De façon classique, Valérie Marbach (1999) rappelle que les compétences sont étroitement assimilées aux connaissances. On utilisera plus volontiers le terme compétence pour désigner des savoir-faire, alors que les connaissances font référence à des savoirs. Néanmoins, l’auteure précise que les deux catégories sont orientées vers l’action à réaliser.Guy Le Boterf (2000) propose, pour sa part, de définir la compétence requise comme un savoir-faire ou comme un savoir-agir en situation de travail. Bref, ce qui est demandé à un employé n’est pas tant d’être compétent que d’agir avec compétence. Étant donné que la définition de la compétence varie selon les organisations et les contextes de travail, Le
Boterf
souligne que la compétence évolue entre deux pôles :
Le pôle des situations de travail caractérisées par la répétition, par ce qui est routinier, par ce qui est simple et par l’exécution des consignes (entreprise à prescription stricte).
La compétence se définit alors comme un « savoir-faire ». Elle se réduit à l’exécution d’une opération ou d’un ensemble d’opérations, à l’application des instructions et au respect des consignes. Elle est également pertinente dans les situations où la prescription devient stricte pour des raisons de sécurité (ex. : opérateur de centrale nucléaire).
Il est possible de décomposer des savoir-faire élémentaires, mais Le Boterf précise que la compétence ne peut se résumer à une addition de savoirs partiels. Elle doit être considérée comme une sorte de connexion entre différentes ressources de sorte que ces dernières s’organisent en fonction d’une responsabilité.
Le pôle des situations caractérisées par la variété, la complexité des décisions à prendre au quotidien, la résolution de problèmes, la prise d’initiative, le choix des moyens et l’interprétation de consignes générales (entreprise à prescription ouverte).
Dans ce type de contexte, il n’y a pas qu’une seule bonne façon de réaliser une tâche. La compétence tend à se définir plutôt comme un « savoir-agir » ou un « savoir-réagir ».
Dans ces circonstances, être compétent c’est savoir quoi faire et savoir quand le faire. Le professionnel devra savoir prendre des initiatives et des décisions, négocier et arbitrer, faire des choix, prendre des risques, réagir à des imprévus, innover au quotidien et prendre des responsabilités. Pour être reconnu comme compétent, il ne suffit plus d’être capable d’exécuter le prescrit, mais d’aller au-delà du prescrit.
Le savoir-faire d’exécution (ou la tâche) est le degré le plus élémentaire de la compétence et constitue un objectif à atteindre dans des conditions déterminées. Plus une tâche devient complexe, plus il est difficile de la traduire en une procédure précise. À la limite, la tâche à accomplir sera laissée à la discrétion de l’acteur qui devra la réaliser.
Une compétence est plus qu’une simple tâche, c’est un ensemble de tâches. Les activités des travailleurs supposent qu’il existe des structures accessibles, adaptées à l’accomplissement de certaines tâches, et même à certaines familles de tâches. Richard Bolles (1972, p. 75) souligne que les compétences obéissent toujours à la même règle : «
Si nous les classons en fonction des charges qu’elles impliquent aux yeux d’un employeur, nous constatons que plus elles sont complexes, moins ces charges sont explicites en détail, et la part de l’employé s’en trouve accrue ; plus elles sont simples, plus les obligations correspondantes sont denses, codifiées et « encadrent » l’employé. »
Quelques modèles de référence sur les compétences
Modèle 1
Ce portrait, lié à la psychologie cognitive et issu de l’analyse détaillée d’objectifs de formation générale au Québec, rend compte d’objectifs visant le développement d’habiletés et d’attitudes (
http://discas.educ.infinit.net/cadreref/documents/profilcompetence.html). La rédaction d’une compétence dans le curriculum vitæ peut tenir compte de l’ensemble de ces applications. Ainsi, une compétence peut être appliquée aux aspects suivants :
1. La maîtrise des contenus (connaissance d’information et de concepts généraux ou spécifiques)
Exemple opérationnel en matière de savoir-faire
Connaissance des principes en électricité de construction
Connaissance des lois régissant la protection de la jeunesse
Connaissance des normes ISO 9000
Connaissance de la thermodynamique
Lecture et interprétation des plans et devis de pièces métalliques
2. La maîtrise des langages (comprendre des signes ou un système de représentation, de significations et de traduction des significations)
Exemples formulés
Interprétation des indicateurs économiques
Interprétation du langage non verbal en psychologie clinique
Analyse des données des rapports statistiques et vulgarisation de l’information quant à la fréquentation du transport en commun
Compilation des données à partir de photographies aériennes, de notes d’arpentage, de dossiers et de rapports
3. La maîtrise des structures (classement des éléments et compréhension des mécanismes, des lois ou des systèmes)
Exemples
Élaboration des lois fondées sur des analyses démographiques, sociales et économiques
Prévision des besoins en main-d’œuvre spécialisée en fonction des développements en matière de technologie
Surveillance des activités de scarification, de plantation et de contrôle de la végétation ainsi que la mise en œuvre de politiques de protection
Évaluation des incidences économiques sur la politique du logement
Élaboration, application et évaluation des stratégies de communication
4. La maîtrise des procédures (connaissance des opérations, des séquences d’opération et des standards d’exécution ainsi que l’exécution ou l’automatisation de procédures)
Exemples
Contrôle des débits et des niveaux de pression et de température dans les procédés d’extrusion
Contrôle des conditions sanitaires commerciales et institutionnelles
Établissement des procédures de fonctionnement des opérations de production
5. Le développement des attitudes (ouvert, critique, solidaire, autonome, créatif, responsable, etc.). À mon avis, il est difficile d’exprimer les attitudes dans un curriculum vitæ.
