Le texte suivant a été élaboré par un groupe de travail national et est en cours de validation.
Notre vision de l’apprentissage du français au Secours Catholique
« La langue, c’est le 1er exil quand on arrive dans un nouveau pays. Apprendre le français, c’est essayer de sortir de cet exil[1] ».
L’apprentissage du Français : un droit et une action essentiels
Plus de 40% des personnes accueillies en 2018 par le Secours Catholique sont des personnes migrantes. Face au durcissement des politiques publiques à l’œuvre depuis de nombreuses années, il est certain que les associations humanitaires sont et seront de plus en plus sollicitées par des personnes étrangères en situation de précarité.
L’accompagnement des personnes migrantes est donc un enjeu majeur pour le Secours Catholique pour les années à venir. Parmi les besoins exprimés par les personnes migrantes, l’apprentissage du français en est un très important. Cette action est la première action spécifique développée avec les personnes migrantes* au Secours Catholique, tant en nombre de bénévoles engagés qu’en nombre de personnes accompagnées[2].
Cette activité est une mise en œuvre concrète de nos valeurs et de notre projet national. En effet, pour nous l’apprentissage du français n’est pas une fin en soi, mais bien une démarche qui ouvre tout un champ de possibles. Il s’agit d’apprendre à parler, lire, écrire, pour… soutenir la scolarité des enfants, trouver du travail ou maintenir son emploi, accéder à d’autres formations, « communiquer, sortir de sa solitude, participer à la vie de la société, comprendre comment elle fonctionne[3] », se débrouiller seul, comprendre la société dans lequel nous vivons, y prendre une part active et participer à sa transformation pour qu’elle soit juste et fraternelle.
Par là même, nous croyons que :
Apprendre le français et accéder à des formations linguistiques est un droit fondamental
Le droit à la langue est un enjeu républicain contre l’exclusion. Apprendre la langue française, c’est le moyen d’accéder à la citoyenneté, c’est une nécessité fondamentale pour prendre sa place dans la vie professionnelle, sociale et culturelle.
Apprendre le français permet de lutter contre les causes de pauvreté.
Maitriser la langue du pays d’accueil permet de mieux connaître et faire valoir ses droits et d’accéder à un travail digne.
Apprendre le français contribue à l’intégration et à l’émancipation des personnes et les aide à être pleinement des citoyens
Maîtriser la langue du pays d’accueil permet à l’individu d’exister en tant qu’ « être social », c’est un pas dans sa vie de citoyen. De plus, elle leur offre les clefs de la participation à la vie de la société.
Apprendre le français joue un rôle très important en termes de cohésion sociale et de vivre ensemble
Ces activités d’apprentissage du français provoquent la rencontre de l’autre de culture, de religion et d’opinion, de parcours de vie différents. « Cela permet de nouer des liens autour d’un projet commun[4] » et de faire travailler ensemble des personnes dans un esprit de respect et d’entraide.
Maitriser le français, c’est répondre aux exigences de la réglementation sur les étrangers
Depuis quelques années des exigences précises, fixées par la réglementation, imposent désormais un niveau de maîtrise de la langue aux étrangers qui demandent un titre de séjour. Selon le type de demande effectuée par le migrant*, un certain niveau de connaissance minimal est requis pour la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour*. La connaissance du français est ainsi devenue, malheureusement, une condition à remplir pour garantir la stabilité du statut des étrangers résidant en France.
L’apprentissage du français est un engagement fort pour chaque bénévole.
C’est un acte citoyen, militant et fraternel, qui participe au nécessaire changement des mentalités et du regard sur l’étranger. S’engager auprès des migrants : c’est combattre les idées reçues au quotidien et accepter de grandir au contact de l’autre.
Forts de ces convictions, nous développons nos actions d’apprentissage du Français afin qu’elles soient :
Des lieux ouverts en priorité aux personnes exclues ou les plus éloignées des formations financées par l’Etat et les collectivités locales
Nous constatons en effet que le ciblage progressif et quasi-exclusif des financements publics sur des formations pour les personnes migrantes* titulaires d’un titre de séjour* depuis moins de 5 ans[5], exclut de nombreuses personnes notamment les demandeurs d’asile*, les personnes déboutées* et les personnes sans papiers*, les personnes en France depuis longtemps. Les organismes de formations et de nombreuses associations sont en effet contraints de n’accueillir en formation que les publics définis par l’Etat. Face à ces restrictions, le Secours Catholique, au contraire, met en œuvre dans ces équipes, l’accueil inconditionnel des personnes souhaitant apprendre le français.
Des lieux accueillants et fraternels qui favorisent la coopération, la solidarité, l’entraide, l’ouverture au monde, la rencontre de différentes cultures et leur confrontation constructive.
Pour ce faire, les actions collectives sont privilégiées, tout comme les activités qui favorisent la participation et l’autonomie des personnes impliquées dans un groupe.
Des lieux conviviaux et bienveillants qui mettent en valeur les savoirs de chacun
Les personnes migrantes*, qui apprennent le français, arrivent chacune avec leur bagage linguistique, culturel, leurs talents et savoir-faire. Il est important de jamais oublier ce bagage personnel et culturel et de faire en sorte qu’il soit mis en valeur. L’apprenant* n’est pas dans la simple posture d’ « utilisateur » qui reçoit un service, mais dans un échange culturel et humain avec les autres apprenants et les bénévoles formateurs, où chacun a quelque chose à apporter aux autres.
Ces actions utilisent des méthodes* et des outils adaptés à la formation des adultes et s’inspirent des pédagogies d’éducation populaire.
Des lieux en lien avec les autres activités du Secours Catholique pour permettre un accompagnement global des personnes migrantes.
Cette notion rejoint la pédagogie d’accompagnement du Secours Catholique. Les besoins d’une personne sont multiples et ne sont pas dissociés les uns des autres. Ainsi avec attention et bienveillance, et sans aller au-delà de sa demande, le bénévole peut entendre les besoins de la personne accompagnée. Un accompagnement sur les autres besoins d’un apprenant peut alors être envisagé grâce aux nombreuses actions proposées au sein d’une délégation* ou d’une équipe locale*.
Des lieux en lien avec les autres acteurs associatifs et institutionnels de l’Apprentissage du Français pour une bonne coordination locale et pour mieux répondre aux situations de pauvreté
Nous constatons qu’il n’existe que trop rarement une coordination locale des acteurs de l’apprentissage du français, alors que c’est une condition indispensable pour la construction de parcours d’apprentissage adaptés à chacun, pour identifier les besoins non couverts et se soutenir mutuellement.
Des lieux singuliers, dont les actions sont menées par des bénévoles et dont les formes sont très variées
Nos actions d’apprentissage du Français s’adaptent aux besoins des personnes en fonction du niveau de scolarisation des apprenants*, de leurs objectifs. Certaines équipes proposent aussi en complément des sorties ou des activités culturelles et artistiques, des ateliers de conversation…
Des lieux dont les actions ne sont pas financées par l’Etat.
Ne pas répondre aux appels d’offres ou des appels à projets sur l’apprentissage du français nous permet de garder notre indépendance associative et pédagogique et de maintenir la diversité de nos actions
Utilisons donc cette action d’apprentissage du français pour devenir les acteurs de la tolérance, au sens du respect de la liberté d’autrui. Proposons au migrant de l’accompagner vers son émancipation, comme action de se libérer de ses contraintes.
Vous pouvez aussi vous référer au Digest de la note de positionnement national du Secours Catholique – Caritas France « L’accueil de l’exilé, une exigence majeure » en annexe.