Les fondements de la logique

La meilleure façon de penser est de mettre une vérité devant l'autre et de recommencer. Les règles logiques nous en donnent les moyens parce qu'elle garantissent qu'on passe toujours de la vérité à la vérité. Si les prémisses sont vraies, la conclusion d'un raisonnement logique ne peut pas être fausse, elle est vraie et nécessairement vraie. Par exemple, la règle de détachement permet de passer des deux prémisses si A alors B et A à la conclusion B. Les prémisses sont les points de départ de nos raisonnements : des axiomes, des définitions, des hypothèses ou des observations. Si elles sont vraies et si les règles logiques sont respectées alors toute la suite du raisonnement est nécessairement vraie, toutes les étapes jusqu'à la conclusion.

La composition des énoncés

Un fait est déterminé par l'attribution d'une propriété à un individu ou d'une relation entre plusieurs individus.

Un concept est une propriété ou une relation. Une propriété, ou une qualité ou un trait, est attribuée à un être. Une relation est entre plusieurs êtres. Lorsqu'une relation est entre deux êtres, on peut considérer qu'elle est une propriété du couple. Une relation entre trois êtres est une propriété du triplet, et ainsi de suite pour les relations entre davantage d'êtres.

On peut dire les faits en nommant les concepts et les individus. Par exemple, Socrate est humain est l'énoncé d'un fait. est humain nomme la propriété d'être humain.

On forme des énoncés composés à partir des énoncés des faits avec les connecteurs logiques. Par exemple, que tous les êtres humains sont mortels peut être énoncé par pour tout x, si x est humain alors x est mortel.

si alors est le conditionnel. pour tout x est le quantificateur universel. La conjonction et, la disjonction ou, la négation non, et le quantificateur existentiel il existe un x tel que sont les autres connecteurs logiques fondamentaux.

Tous les énoncés d'une théorie sont composés à partir des énoncés des faits avec les connecteurs logiques fondamentaux. 

Le biconditionnel si et seulement si est défini à partir du conditionnel et de la conjonction : A si et seulement si B égale par définition (si A alors B) et (si B alors A).

Pour éviter les ambiguïtés il faut souvent mettre des parenthèses. Par exemple A et (B ou C) est différent de (A et B) ou C.

Les constantes et les variables

Les noms sont des constantes ou des variables. Une constante nomme toujours le même être. Une variable nomme un individu quelconque que l'on peut choisir dans un domaine d'individus, le domaine de variation de la variable. 

Soit A(x) un énoncé qui contient la variable x et qui ne contient ni pour tout x, ni il existe un x tel que. On dit alors que les occurrences de x dans A(x) sont libres. 

Les occurrences de x dans pour tout x, A(x) sont liées par le quantificateur universel pour tout x. De même les occurrences de x dans il existe un x tel que A(x) sont liées par le quantificateur existentiel. Une occurrence d'une variable est libre si et seulement si elle n'est pas liée.

A(x) est la portée du quantificateur pour tout x dans pour tout x, A(x), et du quantificateur il existe un x tel que dans il existe un x tel que A(x). Pour qu'une occurrence d'une variable soit liée par un quantificateur, il faut qu'elle soit dans sa portée. En général on interdit, pour une raison de clarté, qu'une même variable ait des occurrences libres et liées dans le même énoncé, ou qu'elle ait des occurrences liées dans des portées de quantificateurs différents. Mais ces interdictions ne sont pas fondamentales. Une même variable peut avoir des occurrences libres et liées, et des occurrences liées par des quantificateurs différents, dans le même énoncé, sans lui faire perdre sa signification. Les énoncés ainsi obtenus sont moins clairs, mais les accepter simplifie les règles de composition des énoncés et les règles de déduction.

Si A(x) contient pour tout x ou il existe un x tel que, seules les occurrences libres de x dans A(x) sont liées par le premier pour tout x dans pour tout x, A(x), et par le premier il existe un x tel que dans il existe un x tel que A(x).

Les noms peuvent être simples ou composés. Les noms composés sont composés à partir des noms simples avec des fonctions. Les fonctions sont également appelées des opérateurs. Par exemple 1 est un nom simple, l'addition + est une fonction, 1+1 est un nom composé. Les noms composés peuvent être variables, x+y par exemple. 

Les fonctions ne sont pas toujours numériques. Par exemple le père de est une fonction qui à x associe le père de x.