6. L’expertise en communication (compréhension des rôles, des contextes, des intentions et des messages, formulation des messages et production d’œuvres personnelles)
Exemples
Négociation de conventions collectives en contexte de croissance (ou de réduction de personnel)
Création de concepts, de la nature et du contenu des illustrations
Conception et formulation des messages publicitaires
7. La prise de décision (utilisation de l’information, détermination d’objectifs, planification et résolution de problèmes, réalisation de projets)
Exemples
Résolution de problèmes reliés à la production
Détermination des objectifs de vente annuels et planification des ressources nécessaires en matière de publicité et de représentation
Élaboration des programmes visant à assurer l’utilisation efficace des matériaux
Modèle 2
Une personne compétente est celle qui sait agir avec pertinence dans un contexte particulier. Ce modèle (inspiré de Le Boterf, 2000) comporte plusieurs types de ressources au sein desquelles la personne peut puiser pour agir avec compétence.
Des connaissances générales
Selon ce modèle, les compétences servent à comprendre un phénomène, une situation, un problème ou un procédé. Au fond, elles répondent à la question : « Comment fait-on fonctionner [telle chose] ? »
Exemples
Connaissance des composants de circuits imprimés
Connaissance des enjeux politiques, sociaux et économiques des pays en voie de développement
Opération de tour cylindrique à colonne verticale
Des connaissances spécifiques par rapport à l’environnement professionnel
Ce sont les connaissances du contexte de travail de la personne : équipement, règles de gestion, culture organisationnelle, codes sociaux, organisation de l’entreprise ou de l’unité. Elles permettent d’agir « sur mesure ».
Exemples
Exécution des tests de laboratoire dans des milieux sans poussière (ou antistatiques, aseptisés ou en hygiène contrôlée)
Connaissance des principes de bienséance dans le contexte d’événements protocolaires
Connaissance des cultures asiatique, américaine, africaine et de celles des pays scandinaves
Des connaissances procédurales ou opérationnelles
Elles visent à décrire « comment il faut faire », « comment il faut s’y prendre pour ». Elles décrivent des procédures, des méthodes, des instruments pour lesquels la personne maîtrise l’application pratique. Ces savoir-faire permettent de savoir opérer.
Exemples
Conduite et contrôle de l’équipement de placage et d’enduit par trempage à chaud
Réglage, programmation et conduite de machines électriques, électroniques ou manuelles pour la fabrication de pièces en bois
Réglage et conduite de machines et de l’équipement de façonnage
Supervision des opérations de mise en œuvre de projets régionaux de développement économique
Détermination des besoins et préparation des soumissions
Des connaissances et des savoir-faire reliés à l’expérience
Ils sont issus de l’action. On les désigne souvent sous le terme de « connaissances tacites », « tours de main », « façons de faire » ou « astuces ». Les savoir-faire reliés à l’expérience sont difficiles à formuler dans un CV. Le nombre d’années d’expérience que l’on peut retrouver dans la synthèse laisse, en quelque sorte, présager ce type de connaissances. C’est également possible d’illustrer cette sagesse de l’expérience à l’intérieur de la rubrique des réalisations professionnelles.
