L'ancien château de Diest et le château Moncheur
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En 1602, le peintre valenciennois Adrien de Montigny a peint sur commande du duc Charles de Croÿ plus de 2 500 gouaches pour illustrer les fameux Albums de Croÿ. Il s’agissait de cartographier et représenter par des vues cavalières les paysages des villes, villages, forêts, cours d’eau, châteaux et propriétés appartenant à l’époque au duc Charles de Croÿ, ou des provinces où ce duc a exercé une autorité administrative au tournant des 16ème et 17ème siècles. Les arrières plans semblent avoir le plus souvent été faits de mémoire, ou reconstitués et inventés en atelier, en hiver, alors qu’il faisait ses croquis de terrain du printemps à l’automne. Ces arrière-plans, tout comme les premiers plans (souches, arbres, talus de chemins...) ne sont donc pas toujours fidèles. Mais les vues de villages et de châteaux sont considérées comme des documents historiques de grand intérêt, même si les historiens y ont rétrospectivement noté quelques erreurs (dans les orientations par exemple).
Voici une copie de la gouache représentant Atrive et Avin (AVLTRINES ET HAVES). La vue est prise du nord-ouest.
Cette peinture montre, en arrière-plan, le hameau d'Atrive dominé par l’église Saint-Lambert présentant une tour de belle hauteur.
Au premier plan, le hameau d'Avin se déploie le long du ruisseau de la Fontaine Streel, masqué derrière une rangée d’arbres taillés en boule.
À droite de l’ancienne chapelle Saint-Etienne d'Avin, un peu plus loin, se dresse le « château et résidence du seigneur de Warisoul » constitué de deux hautes ailes perpendiculaires sous un toit d’ardoises, flanquées d’une tour en poivrière et percées de nombreuses ouvertures aux niveaux supérieurs. Une enquête judiciaire de 1586 révèle qu’il est construit entièrement en briques et pierres et qu’il comporte de fortes murailles. C’est de nos jours l’emplacement de l’ancien château de Diest.
Les Jésuites, qui avaient peut-être occupé le château d’Avin avant son achat par Mathieu d’Olne à la fin du 17e siècle, avaient pris possession alentour d’un grand nombre de terres et des deux grandes fermes en carré visibles au centre et dans le coin inférieur gauche de la carte de Ferraris.
La ferme du centre avait remplacé le château du seigneur de Warisoul, représenté à droite de l’église sur la peinture d’Adrien de Montigny. La ferme du bas était située à proximité de la source du ruisseau de la Fontaine Streel.
Le marquis Jean-Claude Bernardin de la Valette-Chabriol, de vieille noblesse française, et son épouse Marie Catherine Théodore, Baronne de Kettenis, avaient fait construire un château à Hannut en 1781, connu de nos jours sous le nom de château Snyers, drève du Monastère. Le marquis, en parfait courtisan et par intrigues, parvint à obtenir le 1er juin 1786, lors du retour du voyage dans les Pays-Bas autrichiens de Joseph II, un diplôme signé de l’empereur. Celui-ci lui donnait l’autorisation d’ériger ses propriétés en margraviats, comtés, vicomtés et seigneuries, avec remise de taxe pour lui et ses descendants. Il acheta à Avin les quinze terrains domaniaux qui appartenaient à Sa Majesté Impériale, repérables sur la carte de Ferraris par le signe A :S :M. , ainsi que les deux fermes dont il est question ci-avant.
Le marquis de la Valette, fort de son droit, espérait faire d’Avin une seigneurie. À la suite de la bataille de Fleurus en juin 1794, les Autrichiens quittèrent nos régions, qui furent annexées par la France. En 1795, la jeune République française supprima tous les titres de noblesse et ses privilèges. Le marquis dût vendre ses biens. C’est ainsi qu’il revendit ses terres situées à Avin et les deux fermes, l’une au prince de Ligne (celle située près de la source du ruisseau), l’autre à M. Claravo (on trouve aussi l’écriture Claraveau).
Quelques années plus tard, la princesse de Ligne, devenue veuve, céda sa ferme et ses dépendances à la famille Streel. M. Claravo vendit la sienne à la famille de Diest en 1810.