Une fonction peut toujours être identifiée à une relation, donc à un concept. Une fonction f à un argument peut être identifiée à la relation binaire y = f(x). Si elle a deux arguments, elle peut être identifiée à la relation ternaire z = f(x, y). Une fonction à n arguments peut toujours être identifiée à une relation entre n+1 termes. 

Une théorie est toujours formulée avec des concepts fondamentaux et un domaine d'individus, qui est le domaine de variation des variables. S'il y a plusieurs espèces d'individus, on peut toujours les réunir dans un seul domaine et définir des quantificateurs bornés : pour tout x, si x est de l'espèce E alors et il existe un x tel que (x est de l'espèce E et sont les quantificateurs universel et existentiel bornés par E. Dans pour tout x, si x est de l'espèce E alors A(x) et il existe un x tel que (x est de l'espèce E et A(x)), A(x) est la portée des quantificateurs bornés.

Un prédicat est un énoncé qui contient une ou plusieurs variables libres. Un prédicat A(x) avec une variable libre  x est le nom d'une propriété : x a cette propriété si et seulement si A(x). De même un prédicat à n variables libres est le nom d'une relation entre n termes. Un concept peut être défini dans une théorie si et seulement s'il peut être nommé par un prédicat de cette théorie. La logique est aussi appelée le calcul des prédicats, le calcul des concepts, le calcul des relations ou le calcul des fonctions. Un prédicat A(x, ...) à n variables libres définit une fonction à n arguments qui à x, ... associe le vrai si A(x, ...) est vrai et le faux si A(x, ...) est faux.

Les concepts fondamentaux et les concepts définis à partir d'eux sont toujours nommés par des constantes. La logique du premier ordre permet seulement de quantifier sur des individus, pas sur les concepts qui leur sont attribués. On peut aussi énoncer des généralités sur les concepts avec des variables de concept. On obtient ainsi des logiques d'ordre supérieur. Mais la logique du premier ordre est la plus fondamentale, parce que les logiques d'ordre supérieur sont toujours formulées à partir d'elle, en considérant les concepts comme des individus et la relation d'attribution d'un concept comme un concept fondamental.

Dans ce chapitre, seule la logique du premier ordre est expliquée, parce qu'elle est la logique la plus fondamentale.

La composition de la vérité

On peut calculer la vérité d'une façon qui ressemble au calcul avec des nombres :

Vrai et Vrai = Vrai

Vrai et Faux = Faux et Vrai = Faux et Faux = Faux

Vrai ou Vrai = Vrai ou Faux = Faux ou Vrai = Vrai

Faux ou Faux = Faux

non Vrai = Faux

non Faux = Vrai

Si Vrai alors Vrai = Si Faux alors Vrai = Si Faux alors Faux = Vrai

Si Vrai alors Faux = Faux

La vérité de si A alors B est seulement la fausseté de A et non B. Elle ne dépend pas d'une relation particulière de causalité entre la condition A et la conséquence B. Par exemple s'il fait jour alors 2+2=4 est toujours vrai, qu'il fasse jour ou non. De même pour si 2+2=5 alors il fait jour.

Si on représente le vrai par 1 et le faux par 0 alors la conjonction est la multiplication :

1 x 1 = 1 

0 x 0 = 0 x 1 = 1 x 0 = 0

La disjonction ressemble à l'addition :

0 + 0 = 0

0 + 1 = 1 + 0 = 1

sauf que 1 + 1 n'est pas égal à 1, alors que Vrai ou Vrai = Vrai.

Lorsqu'un énoncé contient une ou plusieurs variables libres, sa vérité n'est pas déterminée, parce que les individus nommés par les variables ne sont pas identifiés. Il faut lier toutes les variables libres, ou les remplacer par des constantes, pour que la vérité d'un énoncé soit déterminée.

Pour tout x, A(x) est vrai si et seulement si tous les énoncés A(a)a est une constante choisie dans le domaine de la variable, sont vrais.

Il existe un x tel A(x) est vrai si et seulement s'il existe une constante a choisie dans le domaine de la variable telle que A(a) est vrai.

A(a) est l'énoncé obtenu en substituant a à toutes les occurrences libres de x dans A(x).

Pour tout x, A(x) ressemble à une conjonction infinie, la conjonction de tous les énoncés A(a) a est une constante dans le domaine de la variable.