Exemples
Montage des fondations selon les règles de l’art
Mise en place de mesures correctives innovatrices qui ont permis de doubler la capacité de production
Des savoir-faire relationnels
Ce sont des capacités qui permettent de coopérer efficacement avec autrui : capacité d’écoute, de négociation, de travail en équipe, de travail en réseau.
Exemples
Négociation des contrats de service
Coordination et animation des réunions des équipes de projets ponctuels
Intervention de crise, suivi individuel et de groupe dans une perspective de réinsertion sociale
Réalisation d’entrevues de « counseling »
Animation d’activités en matière de consolidation d’équipes de travail pour le personnel d’encadrement et les comités de direction
Des savoir-faire cognitifs
Les savoir-faire cognitifs correspondent à des opérations intellectuelles nécessaires à l’analyse et à la résolution de problèmes, à la conception et à la réalisation de projets, à la prise de décision ainsi qu’à l’invention. Induction, déduction, raisonnement par analogie, production d’hypothèses, généralisation… autant d’opérations qui permettent d’inférer, c’est-à-dire de créer de l’information nouvelle à partir d’information existante.
À mon avis, ce type de savoir s’exprime par des énoncés plus « concrets ». À plusieurs reprises, des ingénieurs m’ont raconté qu’ils étaient des experts en résolution de problèmes. C’est bien en principe, mais de quelle façon cela se traduit-il concrètement ? Un énoncé de compétence comme « Élimination des causes occasionnant des pertes de productivité en redéfinissant les séquences et les procédés de travail » démontre, hors de tout doute, que cet individu est bien adapté à son travail et sait résoudre des problèmes.
Ainsi, si vous êtes un spécialiste de la résolution de problèmes, précisez votre pensée : quel genre de problème ? dans quel contexte ? Mentionnez aussi la façon dont s’est effectuée la résolution de problème.
Des aptitudes, qualités et ressources émotionnelles
Ce ne sont pas, à proprement parler, des savoirs et des savoir-faire mais plutôt des caractéristiques de la personnalité : rigueur, force de conviction, curiosité d’esprit, initiative, etc.
Ces aptitudes sont difficiles à formuler dans un CV étant donné le style de rédaction synthétique. À moins de définir vos qualités de façon inusitée, à moins de sortir de l’ordinaire, laissez tomber. Peu de choses sont aussi ennuyantes à lire que « sens du travail en équipe », « leadership », « autonomie » et « sens des responsabilités ». Sorties de leur contexte et sans une petite illustration ou une anecdote, ces qualités ne sont pas significatives. Faites travailler votre imagination et distinguez-vous des autres !
Exemples
Intérêt marqué pour la recherche de solutions nouvelles
Facilité d’adaptation et capacité d’assumer de nouveaux rôles
Vulgarisateur polyvalent
Capacité démontrée à travailler sous pression et en respectant des échéances serrées
Des ressources physiologiques
Les ressources physiologiques servent à gérer l’énergie individuelle, tout simplement. Vous êtes un champion canadien de triathlon ? Dites-le, vous révélerez ainsi des traits de personnalité qui joueront en votre faveur. Vous pouvez effectuer un travail très physique pendant plusieurs heures consécutives sans faire d’erreurs ? N’hésitez pas à le faire valoir. Aucun employeur n’y sera insensible !
Exemples
Capacité de maintenir un effort physique sur des quarts de travail de 10 heures
Entraînement de compétition nationale en judo
Entraînement pour le record du monde de la personne s’étant maintenue le plus longtemps sur une seule jambe
Modèle 3 (Répertoire opérationnel des métiers et des emplois – équivalent français de la Classification nationale des professions)
Le Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (ROME) illustre le concept de « compétence cognitive » ou de « démarche intellectuelle » par la capacité à résoudre des problèmes dans un contexte donné. Par conséquent, elle est toujours liée à une activité ainsi qu’à un contexte, et sa mesure représente le résultat attendu par l’organisation. Une telle démarche permet d’appeler et d’utiliser, au cours de l’action, les compétences les plus appropriées, qu’il s’agisse de savoirs, de comportements ou d’habiletés.
La résolution de problèmes est définie comme la nécessité de changer une situation, ce qui implique qu’il faille intervenir, agir ou modifier l’environnement. Ainsi, tous les jours, dans tous les métiers, des personnes résolvent des problèmes à travers leurs activités et leurs emplois.
Cette approche s’appuie sur un postulat : dès qu’il y a une action efficace, il y a compétence. Il s’agit donc de repérer le type de démarche utilisée de manière dominante pour tenir un emploi ou un métier et y réussir. Certaines démarches de résolution de problèmes s’avèrent plus efficaces, plus adaptées que d’autres par rapport à un type de situation donnée.
