Compléments de psychiatrie

La psychiatrie est la médecine de l'âme (ou de l'esprit), la science des troubles psychiques et de leur guérison, et son application. 

Les dysfonctionnements de la conscience de soi

Les troubles (ou les désordres) psychiques sont les dysfonctionnements de la conscience de soi. On est conscient de soi pour agir volontairement sur soi-même de façon appropriée, pour prendre de bonnes décisions, pour se donner un bon programme de vie. Les troubles psychiques apparaissent quand on ne sait plus comment se servir de sa conscience pour s'adapter à cette réalité qu'on est soi-même et à son environnement.

Les troubles psychiques impliquent toujours des troubles émotionnels, parce que l'équilibre émotionnel est à la fois une condition et une conséquence du bon fonctionnement de la conscience de soi.

La conscience de soi est semblable à une administration centralisée dans le cerveau, sans administrateur central. Une administration doit s'informer sur elle-même pour agir sur elle-même, pour s'administrer elle-même. Les troubles psychiques sont semblables à une administration qui ne remplit plus ses fonctions parce qu'elle ne sait plus comment s'administrer elle-même.

La conscience de soi ne cesse de se transformer elle-même à chaque fois qu'elle prend des décisions. Elle exerce une grande puissance sur les ressources intérieures parce qu'elle est en position centrale, comme un roi dans son royaume. Comme toute puissance, elle peut être exercée pour le meilleur ou pour le pire. Les troubles psychiques ont une fâcheuse tendance à s'aggraver d'eux-mêmes parce que la puissance de la conscience cesse de remplir sa fonction protectrice, parce qu'elle devient une cause d'aggravation des troubles. Le patient prend de mauvaise décisions. Il choisit des buts, des croyances et des règles qui l'empêchent de s'adapter à la réalité. Il se donne de mauvais programmes qui conduisent à l'augmentation de ses souffrances.

La guérison est toujours de restaurer le bon fonctionnement de la conscience de soi, la capacité à prendre des bonnes décisions pour préserver son équilibre émotionnel et bien vivre, autant que possible.

La conscience de soi est un outil très puissant de guérison. En se donnant un bon programme thérapeutique, de bonnes règles, des buts adaptés, des croyances réalistes, on peut espérer guérir la plupart des troubles. Pour guérir il faut restaurer les fonctions protectrices de la conscience de soi en remplaçant ses mauvaises décisions par de meilleures. Comme les décisions exercent une grande puissance sur toutes les ressources intérieures, elles peuvent être un remède très efficace.

Quand on est atteint de troubles psychiques, on est souvent accablé par un sentiment d'impuissance, comme si on ne pouvait rien faire contre ses troubles intérieurs. Ce sentiment d'impuissance est un facteur d'aggravation des troubles : il y a de quoi devenir fou quand on se dit qu'on ne peut rien faire alors qu'on ne peut pas rester sans rien faire. Mais ce sentiment d'impuissance est aussi une illusion qu'il faut dissiper. Les décisions sont naturellement très puissantes. Tant qu'on ne perd pas la capacité à prendre des décisions et à les appliquer, on ne perd pas leur puissance. On se sent réduit à l'impuissance parce qu'on ne sait pas comment se servir de sa puissance, pas parce qu'on l'a perdue.

L'inconscient est produit par le refoulement et le déni

Le déni est comme un mensonge à soi-même. On refuse de reconnaître des vérités qu'on connaît ou qu'on pourrait connaître. On refuse d'y penser. Les désirs et les croyances sont refoulés lorsqu'il serait trop douloureux d'en prendre conscience.

La liberté d'interprétation rend possible le déni. Une interprétation sélectionne les croyances qu'elle juge pertinentes et occulte les autres. Une observation qui contredit une interprétation désirée peut être tout simplement écartée. On refoule les désirs et les croyances en se donnant les interprétations qui nous arrangent et en refusant celles qui nous dérangent.

Pour connaître ce qui nous émeut, nous devons toujours interpréter la situation pour relier les émotions ressenties à ce que nous percevons. Il n'est souvent pas difficile d'identifier la cause d'une émotion et l'interprétation ne laisse alors pas de place pour le doute. Mais il est aussi possible de se faire beaucoup d'illusions sur les causes de nos émotions (Gazzaniga 1998). On peut attribuer une émotion à une cause qui ne l'a pas déclenchée. On peut nier qu'on désire ce qu'on désire, en attribuant son désir à une cause qui ne l'a pas éveillé.

Les désirs et les croyances refoulés ne peuvent pas faire de l'effet à la façon des désirs et des croyances qu'on approuve consciemment, parce qu'ils ne bénéficient pas de la puissance des décisions. Mais ils peuvent quand même faire de l'effet en influençant d'autres désirs ou d'autres croyances. On peut se donner des fins avouables pour satisfaire d'autres fins inavouables et refoulées sans même se rendre compte de la supercherie avec laquelle on se dupe soi-même. On peut aussi ignorer les croyances refoulées qui sont à l'origine d'autres croyances consciemment approuvées.

