Les fruits de la Terre

Court traité sur la finance

(en cours d'écriture)


« je vous ai affermis pour que vous alliez et que vous donniez des fruits, des fruits qui durent » 

(Jean 15,16)


A quoi bon travailler ? S'il est vrai que nos industries détruisent la Terre et tout ce qui y vit, ne vaudrait-il pas mieux tout arrêter ? Les richesses naturelles sont des fruits de la Terre. Un travail qui les détruit est pire qu'un travail qui ne porte aucun fruit. Mais si on ne se lève plus pour travailler, comment allons-nous manger ? Être soignés ? Comment aurons-nous ce dont nous avons besoin pour bien vivre ?

Le paradis sur la Terre : aimez-vous les uns les autres. Aimer autrui est vivre pour son bien : percevoir, s'émouvoir, imaginer, penser, vouloir, parler et agir pour son bien, donc toujours lui rendre service. Si on ne pouvait pas fournir des services, on ne pourrait pas aimer vraiment, effectivement. Aimez-vous les uns les autres, vraiment, veut dire : rendez-vous des services les uns aux autres.

Les biens économiques sont des richesses parce qu'ils nous rendent service. On peut rendre service aux autres en produisant des richesses qui leur rendent service.

On produit des richesses avec des richesses. Dans un projet de production, les recettes sont toujours précédées par des coûts, parce qu'il faut avancer des richesses pour produire de nouvelles richesses. C'est pourquoi les projets de production ont toujours besoin d'être financés. Financer, c'est avancer des richesses pour réaliser des projets. En général, il faut avancer de l'argent, pour acheter des services, des fournitures et des biens de production.

Pour obtenir tous les biens et les services dont nous avons besoin, ou qui rendent la vie meilleure, sans épuiser les travailleurs, et sans gaspiller les ressources naturelles, qui sont en quantité limitée, il faut que nous soyons bien formés et bien équipés, parce qu'alors nous pouvons développer pleinement notre potentiel, être productifs et rendre service à tous, sans perdre notre vie à la gagner, et sans détruire la planète.

Pour former et équiper des travailleurs, il suffit de les financer. Nos capacités de financement sont limitées seulement par les ressources disponibles et l'intelligence qui nous donne les moyens de nous en servir. La finance donne les moyens de faire de la Terre un paradis, parce que les ressources sont gigantesques. Alors qu'est-ce qu'on attend ? Pourquoi la finance n'a-t-elle pas déjà fait le paradis sur la Terre ?

Grâce aux gains de productivité, qui sont parfois très grands, une économie où tout le monde serait au moins modestement riche est un objectif qui semble accessible. Il suffit d'investir pour que tous puissent être productifs. On veut de bons investissements. 

Ce court traité sur la finance apporte quelques réponses, ou plutôt des débuts de réponse, aux questions suivantes :

Qu'est-ce qu'un bon investissement ? 

Pour investir, il faut en général avancer de l'argent. Mais d'où vient l'argent ? Comment avoir une quantité d'argent suffisante pour financer tous les bons projets ?

Qui doit décider des investissements et de leurs modes de financement ?

Pourquoi ne sommes-nous pas toujours incités à choisir les bons investissements ?

Pour bien choisir un investissement, il faut anticiper la valeur des projets. Comment compter la valeur des projets dans lesquels on investit ?

Pourquoi une économie peut-elle souffrir d'un manque d'investissement ?

Les pays en développement ont un grand potentiel de développement. Un bon système financier devrait inciter à les financer et résoudre ainsi les problèmes du sous-développement. Alors pourquoi tous les pays ne sont-ils pas pleinement développés ?


Qu'est-ce que la richesse ?

La science économique invite souvent à souhaiter la croissance, pour lutter contre le chômage, parce que c'est bon pour les finances publiques et parce qu'elle est censée améliorer la qualité de nos vies. La pollution, l'épuisement ou la destruction des ressources naturelles, la détresse psychologique qui accompagne souvent un mode de vie consumériste, le gaspillage des richesses pour satisfaire la vanité, et bien d'autres effets, suffisent pour montrer que l'idolâtrie de la croissance a quelque chose d'insensé. Mais à l'opposé, l'apologie de la décroissance ne semble pas très sensée non plus, parce que nous devons produire des richesses pour vivre et bien vivre. Choisir entre croissance et décroissance est insensé. On veut les deux parce qu'on veut la croissance du bon et la décroissance du mauvais, tout simplement. Mais qu'est-ce qui est bon ? Et qu'est-ce qui est mauvais ? Qu'est-ce qui est vraiment une richesse ?

Les biens et les services

Le travail a de la valeur dès qu'il porte des fruits. Mais qu'est-ce qui est un véritable fruit ?

Être en bonne santé, bien percevoir, bien s'émouvoir, bien imaginer, bien penser, bien vouloir, bien agir, et tout ce qui constitue le bien vivre d'un esprit, sont tous des biens fondamentaux pour tous les esprits. Semblablement, être en mauvaise santé, mal percevoir, mal s'émouvoir, mal imaginer, mal penser, mal vouloir, mal agir, et tout ce qui constitue le mal vivre d'un esprit, sont tous des maux fondamentaux pour tous les esprits.

Les biens dérivés sont des moyens pour atteindre les biens fondamentaux. Les maux dérivés sont des causes des maux fondamentaux. Les biens et les maux fondamentaux s'excluent mutuellement mais pas les biens et les maux dérivés, parce qu'un moyen pour atteindre un bien fondamental peut être en même temps une cause d'un mal fondamental.

Les biens peuvent être indispensables ou seulement souhaitables. Les biens indispensables peut être plus ou moins indispensables, de même pour les biens souhaitables. Les maux peuvent être intolérables ou supportables. Les maux intolérables peuvent être plus ou moins intolérables, de même pour les maux supportables.

Prévenir un mal intolérable est un bien indispensable. Être privé d'un bien indispensable est un mal intolérable. Prévenir un mal supportable est en général un bien souhaitable. Être privé d'un bien souhaitable n'est en général pas un mal, parce que les biens souhaitables sont beaucoup trop nombreux pour qu'on puisse les avoir tous.

On distingue parfois les biens et les services. Mais les services sont aussi des biens, et même des biens plus fondamentaux que les autres, parce qu'un bien qui n'est pas un service est un bien parce qu'il rend un service. Par exemple la nourriture est un bien parce qu'elle rend le service de nourrir. Certains produits ne sont pas des biens parce qu'ils ne rendent aucun service. Ils ont en général une valeur négative, parce que s'en débarrasser a un coût.

Les services sont consommés au moment où ils sont produits. Les biens qui ne sont pas des services sont consommés après un certain délai, court (produits frais) ou plus ou moins long (biens durables, y compris les stocks de denrées non-périssables). Certains biens durables sont quasi-éternels (logements de qualité, bijoux, objets d'art ...). D'autres sont consommés par l'usage au cours de leur durée de vie. Même les biens quasi-éternels requièrent en général du travail pour être entretenus.

Un bien durable est comme un service mis dans une bouteille, une boîte de conserve ou un conteneur. Ceux qui produisent le bien durable offrent le service. Ceux qui utilisent et consomment le bien durable reçoivent le service. Un bien est un bien seulement s'il rend service. Le bien est toujours de rendre service. L'économie dans son ensemble est un système d'échanges ou de dons de services.

Les travailleurs sont parfois concurrencés et remplacés par des biens durables, parce que ceux-ci sont aussi des fournisseurs de services.

La richesse accumulée et conservée n'est pas seulement la somme de tous les biens tangibles et durables que nous conservons pour les services qu'ils nous rendront, parce que les projets en cours de réalisation et les entreprises sont également des biens durables. Comme pour tous les biens durables on attend d'eux qu'ils fournissent des services.

