Nha Trang Second Passage
Michel Michaut
Pendant le vol, qui me conduisait à nouveau à Nhatrang, j’étais chanceux et heureux de ne pas avoir été reconnu par les mêmes deux pilotes, qui m'avaient pourtant convoyé à Dalat. Ils transportaient beaucoup de passagers pour pouvoir les mémoriser tous. Le commandant militaire de Dalat m'avait donné un billet de recommandation pour le service des vols militaires de la base de Nhatrang, mais il n’était pas question à l’arrivée de me présenter au chef du service de la "military opération", le texan M.Stand, car il n’avait pas du apprécier le loupé de M. Grison.
Après l’atterrissage de cet avion à huit places, où j’étais le seul passager, les pilotes m’ont salué au bas de la passerelle et remis ma recommandation écrite, en me désignant du doigt le bâtiment de M. Stand. Je les remerciais poliment, mais au lieu d’aller vers ce bâtiment j’ai directement cherché la sortie.
Je me retrouvais ainsi pour la seconde fois sur la célèbre base américaine de Nhatrang. Lors de mon premier passage, je n’avais pas quitté la base, parvenant à trouver un vol pour Dalat, en piquant la place d’un conseiller militaire américain, un nommé Grison. Je n’avais jamais été dans cette ville, dont la plage était réputée pour accueillir les amateurs de station balnéaire et elle avait aussi les faveurs des coopérants français, qui appréciaient d'être nommés au lycée français de cette ville.
Je suis arrivé sur la base en fin de matinée vers onze heures et comme la police militaire n’était pas au rendez-vous pour m’arrêter, j’ai vite quitté la base toujours à la faveur de mon look américain pour gagner le lycée français de Nhatrang. Je m'étonnais toujours de pouvoir passer le poste de garde en saluant les militaires, qui me rendaient mon salut, sans soupçonner une minute que je ne puisse pas être un des leurs. Pourtant je trouvais les gardes statiques à l’entrée de la base pas très vigilants, car ils auraient du se demander pourquoi je circulais à pied et non en voiture.
Je m'a fallu gagner à pied le lycée français de la ville, après avoir demandé mon chemin et là à l’entrée du lycée, j’ai croisé un prof français, qui venait chercher son courrier, avec qui je me suis entretenu.
Il m’a tout de suite appris que le lycée était fermé et que les cours étaient suspendus en raison des graves événements, qui venaient de se dérouler à Nhatrang et dans tout le Vietnam. Il m’a invité chez lui et offert à déjeuner. Il était célibataire, mais vivait avec une jolie vietnamienne, qui parlait bien français et qui était une ancienne élève du lycée de cette ville.
Il m’a raconté que la première nuit du têt deux coopérants français, alors qu’ils étaient allés guincher dans un dancing à putes, avaient été au retour la cible de tirs dans leur Citroën. Aller savoir qui les avaient ainsi mitraillés et ils se sont retrouvés à l'hôpital grièvement blessés. Finalement, ils ne s’en tiraient pas trop mal, soignés à l’hôpital de la ville où ils y étaient encore. Cette histoire avait fait grand bruit en France, où les journaux en avaient fait la une de la presse française à propos des événements du têt.
Il m’a aussi raconté que les Viets avaient tenté de prendre la radio de Saigon et que l’ambassade américaine avait été attaquée et que l’Amérique entière en était humiliée. Il était visiblement très anti-américain, mais sa minette moins que lui, même si elle n’osait pas contrariée son discours.
- Et toi le têt. Comment c’était ?
- Tu sais, j’étais en vacances à Banméthuot. C’est une petite ville sans grand intérêt. Le seul ennui pour moi fut de revenir en raison de l’interruption des transports aériens et grâce à l’aide des Américains, j’ai pu venir ici ce matin et je dois me rendre si possible à Saigon.
- Bof tu as tout le temps. Reste avec nous jusqu’au rétablissement des lignes aériennes. Ah oui, les journaux français ont rapporté qu’un seul français est porté disparu depuis plus de deux mois, un prof de Dalat, qui fait une étude sur les Moïs dans les Hauts-Plateaux, dont on n’a plus de nouvelles. Avoue qu’il faut être timbré et inconscient en temps de guerre pour aller se promener dans les forêts chez les Moïs. Mais à part ce mec, le consulat est heureux de n’avoir que deux blessés dans ces événements tragiques.