Lorsqu'ils sont refoulés, les désirs et les croyances ne peuvent pas faire l'objet d'un examen de conscience. On ne peut ni les contester, ni les critiquer, ni les évaluer, ni raisonner sur leurs conséquences. Ils peuvent exercer leur influence à l'insu de la conscience comme s'ils étaient des désirs et les croyances d'une autre personne qui nous domine, nous dupe et nous manipule. « Le moi n'est pas le maître dans sa propre maison. » (Freud 1915)

Il n'est pas biologiquement vraisemblable que le cerveau accueille deux administrations centralisées en concurrence, l'une consciente, l'autre inconsciente. Les croyances et les désirs inconscients n'ont donc pas d'accès direct au contrôle de l'ensemble de nos ressources intérieures. Pour exercer leur puissance, ils doivent influencer des désirs ou des croyances conscients. Ils sont comme des parasites de la conscience, comme s'ils exploitaient la force de la conscience pour leurs propres fins.

La force de l'inconscient vient de la faiblesse de la conscience. En refusant de regarder la réalité en face, on se laisse dominer par des forces inconscientes. L'inconscient n'est pas comme une puissance étrangère destinée à nous dominer. Il est plutôt le résultat d'un abandon de puissance, parce que la conscience lui cède sa puissance lorsqu'elle se réfugie dans le déni.

Le déni empêche de s'adapter à soi-même et donne de la force à l'inconscient. Il est produit par le refoulement. Faut-il en conclure qu'on a toujours tort de refouler ?

On a tort de refouler seulement si cela nous empêche de nous adapter à la réalité. Lorsque le refoulement conduit sans difficulté à renoncer à des désirs auxquels on doit renoncer, il est bien sûr tout à fait souhaitable. On refoule pour conserver une bonne image de soi. C'est une erreur seulement si cette image est trop fausse, si elle nous empêche de nous adapter à la réalité qu'on est pour soi-même.

Une remarque sur l'inconscient : la théorie de l'inconscient est ici une théorie des croyances et des motivations inconscientes. On peut aussi raisonner sur l'inconscient cognitif : une information est inconsciente lorsqu'elle est présente dans le cerveau à l'insu de la conscience. Cette définition pose une énigme : où sont les signaux cérébraux qui portent les informations conscientes ? Et pourquoi ces signaux-la précisément deviennent-ils conscients tandis que les autres restent inconscients ?

La méthode positive en psychiatrie

La méthode positive est fondée sur le principe suivant : on se porte mieux avec des pensées rassurantes qu'avec des pensées angoissantes, pourvu qu'on regarde la réalité en face.

La méthode positive est en général inefficace pour guérir les troubles somatiques (corporels) graves, mais elle peut quand même avoir une efficacité somatique, surtout si les troubles sont légers, grâce aux effets psychosomatiques. La production des hormones qui régulent le fonctionnement du corps dépend de nos émotions, et donc de nos pensées. En outre les voies nerveuses sont en général à double sens. Comme le système nerveux innerve presque tout le corps, toutes nos réactions peuvent dépendre elles aussi de ce qu'on pense.

La méthode positive a beaucoup plus d'importance en psychiatrie. Se donner des pensées rassurantes et réalistes fait partie du bon fonctionnement de la conscience de soi. Ceux qui n'ont pas ou peu de troubles psychiques appliquent quotidiennement la méthode positive pour surmonter leur anxiété face aux difficultés de la vie. Les troubles de l'anxiété (les troubles psychiques les plus courants) apparaissent lorsque les patients ne savent plus appliquer la méthode positive.

En psychiatrie, il ne faut surtout pas se moquer de la méthode positive. Si on la méprise, on ne peut qu'aggraver les troubles psychiques.

Un exemple d'application de la méthode positive dans une situation particulièrement douloureuse : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font. » (Luc 23:34)

Trois erreurs fondamentales de la psychanalyse

Parler du complexe d'Œdipe quand il s'agit seulement de troubles émotionnels ordinaires de la petite enfance, c'est transformer en tragédie des problèmes mineurs de la vie de tous les jours. Cela ne peut qu'aggraver les troubles.

Pour guérir les troubles psychiques, il faut toujours restaurer les pouvoirs naturels de la conscience de soi. Faire croire que nous sommes dominés par des forces inconscientes contre lesquelles nous ne pouvons rien, ou presque rien, ne peut qu'empêcher de guérir.

Toutes les pulsions naturelles sont autoprotectrices. La sélection naturelle ne laisse pas évoluer les formes de vie qui tendent à l'autodestruction. Lorsque des tendances autodestructrices apparaissent, il s'agit toujours d'un dysfonctionnement de nos tendances naturelles, pas d'une fatalité imposée par la Nature.