Une richesse est toujours un service ou un moyen de fournir des services. Un service est une richesse parce qu'il améliore la qualité de la vie, ou parce qu'il est un moyen de produire d'autres richesses. Les travailleurs, les biens tangibles et durables, les projets et les entreprises sont des richesses parce qu'ils fournissent des services. 

La consommation finale est la consommation de biens et services qui améliorent directement la qualité de la vie (en principe, parce qu'ils peuvent aussi la détériorer) : alimentation, vêtement, logement, santé, éducation, transport, sport et divertissement, communication à longue distance... La consommation intermédiaire est la consommation de biens et de services qui servent dans la chaîne de production des biens et services finaux. Certains biens comme les moyens de transport, les ordinateurs et les smartphones, peuvent servir à la fois comme biens intermédiaires et comme biens finaux. La limite entre biens intermédiaires et biens finaux est souvent floue, parce que les biens finaux sont aussi en général des biens intermédiaires qui servent à produire de nouveaux biens.

La qualité de la vie ne dépend pas que de la consommation finale : avoir un bon travail et bénéficier de bonnes conditions de travail, se sentir en sécurité au présent, pour son avenir, celui de ses enfants, de son pays et de toute l'humanité, respecter et être respecté, aimer et être aimé, savoir méditer et se relaxer, être en paix avec soi-même et avec les autres, ne pas désespérer, respirer un bon air, bénéficier d'un bon climat et d'une nature accueillante ...

Les fruits de la Terre sont toutes les richesses qui nous été données par la Nature, plus toutes celles que nous pouvons produire. Nous sommes nous aussi des fruits de la Terre. 

Comment les richesses sont-elles créées ?

La Nature crée en permanence des richesses. La lumière du Soleil, la pluie et le vent, la Terre, les mers et les rivières, la faune et la flore sont des richesses perpétuellement renouvelées.

Les travailleurs et les biens durables créent des richesses en fournissant des services.

Il faut en général consommer des richesses pour produire de nouvelles richesses. Il faut consommer des fournitures. La travailleurs doivent consommer des richesses pour reproduire leur force de travail. Les biens de production sont consommés par leur usage, sauf s'ils sont quasi-éternels.

Des richesses réunies peuvent produire plus de richesses que des richesses séparées. Une équipe de travailleurs peut faire ce que des travailleurs séparés ne peuvent pas faire. Des travailleurs bien équipés peuvent produire des richesses qui ne peuvent pas être produites sans un tel équipement. Ils ont aussi besoin de fournitures. Les biens de production requièrent en général des travailleurs pour être utilisés. Les projets et les entreprises créent des richesses avec des travailleurs, des fournitures et des biens de production, qui ne pourraient pas produire de telles richesses s'ils n'étaient pas ainsi réunis. Des projets réunis peuvent produire plus de richesses que des projets séparés, parce que la réalisation d'un projet peut augmenter la valeur d'un autre projet, quand il y a des synergies. L'art de produire des richesses est toujours un art de composition de richesses déjà présentes, comme une symphonie est une composition de tous les talents des musiciens d'un orchestre. Réunir des richesses et réaliser plusieurs projets en même temps pour trouver des synergies est comme trouver un accord entre plusieurs voix. Trouver la bonne progression et le bon rythme pour les projets ainsi réunis est comme trouver une belle mélodie et son rythme. Pour bien produire des richesses, il faut être comme Mozart.

Richesse réelle et richesse marchande

La richesse réelle (le capital) à un instant donné est l'ensemble de tous les biens durables qui existent à cet instant.

Il faut inclure dans la richesse réelle l'intelligence, la compétence et la santé des êtres humains (le capital humain) et les richesses naturelles (les mers, les océans, les fleuves, les rivières et les lacs, les paysages, la faune et la flore naturelles ...).

La richesse marchande est la valeur marchande de la richesse réelle. Elle est évaluée à partir des prix de marché. Lorsque les biens ne sont pas vendus, on évalue leur valeur marchande à partir des prix de marché de biens équivalents. Comme les êtres humains ne sont pas vendus comme esclaves, leur valeur marchande ne peut pas être évaluée, sauf par des moyens indirects (somme actualisée des revenus au cours de la vie ou prix du risque) très discutables. L'évaluation des richesses naturelles pose des problèmes semblables.

La richesse marchande dépend des anticipations de long terme. Les biens durables ont une valeur marchande parce qu'on anticipe qu'ils seront utilisés, et qu'ils pourront être vendus. Les entreprises ont une valeur marchande parce qu'on anticipe qu'elles feront des profits. Mais les modes de vie, et les anticipations des modes de vie à venir, peuvent varier. De telles variations sont difficiles à prévoir. Si par exemple, les êtres humains renoncent au tourisme par avion, toutes les infrastructures et les équipements destinés à produire et à consommer les avions, y compris les avions eux-mêmes, perdent automatiquement leur valeur. Si les fiancés perdent l'habitude d'offrir des diamants, la valeur marchande des stocks de diamant sera grandement diminuée. Les anticipations sont très fluctuantes. Elles varient avec la survenue d'évènements imprévus (catastrophes ...) et sont souvent irrationnelles (les esprits animaux) parce que personne ne peut prévoir avec certitude ce que nous réserve l'avenir. C'est pourquoi la valeur boursière des actions peut varier brutalement. Des milliards de dollars peuvent disparaître en un jour sans qu'aucun billet n'ait été brûlé, simplement parce que les êtres humains ont changé d'avis.

L'omniprésence des options

La liberté de choisir est le bien le plus fondamental.  Si on supprime la liberté, on supprime la plupart des biens fondamentaux. Si tout est prescrit d'avance, les esprits ne sont plus que des serviteurs ou des esclaves. Et la liberté de choisir est aussi en général une condition de l'efficacité et de l'intelligence. Un programme qui veut tout prescrire par avance est le plus souvent trop rigide, empêche de s'adapter à la nouveauté et condamne à l'échec.

Avoir la liberté de choisir, c'est avoir des options. On a une option quand on a la possibilité ou le droit de faire quelque chose mais pas l'obligation. Par exemple, un ticket de loterie est une option sur son gain éventuel. On a le droit mais pas l'obligation d'encaisser le gain s'il y en a un.

Quand l'exercice d'une option est simplement d'encaisser un gain immédiat, la liberté de l'agent d'exercer l'option est plus ou moins fictive. En général, les agents ne refusent pas d'encaisser leurs gains. Mais il n'en va pas de même si l'exercice d'une option expose à des risques de pertes.

Habituellement on raisonne sur des options qui proposent seulement deux choix possibles : ou bien on exerce l'option, ou bien on ne l'exerce pas. Mais on peut aussi raisonner sur des options qui ont de nombreux choix possibles. Exercer l'option, c'est alors choisir une possibilité parmi les nombreuses proposées. Par exemple, si A et B sont deux options à deux choix, qu'on doit exercer à la même date, les deux ensemble peuvent être considérées comme une seule option à quatre choix : exercer A et B, exercer A sans B, exercer B sans A, n'exercer ni A ni B.

Ne pas exercer une option, c'est exercer l'option de ne pas l'exercer. Quand on a une option à deux choix, on a toujours en même temps l'option opposée de ne pas l'exercer. On exerce l'une quand on n'exerce pas l'autre.

Une option est de style européen (on dit plus couramment européenne) lorsque la date de son exercice est fixée par avance. Elle est de style américain lorsqu'on peut choisir la date de son exercice.

Un bien durable et consommable est une option sur sa consommation. On acquiert l'option en acquérant le bien, on exerce l'option quand on le consomme. C'est une option américaine dont l'échéance est la date limite de consommation.

Un bien d'équipement est une option sur son usage. S'il n'est pas usé par son usage, il est une succession illimitée d'options européennes, une option pour chaque jour, ou période, d'utilisation. Mais s'il est usé par son usage, il est semblable à un lot d'options américaines. À chaque fois qu'on l'utilise, on consomme une partie de son usage potentiel, ce qui revient à exercer une option américaine.