Je me doutais que le disparu devait être ma personne, et non sir Sabot, dont on disait qu'il étudiait les Montagnards, mais sans certitude, car il se pouvait aussi qu’un autre prof ait entrepris une telle étude ethnographique.
Je n’ai rien dit, préférant rester dans l’anonymat, tant que je n’aurais pas gagné Saigon. Après le repas, il m’a conduit en voiture voir le consul de France de la ville, qui n’a rien pu faire pour un transport à Saigon, où je comptais pouvoir refaire mon passeport et ma carte militaire et pouvoir retrouver ma famille d’accueil vietnamienne de Gia Long. Le consul m’a conseillé lui aussi d’attendre la reprise des lignes aériennes civiles intérieures, sans se rendre compte que je n'étais pas en situation de pouvoir rester à Nhatrang par mes propres moyens.
De retour chez le prof du lycée, sa compagne m’a alors informé qu’il existait en ville un service américain, qui prêtait assistance aux réfugiés pour regagner leurs villes d’attache. Elle avait entendu parler de ce service à la radio vietnamienne. Elle accepta de me conduire à ce service, contre l’avis de son compagnon, qui négativement soutenait que les Américains n’accepteraient pas d’aider un Français.
On a laissé mon collègue faire sa sieste et je suis parti en compagnie de sa petite amie à la recherche de ce service. En voiture, à ma grande surprise, elle m’a dit :
- Vous êtes le Français disparu n’est-ce pas ?
- Qui vous fait croire cela ?
- Votre discrétion et votre petit sac de voyage pour vos vacances
Silence entre nous
- Et votre silence en dit long. Les journaux français racontent aussi que le disparu est ami des Viets qu’il côtoie pour pouvoir réaliser son étude chez les Moïs, en toute quiétude, malgré l’insécurité et l’interdiction de sortir des villes.
- Un traite à la cause vietnamienne alors ?
- Pas forcément. Cela dépend de quel côté on se place.
- Vous semblez avoir bien lu les journaux français.
- Oui ils sont à disposition à l’Alliance Française et cette histoire de ce jeune français disparu m’intrigue. Il se pourrait bien qu'il soit mort. Je trouve que ce coopérant est téméraire de préférer l’étude des Moïs à la vie nantie du milieu coopérant.
- Une vie de ministre, un peu trop néocolonialiste à votre goût ?
- C’est cela !
- Bon rassurez-vous, s’il est ami des Viets, il n’a rien à craindre de leur part et moi je suis plutôt l’ami des Américains, qui m’ont aidé à être ici et qui je l’espère vont à nouveau m’aider à gagner Saigon grâce à vous.
- Et peut-être Dalat ensuite.
- Pourquoi pas. Vous connaissez cette station balnéaire, havre de repos des colons et des autorités impériales d’antan ?
- Oui ! J’ai même visité les résidences impériales.
J’admirais l'à-propos et les réparties intelligentes de cette vietnamienne, aussi ravissante que fine d’esprit. Nous sommes arrivés au bureau d’entraide concernant les réfugiés.
À ce bureau, elle est restée à l'écart, me laissa opérer. L'employée vietnamienne s’étonna qu’un Français vienne demander assistance aux Américains. Le bureau ne pouvait pas me prendre en compte n’étant ni Américains, ni Vietnamiens ni Australiens ni Coréens et en plus sans papier d’identification. Comme ressortissant français, l’employée vietnamienne m’a déclaré qu’elle ne pouvait pas accepter mon transport, sans une autorisation écrite spéciale de l’ambassadeur américain de la ville, dont elle m’a donné l’adresse, car il y avait dans toutes les grandes villes vietnamiennes un ambassadeur américain pour s’occuper de leurs ressortissants.
Nous avons gagné la résidence de l’ambassadeur. Une superbe villa gardée par des soldats américains derrière des guérites fortifiées, entourées de sacs de sable et barbelés. Impossible pour mon guide de m’accompagner. Elle a du m’attendre dans la voiture et comme toujours je suis passé devant les gardes statiques en les saluant sans être arrêté.