Il existe un x tel que A(x) ressemble à une disjonction infinie, la disjonction de tous les énoncés A(a) a est une constante dans le domaine de la variable.

Les règles de composition de la vérité montrent que la vérité des énoncés composés avec des connecteurs logiques est toujours déterminée par la vérité des énoncés composants. 

Lorsqu'on énonce une loi en laissant libres ses variables x, y, A, il faut entendre qu'elles sont liées par des quantificateurs universels, pour tout x, pour tout y, pour tout A, sinon la vérité de la loi n'est pas déterminée.

Les règles fondamentales de la déduction

Un raisonnement ressemble à un jeu de construction. On compose des énoncés à partir de ceux qu'on a déjà, ou au contraire, on extrait un composant d'un énoncé composé.

Pour chaque connecteur logique, on a deux règles fondamentales de déduction. L'une introduit le connecteur logique en permettant de composer un énoncé, l'autre élimine le connecteur en permettant de décomposer un énoncé. Par exemple la règle détachement est la règle d'élimination du conditionnel.

Par définition d'une conséquence logique, un énoncé est une conséquence logique des prémisses si et seulement s'il est impossible qu'il soit faux si les prémisses sont vraies. Les règles fondamentales de la déduction permettent de trouver toutes les conséquences logiques de toutes les listes finies de prémisses. 

Les règles de la déduction sont énoncées avec des variables d'énoncé A, B, C. Il faut entendre ces règles comme si les variables libres étaient liées par des quantificateurs universels : pour tout énoncé A, pour tout énoncé B, pour tout énoncé C

Quelques règles sont particulièrement simples :

B est une conséquence logique des deux prémisses A et si A alors B.

A et B est une conséquence logique des deux prémisses A et B.

A et B sont toutes les deux des conséquences logiques de l'unique prémisse A et B.

A ou B et B ou A sont toutes les deux des conséquences logiques de A.

C est une conséquence logique des trois prémisses A ou B, si A alors C et si B alors C.

A est une conséquence logique de non non A.

Le principe du raisonnement par l'absurde permet de conclure à la fausseté d'une hypothèse si elle conduit à une contradiction :

Si B et non B toutes les deux des conséquences logiques des prémisses P et A alors non A est une conséquence logique des prémisses P.

Les prémisses P sont n'importe quelle liste finie de prémisses, y compris la liste nulle : pas de prémisse.

La règle d'introduction du conditionnel permet d'incorporer une hypothèse dans la conclusion :

Si B est une conséquence logique des prémisses P et A alors si A alors B est une conséquence logique des prémisses P.

La règle d'élimination du quantificateur universel permet d'appliquer les lois aux cas particuliers :

A(a) est une conséquence logique de pour tout x, A(x).

a est une constante, une variable ou un nom composé variable. A(a) est obtenu en substituant a à toutes les occurrences libres de x dans A(x)

La règle d'introduction du quantificateur existentiel permet de prouver l'existence par l'exemple :

Il existe un x tel que A(x) est une conséquence logique de A(a).

a est une constante, une variable ou un nom composé variable. x est une variable qui n'a pas d'occurrence libre dans A(a). A(x) est obtenu en substituant x à une ou plusieurs occurrences de a dans A(a), pas forcément toutes. 

La règle d'introduction du quantificateur universel permet de généraliser à tous les cas qui satisfont aux mêmes conditions :

Si A(x) est une conséquence logique de prémisses P dans lesquelles la variable x n'a pas d'occurrence libre alors pour tout x, A(x) est une conséquence logique des prémisses P.

Par exemple, si B(x) est une conséquence logique des prémisses P et A(x) alors si A(x) alors B(x) est une conséquence logique des prémisses P. Si x n'a pas d'occurrence libre dans les prémisses P alors pour tout x, si A(x) alors B(x) est une conséquence logique des prémisses P.

La règle d'élimination du quantificateur existentiel permet d'introduire une nouvelle constante :

A(a) est une conséquence logique de il existe un x tel que A(x).

a est une nouvelle constante. Elle ne doit pas être mentionnée dans les étapes antérieures du raisonnement. A(a) est obtenu en substituant a à toutes les occurrences libres de x dans A(x).

Lorsque A(a) est une conséquence logique de prémisses P qui ne mentionnent pas a, il faut toujours préciser si a est une nouvelle constante ou une variable. Si a est une constante on peut seulement s'en servir pour prouver l'existence : il existe un x tel que A(x). Si a est une variable, on peut en plus s'en servir pour prouver la généralité : pour tout x, A(x).