Une richesse naturelle est une option sur son usage. Si elle est renouvelable, comme une terre qui n'est pas dégradée par son utilisation, c'est une succession illimitée d'options européennes, une pour chaque jour, ou chaque période, d'utilisation. Si elle est consommée par son utilisation, comme une réserve naturelle de pétrole, elle est semblable à un lot d'options américaines.

Une compétence est une option sur son exercice. C'est une succession d'options européennes pour tous les jours, ou toutes les périodes, de travail.

Concevoir un projet, c'est acquérir l'option de le réaliser. Si le projet est daté, c'est une option européenne. Si le projet n'est pas daté, si on peut choisir le moment de sa réalisation, c'est une option américaine. 

Une décision d'achat ou de vente est en général en même temps l'exercice d'une option et l'acquisition d'une nouvelle option. 

Quand on a 1000 euros, on a acquis l'option de les dépenser, d'acheter tout ce qui est vendu dans la limite de 1000 euros. On exerce l'option en dépensant les 1000 euros. C'est une option américaine à durée perpétuelle. 

Dès qu'il y a une incertitude sur la valeur des services attendus, un achat est semblable à l'achat d'une option. C'est comme acheter un ticket de loterie. Dès qu'on est libre de choisir les dates des services attendus, un achat est semblable à l'achat d'une option américaine. Les seules décisions d'achat qui ne ressemblent pas à des achats d'options sont celles pour lesquelles il n'y a d'incertitude ni sur les dates, ni sur la valeur des services attendus.

Quand on acquiert un bien durable, on acquiert l'option de le revendre. C'est une option américaine. L'exercice de l'option, la vente, est en même temps l'acquisition d'une nouvelle option, la somme d'argent cédée par l'acheteur.

Un prêt, s'il y a un risque de défaut, est comme une option sur son remboursement. C'est une option européenne, ou une succession d'options européennes, si les dates de remboursement sont fixées d'avance. Exercer l'option, c'est être remboursé, si on peut. La propriété d'une entreprise est comme une option sur ses profits. C'est une succession d'options européennes, pour toutes les dates de versement des dividendes. Exercer l'option, c'est recevoir les dividendes, s'il y en a.

Embaucher un employé est acquérir une option sur les services qu'il peut rendre.

Disposer librement des moyens de fournir des services, c'est toujours avoir un portefeuille d'options, parce que fournir librement un service aux autres ou à soi-même est l'exercice d'une option. La richesse est toujours une richesse d'options. Les moyens de fournir des services et la liberté d'en faire bon usage sont les fondements de la richesse.

L'épargne et l'investissement

Tout ce qui est produit est consommé ou épargné. C'est la loi du tiers-exclu : tout ce qui est produit est consommé ou n'est pas consommé. Être épargné, c'est être conservé, c'est ne pas être consommé.

Un stock de biens durables est une épargne, comme le stock des noisettes d'un écureuil.

La richesse accumulée est la somme de tous les biens durables que nous avons conservés et de tous les projets en cours de réalisation. Un bien durable peut être considéré comme un projet, le projet de s'en servir. Inversement, un projet peut être considéré comme un bien durable. Son prix d'achat est l'argent qu'il faut avancer pour le réaliser. Comme tous les autres biens durables, il est acheté pour fournir des services. Ses recettes sont les services qu'il produit.

Quand on avance l'argent pour réaliser un projet, on crée un bien durable, le projet, et on l'achète en même temps, on devient propriétaire du projet. Le projet qu'on a créé est un bien durable qu'on conserve, tant qu'il n'est pas terminé. L'argent qu'on a avancé, qu'on a investi dans un projet, est donc épargné.

Une façon d'investir est d'acheter des biens de production pour réaliser le projet de s'en servir, mais on peut aussi investir sans acheter le moindre bien de production, parce qu'on peut réaliser des projets en louant tous les biens dont on a besoin. Ce qui compte pour qu'il y ait investissement, et donc épargne, ce n'est pas l'achat de biens de production, mais l'argent avancé pour réaliser des projets qu'on espère profitables.

Une entreprise peut être considérée comme un projet. Être propriétaire de ses actions, c'est être copropriétaire d'un projet. L'argent épargné par l'actionnaire a été investi dans un projet.

L'augmentation d'un stock de biens invendus est une épargne non-désirée. Elle peut aussi être comptée comme un investissement non-désiré, parce qu'on a le projet de vendre les invendus. Si on compte toujours les stocks comme des investissements, l'épargne est égale à l'investissement. C'est une égalité comptable. Avec la loi du tiers-exclu, on obtient alors : tout ce qui est produit est consommé ou investi.

Une fête d'entreprise peut être comptée comme un investissement, parce qu'elle peut augmenter la valeur de l'entreprise, en encourageant l'esprit d'équipe par exemple. Tout l'argent dépensé pour la fête est investi et donc épargné, puisqu'un un investissement est toujours une épargne. Les bouteilles de Champagne sont donc épargnées quand elles sont bues. L'adage est donc confirmé : une bouteille bue est une bouteille gagnée, pas une une bouteille perdue. Les bouteilles perdues sont celles qui ne sont jamais bues.

L'investissement net est égal à l'épargne nette. Il est la variation de la richesse globale au cours d'une période donnée. Il est égal à la variation de valeur de la somme de tous les biens durables qui sont conservés, si on compte les projets en cours de réalisation comme des biens durables conservés, et à la variation de valeur de tous les projets en cours de réalisation, si compte tous les biens durables conservés comme des projets en cours de réalisation, les projets de s'en servir, ou de les vendre.

L'achat d'un bien durable destiné à être consommé, un paire de chaussures par exemple, est une épargne tant que le bien n'est pas consommé, mais on le compte en général comme une consommation, pas comme un investissement, parce qu'on anticipe la consommation à laquelle il est destiné.

L'achat d'une obligation, ou toute autre façon de prêter son argent, est une épargne parce que l'obligation est conservée. Lorsqu'on prête son argent, l'épargne du prêteur est compensée par la désépargne de l'emprunteur, et l'épargne globale est nulle, parce qu'on n'a pas conservé davantage de richesse. Aucune richesse n'a été créée.

Conserver son argent sur son compte bancaire est une façon d'épargner en prêtant son argent à la banque. Comme pour les obligations, l'épargne globale est nulle. Aucune richesse n'est créée. L'épargne du client est compensée par la désépargne de sa banque.

L'achat d'un ticket de loterie est une épargne parce qu'il est conservé jusqu'au jour du tirage au sort. Les jeux de hasard sont en général des jeux à somme nulle. Tout ce qui est gagné par les uns est perdu par d'autres, et inversement. La vente de tickets de loterie est une épargne pour les acheteurs et une désépargne pour le vendeur, qui devra payer les gains. L'épargne globale est nulle. Comme pour les obligations, aucune richesse n'est créée par la vente des tickets de loterie.

Les produits financiers, sauf les actions et les obligations, ressemblent souvent à des tickets de loterie dans des jeux à somme nulle. Dans de tels cas, l'épargne de l'acheteur d'un produit financier est compensée par la désépargne du vendeur, et l'épargne globale est nulle. Aucune richesse n'est créée.

Les revenus de la propriété

Le profit

Un projet est profitable lorsque la valeur des richesses qu'il produit est plus grande que la valeur des richesses qu'il consomme. 

Les coûts d'un projet sont les richesses qu'il consomme, ses recettes sont les richesses qu'il produit. Les fournitures, le travail et l'usure des biens de production sont des coûts. Les biens et les services produits sont des recettes. Le profit est la différence de valeur entre les recettes et les coûts. 

