La crise est souvent un événement ponctuel, brutal et imprévisible — même si une fusion est voulue et peut néanmoins être considérée comme une crise — qui vient perturber le fonctionnement normal de l’entreprise. Elle entraîne désorganisation, déstabilisation et parfois rupture. Même s’il n’est pas possible de prévoir une crise il est important de développer sa réactivité : en cas de crise c’est elle qui va permettre à l’entreprise de faire face. Et il est illusoire de vouloir préparer efficacement et durablement une entreprise à faire face à des événements rares si elle n’est pas capable de faire face aux difficultés quotidiennes. La crise ne doit donc pas être envisagée seulement en temps de crise sous le coup de l’urgence : il faut l’anticiper. En effet il faut veiller continuellement et observer les signes avant-coureur qui existent souvent, les faiblesses de l’entreprise, … Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à avoir intégrer une véritable culture de crise dans leur « politique de management ». Les entreprises de transport ou dans le domaine du nucléaire, de part le risque important d’accidents, côtoient les situations de crise jour après jour. Il est naturel qu’elles cherchent à amoindrir les conséquences néfastes de ces crises et la veille est ainsi continuelle. Nous pouvons aussi citer Snecma qui a établi un système de surveillance à chaque échelon de l’entreprise : le prise de conscience de l’importance de l’enjeu est totale. Il existe malheureusement de nombreuses entreprises pour lesquelles la crise reste une sorte de tabou qu’il est difficile de briser. Comme si anticiper la crise risquait de la créer. L’exemple de Buffalo grill est parlant : l’entreprise n’avait pas « préparé » de réaction en cas de crise et la crise judiciaire, relayée très fortement par les médias, a été dangereuse. Un plan d’urgence a été entrepris précipitamment, il y a eu des revirements de situation, un site de crise pour les consommateurs a été créé mais tardivement, … Pour éviter au maximum de subir dans l’urgence, il faut procéder par étapes :
La cellule est destinée à regrouper les compétences nécessaires pour répondre rapidement et précisément à la crise quand celle-ci se présente : direction, instances juridiques, techniciens, chargés de communication, … Elle doit être dirigée par un coordinateur pour assurer sa cohérence. Il est alors difficile d’être plus précis. Avant de décider d’une procédure type pour faire face il faut connaître les différentes crises auxquelles l’entreprise peut être confrontée. Ce sera alors à la cellule de crise d’être flexible, modulable autour d’un noyau fixe. • Etablir une typologie des crise
Nous avons vu qu’une des caractéristiques de la crise est sa multiplicité : elle est complexe, multiforme, … Il est clair que toutes les crises ne nécessitent pas la même préparation : un problème de communication interne qui dégénère ne vas pas appeler les mêmes mesures qu’un accident nucléaire et pourtant les deux sont possibles dans une entreprise comme EDF. Nous ne citerons pas de typologie modèle parce que, là encore, ce serait ignorer la complexité du problème et donc le déformer. Néanmoins pour une entreprise comme Air France nous pouvons aisément distinguer : les accidents, les incidents (détournement), les risques politiques ou sanitaires de certaines destinations, les grèves, … Pour chaque « type » il faut étudier les éventuels signes avant-coureur ; les risques de surmédiatisation ; l’importance du facteur humain et ainsi de suite. Pour cette étape l’étude des crises du passé est très instructive puisqu’elle permet de ne pas retomber dans les mêmes travers.
Parmi ces différents scénarios de crise possibles il faut trier les cas les plus probables, même si l’aberrant peut toujours avoir lieu. Et parmi ceux-là il faut attacher une attention toute particulière aux cas les plus graves.
• Connaître le degré de préparation de l’entreprise à la crise
Face aux différents types de crise il faut être lucide sur les mécanismes qui vont être utilisés : juridiques, financiers, communication, … L’entreprise doit alors être capable de faire un bilan de ses atouts et de ses faiblesses ; elle pourra ainsi améliorer sa réactivité en privilégiant certaines réactions.
• Préparer des plans d’urgence ou plans de crise
Il s’agit d’un processus de simulation qui vise à préparer à tous les scénarios en précisant le rôle de l’ensemble des acteurs (ou parties prenantes) selon l’ampleur et la gravité de la situation. Les plans de crise doivent aussi prévoir les formations pour prendre la parole devant la presse pour ceux qui auront à gérer la stratégie de communication. Ils peuvent aussi faire référence à des organismes indépendants qui ont parfois un recul intéressant par rapport à la situation : c‘est par exemple le cas de la fusion Aventis (si on assimile un plan « de fusion » à un plan de crise).
De même que précédemment le cas des entreprises à « risque » telles que Air France ou EDF est exemplaire. Plusieurs types de plans ont été prévus dans le cas d’un accident dans une centrale nucléaire : ses plans expliquent l’importance de la direction du site accidenté, le rôle du préfet et des diverses autorités compétentes. Les procédures de protection voire d’évacuation de la population sont minutieusement préparées,…
Une attention toute particulière devra être portée sur la communication en temps de crise puisque c’est elle qui va assurer la cohésion de la réaction face à la crise. Cette préparation peut aller très loin avec par exemple l’élaboration de fiches-réflexe pour les personnes qui entreront en contact avec les victimes dans le cas d’un accident chez Air France.