Lambert Streel fut bourgmestre d’Avin pendant la période hollandaise. Ses descendants continuèrent à occuper la ferme jusqu’en 1908. La famille Streel s’en alla alors s’établir à Léau (Zoutleeuw). Les matériaux de la ferme Streel, démolie au début du 20e siècle, servirent à beaucoup de particuliers pour construire des étables, des granges,…
Après le départ de ces fermiers, leur grande propriété fut partagée par les cultivateurs d’Avin désireux d’agrandir leur surface cultivable. Ce morcellement fut le point de départ d’une amélioration des conditions de vie, qui n’allait cesser de s’accroitre qu’à la crise des années 1930. Il ne reste aujourd’hui aucune trace de la ferme Streel.
Le nom de Streel est resté attaché à la source et au ruisseau de la Fontaine Streel. Autrefois les habitants de la région venaient s’approvisionner en eau de qualité à la fontaine. Hélas, depuis quelques années, les mesures ont montré que l’eau n’est plus potable.
Comme signalé précédemment, Jean-Philippe de Diest, originaire de Jandrain, habitait Marneffe, et était le plus grand propriétaire terrien de la province : il possédait plus de 800 hectares de terres, dont 440 à Avin. À sa mort, son demi-frère Jean-Nicolas hérita de ses biens. Le fils de ce dernier, Jean-Baptiste, fut bourgmestre d’Avin de 1858 à 1861. À cette date, il mourut et son fils, également prénommé Jean-Baptiste, reprit l’exploitation et la transforma presqu’entièrement. Il fit notamment transformer la grande ferme en château, appelé par la suite château de Diest. Quelques dépendances furent démolies. Il se consacra principalement à l’élevage de chevaux de concours. La photographie ci-après montre l’aspect qu’avait le château vers 1920.
La femme de Jean-Baptiste de Diest, née Maria Claes, donna en 1906 une partie de sa grande fortune pour favoriser la construction de la nouvelle église, du couvent et de l’école, du presbytère et de la salle paroissiale. Son époux décéda en décembre 1911.
À proximité de la ferme Streel se trouvait également la petite ferme de Diest. Elle fut notamment exploitée de 1926 à 1956 par Alphonse Piron, originaire de Merdorp, pour le compte de Madame Claes veuve de Diest. Il fut bourgmestre d’Avin de 1932 à 1958.
Sur la carte Popp datant des années 1870, nous pouvons mieux situer l’emplacement de tous ces bâtiments.
La photo aérienne ci-après montre la petite ferme de Diest en 1965.
Madame Claes mourut en 1927. Le château et la ferme furent hérités par sa nièce, mademoiselle Gabrielle Moncheur de Rieudotte, qui décéda en 1942. Elle légua ses propriétés à son frère, Camille Moncheur. Son fils Jean Baptiste Moncheur fut bourgmestre d’Avin de 1959 à 1976. Ce fut le dernier bourgmestre d’Avin, avant la fusion avec Hannut.
Le château, qui avait été construit sur un lieu humide, le long du ruisseau de la fontaine Streel, était peu confortable et inchauffable. Quelque peu négligé par Jean Baptiste Moncheur, il fut rasé en 1971.
La petite ferme voisine, peu entretenue également, fut rasée vers 1985. Il n’en reste qu’une grange, encore bien visible aujourd’hui à partir de la rue A. Piron. Elle est isolée, au bout d’un chemin partant de la Fontaine Streel. Cette grange, en briques, date du milieu du 19e siècle. Elle possède une entrée charretière à arc cintré en calcaire à claveaux passants un sur deux. La clé trapézoïdale porte la mention IBDD/1850. Le montant droit de l’arc se prolonge jusqu’à l’angle du bâtiment, pour le renforcer. Le pignon présente des oculi à encadrement de briques. Le toit est en tuiles. La pointe du toit est recoupée (bâtière à croupette).
Jean Baptiste Moncheur décéda en 2003. C’est un de ses fils, Pierre, qui a repris ce qui reste du domaine. Les anciennes écuries du château ont été transformées en belle bâtisse, entourée d’un grand parc arboré relié à la rue des Limonadiers par une drève. De l’autre côté de la rue, cette drève est prolongée par l’allée des marronniers, qui conduit au site de l’église.
Si à présent il reste peu de traces de l’ancien château de Diest, il est encore possible d’admirer, sur la hauteur en face de l’ancien château, l’œuvre que Madame Maria de Diest-Claes a réalisée grâce à sa très grande générosité. Tous en profitent encore aujourd’hui. Bravo et merci Madame !