le cheval, s'il ne rencontre pas d'actions perturbantes de la main, place alors de lui-même sa tête « dans sa position la plus commode »!D'autre part, le fait d'obtenir un ramener bien fixe ne sous-entend surtout pas la fixité par l'intermédiaire de rênes tendues par une main figée. Il faut comprendre par ce terme STABILTÉ, et non FIXITÉ, sans figer la posture, sans bloquer les mouvements indispensables de la tête et de l'encolure propres à la locomotion du cheval. Il vont être progressivement limités, mais jamais annulés ce qui rendrait l'allure défectueuse.

    4. A été exposé plus haut le mouvement d'avancée et de retrait de la nuque du cheval sur un axe horizontal, particulièrement visible au pas. Donc, dans un « ramener bien fixe », il faut comprendre une limitation dans l'amplitude de ce mouvement caractéristique du pas, sans chercher à « l'annuler », mais plutôt à le faire « absorber » par toute la colonne cervicale rouée, de la sortie du garrot à la nuque inclues. Stabilité en effet, car l'ensemble tête – encolure représente un bras de levier en porte à faux sur le tronc ; devient évident que son élévation « allège » d'une certaine manière l'avant-main, et s'il se stabilise dans ses amplitudes horizontales, l'équilibre général du cheval s'améliore. Sans oublier, au risque de me répéter, qu'il s'agit de le limiter sans l'annuler ce qui aurait pour conséquence d'accentuer le mouvement de la tête et de l'encolure sur un axe vertical (mouvement de pioche...), donc à l'opposé de l'effet de stabilité recherchée et du respect de la mécanique de l'allure.

    5. À prendre en considération que la mise en main (légèreté à la main dans la posture du ramener) prime sur toute autre action, voire précède toute autre action. Si au cours d'un mouvement, la légèreté à la main se trouve « perdue », la priorité est mise sur le fait de chercher à la retrouver au plus tôt, quitte à marquer un arrêt si l'on sent des contractions « sérieuses » dans le corps du cheval.

    6. Une grande obéissance aux jambes.

    7. Inutile d'insister sur le fait qu'un cheval « léger » à la main, qui perçoit les indications sur des rênes « flottantes », serait en totale « contradiction » en étant lourd, froid aux jambes !

    8. Il n'est pas bien difficile de comprendre, connaissant la sensibilité « tactile » du cheval, que l'emploi des jambes sur son corps DOIT être amené à ce qu'il réagisse à un effleurement de celles-ci. Alors pourquoi a-t-on si souvent des chevaux « lourds » dans les jambes ? Je reste convaincu qu'à la base, cette réaction est due à un emploi simultané et contradictoire de la main et des jambes ; inutile de blâmer le cheval qui n'a fait que respecter ce qui lui était demandé ! D'où la pertinence de s'astreindre le plus possible pour ne pas dire systématiquement, à n'employer que l'un ou l'autre, quitte à rapprocher leurs actions dans le temps, mais surtout pas en même temps. D'ailleurs, l'emploi simultané de ces deux aides forme l'effet d'ensemble, qui dans sa forme la plus autoritaire, « tue » le mouvement !

    9. SANS OPPOSITION DE LA MAIN, on en vient rapidement dans l'éducation du cheval à ce qu'il se porte en avant avec plus ou moins d'énergie en proportion avec la pression ponctuelle et brève des jambes. La première « condition » de réussite consiste à rendre des jambes à la moindre manifestation d'obéissance du cheval, et non à le « porter dans les jambes » comme on le voit si souvent ; en effet, je crois qu'on ne s'y prendrait pas mieux pour rendre de plus en plus inefficaces des actions de jambes qu'en les prolongeant après l'obéissance du cheval ! Si de plus, la main agissant en même temps provoque une opposition au mouvement demandé par les jambes … inutile de s'en prendre au cheval qui ne sait plus trop quoi faire sous la pression d'actions contradictoires !

    10. Il en va de même pour déplacer les hanches du cheval sous l'action d'une jambe ; bon nombre de cavaliers ont été surpris de (re) découvrir le réactivité de leurs chevaux quand ils prennent le temps d'être cohérents, et progressifs dans l'intensité de leurs actions ! Au fil des progrès, on s'aperçoit vite que le cheval en vient à réagir « au souffle de la botte », et devient, comme le faisait remarquer le général L'Hotte, « comme insaisissable dans les talons ». Sous une autre formulation, on en vient à « l'équitation en pantoufles » de Baucher.

    11. S'efforcer de maintenir constamment le cheval droit d'épaules et de hanches.

    12. On aborde ici la rectitude, qui n'est que le fait de mettre la ligne des épaules en face de la ligne des hanches, permettant d'avoir le meilleurs rendement de la locomotion du cheval au sens d'employer l'énergie minimale pour un déplacement optimal ! À notre époque où l'énergie est un problème majeur dans notre société, ça devrait nous parler !

    13. Concernant le cheval, cela sous-entend que « naturellement », il n'adopte pas spontanément cet alignement ! En effet, le cheval est naturellement infléchi à gauche ou à droite. C'est là que les exercices latéraux prennent, dans un premier temps du dressage, tout leur sens ; je dirais même, tant qu'on n'aborde pas le rassembler, qu'ils n'ont de sens qu'en étant au profit de la rectitude, permettant au cheval d'atténuer progressivement ses dissymétries naturelles.