Je suis tombé sur une tiba de l’ambassadeur, qui m’a conseillé de revenir vers 19 heures en raison de son absence au bureau et de son retour seulement en soirée.
Revenu à la voiture. Ma compagne déclara :
- Vous êtes un passe-partout. Vous avez vos entrées chez les Américains ?
- Chut ne le dites pas à votre ami OK ? J’ai rendez-vous ce soir pour 19 heures.
- 19 heures. Nous avons le temps de visiter la ville ou mieux la plage si vous voulez ?
- Je suis entièrement à vous jusqu’à 19 heures.
- Comment dois-je l’entendre ?
- À votre guise
- Les Français sont terriblement ambigus avec les femmes.
- Et certains très respectueux du charme asiatique.
- Préférant le charme des beautés moïs
- Comment voulez-vous résister à leurs seins superbes et leurs jolis petits pieds nus !
Elle riait. Une vietnamienne qui avait en plus de l'humour, je n'en revenais pas ! Nous avons passés le reste de l’après-midi ensemble à visiter la ville et surtout la plage sur laquelle nous avons marché longuement. La plage est immense une des plus longues que je pouvais imaginer.
J’ai adoré la compagnie de cette vietnamienne, qui à mon avis méritait un meilleur compagnon compte tenu de sa finesse d’esprit. Elle donnait envie de la marier et non d'en faire une simple maîtresse, que l'on quitte ensuite pour retourner au pays, comme le faisait bon nombre de coopérants. Dans tous ces jours sombres, elle a été un rayon de soleil. Surtout le niveau de conversation montrait qu’elle avait des possibilités intellectuelles de faire des études supérieures après son bac français. Mais son ami s’y opposait, désirant qu’elle en reste là pour lui tenir compagnie. Oh bien sûr elle avait à sa disposition des tibas pour s'employer à la domesticité de la maison de son ami et elle n'avait à s'occuper que de son lit, en menant une vie dorée certes, mais oisive.
Nous avons eu tous deux des conversations intéressantes en ce sens que nous avons abordé des questions dont je n’avais jamais eu l’occasion de parler avec un ressortissant vietnamien. Au début, elle me posa beaucoup de questions sur mes études universitaires à Paris et mes débuts d'enseignant à Dalat. Elle n'avait jamais voyagé dans son pays autrement que par avion. Elle ignorait que les trajets par route entre Dalat et Saigon étaient parsemés de coupures de route par les Vietcongs ou les bombardements américains des B52 et s'étonnait de mes aller retours par la route dans des conditions aussi risquées. Elle n'avait aucune idée de la guerre dans les campagnes, ni de la gravité des combats, qui se déroulaient dans son pays, ne pouvant guère imaginer les évènements de Banméthuot, dont je ne pouvais pas lui parler.
Puis nous avons abordé des questions comme la survivance du regrettable état d’esprit néocolonialiste dans la communauté française coopérante ou commerciale et la contamination rapide des nouveaux arrivants à cet état d’esprit. Je lui en expliquais le mécanisme et elle trouva mon analyse fort judicieuse. Pour moi en situation de coopérant, avec un salaire double de celui de la métropole sans impôt, sur place un loyer très faible dans de spacieuses villas coloniales, séjournant dans un pays où le niveau de vie est très bas et le change au noir très avantageux et enrichissant, les nouveaux arrivant pouvaient ainsi mener une vie de pacha, prendre des tibas pour les corvées ménagères ou leurs plaisirs sexuels et acquérir très vite le sentiment d’être "quelqu’un", d’autant plus que leur position d’enseignant hautement considérée en Asie leur conféraient une notoriété locale, qui les flattait en regard de l’anonymat de leur vie en métropole. Pour moi c’était là tous les ingrédients réunis pour devenir un néocolonialiste et vite ressentir un sentiment de supériorité sur les autochtones.
Je sentais que nous sympathisions rapidement, mais je suis resté correct ne voulant pas qu’elle garde de moi une image de Français se croyant tout permis en tentant de flirter avec elle, même si l’envie de le faire me dévorait les tripes.
À la tombée du jour, elle m’a reconduit chez l’ambassadeur. Je laissais mon guide dans la voiture et comme à mon habitude, je saluais militairement les gardes, qui n'étaient pas les mêmes en raison de la relève.
