Jour 3

Day 3 – The day… and the night

"Bon, ben voilà, quand faut y aller, faut y aller"

(autre pensée vaudoise).

On envahit le site dès potron-minet et on a bien raison. Quelques minutes après, les locaux débarquent pour leur plongée dominicale. Ils découvrent, médusés, qu’une armée de sauvageons frouziens a piqué toutes les bonnes gâches de parquinge. Heureusement, c’est des potes de Marco. On se reconnaît de l’an passé. Nous échangeons quelques mots et des pensées pour l’autre Marco, qui a récemment rejoint, comme on dit, le "Paradis des plongeurs".

Quelques photos valent mieux qu’un long discours et je vous épargne le portage, la prépa, le gonflage du fidèle et indispensable mini-zod … Ah si, à noter une chouette balade nautique le long du bord… y’a de ces sites d’enfer, j’vous dis pas !... dommage, il paraît qu’il est interdit de naviguer dans le coin.

A signaler aussi, une ultime engueulade concernant la ligne de vie… La routine du NPSF kôa ! Du coup, je me claquemure quelques instants au calme dans la caisse pour revoir la procédure et, même si je plonge à la table, programmer en back up ces grosses daubes d’Explorer.

Le site du "trottoir" est pourvu en permanence d’une chaîne, puis d’une ligne de vie jusque dans les 140 m. A cause des risques de fauche, il n’était pas possible de poser nos blocs la veille. Par manque de plongeurs de soutien, il n’était pas, non plus, envisageable d’envoyer quelqu’un accrocher les sécus jusqu’à 100 m le jour même. C’est pour cela qu’il avait été décidé d’envoyer, en parallèle, notre propre LDV toute équipée.

"Allez, on y croit !". Avec Laurent, nous disposons la ligne bien comme il faut dans le fond du zod. Au fur et à mesure, les sécus sont mousquetonnées sur les repères prévus. Nous nous éloignons vers le large. A 15 m environ de la ligne officielle préalablement signalée en surface (pour ne pas s’emmêler dedans), nous balançons gentiment le merdier… Vous n’allez pas le croire, mais… ça marche !!!!

"The fabulous" Fab’, renommé P0, va illico vérifier. Les premiers blocs sont positionnés pile poil à 10 cm près. Logiquement, tous les autres suivent et sont donc stationnés à leur profondeur idéale. « Gloria, Alleluiah ! ». La victoire de l’intelligence humaine est totale. Le NPSF in corpore est enfin sorti des ténèbres qui obscurcissent son esprit brouillon au Q.I. de fève. C’est beau. Si on avait le temps, on en tomberait à genoux pour remercier le Très Haut. Le reste ne sera qu’une partie de plaisir. Y’a plus qu’à pointer.. Ah ouais, merde, c’est vrai… Faut encore plonger.

"Allez on se re-concentre". Cette fois, c’est du sérieux.

Je traîne pas mal lors du "cell check" à 6 m. En effet, ma config n’est pas habituelle. Sur la gauche du Meg’ : une 4 l de dil 5/85, une 4 l carbone d’air à 300 b pour l’étanche, sans oublier la 2l d’air à 250 b de la Wing.

A droite, une 4 l d’O2, la Tilly Led 2000 (du tout bon matos), et le chauffage Golem (de la balle).

En ce qui concerne les BO, tout est placé à gauche, soit : les deux 12 l carbone en montage classique et deux 7 l carbone, col fixé à la ceinture, monté long (très pratique pour les ramener sur le devant). L’ensemble ne pèse que dalle et l’équilibre est parfait.

C’est un choix qui me laisse la main droite très libre pour agir sur les différentes commandes : Meg, étanche, stab, chauffage ou couper un fil, agripper un bout. Etc... En revanche, la gauche est bien encombrée et je m’entraîne (une nouvelle fois) un bon moment pour distinguer au toucher, le robico du dil, celui de la wing et celui de l’étanche… Mieux vaut être paré à toute éventualité, non ?

Merdouille, y’a le primaire qui vient de passer en low bat (c’est cher les piles, 19 $, faut économiser !). C’est pas génial, mais il m’a déjà fait le coup. La lumière s’éteint par sécurité, mais l’injection continue. J’ai, au moins, 3 h de rab devant moi. En admettant que le primaire tombe en rideau en cours de déco, je pourrais toujours injecter à la mimine. Je pense que « Léon » ferait une crise cardiaque en apprenant qu’un gonze va se balancer à 200 comme ça… Moi, fort de ma rigoureuse formation m-ccr tap-tapeuse (ouarf, ouarf, ouarf), ça ne m’inquiète pas trop… et comme j’ai pas l’intention de passer professionnel, ou de faire du prosélytisme pour la Tauchschule du NPSF, j’m’en tamponne le coquillard (de fait, ça va rouler au poil non-stop).

On approche de T0, l’heure du « décollage ». Je palme tranquille jusqu’au parachute qui permet de descendre directos jusqu’à -30 m, sur le début du "Big Wall". Le J - P1 - est à côté de moi, prêt à suivre à T0 + 15’. Jano - P 2- est aussi tout équipé, ready pour un départ à T0 + 25’. Une fois Jérôme parti, il devra rester vigilant pendant les 10’ restantes, prêt à intervenir directement sur un envoi de parachute de ma part qui signifierait remontée en pleine eau, possible ratage du P1 et donc problos. Bon, tout à l’air en place… Let’s go.