    14. L'habituer à se passer du secours des aides.

    15. Le cheval en mouvement, dans l'équilibre correspondant, maintient sans soutien ni de la main ni des jambes le mouvement entamé : c'est la descente des aides. Le cheval a cette forme d'autonomie qui consiste a maintenir de lui-même la consigne qui lui a été posée. Rien de plus clair que la réponse de Faverot de Kerbrech à Étienne Beudant sur la signification de la descente des aides : « il s'agit de ne plus faire sentir ni les jambes, ni la main ». C'est aussi simple que ça, et éduqué par ce principe, le cheval en vient rapidement non seulement à le respecter, mais sans m'avancer je pense qu'il en vient à l'apprécier !

    16. Donc, tout au long de son dressage, le cheval sera familiarisé au fait qu'il puisse et qu'il doive maintenir seul ce qui lui est demandé. Les seules interventions de son cavalier seront de l'ordre de la « remise de l'équilibre » correspondant au mouvement recherché, ou à l'annulation de la consigne demandée.

    17. Lui rendre le rassembler familier

    18. C'est ce qui permet au cheval de relever ses allures et ainsi, pour reprendre l'expression, « exprimer tout le brillant que comporte son ensemble ».

Ressortent de ces « qualités à faire acquérir » au cheval quelques principes qui, au fond, permettent de s'orienter vers un cheval « bauchérisé ».

    • Avoir en tête que l'élévation de la tête et de l'encolure est une priorité dans le début du dressage (reconstruction posturale de l'avant-main : amenuiser la surcharge de cette partie).

    • La mise en main prime sur toute autre action, et cette « légèreté à la main » est le souci constant du cavalier dans sa conservation : en cours de mouvement, le cavalier s'assure de la mobilité de la mâchoire de son cheval, ayant ainsi un indicateur précieux quant à l'éventuelle apparition de contractions « nuisibles » au mouvement considéré, et il s'empressera de la retrouver si elle venait à disparaître.

    • L'obéissance aux jambes est développé au point que leur emploi n'est que du domaine d'affleurements, brefs, faibles en intensité. Pendant l'éducation du cheval, si la réactivité tarde à se manifester, l'éperon vient immédiatement au secours de la pression du ou des mollets en sorte que la jambe n'ait jamais « d'effort de pression ». Ce qui implique que le cheval ait été « mis à l'éperon », et non que cet outil soit employé sans que le cheval n'y ait été familiarisé.

    • Par souci de clarté dans leur emploi, ainsi que pour la compréhension du cheval, les aides sont séparées, dissociées, ce qui fait que l'expression « main sans jambes, jambes sans main » est un « incontournable » ! Tout du moins pendant l'apprentissage car, au final, le cheval réceptif et réactif aux plus fines actions de main comme de jambes dont l'emploi ne provoque aucune réaction opposée du cheval, ces actions sont du domaine des aides et ce au sens « simpliste » où les aides sont employées … pour aider !

    • À partir du moment où le cheval entre dans un mouvement : descente des aides : rênes flottantes, jambes « inactives ». Et ce tant que le cheval maintient de lui-même ce qui lui est demandé, ou si le cavalier décide de changer de mouvement ; dans ce cas, les aides agissent pour suggérer un nouvel équilibre dont découle le mouvement recherché.

    • Pendant les apprentissages du cheval, agir localement : telle manipulation est associée à telle partie du corps du cheval, et si des difficultés surgissent, elles sont traitées de façon « isolées ». Les flexions, par exemple, sont centrées sur une partie du cheval. La pirouette renversée une autre partie, de même que la pirouette ordinaire, etc... Quand chacune des parties du cheval ont été suffisamment « gymnastiquées », c'est tout l'ensemble que l'on « teste » en mouvement.

    • ...

À bien y regarder, il s'agit de ne plus avoir aucune contraction « inopportune » dans le corps du cheval ; Baucher expose le fait qu'il faille « détruire les résistances », sans oublier qu'il n'y a là aucune tendance à « forcer »... car pour rappel, il s'agit de décontracter, et par conséquent l'emploi de la force est bien évidemment proscrit ! On n'entre pas en guerre pour détruire des résistances ! Il y a matière à s'interroger sur leur nature et chercher comment faire pour les faire disparaître. Comme pour une manipulation d’ostéopathe, les actions du cavalier doivent être admises, tolérées par le cheval et non avec des oppositions du cheval qu'il faut vaincre ! En découle des mouvements fluides, amples, élastiques, FLUIDES. C'est la recherche et l'amélioration sans fin de la flexibilité...

Pour conclure cette « approche » de l'équitation bauchériste, j'aime faire référence à une image qui m'est venue lors d'un stage que j'animais avec divers cavaliers, pour clarifier les termes de « mise sur la main » et de « mise en main » :

... je pense à Pinocchio en tant que marionnette qui a le pouvoir de se transformer en petit garçon ! Dans le cas de la mise sur la main, aussi légères que soient les aides, il demeure toujours un contact ; celui-ci ne se rompt jamais. Par la délicatesse qu'il est possible d'atteindre, je pense à la marionnette tenue par ses fils. Les manipulations du marionnettiste, pour que son personnage prenne vie, sont des plus délicates mais sans elles, son personnage n'a pas de « vie » : il dépend de la « dextérité du marionnettiste ». Dans le cas de la mise en main, le pantin est devenu « petit garçon » en s'étant « affranchi » des fils dont il n'a plus besoin pour se mouvoir... par la descente des aides de son cavalier ...