Les douze règles précédentes permettent de trouver toutes les conséquences logiques si elles sont complétées par les trois suivantes :

A est une conséquence logique de A.

Si A est une conséquence logique des prémisses P alors A est une conséquence logique des prémisses P et B.

La règle de transitivité des conséquences logiques : si A est une conséquence logique des prémisses P et si toutes les prémisses P sont des conséquences logiques des prémisses Q alors A est une conséquence logique des prémisses Q. 

Que ces quinze règles suffisent pour trouver toutes les conséquences logiques de toutes les listes finies de prémisses est une conséquence du théorème de complétude de la logique du premier ordre, prouvé par Kurt Gödel dans sa thèse de doctorat en 1928.

Dans ces quinze règles, A, B, C sont des variables dont le domaine de variation est l'ensemble de tous les énoncés correctement formés avec les concepts d'une théorie, fondamentaux ou définis à partir des concepts fondamentaux, et les connecteurs logiques, fondamentaux ou définis à partir des connecteurs logiques fondamentaux. A(x) est aussi une variable dont le domaine de variation est l'ensemble de tous les énoncés correctement formés, qui peuvent contenir ou non la variable x. x est une variable dont le domaine de variation est l'ensemble de tous les noms de variable d'individu. a est une variable dont le domaine de variation est l'ensemble qui contient toutes les constantes d'individu, tous les noms de variables et toutes les expressions composées variables, pour les individus d'une théorie. P et Q sont des variables dont le domaine de variation est l'ensemble de toutes les listes finies d'énoncés correctement formés, y compris la liste vide.

La vérité des quinze règles fondamentales de la déduction est évidente. Elle peut être prouvée immédiatement à partir des règles de composition de la vérité pour les connecteurs logiques. Elle résulte des définitions des connecteurs logiques et de la relation de conséquence logique.

A partir des règles fondamentales, on peut prouver toutes les règles dérivées, qui énoncent également des relations de conséquence logique évidentes.

Une preuve doit toujours montrer qu'elle est une preuve. Pour qu'un raisonnement soit logiquement correct, il faut qu'il soit évidemment logiquement correct. Il faut que pour chaque énoncé, une règle évidente, fondamentale ou dérivée, montre que cet énoncé est une conséquence logique des prémisses dont il dépend.

On peut formuler toutes les théories en se passant des constantes d'individu et des fonctions. Une fonction à n arguments est remplacée par la relation entre n+1 termes qui lui est équivalente. Une constante d'individu est remplacée par la propriété d'être cet individu. Les individus sont toujours nommés par des variables. La règle d'élimination du quantificateur existentiel est :

Si la variable x n'a pas d'occurrence libre dans B alors B est une conséquence logique des deux prémisses pour tout x, si A(x) alors B et il existe un x tel que A(x).

Les mondes logiquement possibles

On définit une théorie avec des concepts fondamentaux, un domaine d'individus, des axiomes et des définitions. Le domaine d'individus est le domaine de variation des variables. Les définitions définissent de nouveaux concepts à partir des concepts fondamentaux ou de concepts déjà définis à partir des concepts fondamentaux. Les axiomes sont les lois fondamentales qui nous donnent les moyens de raisonner avec les concepts fondamentaux et ceux qui sont définis à partir d'eux. Les théorèmes de la théorie sont les conséquences logiques de ses axiomes et de ses définitions.

Un fait atomique est déterminé par l'attribution d'une propriété fondamentale à un individu ou d'une relation fondamentale entre plusieurs individus.

Un monde logiquement possible est un ensemble de faits atomiques. Un monde logiquement possible peut aussi être appelé un monde, tout court.

Un énoncé atomique énonce un fait atomique. Un énoncé atomique est vrai dans un monde si et seulement si le fait atomique qu'il énonce est élément de ce monde.

Dès que la vérité des énoncés atomiques est déterminée, la vérité de tous les énoncés composés avec des connecteurs logiques et des concepts fondamentaux, ou des concepts définis à partir des concepts fondamentaux, est elle aussi déterminée.

Lorsque tous les axiomes d'une théorie sont vrais dans un monde, ce monde est possible selon la théorie. Un modèle d'une théorie est un monde possible selon cette théorie.