Le ROME propose une typologie qui conduit à trois grandes familles :
1. Les démarches intellectuelles de type application (production, procédure, diagnostic, régulation)
Dans le processus intellectuel de type application, la procédure de résolution de problèmes est parfaitement définie. L’activité nécessite une représentation très claire de la solution. C’est en se reportant continuellement à un modèle que l’on sait ce qu’il faut faire.
Exemples
Saisie de texte (70 mots à la minute)
Programmation des séquences multimédia en production animée
Coordination de la production et des activités du service de la réception, de la production et de la livraison, et ce, en fonction des commandes
2. Les démarches intellectuelles de type transposition (conception, analyse, régulation, formalisation)
Ce sont des démarches d’ajustement, de traduction, d’installation. Ces activités exigent une représentation claire, mais de nombreuses marges de manœuvre sont possibles. Il y a, en fait, plusieurs solutions à un même problème et tout dépend du contexte, des circonstances et des conditions. Il s’agit de choisir la solution qui sera la mieux adaptée à un contexte donné.
Exemples
Analyse comparative des bilans financiers et évaluation des écarts
Élaboration des mesures d’amélioration continue
Rédaction de politiques, de cahiers de charges et de procédures administratives pour les franchisés
3. Les démarches intellectuelles de type conception
Il s’agit de démarches au cours desquelles il faut résoudre un problème sans avoir de représentation claire de la solution, et ce, ni au sens de « processus de résolution » ni au sens de « solution définitive ». Par définition, la solution doit être découverte puisqu’elle est nouvelle, et qu’il est quasiment impossible de se reporter à un modèle quelconque, à des normes ou à des règles. Il s’agit d’inventer, d’innover, de créer ( comme dans des domaines de recherche et développement, de publicité, de graphisme et des métiers relatifs aux arts).
Exemples
Création d’une œuvre littéraire
Composition (paroles et musique) d’un album
Création d’une gamme de cosmétiques aromatisés
Ces grandes familles se divisent à leur tour en processus cognitifs spécifiques. Ce modèle précise que c’est en matière de croisement qu’il faut réfléchir pour mobiliser les compétences dans un domaine ou contexte particulier. En effet, l’ensemble de ces grandes familles de résolutions de problèmes peuvent être combinées avec des listes de savoirs de référence, des champs d’application, des domaines d’activités et des logiques de milieu, d’appartenance et d’identité professionnelle. D’ailleurs, la notion de croisement est partagée par l’ensemble des théoriciens qui traitent de compétences.
Modèle 4
Valérie Marbach (1999), qui s’est attardée de façon particulière à l’évaluation et à la rémunération des compétences au sein d’entreprises européennes, identifie quatre familles de compétences qui englobent les typologies les plus communément utilisées.
1. Les connaissances théoriques et pratiques renvoient à une théorie reconnue et enseignée.
Exemples
Connaissances des principes d’aérodynamisme
Procédés en chimie analytique
Calcul différentiel et intégral, et statistiques
Calcul des dimensions et des seuils de tolérance
2. Les connaissances pratiques requièrent une maîtrise des tâches assignées sans impliquer ni connaissance de leur finalité ni possibilité de les remettre en cause. Ce type de connaissances élimine toute autonomie de la part du titulaire : elles relèvent d’une stricte application des consignes.
Exemples
Mise en œuvre des consignes de sécurité au moment d’accidents écologiques (préciser la nature)
Application des procédures administratives au moment du dépôt des griefs et des plaintes
Exécution des opérations de transport de marchandise à haute sécurité
Triage des feuilles de métal et de la ferraille selon les consignes
3. Les connaissances opérationnelles s’apparentent beaucoup à du savoir-faire.
Exemples
Manœuvre des panneaux de commandes centraux dans la fabrication du papier
Exploitation des systèmes de conception et de dessins assistés par ordinateur
Détermination des méthodes de collecte et d’analyse d’échantillons
4. Les bonnes connaissances générales correspondent à la connaissance des grands principes d’actions propres à un domaine. Il s’agit des connaissances requises pour communiquer et travailler efficacement avec un professionnel du domaine de référence.
