L'orage

Photo: Julie Boulé

Attention - Ce texte a été écrit au début des années 90 lors d’un atelier qui avait pour thème les contes et légendes folkloriques, si je me souviens bien. Il me semble qu’il fallait créer une nouvelle légende. Moi j’avais pensé raconter l’histoire du point de vue d’une personne qui a réellement vu l’événement, avant que ça devienne une légende. Le texte a été tapé tel qu'il a été écrit à l'époque et n'a pas été retouché depuis.

L’orage

Un vent chaud faisait onduler vigoureusement les longues herbes vertes, derrière moi. Si les nuages n’étaient plus au-dessus de ma tête, c’est qu’ils s’étaient tous amoncelés au même endroit, formant une énorme masse noire au-delà des champs, au-dessus du village. Ça allait cogner dur. Déjà, un énorme flash immobilisait le paysage, l’instant d’une seconde. Puis est venu le tremblement de ciel.

Il devait sûrement pleuvoir sur le village car le clocher de l’église était devenu presque imperceptible.

Je quittai donc ma confortable position, adossé à un arbre et les pieds dans l’eau, puis rangeai mon matériel de pêche. Le vent soufflait dans ma direction et entraînait sans doute l’orage dans sa suite. Je pénétrait alors dans la forêt et me blottis sous une petite épinette, trop petite pour pouvoir rivaliser avec les érables et les épinettes adultes, dans ce concours où le plus grand perd, sous le coup des 750 000 volts.

J’attendis une bonne heure sous mon épinette, attendant que l’orage me rejoigne, mais il ne vint pas. Pourtant il aurait dû arriver il y a une demi-heure ou, au pire, quinze minutes. De plus, j’entendais encore le tonnerre résonner au loin, alors qu’il devrait être ici, tout près.

Je sortis de ma cachette et regardai vers le village. Les sombres nuages étaient toujours au-dessus de celui-ci, se délestant d’un nombre incroyable d’éclairs, dont la moitié s’en prenait au clocher de l’église.

Je n’avais jamais vu un orage si fort, qui en plus ne se déplaçait pas, malgré les forts vents en ma direction.

Puis, je m’aperçus, à la courbure des arbres que je voyais au loin, vers la gauche comme vers la droite, que le vent semblait avoir une trajectoire excentrique, dont le centre était le village.

Cette température dura six heures, puis disparut tout d’un coup, par l’éparpillement des nuages, qui étaient redevenus blancs.

Sur le chemin du retour, aux abords du village, je remarquai la démarcation très nette entre le sol imbibé d’eau et celui, aussi sec que ce matin, aussi sec que les champs et la forêt, démarcation qui faisait le tour du village.

On parla de la malédiction du village de St-André dans tous les journaux, même dans les grandes villes, laissant les scientifiques se perdre en conjectures, expliquant que la forte teneur en métal de la charpente de l’église, combinée à des vents irréguliers, pouvait être la cause de ce phénomène.

Était-ce vraiment un phénomène naturel? une malédiction? Quoiqu’il en soit, ces heures passées à regarder l’orage m’ont données des frissons de peur et d’admiration. On en parlera encore longtemps.