N'importe quel ensemble d'énoncés atomiques détermine un monde logiquement possible dans lequel ils sont tous vrais. Un ensemble d'énoncés atomiques ne peut pas être contradictoire parce que les énoncés atomiques ne contiennent pas de négation. S'il n'y a pas de négation, il ne peut pas y avoir de contradiction.

Les lois logiques

On peut définir les lois logiques de deux façons équivalentes :

"Tous les mondes" dans la première définition veut dire tous les mondes logiquement possibles qu'on peut définir avec les concepts de l'énoncé.

La conclusion d'un raisonnement logique peut être sans hypothèse parce que le principe du raisonnement par l'absurde et la règle d'introduction du conditionnel permettent de libérer leur conclusion de la dépendance à une prémisse.

L'équivalence de ces deux définitions résulte du théorème de complétude de la logique du premier ordre. Elle a une justification intuitive : des hypothèses sélectionnent les mondes où elles sont vraies parmi tous les mondes possibles. S'il n'y a pas d'hypothèses, il n'y a pas de sélection. Une loi qui ne dépend d'aucune hypothèse doit donc être vraie dans tous les mondes. Et si notre logique est complète, elle doit nous donner les moyens de trouver toutes les lois vraies dans tous les mondes en trouvant les conclusions des raisonnements sans hypothèse.

Les lois logiques sont des vérités inconditionnées, absolues, catégoriques, anhypothétiques, parce qu'elles ne dépendent d'aucune condition. Elles sont aussi appelées des tautologies. Elles sont des vérités nécessaires. Elles ne peuvent pas être fausses. Elles ne peuvent pas ne pas être vraies.

Un énoncé est logiquement nécessaire si et seulement si sa négation n'est pas logiquement possible.

Un énoncé est logiquement possible si et seulement s'il est vrai dans au moins un monde.

Les lois logiques sont les énoncés logiquement nécessaires.

Le théorème de la déduction : si A alors B est une loi logique si et seulement si B est une conséquence logique de A.

Preuve : si B est une conséquence logique de A alors si A alors B est une conséquence logique de l'absence d'hypothèse, d'après la règle d'introduction du conditionnel, donc une loi logique. Inversement, si si A alors B est une loi logique, A et si A alors B sont toutes les deux des conséquences logiques de A, donc B est une conséquence logique de A, d'après la règle de détachement et la règle de transitivité des conséquences logiques.

Si B est une conséquence logique de A alors il n'est pas logiquement possible que A soit vrai sans que B le soit aussi, parce que la vérité de si A alors B est la fausseté de A et non B. La relation de conséquence logique est donc une garantie infaillible que nous passons toujours de la vérité à la vérité.

Une liste finie de prémisses est toujours équivalente à sa conjonction. Les relations de conséquence logique sont donc toujours équivalentes à des lois logiques : A est une conséquence logique des prémisses P si et seulement si si la conjonction des P alors A est une loi logique.

La tautologie pure si A alors A est une loi logique, parce que A est une conséquence logique de A. La définition du biconditionnel et la règle d'introduction de la conjonction montrent que A si et seulement si A est aussi une loi logique.

La loi de non-contradiction non(A et non A) est une loi logique, d'après la règle d'élimination de la conjonction et le principe du raisonnement par l'absurde.

La loi tu tiers exclu A ou non A est une loi logique.

Preuve : A ou non A et non(A ou non A) sont toutes les deux des conséquences logiques de A et non(A ou non A), d'après la règle d'introduction de la disjonction. non A est donc une conséquence logique de non(A ou non A), d'après le principe du raisonnement par l'absurde. A ou non A et non(A ou non A) sont donc toutes les deux des conséquences logiques de non(A ou non A), d'après la règle d'introduction de la disjonction. non non(A ou non A) est donc une loi logique, d'après le principe du raisonnement par l'absurde. A ou non A est donc une loi logique, d'après la règle d'élimination de la double négation.  

Pour tout énoncé A, ou bien A est vrai ou bien A est faux, mais il n'y a pas de troisième possibilité : le tiers est exclu. Cette loi est vraie parce qu'on a supposé que tous les énoncés sont correctement formés à partir des concepts fondamentaux, ou des concepts définis à partir d'eux, avec des connecteurs logiques. Il n'y a donc pas d’ambiguïté sur la signification de A. Mais si un énoncé n'a pas de signification déterminée alors il n'est pas vrai, mais il n'est pas faux non plus, parce que sa négation n'a pas de signification déterminée.