Exemples
Connaissance de la négociation de relations de travail en milieu syndiqué
Connaissance du système carcéral québécois
Connaissance des principes en matière de sites transactionnels sur Internet
Marbach précise que chaque profil de compétences comprend à la fois des compétences essentielles, des génériques et des compétences additionnelles. Les compétences essentielles désignent le noyau dur de la fonction ; les compétences « génériques » sont inventoriées pour chaque fonction sur les cinq axes suivants : connaissance de l’organisation, latitude d’action, management, relations interpersonnelles, connaissance de lois et procédures ou règlements.
Enfin, il y a les compétences additionnelles qui sont requises par une fonction sans être considérées comme essentielles. Lorsqu’il s’agit d’établir un profil ou un CV par compétences, il est important, en raison du croisement énoncé plus haut, de réfléchir à la complémentarité de ces différents types de compétences.
Les autres composantes de la compétence
Les compétences sont une construction mentale difficile à circonscrire. Une même compétence peut s’appliquer à différents niveaux. Être doué pour le service à la clientèle ou manifester des comportements orientés vers le client n’a pas la même signification chez un caissier de supermarché, un serveur dans le domaine de la restauration rapide, un serveur de repas gastronomiques, un directeur du service à la clientèle ou un travailleur autonome. Chacun de ces postes nécessite cette même compétence selon une perspective différente. L’approche cognitive permet de situer une compétence selon sa relation au temps et à l’espace.
La relation au temps
Elle concerne la ou les perspectives temporelles dans lesquelles se situe l’action au cours de la démarche de résolution de problèmes.
Court à moyen terme : l’action nécessite de se projeter dans un temps variant de 0 à 6 mois.
Moyen à long terme : l’action nécessite de se projeter dans un temps variant de six mois à deux ans.
Exemples
Planification trimestrielle des activités
Élaboration des orientations stratégiques d’entreprises
Prévision des besoins en main-d’œuvre dans une perspective de pénurie de main-d’œuvre — gestion stratégique de la relève
Mise en place des comptoirs de vente dans un commerce de fruits et légumes
Accueil de la clientèle dans un commerce au détail
Gestion de la réception des appels d’un standard de 250 usagers
La relation à l’espace
La relation à l’espace fait référence à l’analyse de l’espace quasi géographique qui est visé au moment de la résolution de problème, tels l’unité de travail, l’environnement immédiat (bureau, chantier) ou élargi (service, division, direction).
Exemples
Coordination des activités de plusieurs divisions
Surveillance de chantiers
Élaboration de partenariats avec des fournisseurs et des distributeurs internationaux
Supervision des activités des comptoirs de vente nationale
L’organisation du travail
• Travail peu varié sans imprévu
• Travail peu varié avec imprévu
• Travail varié sans imprévu
• Travail varié avec imprévu
La variété est définie comme le fait d’avoir à réaliser plusieurs activités de natures différentes. L’imprévu est défini comme le fait de ne pas pouvoir dire à l’avance ce que seront les activités dans une journée de travail et dans quel ordre elles seront effectuées.
Exemples
Chargement et déchargement de camions
Élaboration des rapports d’accident au moment de collisions frontales sur les autoroutes
Rédaction de correspondance pour le personnel de direction
Ajustement des méthodes de production au moment des périodes d’entretien
Nota : ce paramètre dépend largement du point de vue selon lequel on se place.
Je me permets maintenant d’introduire les notions de niveaux de maîtrise et de transférabilité des compétences ainsi que celle de la hiérarchisation des postes de travail. Tout en étant un approfondissement de la notion complexe qu’est la compétence, cette section permet (entre autres) de répondre à une question qui émerge toujours pour qui cherche à définir son niveau de maîtrise d’une compétence.
« Qu’est-ce qui permet d’affirmer que je suis plus compétent qu’une autre personne ? » Les quelques indicateurs proposés vous permettent de répondre à cette question. Cette partie du chapitre peut paraître quelque peu aride, mais elle est utile pour se familiariser avec quelques outils et termes utilisés par les gestionnaires. Une personne avisée en vaut deux ! Toutefois, si votre objectif est simplement de faire votre CV, passez au chapitre suivant.
Les niveaux de maîtrise
L’un des indicateurs est celui du temps nécessaire à l’apprentissage d’un emploi ou d’un métier. La Classification nationale des professions (CNP) définit aussi le niveau de compétence en fonction de l’expérience et du niveau d’études requis pour accéder à l’emploi. La complexité des tâches et des responsabilités est également prise en compte.