Lorsqu'un bien durable est un bien de consommation finale, ses recettes sont les services fournis par sa consommation, son coût est son prix d'acquisition. Si la valeur du service consommé est comptée par la valeur du bien consommé en même temps, la valeur de la recette est égale à la valeur du coût. En général, il ne suffit pas de remplir son garde-manger pour faire un profit. Un bien de consommation finale produit un service, mais en général il ne produit pas un profit, parce que la valeur du service qu'il fournit n'est pas augmentée par le projet de le conserver. 

Lorsque des biens ou des services sont consommés dans un projet de production, la valeur des richesses qu'ils produisent dépend du projet. Plus un projet est intelligent, plus grandes sont les richesses qu'il produit pour un coût fixé. Le profit est possible parce qu'on peut se servir des richesses pour produire davantage de richesses. L'usage intelligent des richesses pour produire de nouvelles richesses fait apparaître le profit. 

Une entreprise est en général un projet à durée indéterminée. Pour un projet à durée finie, on compte le profit réalisé le jour de clôture du projet. Pour compter le profit d'une entreprise, on peut la considérer comme une succession de projets à durée finie. L'entreprise est comme un projet qu'on reconduit à chaque période. La valeur de l'entreprise en début de période est comptée comme un coût initial du projet de cette période, la valeur de l'entreprise en fin de période est comptée comme une recette finale. Pour compter le profit d'une entreprise, il faut compter sa valeur, son capital, et son appréciation, ou sa dépréciation.

Un travailleur est pour lui-même une entreprise profitable. Sa recette est la rémunération de son travail. Ses coûts sont ceux qu'il doit payer pour travailler. Pour un travailleur, une augmentation du revenu de son travail est une augmentation de son profit. Pour l'entreprise qui l'emploie, c'est une augmentation de ses coûts, qui est retirée de son profit.

Le calcul des profits dépend des prix. Si les prix varient, un projet profitable peut devenir ruineux, et inversement.

Le profit est-il un vol ?

Le profit d'une entreprise ou d'un projet est un revenu de la propriété, pas un revenu du travail. S'il y a un travail de gestion de la propriété ou de l'entreprise, il faut le compter comme un coût du projet, qui est retiré du profit. Les profits d'une entreprise ou d'un projet sont des revenus versés à des propriétaires qui n'ont pas travaillé, alors qu'un travailleur doit gagner son profit, le revenu de son travail, à la sueur de son front. Faut-il en conclure que les profits des propriétaires sont une richesse volée aux travailleurs ?

Un prix injuste est un vol déguisé. S'il est trop élevé, l'acheteur est lésé, comme volé par le vendeur. S'il est trop bas, c'est le contraire. Mais si le prix est juste, il n'y a pas de vol. Lorsque la main d’œuvre est sous-payée, elle est comme volée par ceux qui achètent ses services. Le prix injuste du travail fait que dans ce cas, le profit est un vol.

On raisonne souvent sur des projets comme si tous les prix étaient fixés et imposés, parce qu'il y a comme une tyrannie des prix. Souvent on ne choisit pas les prix des coûts et on ne peut pas fixer un prix pour les recettes qui s'éloigne trop des prix qui existent déjà, si on veut espérer vendre. Si le système des prix est juste, il n'y a pas de vol. Un projet profitable n'est pas forcément un projet voleur. Le profit est une richesse créée par la réalisation du projet. Pour un projet profitable, les recettes sont supérieures aux coûts, parce que le projet est intelligent, parce qu'on a bien choisi les moyens pour produire des biens ou des services. La richesse créée par un projet est un fruit de l'intelligence. Si les prix sont justes, le projet le plus profitable n'est pas le projet le plus voleur, seulement le projet le plus intelligent.

Les propriétaires prennent les profits des entreprises et ne laissent rien aux autres, qui peuvent estimer avoir été volés, si la propriété est très injustement répartie. Mais c'est l'injustice dans la répartition des profits qui fait le vol, pas le profit lui-même.

Même si la propriété est publique, il faut quand même compter les profits d'un projet, si on veut savoir si on a fait un bon usage de nos richesses, parce que le profit est une création de richesse. Même dans un économie purement socialiste, on veut des projets profitables, parce qu'on veut créer des richesses.

Pour réparer l'injustice de la répartition de la propriété, on pourrait croire qu'il faudrait que les travailleurs soient toujours propriétaires de leurs moyens de production : la Terre à ceux qui la travaillent. De cette façon, les richesses produites reviennent en totalité à ceux qui les produisent et les propriétaires ne peuvent rien gagner sans travailler. La redistribution des richesses aux travailleurs est parfois une mesure de justice, mais elle peut aussi conduire à des conséquences insensées, si on la généralise de façon abusive. Les responsabilités d'un propriétaire ne sont pas les mêmes que celles d'un travailleur. On peut souhaiter travailler sans être propriétaire. Exiger d'une hôtesse de l'air qu'elle soit actionnaire de la compagnie aérienne dans laquelle elle est recrutée serait insensé, et poserait des difficultés de recrutement. En outre, le capital par travailleur (la valeur de l'entreprise divisée par le nombre de travailleurs) varie beaucoup en fonction de l'entreprise. Certains travailleurs devraient donc être beaucoup plus riches que d'autres. La redistribution des moyens de production aux travailleurs pourrait donc aggraver les inégalités de richesse au lieu de les réduire.

Les propriétaires d'un projet sont ceux qui ont avancé l'argent ou les richesses pour le réaliser. S'ils ne peuvent pas recevoir les profits d'un projet et seulement subir ses pertes, ils ne sont pas incités à avancer leur richesse. Abolir les profits de la propriété privée, c'est supprimer des incitations à faire un faire un bon usage de la propriété.

Si les travailleurs ne veulent pas avancer l'argent d'un projet, ou ne peuvent pas, parce qu'ils ne sont pas assez riches, si les propriétaires privés ne le veulent pas non plus, il ne reste plus que l'État-Providence pour financer le projet. La propriété privée n'est pas nécessaire pour la liberté d'entreprendre parce que l'État peut jouer le rôle d'une banque universelle qui finance tous les projets dès qu'ils méritent d'être financés. 

Avec un État magnifique, toujours intelligent, compétent, honnête et dévoué au service des citoyens, toute la grande propriété pourrait être publique sans porter atteinte aux libertés privées. Mais l'État n'est pas toujours magnifique. On peut craindre non sans raison que l'État soit parfois tyrannique.

La propriété privée donne souvent de bonnes incitations : prendre soin de ses richesses et en faire un bon usage pour réaliser des projets profitables. Mais elle peut aussi donner de mauvaises incitations. Si les prix sont injustes, les projets les plus profitables peuvent être aussi les plus voleurs. Dans ce cas, la recherche du profit nous pousse au vol. Les intérêts privés peuvent aussi être contraires à l'intérêt général en ignorant des coûts payés payés par le public. Les propriétaires ne paient pas toujours tous les coûts de leurs projets. Si les coûts impayés sont des coûts de dégradation de l'environnement, la recherche des profits privés peut pousser au crime écologique.

Les grands projets sont en général ceux qui concernent le plus grand nombre de citoyens. Si la richesse est très concentrée, les très riches peuvent se comporter comme des tyrans et prendre selon leurs intérêts privés des décisions qui concernent tout le monde, et qui parfois nuisent à tout le monde. Lorsque les projets concernent de très nombreux citoyens, il peut sembler souhaitable que la propriété soit publique, parce qu'un bon État prend toujours ses décisions dans l'intérêt général. La puissance publique peut donc être une façon de limiter la tyrannie des très riches. Mais si l'État est injuste, on a le choix entre la peste et le choléra, la tyrannie des très riches ou la tyrannie de l'État.



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La création de richesses sans travail

La Nature produit sans cesse des richesses sans notre assistance, ne serait-ce que la lumière que le Soleil déverse sur la Terre en permanence.

Une unité de production entièrement automatisée ou robotisée peut fonctionner presque sans travail, pourvu qu'on puisse négliger les coûts de supervision et d'entretien. 