Un théorème révèle que les individus révèlent l'universel

Dans un théorème les individus sont identifiés par des constantes. En général ces constantes sont des constantes fondamentales, mentionnées dans les axiomes, ou des constantes définies, identifiées par une définition. Soit a une constante mentionnée dans le théorème T(a) et A(a) la conjonction des axiomes et des définitions dont T(a) est une conséquence logique. Si A(a) alors T(a) est une loi logique. Pour tout a, si A(a) alors T(a) est aussi une loi logique. Quand on mentionne les conditions dont elle dépend, une constante peut toujours être considérée comme une variable. Par exemple, si T(π) est un théorème sur le nombre π, alors pour tout π, si π est le quotient de la circonférence d'un cercle sur son diamètre alors T(π) est aussi un théorème.

Les théorèmes sur un individu révèlent des propriétés et des relations qui résultent nécessairement des conditions dont cet individu dépend. Tout individu qui vérifie les mêmes conditions a nécessairement les mêmes propriétés et les mêmes relations. Un individu est toujours un exemple pour des vérités universelles. Ces vérités sont universelles, parce qu'elles sont nécessaires.

La règle d'élimination du quantificateur existentiel permet d'introduire de nouvelles constantes, qui ne sont pas mentionnées dans les axiomes et les définitions. Si un théorème T(a) contient une constante a qui n'est pas mentionnée dans la conjonction A des axiomes et les définitions dont T(a) est une conséquence logique, alors si A alors il existe un a tel que T(a) est une loi logique. Même dans ce cas, un théorème révèle qu'un individu révèle l'universel, parce qu'il révèle qu'un individu révèle une possibilité universelle.

Pour qu'une théorie révèle des possibilités universelles, il faut et il suffit qu'elle ne soit pas contradictoire. Une contradiction est une conjonction d'un énoncé et de sa négation. Une théorie est contradictoire si et seulement si une contradiction est une conséquence logique d'une conjonction de ses axiomes. Une théorie qui n'est pas contradictoire est cohérente. 

Le théorème de complétude de la logique du premier ordre est équivalent à l'énoncé suivant :

Une théorie est cohérente si et seulement si elle a un modèle.

Plus précisément, un ensemble fini ou infini dénombrable d'axiomes est cohérent si et seulement s'il a modèle dénombrable. Un ensemble est dénombrable si et seulement si tous ses éléments peuvent être numérotés par des nombres naturels.

Un modèle est un monde dans lequel tous les axiomes de la théorie sont vrais. C'est un monde possible dont l'existence est autorisée par les lois universelles de la théorie, c'est donc une possibilité universelle.

Une théorie de toutes les théories

Une métathéorie est une théorie qui porte sur une ou plusieurs théories. La logique du premier ordre est une théorie de toutes les théories. Elle est une métathéorie universelle.

Une théorie de toutes les théories est nécessairement une théorie d'elle-même, puisqu'une métathéorie est une théorie.

La logique du premier ordre est sa propre métathéorie. Quand on prouve que les règles de la logique du premier ordre sont vraies et qu'elles suffisent pour trouver toutes les lois logiques, on se sert de la logique du premier ordre. Faut-il y voir un cercle vicieux ?

Une théorie fausse peut prouver d'elle-même qu'elle est vraie, puisqu'elle peut prouver des faussetés. Si la logique du premier ordre était fausse, elle pourrait donc quand même prouver qu'elle est vraie. Qu'elle prouve d'elle même qu'elle est vraie ne la distingue donc pas d'une théorie fausse. Faut-il en conclure que les preuves qu'elle donne qu'elle est vraie sont sans valeur ?

Il suffit d'examiner les preuves. Les preuves de la vérité des règles fondamentales de déduction sont immédiates, très claires, évidentes et irréfutables. Elles résultent simplement des définitions de la relation de conséquence logique et des connecteurs logiques. Elles ne laissent pas de place pour le doute.

Une théorie fausse qui prouve sa propre vérité est très différente de la logique du premier ordre, parce qu'une théorie fausse révèle toujours sa fausseté d'une façon ou d'une autre, alors que la logique du premier ordre révèle toujours la vérité.