La nuit déjà obscurcissait le jardin et la villa aux larges baies vitrées, était éclairée de l’intérieur.
Devant les vitres, j’aperçois soudain dans le living un homme à cheveux blancs en compagnie des deux chefs opérateurs des transports civil et militaire de la base américaine MM Stand et Dove. Comment est-il possible qu’ils soient déjà avertis de mon retour à Nhatrang ? Avec eux c'est sûr que la prison m’attend. Que faire ?
Il fallait prendre une décision : pouvoir gagner Saigon ou rester à Nhatrang. Je ne pouvais pas être à charge des Français de cette ville.
À force de réfléchir, il me paraissait complètement improbable que les deux responsables des transports aériens de la base soient chez cet ambassadeur pour ma petite personne. Il me fallait forcer le destin et malgré tout prendre le risque d'y aller. On verrait bien.
Je suis retourné à la voiture.
- Tout va bien. L’ambassadeur est là. Il va s’occuper de moi. Je dois vous quitter. Rentrez et dites à votre ami que les choses vont s’arranger grâce à votre intervention.
- J’en suis heureuse, mais c’est dommage de vous perdre.
- C’est la vie, le hasard des rencontres. Sachez que j’ai bien aimé votre compagnie.
- Merci et si vous revenez à Nhatrang venez nous voir, promis ?
- Bien sûr ! Allez-y votre ami va s’inquiéter de votre longue absence.
Elle me donna l’adresse de son domicile pour que je puisse me faire raccompagner ou prendre un lambretta. De toute manière, j’étais sûr de la revoir et elle en paraissait contente, car si l'ambassadeur m'obtenait un vol pour Saigon ce ne serait pas dans l'immédiat.
La voiture s’est éloignée. Je suis resté seul un moment sur la route, avec regret d'avoir perdu la compagnie de cette charmante vietnamienne pour finalement ne pas trop savoir ce qui m'attendait chez l'ambassadeur. J’ai encore hésité à retourner vers la villa qui était peut-être un piège ; mais trop tard, il ne m'était plus possible d'avoir le secours de cette vietnamienne et en pleine nuit avec le couvre-feu il m'aurait été impossible de retrouver sa maison. Je ne suis décidé d'affronter à nouveau l'inconnu.
Je passais à nouveau sans contrôle l’entrée militairement gardée, pour avancer vers les baies vitrées sans rideau. À travers les vitres, je regardais assis sur un canapé Stand et Dove en compagnie de cet autre homme plus âgé, qui pouvait bien être l’ambassadeur. Je restais là immobile indécis. Mais comment était-il possible que les deux opérateurs soient informés de mon retour. Personne n’avait pu signaler ma venue, à moins que les deux pilotes aient été prendre de mes nouvelles auprès de M. Stand ? Mais personne ne connaissait même mon nom ; par contre une description de ma personne pouvait avoir été significative pour les deux opérateurs. Peut-être venaient-ils en rendre compte à l’ambassadeur ? Je restais là à réfléchir. Quelle décision prendre ? Si je n’allais pas voir l’ambassadeur mes chances de rallier Saigon s’effondreraient. Mais quel crétin! Je pouvais aussi revenir demain et retourner chez mes hôtes de Nhatrang en leur expliquant un nouveau rendez-vous. Je regrettais d’avoir renvoyé ma convoyeuse, car je n’avais pas d'argent pour rejoindre en lambretta leur domicile avant le couvre-feu de 20 heures. Que faire ?
Je suis resté longtemps devant la grande baie vitrée de la villa, hésitant à sonner à la porte, en observant, à travers les baies vitrées éclairées, les convives, qui semblaient détendus autour d’une table basse avec sur sa desserte un service d’apéritif.
Je me suis alors souvenu que, dans l’Ouest les Américains apprécient les gens audacieux, admirant les gens entreprenants comme au temps de la conquête du Far-West, ne manquant pas d’à propos et d’humour et M. Stand était un texan.
Il fallait carrément y aller et on verrait bien ce qu’il en adviendrait. J’ai pris alors la folle décision de sonner et de jouer sur la surprise et l’humour. La même tiba est venue m’ouvrir. Elle est allée prévenir l’ambassadeur, qui est venu à ma rencontre, il s'informe de mon nom et nationalité, pour ensuite m’inviter à le suivre dans le living.