Si on trouve de nouveaux usages très utiles pour une matière première, la valeur des stocks déjà accumulés est automatiquement augmentée. C'est une augmentation réelle de richesse, parce que les stocks sont comme des réservoirs des services qu'ils peuvent rendre.  Les propriétaires du stock peuvent faire un profit en revendant leur stock plus cher que le prix d'achat. C'est un profit gagné sans qu'aucun travail n'ait été fourni et sans que personne n'ait été volé. La connaissance est une richesse qui peut créer de la richesse sans exiger le moindre travail, autre que celui d'acquérir la connaissance.

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Qu'est-ce que l'argent ?

La monnaie et la multiplication des services

La monnaie est un multiplicateur de services.

Chacun est incité à fournir des services pour gagner de l'argent, et à demander des services, dès qu'il a les moyens de les payer. De cette façon, la monnaie incite tout le monde à fournir et à demander des services. Cette incitation est permanente. Il faut détruire l'argent, ou l'empêcher de circuler, pour annuler cette incitation, parce que dès que l'argent est disponible, les gens sont incités à le dépenser, donc à le faire circuler. 

Les dépenses des uns font les revenus des autres, parce que les biens et les services achetés sont toujours vendus. Donc plus les gens dépensent de l'argent, plus ils en gagnent. La monnaie stimule l'activité économique en incitant à dépenser. Les revenus engendrés par l'offre de biens et de services conduisent à demander, et donc à offrir, de nouveaux biens et services, comme si les biens et les services déjà offerts pouvaient être multipliés, comme la multiplication des pains.

On peut mesurer la multiplication des services par la monnaie avec sa vitesse de circulation. Cette vitesse est le nombre de fois au cours d'une période donnée où une unité de monnaie a servi à acheter un service ou un nouveau bien.

Quand on augmente la masse monétaire, la monnaie mise en circulation incite les gens à dépenser davantage. Cela peut conduire à une augmentation de l'activité, des prix, ou les deux. S'il y a des capacités de production disponibles, les producteurs peuvent augmenter les quantités sans augmenter les prix. Dans ce cas l'augmentation de la masse monétaire conduit immédiatement à une augmentation de l'activité, parce que l'argent créé incite les agents à dépenser davantage. Cette relance par la demande a un effet permanent. L'augmentation de la demande se reproduit à chaque période, tant que l'argent créé n'est pas détruit, ou retiré de la circulation, et que les prix n'augmentent pas, parce que l'argent créé incite toujours à dépenser davantage. L'augmentation des prix peut annuler cette relance par la demande, parce que l'argent créé sert alors à payer plus cher les mêmes quantités qu'auparavant.

Le miracle de la monnaie bancaire

Les comptes courants sont de l'argent prêté aux banques. Comme ils ne sont pas rémunérés, les banques empruntent ainsi de l'argent sans payer d'intérêts, tandis que les particuliers doivent payer des intérêts quand ils empruntent. Les banques gagnent de l'argent en prêtant avec intérêt l'argent qu'on leur a prêté sans intérêt.

On pourrait croire que les banques ne créent pas d'argent parce qu'elles ne font que prêter ce qu'on leur a prêté auparavant : les dépôts font les crédits. Les banques ne peuvent pas prêter plus d'argent que celui qu'on leur a confié. Mais lorsqu'elles accordent un nouveau prêt, elles augmentent le compte courant de l'emprunteur sans diminuer les autres comptes courants : les crédits font les dépôts. Or la somme de tous les comptes courants fait partie de la masse monétaire. Donc celle-ci augmente à chaque nouveau prêt bancaire. La monnaie prêtée est créée à l'instant où elle est prêtée.

Un particulier ne peut prêter que l'argent qu'il a déjà. Une banque peut prêter l'argent qu'elle n'a pas, et recevoir des intérêts pour ce prêt, parce qu'elle crée l'argent en le prêtant. 

La monnaie bancaire ressemble à de la fausse monnaie, parce qu'elle semble créée à partir de rien. Mais il y a une grande différence. La monnaie créée a une contrepartie : l'obligation de remboursement de l'emprunteur. Lorsque le prêt bancaire est remboursé, la monnaie initialement créée est finalement détruite. On n 'a donc pas à craindre d'être noyé sous un flot démesuré de nouvelle monnaie. S'il y a davantage de nouveaux prêts bancaires que de prêts remboursés, la masse monétaire augmente. Si en revanche, il y a moins de nouveaux prêts que de prêts remboursés, la masse monétaire diminue. 

La création monétaire par les banques ressemble à un privilège malhonnête, parce qu'elles reçoivent des intérêts en prêtant l'argent qu'elles ont créé. Mais il faut plutôt voir cette liberté de création monétaire comme une bénédiction. Pour réaliser des projets, il faut en général avancer l'argent. En l'absence de création monétaire, on est limité par la masse monétaire disponible. La création monétaire permet d'avancer l'argent pour réaliser des projets sans être limité par l'argent disponible au départ. Un bon banquier est à l’affût des entreprises et des bons projets qui méritent d'être financés. Créer de l'argent pour financer les entreprises et leurs projets fait partie du travail quotidien des banques. C'est la réalité, pas une utopie.

Si la création monétaire conduit à une augmentation de la demande sans une augmentation parallèle de l'offre, elle conduit à l'inflation, elle augmente les prix sans augmenter l'activité. Mais si la création monétaire est consacrée à de bons investissements, elle conduit à une augmentation des capacités de production, et les producteurs peuvent alors augmenter les quantités sans augmenter les prix. Il est donc possible de créer de la monnaie sans provoquer de l'inflation, pourvu que la monnaie créée soit utilisée pour des investissements vraiment productifs.




Le calcul de la valeur d'un projet

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Le calcul des coûts et des recettes

Le calcul des coûts et des recettes est une méthode générale d'évaluation des décisions. Les règles marchandes imposent de tels calculs. Un entreprise qui ne compte pas correctement ses dépenses et ses recettes fait en général faillite. Mais l'importance du calcul des coûts et des recettes ne s'arrête pas à la comptabilité d'entreprise. Pour la plupart des projets, même à but non lucratif, même avec des intentions seulement philanthropiques, on a intérêt à évaluer les coûts et les recettes, afin de faire les meilleurs choix, ou au moins des choix raisonnables, vraisemblablement satisfaisants. Il n'est pas nécessaire que les calculs soient très précis. Des évaluations grossières peuvent suffire pour prendre de bonnes décisions.

Lorsqu'il s'agit de richesses naturelles irremplaçables, le calcul des coûts et des recettes est rapide: le coût de leur disparition est infini, donc aucune recette ne justifie leur sacrifice.

En général, les entreprises ne paient pas, ou pas beaucoup, pour leurs dégâts sur l'environnement. Si on leur faisait payer ce coût en l'évaluant par le coût de remplacement des richesses perdues, elles devraient en tenir compte dans leurs prix de vente. Mais comme les prix de marché ignorent largement les coûts sur l'environnement, ils nous incitent à prendre de mauvaises décisions, à choisir des produits qui nous coûtent beaucoup plus cher que leur prix d'achat. Si on veut évaluer correctement les coûts et les recettes, il faut prendre en compte aussi les coûts ou les recettes cachés, ignorés dans les comptabilités des entreprises ou des particuliers. 

La dévaluation de l'avenir

Avec un taux d'intérêt de 5% annuel, on reçoit 105 dans un an si on a placé 100 aujourd'hui. 105 dans un an vaut donc autant que 100 aujourd'hui. 100x(1.05)^20=265 dans 20 ans vaut autant que 100 aujourd'hui. 100x(1.05)^100=13150 dans 100 ans vaut autant que 100 aujourd'hui. 100 dans 100 ans vaut donc 100/131.5=0.76 aujourd'hui. 0.76 est la valeur actuelle de 100 dans cent ans. La logique financière conduit à dévaluer systématiquement les biens à venir. Dans les calculs financiers, on ignore l'avenir à long terme comme s'il ne valait rien ou presque rien. L'intérêt des générations futures n'est donc jamais pris en compte par la logique financière.