Un signe vers Lol qui déclenche le chrono. Top : T0… Immerzione !

A partir de maintenant, je dois rejoindre les -200 m en 10’, au pire en 11’. Au-delà pas de runtime dispo, donc interruption de plongée et passage, soit sur Explorer, soit sur le RT prévu de 180m/11’.

C’est bien parti... Les -30 m sont atteints en un clin d’œil. Je bascule sur le mur et survole les surplombs. Ensuite ça file tout droit dans une faille et la roche devient un peu plus lisse… -60, -70, -80 m, tout est Ok. Je suis dans les temps… les blocs de sécu se suivent, bien en place… jusqu’à ce que… Bordel de merde de putain d’Adèle... c’est quoi ce bronx !!!

J’hallucine ! Dans les -90/-100 m, notre belle ligne de vie est venue, non pas croiser, mais carrément se vautrer sur la corde en place… Y’a des paquets de nouilles dans tous les sens…. Mama mia, mais comment est-ce possible ? On a pourtant tout largué à mini 15 m de la bouée… y’a eu un brusque courant de 10 nœuds qu’a drossé le merdier ? Un monstre sous-marin qui s’est amusé à emberlificoter le truc ? Une visite du capitaine Nemo ? Décidemment, on fait une belle bande de truffes.

Pour faire sobre et flegmatique, disons que c’est "ennuyant".

Fataliste, tout en maintenant la cadence de descente, j’essaie de repérer les blocs de sécu qui pourraient m’intéresser en cas de pépin. Ce « coup du sort », comme on lit dans les livres d’aventures, m’a un poil stressé et v’là que j’ai une oreille qui coince. C’est bien le moment ! Une petite pause. Heureusement ça repart sans problème.

Les -140 m sont atteints plus ou moins dans les temps. La visi est super et je reconnais le replat de vase décrit par Marco qui m’a précédé là il y a un an. En revanche, je dois pédaler un peu plus que prévu, avant de re-basculer dans le vide.

La suite déballone plein pot sur un extraordinaire mur compact et vertical... -150m, -160 m. Bien entendu, ça fait un bon moment que je balance des grandes baffes dans la tronche de l’ADV. Sinon la mécanique ne suivrait pas. Du côté du HUD, c’est les illuminations de Noël. Mais grosso modo on se tient dans les 1 de PPO2 demandés, parfois 0.8, parfois 1.2… voire peut-être autre chose, allez savoir avec tous ces clignotements ? Mais jamais hors limites, fixe rouge ou vert. En fait, je n’ai pas vraiment le temps de compter. Je n’ai que deux yeux et c’est pas le moment de se tanker dans un filet perdu ou une autre joyeuseté de la sorte.

-170m, ça descend pas mal vite et il faut commencer à s’occuper sérieusement des aérofreins. Je commence à y aller plus franchement sur l’injection d’air dans l’étanche. – 180m, « tiens , un bruit familier ! ». Chouette, c’est cette saloperie de grosse caque de détendeur qui part en débit continu, ou plutôt la soupape de cette bouse de…. APEKS bien sûr, vérifié et baissé en MP, mais pas révisé au sens propre du terme. Ô toi , l’ingénieur qui a conçu ce déchet industriel, je te maudis jusqu’à la 25èmegénération… J’aurai dû miser sur mes braves Comex, mais ayant connu récemment quelques désagréments, la confiance était en baisse, idem pour les Scubapro… Alors à quel Saint se vouer ?

Foutre diable, c’est pas le moment de se tromper de robinet (d’où l’avantage d’avoir bien révisé la procédure dans les 6 m). Bon, comme on est dans la « vraie vie », ça tâtonne un poil avant que ne cesse le son de l’immonde fuite. J’ai l’impression que ça prend des plombes, mais aujourd’hui, on ne distingue rien sur la courbe.

A cet instant, j’ai un énorme panneau lumineux qui s’allume dans ma tronche. Y’a un texte qui défile en lettres de feu : « Achtung, risque d’essoufflement… contrôle… maîtrise… respire tranquille… ». Un paramètre vital à gérer. Sinon, bye-bye les aminches (j’ai pas tout apprécié la vidéo de Dave Shaw).

Pendant cet incident, j’ai gardé pas mal de vitesse. Le mur des -200 approche à toute berzingue. « Allez zou, pas le choix », j’appuie à mort sur la Winge… A priori, c’est un Artic de confiance, révisé celui-là, mais à cette profondeur, allez savoir ? Chais pas pourquoi, mais je ne me vois pas rebondir d’un vigoureux coup de palme dans les -270 m ! Ouf, ça gonfle au poil. Je ralentis… me stabilise… le temps de me rendre compte que je suis arrivé sur un nouveau replat de vase immaculée… et tranquilo, me v’là parti à remonter… Un coup d’œil au poignet : -203 m, 10 minutes…. Par miracle, je suis toujours calé dans le RT.

