Petits arrangements avec la réalité

Un simple titre peut constituer en lui-même une vraie, belle "fake news". Car la fake news, c'est l'art de déformer la réalité, de réagencer l'information ou de grossir le trait de manière répétée afin de servir un intérêt, d'influencer l'opinion et l'amener à adhérer à une thèse qui n'est pas confirmée par les simples faits rapportés.

Boulevard Voltaire, sous la plume de Marie Delarue(*), contributrice habituée aux épanchements les plus détestables, nous en donne à nouveau la preuve.

Examinons le titre de son billet:

Que nous suggère ce titre ?

Les mariages gay pourraient être des "arrangements entre amis", donc des mariages blancs. Le taux de tels mariages blancs serait tel que les services des impôts français en seraient préoccupés.

BVoltaire .com du 08/01/2018

Qu'en est-il vraiment? Lisons l'article (c'est une épreuve, mais nous avons dû en passer par là).

Pendant les deux premiers tiers, l'auteure déroule sa litanie "les méchants gauchistes qui veulent nous prendre tout notre argent".

On attend toujours le rapport avec le sujet, tout en compatissant au passage avec les malheureux assujettis à l'ISF et leurs pauvres héritiers qui devront payer des taxes.

Puis, enfin, on y arrive. L'info, la vraie, est là : Deux amis irlandais, pour ne pas s'acquitter des droits de succession prévus à la mort du plus âgé, auraient décidé de se marier. Le fisc envisage des poursuites. Voilà.

Certes, la fraude à l'héritage, et la fraude en général, est condamnable, quel qu'en soit l'auteur. On peut juste se demander qu'est-ce qui a pu valoir à un tel fait divers les honneurs de la presse française, dans 20 minutes et le Figaro, puis de Boulevard Voltaire. La fraude fiscale est une pratique malheureusement suffisamment répandue pour que chaque cas ne soit pas étalé dans la presse, et nous avons suffisamment de matière en France pour ne pas avoir besoin d'aller chercher hors de nos frontières.

Alors, qu'est-ce qui, dans ce fait divers, a mérité une telle notoriété ?

Le billet se termine par le travail d'analyse de l'auteure, qui tient en tout et pour tout en trois lignes :

  • A-t-il fallu attendre le mariage homosexuel pour constater les premiers cas de fraude aux droits de succession ?
  • Lorsque le fisc soupçonne une telle manoeuvre entre deux personnes de sexe différent, doit-il démontrer que les deux personnes sont hétérosexuelles ?
  • Ce fait divers sans intérêt mérite-t-il le pluriel à "mariages" dans le titre, et "l'inquiétude du fisc" ?
  • Le fait que les deux personnes en cause soient deux hommes change-t-il quoi que ce soit au fond de l'histoire ?

À ces quatre questions, la réponse est bien entendu "NON".

Ce qui nous amène à une cinquième :

La publication d'un tel article peut-elle être justifiée par autre chose qu'une tentative de dénigrer de manière générale la sincérité de ces unions, de jeter le doute sur l'honnêteté des couples homosexuels, en d'autres termes, est-ce autre chose que de l'homophobie pure et simple ?

(*) Marie Delarue semble être très marquée par l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe. On lui doit ainsi, toujours dans les colonnes de Boulevard Voltaire, des billets aux relents moisis sur le même thème, comme : « Ras le bol du prosélytisme gay et du Q omniprésent ! » , « Premier mariage gay : la noce aux frais du contribuable » , « Gay Pride ou terrorisme sociétal ? » , « Pas d’enfants russes pour les couples gay. Un petit Rom ? » ou encore « Racolage publicitaire pour les Gay Games : manquerait-on de candidats ? » .

Mais rassurons-nous, elle a d'autres chevaux de bataille, comme dénigrer les violences faites aux femmes, ou « l'hystérie antiraciste » , avec une puissance d'analyse digne du zinc de la Taverne des Patriotes à l'heure de la fermeture.