L'erreur financière fondamentale, le péché capital du point de vue de la finance, est de laisser dormir les richesses, de ne pas s'en servir pour en produire davantage, d'enterrer son or dans son jardin par exemple, au lieu de financer une entreprise productive. La logique financière nous invite donc à exploiter au maximum toutes les richesses disponibles. Mais si on applique cette logique aux ressources naturelles non-renouvelables, on arrive à une conclusion absurde : on aurait tort de les conserver, parce qu'elles sont de la richesse inutilisée. Pourquoi les laisser aux générations futures alors qu'on peut s'en servir tout de suite pour gagner beaucoup d'argent ? Dans nos comptes financiers, les richesses conservées pour les générations futures ne valent rien ou presque rien, il vaudrait beaucoup mieux les exploiter tout de suite.

La logique financière sous-estime la valeur des biens de longue durée, parce qu'elle ne prend pas en compte leur valeur pour ceux qui ne sont pas encore nés. La demande des biens fait leur valeur, mais les absents ont toujours tort. Quand on ignore l'intérêt des générations futures, c'est de leur faute, parce qu'ils ne demandent rien, parce qu'ils ne sont pas nés.

Le système économique présent détruit notre avenir. Chaque jour la planète est plus dégradée que la veille. Les richesses naturelles disparaissent à vitesse grand V. Nous travaillons pour nous appauvrir. Si le développement économique est livré au laisser-faire, à la loi du marché qui fait que les biens sont évalués par ceux qui peuvent les payer, il nous conduit droit dans le précipice, parce que le marché ignore la valeur de l'avenir à long-terme.

L'effet de levier

On peut bénéficier d'un effet de levier lorsqu'un projet a un taux de profit plus élevé que le taux auquel on peut emprunter. L'effet de levier permet d'augmenter le taux de profit, jusqu'à l'infini, en empruntant tout ou partie des fonds nécessaires au projet. Si on peut tout emprunter, il n'y a pas de fonds à avancer et le taux de profit est infini. Si on emprunte seulement une partie des fonds, on augmente le taux de profit, parce qu'on gagne sur la différence entre le taux de profit du projet et le taux auquel on emprunte.

Un exemple : si on investit 100 dans une entreprise dont le taux de profit est de 20% annuel, on fait un profit de 20 au bout d'un an. Si on a emprunté 50 au taux de 10%, on doit rembourser 55 au bout d'un an, le profit n'est plus que de 15, mais on a avancé seulement 50. Le taux de profit est donc de 15/50=30%. En empruntant, on a augmenté par effet de levier le taux de profit de 20 à 30%.

L'effet de levier, quand on peut en bénéficier, ressemble à une aubaine magnifique, puisqu'il permet d'augmenter le taux de profit autant qu'on veut. Si le projet n'est pas risqué, il n'y a pas de raison de se priver d'une telle aubaine. Mais les projets sont en général risqués. Si le taux de profit réalisé est inférieur au taux auquel on a emprunté, on doit supporter une perte, qui est d'autant plus importante qu'on a davantage emprunté. Se servir de l'effet de levier augmente donc le risque d'un projet et peut conduire à la faillite. C'est pourquoi on exige en général que les entreprises aient des fonds propres suffisants, qu'elles ne soient pas uniquement financées par l'emprunt. Ces fonds propres sont comme une sorte de coussin de sécurité, qui permet à l'entreprise de supporter d'éventuelles pertes (Admati & Hellwig 2013). Si une entreprise abuse de l'effet de levier, en ayant des fonds propres faibles par rapport à ce qu'elle emprunte, elle prend un risque de faillite et fait peser sur les prêteurs un risque de défaut. L'effet de levier est donc une façon d'augmenter le taux de profit espéré tout en augmentant les risques, et en se déchargeant d'une partie de ces risques sur les prêteurs.

Il est souhaitable, ne serait-ce que pour des raisons de justice sociale, pour que même les moins fortunés puissent entreprendre, que certains projets soient financés uniquement par l'emprunt, sans exiger de fonds propres initiaux, donc qu'ils bénéficient d'un effet de levier infini. Mais dans ce cas les prêteurs doivent savoir qu'ils prennent sur eux les risques du projet.

Les banques sont les premières bénéficiaires de l'effet de levier, parce qu'elles peuvent emprunter à un taux très faible, éventuellement nul, lorsque les comptes bancaires ne sont pas rémunérés.

Le coût du risque

Un projet est optimal si et seulement si il a le risque le plus petit parmi tous les projets qui ont le même taux de profit moyen. Cette définition est équivalente à la suivante. Un projet est optimal si et seulement si il a le taux de profit moyen le plus grand parmi tous les projets qui ont le même risque.

Le surprofit d'un projet est l'excès de son profit par rapport au profit qu'on aurait obtenu si on avait placé son argent au taux d'intérêt sans risque.

Si on peut emprunter au taux sans risque, on peut toujours multiplier le surprofit moyen d'un projet. Soit r le taux sans risque, p le taux de profit moyen du projet. s=p-r est le taux de surprofit moyen. Si on finance le projet en empruntant une fraction L des fonds avancés, on obtient un taux de surprofit moyen s(L)=(p-r)/(1-L). 

Théorème : le taux de surprofit moyen d'un projet optimal est proportionnel à son risque.

Preuve : on suppose que le risque est mesuré par l'écart-type de la dispersion du taux de profit. Soit s le taux de surprofit moyen d'un projet optimal dont le risque est mesuré par sigma. Si on finance une fraction L du projet en empruntant aux taux sans risque, on obtient un nouveau projet dont le taux de surprofit moyen est s/(1-L). En même temps, on a multiplié le risque par 1/(1-L). Ce nouveau projet est optimal pour ce nouveau risque. On le prouve par l'absurde. Soit un projet qui a un taux de surprofit moyen s'>s/(1-L) pour un risque sigma/(1-L). En prêtant une fraction L de son argent au taux sans risque, on obtient un nouveau projet qui a un taux de surprofit moyen s''=(1-L)s'>s et un risque (1-L)sigma/(1-L)=sigma. Mais alors s ne serait pas un projet optimal pour le risque sigma, puisque s''>s. Donc un taux de surprofit moyen s'>s/(1-L) pour le risque sigma/(1-L) ne peut pas exister. s/(1-L) est donc le taux de surprofit moyen optimal pour le risque sigma/(1-L).

Un projet peut être évalué par le prix de l'investissement qui en ferait un projet optimal. Si les fonds qu'on doit avancer pour réaliser le projet sont supérieurs à ce prix, le projet n'est pas optimal. Quand on réduit le risque d'un projet sans diminuer son taux de profit moyen, on augmente sa valeur, comme si on avait supprimé un coût. La variation de valeur d'un projet en fonction de son risque permet de mesurer le prix du risque. 

Il suffit de connaître les taux de profit moyen d'un projet optimal sans risque et d'un projet optimal risqué pour calculer le taux de profit moyen de tous les projets optimaux en fonction de leur risque. Un projet optimal sans risque et un projet optimal risqué sont comme des étalons de mesure à partir desquels on peut mesurer la valeur de tous les projets, qu'ils soient optimaux ou non. 

Les taux de profits optimaux doivent être évalués avec des prix de marché, des prix moyens ou des prix ordinaires. Ils représentent les opportunités d'investissement disponibles pour l'économie dans son ensemble. S'il y a des aubaines, des prix très favorables par rapport aux prix ordinaires, il ne faut pas les compter quand on évalue les profits optimaux, parce qu'elles ne sont que des conditions particulières d'un agent qui a de la chance, et elles ne représentent pas l'économie dans son ensemble.