La vérité de la logique du premier ordre est évidente, parce qu'elle est une théorie des énoncés, et parce qu'elle leur attribue des propriétés et des relations évidentes. La vérité de l'existence des énoncés ne pose pas de difficultés. Un énoncé est une forme audible qui peut être prononcée par un locuteur, ou une forme qui peut être écrite sur un bout de papier. Les énoncés existent parce que les locuteurs et les traces écrites existent ou peuvent exister. Les concepts que la logique attribue aux énoncés sont eux aussi évidents : un énoncé est-il atomique ou composé ? S'il est composé, quel est son premier connecteur logique ? Quel est ou quels sont les énoncés connectés par ce connecteur logique ? S'il est atomique, quel est le concept fondamental ? Quel est ou quels sont les individus auxquels on attribue ce concept ? Une occurrence d'une variable est-elle libre ou liée ? Pour savoir si un énoncé est une conséquence logique d'autres énoncés, il suffit de raisonner sur de telles propriétés et relations évidentes. On peut ainsi être sûr que nos prémisses sont toujours vraies, et si on respecte la logique, on est alors sûr que nos conclusions sont vraies également.

La logique du premier ordre est un de nos meilleurs outils pour reconnaître le savoir parce qu'elle donne les moyens de reconnaître la correction logique de tous les raisonnements. Elle est fondamentale pour tous les dispositifs universels d'observation du savoir. Elle est comme un soleil qui révèle à tous les esprits toutes les vérités accessibles par la puissance du raisonnement.

Le monde de tous les mondes

Soit D un domaine d'individus, C une liste de concepts fondamentaux, et F l'ensemble de tous les faits atomiques déterminés par les concepts de C attribués aux individus de D.

Un ensemble y est une partie d'un ensemble x si et seulement tous les éléments de y sont des éléments de x. Une partie de x est incluse dans x. Elle est un sous-ensemble de x.

Une partie de F est un monde logiquement possible défini avec les concepts de C et les individus de D.

L'ensemble P(F) des parties de F est l'ensemble de tous les mondes logiquement possibles définis avec les concepts de C et les individus de D.

Lorsque les concepts fondamentaux et le domaine d'individus sont déterminés, P(F) est le monde de tous les mondes.

Si le domaine d'individus et la liste des concepts fondamentaux sont finis ou infinis dénombrables, alors l'ensemble de tous les faits atomiques F est lui aussi fini ou infini dénombrable.

L'ensemble des parties d'un ensemble infini dénombrable est infini mais n'est pas dénombrable. C'est un théorème démontré par Cantor.

Si l'ensemble F des faits atomiques est infini dénombrable, on peut représenter l'ensemble P(F) de tous les mondes avec un arbre binaire infini :

Si on a numéroté tous les faits atomiques, chaque branche infinie de l'arbre, à partir de sa racine, représente un monde possible : le fait atomique numéro n est élément de ce monde si et seulement le segment numéro n de cette branche est vert. Un segment est une ligne directe entre deux nœuds. La racine de l'arbre est le nœud le plus bas. Les segments d'une branche sont numérotés en partant de la racine.

On peut voir cet arbre binaire infini, on peut donc voir toutes ses branches, on peut donc voir l'ensemble de toutes ses branches, on peut donc voir un ensemble infini indénombrable qui représente le monde de tous les mondes.

Complément : le théorème de Cantor

Il n'y a pas de bijection entre un ensemble et l'ensemble de ses parties.

Une bijection est une fonction qu'on peut inverser :

Une fonction f de E dans F est une bijection entre E et F si et seulement si E est le domaine de définition de f et si pour tout y dans F il existe un unique x dans E tel que y = f(x).

S'il existe une bijection entre deux ensembles, ils ont exactement le même nombre d'éléments, parce qu'on peut marier chaque élément de l'un avec un élément de l'autre.

Un ensemble E est infini dénombrable si et seulement s'il existe une bijection entre E et l'ensemble des nombres naturels. 

La preuve du théorème de Cantor est par l'absurde : supposons qu'il existe une bijection f entre un ensemble E et l'ensemble P(E) de ses parties. Soit A l'ensemble de tous les éléments x de E tels que x n'est pas élément de f(x). A est un élément de P(E). Soit a l'élément de E tel que A = f(a). a est-il élément de A ? Par définition de A, a est élément de A si et seulement si a n'est pas élément de A. Cela conduit à une contradiction : a est et n'est pas élément de A. Donc l'hypothèse initiale est fausse.

Un corollaire de ce théorème est que l'ensemble des parties d'un ensemble infini dénombrable n'est pas dénombrable.