Au Québec, au cours de la dernière décennie, de nombreux programmes de formation ont été élaborés. En fonction de la durée des études, les qualificatifs d’emploi sont apparus : non spécialisé, semi-spécialisé et spécialisé. Cette classification est déterminée par la durée de l’apprentissage nécessaire à la réalisation d’une famille de tâches :
• Le niveau A implique l’obtention d’un diplôme universitaire.
• Le niveau B est généralement accordé au personnel de supervision et exige une combinaison de scolarité postsecondaire et de quelques années d’apprentissage en cours d’emploi.
• Le niveau C s’appuie sur quelques années d’études secondaires et sur deux années d’expérience de travail spécifique.
• Le niveau D n’exige souvent que quelques années d’études secondaires et une brève démonstration ou une courte formation en cours d’emploi.
Ces niveaux sont applicables dans tous les secteurs d’activité répertoriés dans cet ouvrage. Une autre façon d’exprimer ces niveaux de compétences serait celle-ci :
1. La sensibilisation. Il s’agit de la connaissance d’un environnement ou d’un milieu de travail, de la connaissance générale d’un emploi ou métier, des conventions, des codes ou règlements liés à cet emploi ou métier et de la compréhension du vocabulaire attaché à l’emploi ou au métier. Ces savoirs ont été acquis sur le terrain, par l’expérience. « Je connais, j’en ai entendu parler. »
2. La mise en pratique d’un savoir-faire. Dans un domaine professionnel, il s’agit de la capacité d’appliquer des règles, des conventions, des codes de règlements. Ces savoirs sont liés à un contexte d’application. L’activité exige du travailleur d’être à l’aise dans un domaine professionnel et de posséder une connaissance approfondie des « produits » (au sens large du terme), de l’administration et de l’organisation. « Je pratique, je sais faire. »
3. La compréhension et la maîtrise. Il s’agit de la compréhension et de la maîtrise théorique de la majeure partie du champ de connaissances. L’activité nécessite de comprendre la logique sous-jacente à l’action et les données théoriques qui permettent d’expliquer la pratique. Cette compréhension permet de transmettre ce savoir dans un contexte professionnel. « Je comprends, je maîtrise. »
4. L’expertise. L’activité nécessite de comprendre et de maîtriser les grands mécanismes fondamentaux et les principes d’un domaine scientifique ou technique en relation avec d’autres domaines. C’est le niveau le plus abstrait, le plus conceptuel. Cette maîtrise permet de faire évoluer le savoir et de l’enseigner à haut niveau. « Je fais évoluer, j’enseigne. »
Les emplois qui nécessitent des savoirs de référence appartenant à ces deux derniers niveaux comportent d’autres caractéristiques communes : ils font appel à des savoirs acquis hors d’un contexte professionnel (formation initiale/continue) et ils sont tenus par des personnes — ayant conscience de leurs connaissances — qui, le plus souvent, en mobilisent d’autres. Ces gens connaissent aussi le périmètre de leurs savoirs et son degré d’actualisation (processus actif d’autoperfectionnement) et transmettent leurs connaissances (capacités à enseigner).
La transférabilité des compétences
Le Boterf (2000, p. 98) estime que transférer un savoir-faire ou une compétence ne signifie pas de les transporter comme s’il s’agissait d’objets. Selon lui, on ne doit pas rechercher la transférabilité dans les compétences, les savoir-faire ou les connaissances du professionnel, mais dans sa capacité à établir des liens, à construire des connexions entre deux situations.
« Celui qui sait le mieux transposer est souvent celui qui sait, dans un domaine particulier, élever son niveau d’expertise à un point tel que sa conceptualisation en fait un point de départ possible pour une transposition à des domaines distincts. »
À la différence de l’application qui consiste simplement à mettre en pratique un apprentissage déjà réalisé, le transfert consiste, pour un sujet, à recontextualiser un apprentissage effectué dans un contexte particulier. Enfin, ce processus de transférabilité n’est pas seulement un transfert, mais bien une transposition dans un nouveau contexte. Vous trouverez, au chapitre 8, des pistes de rédaction pour mieux rédiger vos propres compétences.
Une application pratique
Le CV par compétences peut avantageusement se mettre au service des transferts de compétences. Cela dit, il est tout aussi avantageux pour les candidats au profil plus classique. Ce principe de mobilité s’applique tant sur le plan de l’insertion professionnelle que sur celui de la réorientation de carrière. Vous pouvez convoiter :
• le même type de poste
• un poste plus spécialisé avec plus de responsabilités
• un poste dans un domaine professionnel apparenté
• un nouveau poste dans un nouveau contexte
Dans tous les cas, le CV par compétences est une solution idéale. Il permet de poser sa candidature pour :
• le même genre de travail dans un contexte similaire
• le même genre de travail dans un contexte différent
• un travail un peu différent (activités associées) dans un contexte similaire
• un travail un peu différent (activités associées) dans un contexte différent
• un autre type de travail dans un contexte similaire
• un autre type de travail dans un contexte différent
Nota
Activités associées peut signifier la mise en œuvre d’une compétence issue d’une même famille de tâches (au sens élargi) et d’une compétence d’un niveau supérieur de maîtrise ou de spécialisation.