La cellule de crise et ses plans doivent cependant rester assez flexible pour être bien adapté à la crise. C’est pourquoi il est important, une fois que les plans ont été pensés de vérifier leur pertinence fréquemment. Pour reprendre le cas d’EDF, des simulations ont déjà été faites pour s’assurer que le plan d’évacuation était valide.
Sans entrer dans les détails nous voyons clairement l’enjeu de la veille de crise pour la pérennité de l’entreprise. Le travail est trop étendu et trop complexe pour n’être fait qu’au dernier moment. Toutes ces précautions pourront peut-être permettre d’éviter les crises mais, même si ce n’est pas le cas, l’entreprise aura tous les atouts pour y faire face le plus sereinement possible.
Dispositions matérielles et organisation
Lorsqu’une crise surgit, aucun problème matériel ne doit venir entraver le bon fonctionnement de la cellule de crise. C’est pourquoi, la plus part des entreprises possède une salle de crise prévue à cet effet. Elle est équipée de téléphones (2 pas personne en général) et de fax pour la communication, d’ordinateurs, d’un tableau pour noter l’évolution de la situation, d’un plan de l’entreprise ou d’une carte du pays pour la SNCF….
Bref, tous les moyens techniques nécessaires sont mis à la disposition des membres de la cellule.
Il est également très important d’assurer le calme et la sérénité dans la salle de crise. C’est pourquoi, Air France a mis en place un système de badge à l’entrée de la salle. Seules les personnes possédant un badge seront autorisées à y entrer. Les autres se regrouperont par département au sein d’une ‘back office’ pour supporter au mieux leur représentant en salle de crise.
Face à la crise il est parfois très difficile de garder son calme et de ne pas ressentir un peu de stress. Afin que chacun puisse rester en pleine possession de ses moyens, certaines sociétés ont, comme Air France, mis en place un système de ‘fiches réflexes’ qui permettent à chacun de savoir quoi faire et à quel moment. Sur cette fiche seront indiqués la procédure à suivre, les personnes à contactées ainsi que leur numéro de téléphone. Tout y apparaît par ordre chronologique. De même, la personne chargée de diffuser le message de crise possède un formulaire prêt à l’emploi : elle note dessus toutes les informations qu’elle détient, puis, au téléphone, elle se contentera de lire sa fiche en étant certaine de ne rien oublier. Elle trouvera les noms et numéros de téléphone des personnes à contacter sur un fichier régulièrement mis à jour. Le fax peut également être utilisé.
A l’intérieur même de la salle de crise, une méthodologie est nécessaire. En effet, un bilan de la situation sera fait régulièrement (toutes les heures environ) et une personne sera chargée de noter sur le tableau l’évolution de la situation, le travail qui a été accompli et celui qu’il reste à accomplir pour éviter toute omission.
Une cellule de crise efficace
D’après ce qui précède, on voit clairement comment une entreprise peut réagir au mieux face à toute crise. En effet, les moyens humains, matériels et méthodologiques sont réunis pour faire face à un grand nombre de situations délicates. Cependant, il ne faut pas se contenter de surmonter une crise, en s’appuyant sur une organisation solide et une communication réussie, il faut également en tirer profit. En effet, une fois la crise éloignée, l’entreprise a recours à une critique de sa réaction.
Les retours d’expérience permettent à une entreprise d’améliorer sa gestion de crise.
Une bonne préparation et une cellule de crise efficace permettent en général de passer au travers de la crise ou de la contrer rapidement sans trop de dégâts. Un danger subsiste néanmoins : il ne faut pas se reposer sur ses préparatifs comme sur une ligne Maginot. De même qu’après la crise il ne faut pas « passer l’éponge » trop rapidement en pensant que cette crise était la dernière. Il faut revenir sur la situation et transformer la crise en une opportunité pour l’entreprise.
Etablir des plans à long terme « d’après crise »
L’après crise nécessite en particulier une communication particulière. La crise a en effet souvent un effet néfaste sur l’image de l’entreprise et a tendance à faire baisser le taux de confiance des différentes parties prenantes (salariés, actionnaires, consommateurs, clients, …) Il est important de rassurer ses équipes, de remercier ses alliés.
L’amélioration du dispositif de crise
La « post-crise » permet de souligner les actions qui ont été positives et de révéler les faiblesses comme l’a souligné M. Cathala (Air France). Il est ainsi possible de déceler les carences, les manques de réactivité ou de cohérence, les problèmes de communication et d’y apporter des solutions. Certaines entreprises n’hésitent pas à créer un fichier informatique qui rassemble toutes les données des crises traversées. Pour le cas d’Air France le système a été élargi à plusieurs entreprises pour que chacune puisse profiter de l’expérience de ses partenaires. De même, dans le cas de Snecma, lors du lancement d’une fusée Ariane, des capteurs relèvent toutes les données nécessaires. En cas de problème les techniciens pourront a posteriori analyser ces données et en tirer l’enseignement nécessaire pour que l’incident ne se reproduise plus.
Continuer la veille
Avant même de faire ce retour d’expérience il est important de ne pas fermer la cellule de crise trop rapidement en fin de crise puisqu’elle peut encore rebondir.
Cette prudence, ajoutée au gain d’expérience permettra à l’entreprise de sortir renforcée de la crise qu’elle vient de traverser. Il faut alors adapter son dispositif de crise en fonction des diverses remarques.
Tout danger n’est cependant pas tout à fait écarter : la prochaine crise arrive déjà. Il faut revenir au premier point et continuer à veiller.