À mon apparition, j’ai bien perçu l’étonnement sur le visage des deux chefs opérateurs. Non visiblement ils ne savaient rien de mon retour à Nhatrang.
L’ambassadeur, cela se voyait d’emblée dans sa démarche, ses gestes et le velouté de sa voix, était un diplomate ayant reçu une bonne éducation, aussi avec politesse, il me présente à ses visiteurs :
Permettez-moi de vous présenter….
Inutile Monsieur l’ambassadeur, je connais très bien Monsieur Stand et Monsieur Dove, chefs incontestables des services des transports militaires et civils, dont j’ai déjà bénéficié, grâce à leur sens de l’organisation, d'un vol imprévu sur Dalat.
L’ambassadeur, étonné, me regarde, puis se tourne vers ses hôtes qui confirment.
- Oui nous connaissons bien cet enseignant français, monsieur l’ambassadeur.
- Il faut que je vous raconte, monsieur l’ambassadeur, dans quelles circonstances j’ai déjà eu affaire avec vos hôtes, si vous me le permettez, car c’est aussi l’objet de ma visite.
- Faites je vous prie. Mais voulez-vous un whisky ?
- Merci, je ne bois pas d’alcool, monsieur l’ambassadeur, par contre, un jus de fruit ne serait pas de refus.
- Bien sûr
Il fait signe à sa tiba, qui attendait discrètement dans l’embrassure de la porte son ordre, pour servir le nouvel hôte.
Je lui racontais alors en détail mon épopée à la base de Nhatrang et comment j’avais pris la place d’un conseiller américain pour gagner Dalat, tout en dégustant un jus d’orange, apporté par la tiba. Mon récit amuse l’ambassadeur, devant les deux chefs opérateurs médusés.
À la fin de mon speach, M.Stand ajouta :
- Je me permets de vous dire, monsieur l'ambassadeur, que prendre la place d’un autre passager est des plus dangereux, pas pour le clandestin, mais pour le vol du pauvre Grison furieux d’avoir vu son avion partir sans lui, car il a fallu organiser un nouveau vol en urgence pour lui seul, sans avoir toutes les informations de sécurité côté Viets, qui n’arrêtent pas de tirer des rockets sur nos avions.
- Je crois dit l’ambassadeur que ce jeune Français est à la hauteur de la réputation de ses compatriotes audacieux et téméraires. Alors maintenant dites-moi ce qui vous amène ici ?
- Et bien monsieur l’ambassadeur c’est le bureau des réfugiés qui m’envoie pour solliciter auprès de votre haute bienveillance une autorisation pour un vol sur Saigon, afin de pouvoir refaire mes papiers et tirer de l’argent de mon compte en France, car totalement sinistré par l’attaque de Dalat, qui a détruit mon domicile en mon absence, je me retrouve complètement démuni.
- Je vois dit l’ambassadeur
C’est alors que M.Stand prit la parole :
- Si vous me le permettez, monsieur l’ambassadeur, j’ai une question à poser à ce jeune Français. Dites-moi vous désirez gagner Saigon quand exactement ?
- Ben, compte tenu de ma situation, le plus vite possible.
- Eh bien demain 10 heures en matinée, cela vous conviendrait-il ?
- Parfaitement.
- D’accord mon bonhomme top là (il me tend sa main). Demain à mon bureau sans faute. Car, monsieur l’ambassadeur, si on ne lui donne pas un avion, ce gaillard risque encore d’en piquer un autre et foutre la merde dans nos transports.
Ce fut un éclat de rire général et l’ambassadeur leva son verre pour le succès de cette prochaine opération. Ensuite, je racontais mes aventures à Banméthuot, et mon témoignage sur l’attaque de cette ville et ses conséquences, qui ont captivé l’attention de mes interlocuteurs.
Du coup les deux chefs opérateurs en quittant l’ambassadeur m’ont invité à dîner au mess des officiers de la base et ils ont même débouché une bouteille de champagne en fin de repas et offert un gîte sur la base pour une nuit, ce qui fait que le lendemain je n’ai eu aucune difficulté à 10 heures de me présenter au bureau de M. Stand, qui comme convenu m’a offert un vol pour Saigon le matin même.