Contexte fait référence à une culture organisationnelle, à un secteur d’activité (ex. : administration) ou à un même secteur industriel (ex. : métallurgie, assurances)
Les premières questions à se poser en matière de transfert sont :
• Qu’est-ce que j’ai aimé, qu’est-ce que j’aime encore et que je suis toujours capable de faire ?
• Qu’est-ce que je ne veux plus faire même si j’en suis capable ?
• Qu’est-ce que j’aimerais faire (et que je n’ai jamais fait) et qu’est-ce qui me permet de croire que je suis capable de le faire ?
Vous trouverez des façons de procéder dans la section qui traite des méthodes de rédaction.
Techniquement parlant
Une personne peut avoir acquis des compétences dans un secteur d’activité et, après une réorientation, une formation ou d’autres événements de la vie, avoir développé des compétences dans un autre secteur. Les deux champs de compétences peuvent alors être définis successivement, simultanément ou être liés pour former une nouvelle réalité par la transformation des énoncés en fonction du projet de vie professionnelle.
À peu de chose près, il s’agit d’inventer son poste à la mesure de son profil. Cette démarche, quoique exigeante, donne de très bons résultats. Évidemment, le tout doit démontrer en quoi le profil répond à un besoin réel de l’entreprise. Cela implique également l’exploration préalable à la fois de soi et du marché du travail.
Exemple
Une grande amie à moi a cumulé plusieurs années d’expérience comme cadre intermédiaire. Bien que très expérimentée et très appréciée dans tous les milieux où elle a évolué, elle a décidé, après 20 ans, de s’adonner à sa passion : la rédaction. Elle a démarré son entreprise et met maintenant en valeur des compétences qui sont demeurées, une grande partie de sa vie, des compétences dites secondaires.
La disposition des postes selon la structure hiérarchique
Je l’admets, j’accorde peu d’importance aux titres de postes, même si cette donnée est valorisée tant par les postulants que par les employeurs. J’estime que les compétences sont plus significatives que le titre du poste, aussi prestigieux soit-il ! Voyons comment le CV par compétences peut avantageusement favoriser la création d’une zone conviviale entre les attentes et les besoins des employeurs et ceux des chercheurs d’emploi.
Malgré l’aplanissement des structures organisationnelles, les niveaux de responsabilités sont encore couramment définis par un niveau hiérarchique.
Les cadres supérieurs
Les compétences recherchées chez les cadres supérieurs s’apparentent aux compétences génériques. Plus une personne occupe un poste élevé, plus on fait appel à des habiletés cognitives et relationnelles, comme rallier des personnes vers un objectif commun, être en mesure de se projeter dans le temps (vision) dans une perspective à long terme et de posséder d’autres habiletés génériques en fonction des valeurs organisationnelles.
Le CV fonctionnel, qui regroupe des réalisations professionnelles en classe fonctionnelle, est adéquat pour mettre en valeur ce type de poste. Généralement, les cadres de niveau supérieur ont une feuille de route bien remplie. Le CV par compétences permet d’illustrer davantage ce qu’une personne souhaite mettre à l’avant-plan, ce que ne permet pas le CV fonctionnel. Le CV par compétences peut mettre en évidence les compétences sur lesquelles une personne mise en reléguant au second plan celles qu’elle ne désire plus mettre en pratique — même si elle les maîtrise encore.
Le personnel d’encadrement (cadres intermédiaires et personnel de supervision)
Le personnel d’encadrement veille à ce que le système fonctionne adéquatement malgré les aléas du quotidien. La perspective temporelle de ce niveau hiérarchique se situe généralement dans l’ordre de six mois à un an. Au-delà de la maîtrise des aspects opérationnels (compétences techniques appropriées), on exige des personnes qui occupent ce type d’emploi qu’elles aient des habiletés relationnelles de nature à susciter la collaboration du personnel aux opérations.
