Quelques théorèmes fondamentaux de la physique quantique

Th1. Les systèmes macroscopiques sont tous des systèmes quantiques.

Preuve : la réunion de deux systèmes quantiques est toujours un système quantique, donc la réunion d'un nombre quelconque de systèmes quantiques est un système quantique. Les êtres microscopiques sont tous quantiques. Les êtres macroscopiques sont constitués d'un grand nombre d'êtres microscopiques donc ils sont tous quantiques.

Pour les théorèmes suivants on a besoin du principe quantique fondamental : on peut additionner les états d'un système physique comme des vecteurs et obtenir ainsi de nouveaux états.

Th2. Don Juan peut passer la nuit avec mille amantes en même temps.

Preuve : soit le système constitué de Don Juan et de ses mille amantes. Pour chaque amante a, il y a au moins un état Na du système pour lequel Don Juan est avec elle (Na veut dire une nuit avec l'amante a). Puisqu'on peut additionner tous ces états comme des vecteurs, il y a aussi un état du système, la somme vectorielle de tous les Na pour toutes les amantes a, pour lequel Don Juan est en même temps avec ses mille amantes.

Th3. Une particule peut s'étaler dans un région arbitrairement grande de l'espace.

Preuve : il y a au moins un état d'une particule pour chacune de ses positions possibles. Puisqu'on peut additionner les états comme des vecteurs, une particule peut être en même temps à toutes les positions dans n'importe quelle région.

Th4. Une toupie peut tourner en même temps dans un sens et dans l'autre.

Preuve : il y a au moins un état de la toupie pour chacune des deux directions de rotation. L'addition vectorielle des états suffit pour conclure.

Th5. Un chat peut être en même temps mort et vivant.

Th6. La Lune peut être en même temps partout dans le ciel.

Les preuves des théorèmes 5 et 6 sont semblables aux précédentes.

Th7. Un état d'un système composé peut être complètement déterminé sans que les états des composants soient complètement déterminés.

Preuve : soit un système constitué de deux composants A et B. a1 et a2 sont deux états possibles de A, b1 et b2 deux états possibles de B. a1b1, a1b2, a2b1, a2b2 sont quatre états possibles du système AB. a1b1 + a2b2 est aussi un état possible du système, puisqu'on peut additionner les états comme des vecteurs. Si le système est dans cet état, ni A ni B ne sont dans des états déterminés. On pourrait croire que A est dans l'état a1 + a2 et B dans l'état b1 + b2, mais un bref calcul montre que c'est faux : (a1 + a2)(b1 + b2) = a1b1 + a1b2 +a2b1 +a2b2 qui est différent de a1b1 + a2b2.

Les états tels que a1b1 + a2b2 sont dits intriqués. Un état intriqué est un état déterminé d'un système pour lequel ses composants ne sont pas tous dans des états déterminés. L'intrication est un des concepts les plus fondamentaux de la physique quantique.

Th8. Après une observation, la destinée d'un observateur peut se diviser en plusieurs destinées différentes.

Preuve : soit un observateur O qui s'apprête à observer si un être A est dans un état a1 ou dans un autre état a2. Soit o0 l'état initial de l'observateur avant l'observation. Soit s1 l'état du système AO quand l'observateur a observé a1. De même s2 est l'état du système après l'observation de a2. L'observation fait donc passer le système AO de a1o0 à s1, et de a2o0 à s2. Puisqu'on peut additionner les états comme des vecteurs, A peut être initialement dans l'état a1 + a2. L'observation fait alors passer le système AO de (a1 + a2)o0 à s1 + s2. L'état s1 + s2 ne peut pas représenter une unique destinée de l'observateur, parce que dans une unique destinée on ne peut pas observer en même temps deux résultats incompatibles. s1 et s2 représentent donc deux destinées différentes qui se séparent à partir de l'état initial (a1 + a2)o0 du système AO.

L'existence des destinées multiples d'un observateur est un théorème, pas un nouveau postulat. Elle résulte de l'équation de Schrödinger quand on l'applique à l'évolution d'un observateur. Dans la preuve ci-dessus on s'est servi de la linéarité de l'équation de Schrödinger pour affirmer que l'observation fait passer le système AO de (a1 + a2)o0 à s1 + s2. Certaines théories quantiques veulent corriger l'équation de Schrödinger en lui ajoutant des principes qui font mystérieusement disparaître les destinées multiples au profit d'une seule, parce que les théoriciens sont embarrassés par le théorème d'existence de toutes ces destinées. Mais on n'a pas besoin de ces principes supplémentaires. Ils dénaturent l'équation de Schrödinger et ne servent à rien, parce que l'existence des destinées multiples ne contredit pas les observations.