Pour évaluer le profit d'un projet, on doit en général faire la somme de coûts et de recettes qui se répartissent dans le temps. Les seuls projets dont on peut évaluer le profit sans faire une telle somme sont équivalents à des obligations zéro coupon, ils ont un seul coût initial et une seul recette finale. Le profit est alors simplement la différence entre la recette et le coût. La taux de profit est le quotient du profit sur le coût initial. Mais s'il y a de nombreux coûts et de nombreuses recettes à des dates différentes, on a besoin d'un taux de change entre la monnaie d'aujourd'hui et celle qu'on peut recevoir dans l'avenir. Ce taux de change varie en fonction du terme parce que des recettes dans un avenir lointain n'ont pas la même valeur que les mêmes recettes dans un avenir proche. On appelle ce taux de change le taux d'actualisation. On l'évalue à partir des profits des obligations zéro coupon sans risque.  

On évalue parfois le coût du risque en modifiant le taux d'actualisation utilisé pour calculer la valeur du projet. Cette façon de calculer semble sensée pour ceux qui l'utilisent, parce que le taux d'actualisation vrai est évalué à partir des obligations zéro coupon sans risque. Ils en concluent qu'un autre taux d'actualisation doit être utilisé pour les projets risqués. Mais ce raisonnement est insensé. On se sert du même taux d'actualisation pour évaluer les coûts et les recettes. Il n'y a pas de sens à dévaluer des pertes parce qu'elles sont risquées. Des pertes risquées ne coûtent pas moins mais plus que des pertes non-risquées égales en moyenne, parce qu'elles augmentent le risque d'un projet. Le taux d'actualisation dépend des conditions de l'ensemble de l'économie à une date donnée, pas des projets qu'il sert à évaluer. Tous les coûts et toutes les recettes de tous les projets, qu'ils soient risqués ou non, doivent être évalués avec le même taux d'actualisation.

La compensation des risques

Les risques d'un projet peuvent être compensés par les risques d'un ou plusieurs autres projets. Puisque le risque est un coût, la réduction du risque par compensation est un exemple de création de valeur par composition des projets ou des options.

Soit un jeu de tir à pile ou face. On peut parier sur pile en risquant 1 avec 1 chance sur 2 de gagner 2. Parier sur pile, c'est acquérir une option pour gagner 2. Le prix de cette option est 1. L'espérance de gain est 1=0.5x2 également. Selon la théorie financière, la valeur d'un projet n'est pas égale à son espérance de gain, il faut tenir compte du risque. Pour la même espérance de gain, un projet a d'autant moins de valeur qu'il est plus risqué. On devrait donc en conclure que le prix 1 pour parier sur pile et espérer gagner 2 est surévalué, puisque le projet est risqué, mais cette conclusion est fausse. On peut composer les projets. L'espérance de gain de plusieurs projets est la somme des espérances de gain de chacun d'entre eux. Si on parie sur pile et sur face en même temps, on obtient un projet sans risque pour gagner 2. Si les options de parier sur pile ou sur face coûtaient moins que 1, on pourrait les composer et obtenir un projet sans risque pour gagner 2 en payant moins que 2. De cette façon, on pourrait obtenir sans risque un profit sans limites à partir de n'importe quelle mise initiale, ce qui est impossible. Donc les options de parier sur pile ou face sont correctement évaluées par leur espérance de gain. On peut ignorer leur risque parce qu'il peut être compensé. Le risque de parier sur pile peut être compensé par le risque de parier sur face pour obtenir un projet sans risque. 

On peut composer un portefeuille sans risque avec des options très risquées. Le rendement du portefeuille sans risque ainsi composé est la somme pondérée des rendements des actifs qui le composent. Si ces actifs avaient un rendement plus élevé que le rendement des actifs sans risque, le portefeuille sans risque ainsi composé aurait un rendement plus élevé que celui des autres portefeuilles sans risque, et on pourrait se faire un profit illimité, sans risque, simplement en vendant des portefeuilles sans risque et en achetant un portefeuille sans risque dont le rendement est plus élevé. Mais les marchés financiers ne permettent pas de se faire un profit illimité sans risque. Donc les actifs risqués doivent être évalués comme s'ils étaient sans risque, dés qu'ils peuvent faire partie d'un portefeuille sans risque. Pour évaluer un actif risqué, il faut tenir du compte du risque, mais pas du risque inhérent à l'actif, seulement du risque minimal d'un portefeuille dont l'actif est un composant, parce qu'on peut réduire les risques en composant des portefeuilles, parce qu'un risque peut être compensé par un autre risque. Un risque a un coût seulement s'il ne peut pas être compensé. Quand on évalue un actif financier, il faut tenir compte du risque irréductible. C'est le risque qui ne peut pas  être réduit davantage en composant un portefeuille. Les options financières et les autres actifs doivent être évalués comme des actifs sans risque dès qu'ils peuvent faire partie d'un portefeuille sans risque, parce que leur risque peut être réduit à zéro. 

Un projet, ou une option, ne doit pas être évalué comme s'il était isolé, séparé des autres projets, parce qu'alors on pourrait surestimer le coût du risque. Pour évaluer un projet, on doit évaluer le risque irréductible, on doit donc évaluer la contribution du projet à la valeur d'un projet optimal, composé de plusieurs projets dont les risques se compensent partiellement ou totalement, de façon optimale.

La valeur d'une décision

Un agent optimal choisit toujours la valeur maximale quand il prend une décision. Quelle est la possibilité qui a le plus de valeur parmi toutes celles qu'on peut choisir ? Qu'est-ce qui est mieux, exercer une option ou ne pas l'exercer ? Quelle est l'option la meilleure, l'option d'exercer une option ou l'option de ne pas l'exercer ?

Les gains ou les pertes qui résultent d'une décision dépendent des décisions ultérieures. Pour connaître les gains et les pertes à venir, un agent doit anticiper ses décisions à venir et leur valeur. Pour connaître la valeur d'une décision, un agent doit connaître la valeur des décisions qui suivront. Comment fait-il ? N'y a-t-il pas une régression à l'infini ? Pour connaître la valeur d'une décision à prendre aujourd'hui, je dois connaître la valeur des décisions qui seront à prendre demain, mais pour connaître la valeur des décisions  de demain je dois connaître la valeur des décisions d'après-demain, et ainsi de suite. Comment alors connaître la valeur des décisions ?

Pour connaître ses décisions à venir, un agent optimal doit raisonner sur les décisions d'un agent optimal (Bellman).

Un agent optimal peut raisonner en partant de la fin. Il doit anticiper les gains et les pertes pour toutes les fins possibles du projet, à l'instant t. Puis il anticipe les gains et les pertes à l'étape antérieure, à l'instant t-1. Puisqu'il sait qu'il choisira la décision la meilleure, il peut anticiper sa décision à l'instant t-1. ll peut alors anticiper les gains et les pertes d'une décision à l'instant t-2, et ainsi de suite.

Le comportement d'un agent peut être modélisé avec un arbre de décisions. Un nœud représente un instant d'une destinée possible où il prend une décision. Les branches qui partent d'un même nœud représentent les choix possibles. A chaque nœud on peut associer un gain ou une perte. Ce sont les gains et les pertes qui résultent immédiatement de la décision prise au nœud antérieur. Un tel arbre représente toutes les destinées possibles d'un agent et permet de calculer les gains ou les pertes associées. Pour trouver une destinée choisie par un agent optimal, on peut raisonner en partant de la fin, pour calculer une fonction V qui attribue une valeur à chaque nœud du projet. Soit t le dernier instant du projet et z un nœud terminal à cet instant. V(z) est la gain ou la perte immédiate associée à z. Soit x un nœud à l'instant t-1. V(x) est la somme du gain ou de la perte immédiate associée à x et de la valeur actuelle à l'instant t-1 du maximum Vmax des V(y) pour tous les nœuds y à l'instant t qui suivent le nœud x. De cette façon on peut calculer V pour tous les nœuds à l'instant t-1 si on la connaît déjà pour tous les nœuds à l'instant t. On peut répéter le processus jusqu'à l'instant initial et obtenir ainsi V pour tous les nœuds. On trouve en même temps la destinée choisie par un agent optimal (ou les destinées qu'il peut choisir s'il y en a plusieurs). Un agent optimal prend toujours une décision qui maximise V au nœud suivant.