Le personnel d’encadrement doit gérer beaucoup d’informations de nature technique et humaine. On lui demande d’avoir des compétences techniques relatives au secteur d’activité tout en manifestant des habiletés relatives à la gestion du personnel. Dans le CV par compétences, deux champs de compétences peuvent être mis de l’avant : une rubrique qui traite des compétences techniques et une autre qui met en évidence des compétences en gestion.
Les professionnels
Au Québec, le professionnel est celui qui est membre d’un ordre professionnel dont le mandat est d’assurer la protection du public en certifiant la compétence de ses membres. Le Québec compte 45 ordres professionnels (
www.opq.gouv.qc.ca). Les membres de ces regroupements sont les seuls à pouvoir porter certains titres ou à pouvoir placer certaines abréviations à la suite de leur nom.
Le CV par compétences est tout à fait adéquat pour l’ensemble des professionnels, qu’ils soient expérimentés ou pas. La personne d’expérience aura tendance à proposer une formulation plus générale alors que le novice rédigera ses énoncés de façon un peu plus précise. Que l’on soit dentiste, comptable, psychologue, avocat, ingénieur, conseiller en ressources humaines agréé ou technologue en radiologie, on évolue dans un champ d’activité déterminé qui s’exprime parfaitement en compétences. Il est donc tout à fait à propos de bien présenter les réalisations professionnelles, car ce sont souvent ces dernières qui rendent unique le parcours du candidat.
Le personnel technique (métier/technicien/opérateur)
Le Boterf (2000) soutient que le « professionnel » est celui qui exerce son métier avec professionnalisme. Un client peut lui faire confiance pour obtenir des réponses pertinentes dans le contexte d’une situation ou d’un problème ; le professionnel ne laisse rien échapper d’important.
La notion de métier se caractérise par un ensemble de savoirs de nature technique qui permettent de produire un travail avec professionnalisme ou « dans les règles de l’art ». Elle implique la définition d’une identité sociale et l’appartenance à un groupe (ex. : Je suis électricien, mécanicien, agent d’assurances, soudeur, technicien en administration, etc.). Tout comme les professionnels, le personnel technique détient souvent des compétences propres à un ou des secteurs d’activité. Un ou plusieurs champs de compétences peuvent donc être définis.
Le personnel aux opérations
Nous avons trop souvent associé la notion de professionnalisme au niveau supérieur alors que le personnel qui se rapproche le plus des opérations (non spécialisé ou semi-spécialisé) peut pratiquer une activité avec professionnalisme. Toute action peut se manifester avec compétence. On associe trop le personnel « journalier » à des emplois qui ne nécessitent pas la mise en œuvre de compétences particulières. Toute occupation à la production de biens ou de services peut devenir une action compétente.
La formulation des énoncés a toutefois tendance à être plus concrète. En conséquence, elle se rapproche davantage de la formulation de la description de tâches traditionnelle.
Dans un contexte où la mobilité de la main-d’œuvre est en mouvance, il est parfois fort pertinent de généraliser les énoncés afin de pouvoir les utiliser dans d’autres secteurs d’activité qui demandent des actions similaires.
Le titre du poste et la fonction : vers une plus grande mobilité
Pour la majorité des clients que j’ai eu le privilège de rencontrer, l’usage d’un titre de poste a été relégué, dans la présentation du CV, au second plan, voire au troisième, quatrième ou cinquième, quant à l’ordre de la présentation. Une rubrique qui traite de l’historique d’emplois justifie que les compétences soient présentées au début du curriculum vitæ. J’estime encore que les compétences d’une personne sont plus significatives que la somme des emplois qu’elle a occupés.
Il semble que l’époque où l’importance était donnée aux titres de postes est révolue. Certes, il est bon de cibler un type de postes, mais croyez-moi, il ne faut jamais le cloisonner ! La raison en est bien simple : la terminologie associée au titre de poste varie d’une entreprise à l’autre et d’un pays à l’autre. J’estime que des compétences bien définies favorisent davantage la mobilité, à plus forte raison si l’on considère qu’une personne pourra être appelée à vivre de nombreuses reconversions professionnelles au cours de sa vie active. En fait, personne ne sait combien de fois il lui faudra changer de travail ou de profession. Mais une certitude demeure : le nombre de cas de reconversion de carrière augmente sans cesse.
En ce qui a trait au champ de compétences, de nombreux auteurs sérieux ont abordé la notion de « classes fonctionnelles ». Cette notion est conservée et transférée dans une rubrique exclusive aux compétences et n’est plus réservée seulement aux réalisations professionnelles.