Morale de cet épisode : y’a vraiment pas moyen d’avoir la paix dans ces plongées cake !

Heureusement, la suite est vraiment cool. Une énorme tranche de bonheur lacustre. A 10m/ min, le Meg bien stabilisé fonctionne parfaitement. Dans une fabuleuse visibilité, la Tilly porte aussi loin que possible. L’eau est bleue, pas froide (10°). Le Mur est démentiel, avec ses strates parfaitement empilées. C’est un régal esthétique. Je remonte bien décollé de la roche, dans le « blue », sans aucun sentiment de danger. La flotte est d’une qualité extraordinaire. Le calme est absolu. Là les mecs, j’ai vraiment l’impression d’être très, très loin de tout. Ailleurs, dans un rêve. Dans ces conditions, sans angoisse d’autonomie, le e-CCR est vraiment l’arme ultime ! La zénitude est totale.

Dans les -140 m, à la retourne, j’aperçois déjà la loupiote du "Brain". Le spectacle du merdier de la ligne de vie a dû lui faire plaisir, avec ses beaux détendeurs tous neufs, peut-être coincés à jamais !

-126 m, premier stop. Je lui fais signe que tout va bien. Je le rejoins ensuite. On fait un bout de route ensemble, bien qu’il ne doive pas trop tarder pour attaquer sa remontée. Premier point positif, le J a réussi à récupérer quelques blocs sur la ligne emmêlée.

Ah, voilà le Jano qui vient maintenant s’enquérir de ma santé et me tenir compagnie. On se ballade dans les failles et les surplombs de cette jolie partie du site au relief plus accidenté. Tout baigne. Au bout d’un moment, l’Alsaco se casse et c’est au tour de Laurent de prendre le relais, aux petits soins pour ma pomme… « The Great » me quitte dans les 30m. Je reste un moment seul et je décide, vu les incidents intervenus au cours de la descente, de basculer sur la déco du RT à 11’. Ça va rallonger la plonge de 50’ environ pour la porter à 4h55.

J’en informe le Fab quand il arrive à son tour. Et la suite de la déco se déroule ainsi , au rythme des potes qui se relaient pour venir me voir. Le chauffage apporte un confort énorme, je suis ravitaillé en soupe tiède, en bouillie bébé et en lait concentré. J’ai toute l’eau du lac pour m’hydrater. Je vois la nuit arriver lentement. Les poissons s’endorment peinards et j’émerge tranquillement au bout de la déco prévue.

Ben voilà, c’est fait. Tout le monde est super content. J’avais peur qu’ils ne s’ennuient, mais mes potes n’ont pas eu 5’ relax pendant ces cinq heures. Ils ont même marné comme des bœufs. D’abord avec la gestion de l’envoi régulier des plongeurs de soutien. Puis avec le rangement du matos, le pliage du zod… et, dernier miracle, la récupération de la ligne de vie. Vu le paquet de nœuds en bas, je ne sais pas comment ils ont fait, mais on n’a rien perdu. Quand je sors, bien sûr sans rien porter, il ne me reste plus qu’à boire un bon gorgeon. Comme un coq en pâte.

Comment qu’on fait dans ces cas-là ? Ben, on dit merci à toute cette bande de trous du cul. Que voulez-vous, c’est l’émotion, j’trouve pas de qualificatif plus affectueux.

Bernie

PS : zêtes pas prêts de me revoir à ces profondeurs. Quel bazar à organiser !

Disposition des gaz de sécurité

A noter qu’il s’agit des gaz obtenus et pas forcément des quantités, ni des mélanges idéalement planifiés.

Sur le plongeur

1 x 12 l de 10/70 à 300 b : 3600 l

1 x 12 l de 15/50 à 300 b : 3600 l

1 x 7 l de 19/35 à 270 b : 1890 l

1 x 7 l de 35/35 à 300 b : 2100 l

Sur la ligne de vie

A 100 m : 1 x 10 l de 15/50 à 200 b : 2000 l

A 80 m : 1 x 7 l de 17/50 à 300 b : 2100 l

A 60 m : 1 x 10 l de 24/45 à 200 b : 2000 l (considéré comme un joker)

A 50 m : 1 x 10 l de 21/40 à 200 b : 2000 l

A 35 m : 1 x 7 l de 37/30 à 300 b : 2100 l

A 27 m : 1 x 7 l de 48/25 à 300 b : 2100 l

A 18 m : 1 x 10 l de Nx 60 à 200 b : 2200 l

A 9 et 6m : O2 et de l’air en rinçage : 4000 l

Sécu surface: kit détendeur réglable DAN sur O2 (une fortune, mais du bon matos)

Stratégie de décompression (pour faire savant) :

Plongée à la table

1 ) VPMB-E, en nominal,

avec deux RT.

200m / 10’

200 m / 11’

Tout autre situation conduit à l’interruption de la plongée, sur Explorer ou à la table sur un RT de 180m/11’.

2) En cas de dysfonctionnement gérable du CCR : Passage sur OC en VPMB-E.

3) En cas d’incident grave et ingérable: Echappement sur OC en Bülhmann