Si l'environnement d'un agent est aléatoire, on peut modéliser son comportement avec un arbre de décisions à deux joueurs, comme s'il jouait avec son environnement. Les décisions sont prises par l'agent aux instants pairs, et aléatoirement aux instants impairs par l'environnement. A chaque nœud pair, on associe un gain ou une perte immédiate et sa probabilité d'être atteint par le nœud impair qui le précède. On peut définir une fonction V pour tous les nœuds de cet arbre comme précédemment. Pour un nœud impair, V est la moyenne pondérée par des probabilités des V(y) pour tous les nœuds pairs y qui suivent. Un agent optimal doit tenir compte du risque quand il évalue les choix possibles. Pour un nœud pair, il faut donc chercher non le maximum de V pour les nœuds impairs qui suivent, mais le maximum de V diminué du coût du risque qui suit une décision. Vmax n'est pas le maximum de V mais la valeur de V qui maximise V diminué du coût du risque. Pour un nœud pair, V est la somme du gain ou de la perte immédiate et de la valeur actuelle de Vmax associés à ce nœud. Pour modéliser un agent optimal dans un environnement aléatoire, on a donc besoin d'une fonction qui attribue un coût au risque.

La valeur d'une décision est la valeur de V aux nœuds impairs, diminuée du coût du risque qui suit cette décision. V est l'espérance de la somme des valeurs actuelles, à l'instant où la décision est prise, de tous les gains et les pertes qui suivent cette décision pour un agent optimal. V est une espérance ou une anticipation de richesse. Un agent optimal doit tenir compte du risque pour faire le meilleur choix, il choisit toujours la valeur la plus élevée de l'espérance de richesse diminuée du coût du risque quand il prend une décision.

On peut généraliser cette théorie à plusieurs joueurs pour modéliser la compétition et la coopération entre les agents économiques.

Formellement, une obligation peut être considérée comme une option à un seul choix possible, parce qu'une option nous oblige toujours à choisir une des possibilités proposées. Une obligation de payer a une valeur négative pour l'obligé. On demande à être payé pour acquérir une obligation de payer. De même une option peuvent avoir une valeur négative si tous les choix possibles sont des pertes. Lorsqu'un agent optimal doit exercer une option négative, il choisit la perte minimale. Un vendeur d'une option à valeur positive est payé pour acquérir une option à valeur négative, parce qu'il s'engage à payer les éventuels gains de l'acheteur de l'option à valeur positive. La présente théorie de la valeur des décisions et des options est pleinement générale. Elle inclut les options à valeur négative et les obligations. On peut s'en servir pour raisonner sur toutes les décisions économiques, toutes les décisions d'achat et de vente, de consommation, d'épargne et d'investissement.

La valeur d'un bien

L'arbre des décisions qui détermine la vie d'un agent est déterminé par sa richesse initiale, dans laquelle il faut inclure tous les biens durables dont il dispose au départ, toutes les options, y compris les options d'acquérir de nouvelles options, toutes les compétences, y compris la compétence d'acquérir de nouvelles compétences, tous les talents particuliers et toutes les obligations, de façon générale tout ce qui peut augmenter ou diminuer sa richesse.

Dans un arbre de décisions, la valeur maximale de la première décision prise est l'espérance de la richesse dont un agent optimal bénéficiera au cours de sa vie, diminuée du coût du risque. Elle est la valeur initiale de la richesse initiale. La valeur d'une décision ultérieure est l'espérance de la richesse dont un agent optimal peut encore bénéficier, diminuée du coût du risque. Elle est la valeur de la richesse possédée par l'agent à l'instant où la décision est prise. On peut compter parmi les richesses anticipées la joie de laisser une partie de sa richesse à des héritiers. 

La valeur d'un bien pour un agent peut dépendre des autres biens qu'il possède, parce que la valeur des services rendus par un bien peut dépendre de l'existence des services rendus par d'autres biens. La valeur d'un bien pour un agent doté d'un certaine richesse est la différence de valeur de cete richesse avec et sans le bien.

Si on veut connaître la valeur d'un bien, il faut raisonner sur les meilleurs usages, pas sur les mauvais. C'est pourquoi on calcule la valeur d'un bien en raisonnant sur un agent optimal.

Il faut distinguer le prix et la valeur d'un bien. Le prix est ce qu'il faut payer pour l'acquérir. Il dépend de l'existence d'un vendeur qui veut vendre à ce prix, ou d'une possibilité de production qui coûte le même prix. La valeur d'un bien dépend de la richesse dont il fait partie. Elle est sa contribution à la valeur de la richesse. Elle représente une espérance de richesse, diminuée du coût du risque. La valeur d'un bien est en général différente pour des agents différents parce qu'ils ont des richesses différentes. C'est pourquoi les agents ont souvent intérêt à vendre ou à acheter des biens.

La valeur d'une option

Il faut distinguer le prix, la valeur et la valeur d'exercice d'une option (pour les options financières, il faut aussi distinguer le prix d'exercice, strike price).

L'exercice d'une option modifie la richesse disponible pour un agent. La valeur d'exercice d'une option est la différence de valeur entre la richesse de l'agent juste après l'exercice de l'option et sa richesse s'il n'avait pas eu cette option. Quand il exerce une option, un agent optimal fait toujours le choix d'une valeur d'exercice maximale. Au moment de l'exercer, la valeur d'une option est sa valeur d'exercice maximale. Mais on acquiert une option avant de l'exercer. Tout ce qui se passe entre la date d'acquisition et la date d'exercice peut avoir de l'influence sur la valeur d'exercice. Dans l'arbre des décisions, il y a autant de nœuds pour l'exercice de l'option qu'il y a de chemins qui conduisent de la date d'acquisition de l'option à la date de son exercice. Comment alors évaluer l'option le jour de son acquisition ? 

Comme pour tous les biens, la valeur d'une option à un instant donné est sa contribution à la valeur de la richesse à cet instant. Elle est la différence entre les valeurs de la richesse avec et sans cette option, au même instant. La richesse d'un agent et sa valeur varient au cours du temps. La valeur d'une option peut donc varier au cours du temps.

Tout est option. Un bien durable est une option sur les services qu'ils peut rendre, et une option sur sa vente. Si on ajoute les options à valeur négative et les obligations, toute l'activité économique est de produire des options et de les échanger. L'exercice d'une option est toujours d'acquérir ou de céder une option, ou de recevoir un service ou d'en rendre un.

Avoir une option d'achat, c'est avoir le choix entre acquérir un bien et conserver son argent. (Les options call sont des options d'achat très particulières. Dans la suite, on ne raisonne pas sur ces options financières, mais seulement sur la liberté d'acheter donnée par l'argent.) Le jour de son exercice, le prix d'une option d'achat est simplement le prix d'achat, parce qu'il faut de l'argent pour être libre d'acheter. La valeur d'une option d'achat le jour de l'exercice de cette option est sa valeur d'exercice maximale, elle est donc au moins égale au prix d'achat, puisqu'on peut conserver son argent, mais elle peut être supérieure, si le bien acheté a une valeur pour l'acheteur supérieure au prix d'achat.

Un bien durable est une option sur sa vente. La valeur de cette option de vente le jour de son exercice est au moins égale à la valeur du bien pour son propriétaire, puisqu'il peut conserver son bien, mais elle peut être supérieure, si le prix de vente est supérieur à la valeur du bien pour son propriétaire.

La finance dans une économie fermée

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Le système financier international