Si l'observation est idéale, s1 = a1o1 et s2 = a2o2 pour des états o1 et o2 de O. s1 + s2 est alors l'état intriqué a1o1 + a2o2. L'observation a fait passer le système AO de l'état non-intriqué (a1 + a2)o0 à l'état intriqué a1o1 + a2o2. Relativement à O l'état de A avant l'observation était a1 + a2, après l'observation il est a1 dans la destinée qui suit o1 et a2 dans la destinée qui suit o2. Tout se passe du point de vue de O comme si l'observation avait réduit l'état initial a1 + a2 de A à l'une de ses composantes a1 ou a2. Les physiciens appellent ceci la réduction du paquet d'ondes.

Th9. La réalité observée peut être une composante de la réalité initialement observable. 

Preuve : dans l'exemple précédent, l'observation a sélectionné une partie de la réalité initialement observable de A. Les états observés  a1 ou a2 de A sont des composantes de la réalité initiale a1 + a2 de A.

Th10. La réalité observée et vécue est seulement une composante de la réalité.

Preuve : dans l'exemple précédent, la réalité observée et vécue est représentée par l'état a1o1 ou par l'état a2o2 du système AO. Ces deux états sont des composantes de la réalité a1o1 + a2o2 de AO après l'observation.

Les théorèmes 9 et 10 montrent pourquoi les théorèmes 2 à 6 ne contredisent pas les observations.

Dès qu'une observation conduit à plusieurs destinées de l'observateur, elle sélectionne une partie de la réalité. La réalité observée est relative à la destinée de l'observateur. Il y a autant de réalités observées qu'il y a de destinées de l'observateur. Elles existent toutes, mais chacune n'est qu'une composante de la réalité totale qui les réunit toutes. Les physiciens appellent parfois l'état qui représente la réalité totale la fonction d'onde universelle (Everett 1957). La réalité observée et vécue est seulement une branche de cette fonction d'onde. On peut voir la réalité totale comme une forêt qui entrelace les multiples destinées des nombreux observateurs les unes avec les autres et avec celles de tous les autres êtres observés. La forêt des destinées entrelacées nous révèle la signification de l'équation de Schrödinger quand on l'applique à une communauté d'observateurs du monde réel.

Th11. Deux êtres peuvent coexister en un même lieu sans pouvoir agir l'un sur l'autre.

Preuve : Soient A et B deux êtres, 1 et 2 deux lieux éloignés, a1 et b1 des états de A et B dans le lieu1, a2 et b2 des états de A et B dans le lieu 2. On suppose que 1 et 2 sont des lieux suffisamment éloignés pour que A et B ne puissent pas agir l'un sur l'autre quand l'un est dans le lieu 1 et l'autre dans le lieu 2. Dans l'état a1b2, A est dans le lieu 1 et B dans le lieu 2, ils ne peuvent donc pas agir l'un sur l'autre. Dans l'état a2b1, A  est dans le lieu 2 et B dans le lieu 1, ils ne peuvent donc pas non plus agir l'un sur l'autre. Puisqu'ils ne peuvent agir l'un sur l'autre ni dans l'état a1b2, ni dans l'état a2b1, ils ne peuvent pas non plus agir l'un sur l'autre dans l'état a1b2 + a2b1 alors qu'ils sont tous les deux dans les mêmes lieux.

Pourquoi dire que A et B sont dans le même lieu s'ils ne peuvent pas se rencontrer ? Parce qu'ils peuvent tous les deux rencontrer un même être C présent en ce lieu. Preuve : soit c1 un état d'un être C dans le lieu 1. Dans l'état a1b2c1 + a2b1c1, A et B peuvent tous les deux rencontrer C, mais ils ne peuvent pas se rencontrer.

Les destinées multiples de tous les observateurs sont toutes dans le même espace. Elles sont séparées parce qu'elles ne peuvent pas se rencontrer, pas parce qu'elles se produisent dans des univers différents. En un même lieu peuvent coexister des myriades d'êtres qui ne peuvent jamais se rencontrer. 

Lorsque des destinées ne peuvent pas se rencontrer, on peut dire qu'elles sont incomposables. 

Pour faire la théorie quantique des dispositifs producteurs de vérité, on étudie un système constitué d'une communauté d'observateurs qui communiquent entre eux, et qui donc s'observent entre eux, et qui observent un monde qui leur est extérieur. Leur évolution est déterminée avec l'équation de Schrödinger (l'équation fondamentale du mouvement en physique quantique). La théorie quantique de l'observation ainsi obtenue peut être considérée comme un chapitre de l'épistémologie naturalisée (l'application de la physique, de la biologie et de la psychologie à la théorie du savoir, Quine 1969).

Remarques

Une particule initialement très localisée s'étale dans l'espace.

(source : Commons)

Les impacts observés des particules sont des composantes de l'onde quantique qui détermine la réalité initialement observable.

(source : Commons)