Le collège

Lundi 03 septembre : la prérentrée

On se retrouve tous (12 prof, 1 secrétaire, 1 pion et le directeur) autour d'une table à 9 h

On commence par la lecture d'un texte évangélique

Puis les nouvelles de base. Sympa : pas de grand discours.

Puis distribution des emplois du temps : comme partout, cela tousse. Comme partout : c'est la faute au logiciel qui est trop compliqué.

Puis question : soit on continue cette après midi, soit on revient demain (malin le directeur, sauf que l'après midi il en manquait déjà un tier)

Puis, vers 10 h, jus de fruit, café, croissant.

10 h 30 : on se retrouve avec les collègues du primaire sous le carbé (voir photo)

2 religieuses arrivent et on commence par un chant religieux.

Puis lecture d'une évangile (la femme adultère) suivit d'un débat sur la triche, le pardon et la punition. Moi je sort mon principe : "quand j'attrape un élève en train de tricher, je lui dis : je ne te punie pas parce que tu as triché mais parce que tu à mal triché puisque je t'es surpris".

Puis lecture d'une autre évangile sur la grappe de raisin suivit d'une discussion : l’évêque, c'est les racines ; les prof, c'est les sarments et les élèves sont les grains, ...

Ensuite, un long discours de la mère religieuse qui nous explique que nous devons amener Jésus dans les classes, ne pas chercher à commenter l'évangile mais apporter l’évangile comme une vérité pure et indiscutable.

LA, JE ME SUIS DEMANDE SI JE NE DEVAIS PAS ME PRÉCIPITER A L’AÉROPORT POUR REPARTIR EN MÉTROPOLE.

Et on a terminé par un "je vous salut Marie, ..."

12 h : Pas de repas prévu. Tout le monde part dans sa chacumière.

Heureusement, un groupe de prof qui ne réside pas à Cacao mais à Cayenne comme moi m'invitent à les accompagner au restau (le seul que l'on puisse appeler restaurant la bas). C'était très sympa et on a tout de suite organisé des covoiturages (on est trois dans le même quartier).

Bémol : les autres prof sont très sympa et m'ont très bien accueilli mais ils ont leurs petites habitudes comme partout.

15 h : terminé, la journée est finie. Retour à la maison, 20 minutes dans l'océan, une bonne bière, ... Le bonheur.

Voila, je redémarre jeudi après midi ; j'ai un peu de temps pour me remettre.

Jeudi 06 septembre : la rentrée :

Et voila, c'est parti. J'apprends plein de choses petit à petit.

Jour de la rentrée : le directeur fait son petit discours et surtout le rappel du règlement : Point phare : la tenue : tee shirt bleu pour tout le monde et djinn (bermudas interdits) pour les garçons et jupe "EN DESSOUS DES GENOUX" pour les filles. "LE TEE SHIRT DOIT ÊTRE DANS LE PANTALON OU LA JUPE". Un gamin se fait gronder car il avait le tee shirt en dehors. Un autre se fait retirer sa ceinture car la boucle est trop ostentatoire. J'étais derrière les élèves et repère un petit 6 ème complètement pommé. Grave : il n'avait pas compris pour le tee shirt. je le prend à part et l'aide à s’habiller correctement. Il évite l'engueulade.

Puis discours de la religieuse : "il faut travailler, ...". En terme d'efficacité !!!

Il y a une centaine de Hmong et une soixantaine "d'autres" (surtout des Brésiliens) qui viennent de Cayenne et des alentours dans des bus du Conseil Général. J'ai compris que certaine familles envoyaient ici des enfants difficiles dont personne ne veut. (voir Bétharram chez nous il y a quelques décennies).

Je vais prendre ma première classe mais, ici, je suis le seul débutant (à 56 ans !) et pour mes collègues le fonctionnement est tellement normal que personne n'a pensé à me l'expliquer. J'arrive devant la classe. Tous les élèves sont en rang par deux le long du mur. j'ouvre la porte et rentre en disant "on y va". je commence à ouvrir ma sacoche, je lève les yeux : personne !!! je n'avais pas dit "entrez". Je dis donc "entrez" et ils rentrent. Je dessine une carte de France au tableau pour leur montrer d'où je viens. Je me retourne : ils sont tous debout à coté de leur siège. je n'avais pas dit "assoyez vous" !!!. Je dis donc "assoyez vous". A la fin du cours, je leur dis "bon, et bien à la semaine prochaine". je range mes affaires et les retrouve, encore en rang par deux, dans la classe, devant la porte. Il faut que je dise "allez y". Et cela pour tous les cours. En plus, semaine de rentrée oblige, plusieurs collègues ou administratifs durent rentrer dans ma salle et moi même dans celles de collègues. A chaque fois, toute la classe est debout en 2 seconde. Cela fait un tel bruit de chaise que je sursaute à chaque fois. Au moins, je suis prévenu que quelqu'un rentre dans ma salle. C'est pas mal pour les sourds. J'aurais du mettre cela en place à Beau Frêne.

Problème de sourd : les Hmong sont très timides et parlent très doucement. je suis obligé de me rapprocher très près pour comprendre ce qu'ils veulent dire.

Second problème de sourd : ayant la seule classe climatisée (à cause des ordinateurs, pas pour mes beau yeux), je ferme la porte mais du coup, je n'entends pas la sonnerie. Comme ils n'osent rien dire, j'ai déjà fait 3 cours à rallonge de 5 ou 10 minutes. Seul les troisièmes m'ont fait une remarque mais le gamin avait avancé sa montre.

Autre truc amusant : En sixième, deux jeunes filles, plutôt que de lever le bras lorsqu'elles ont besoin de moi, m'attrapent le tissu de la jambe de mon pantalon et tirent. La semaine prochaine, je leur expliquerai la démarche conventionnelle.

C'est marrant, par moment j'ai le sentiment d'être un "grand père".

26 septembre

Histoire de contrôle :

Jeudi et vendredi dernier, j’organise un petit contrôle écrit (3 questions) aux 5ème, 4ème et 3ème. Ils râlent un peu. Il faut bien 10 minutes pour que tout le monde s’y mette.

J’écris les questions au tableau : « Il faut écrire tout ça ? » « Oui, et même les réponses ! »

Je récupère les copies et les feuillette. Où la la. Certaines sont totalement illisibles, d’autres incompréhensibles, … La, il me faut de l’aide. Je discute avec des collègues qui me disent qu’ici, pour certains, le Français est la langue « de l’école ». Chez eux, ils utilisent leur langue maternelle (différentes langues pour les descendants d’esclaves, Hmong pour les gens de Cacao, Portugais pour les Brésiliens et Français pour quelques « métros »). Pour la plupart, ce sont des langues qui n’ont pas d’écrit (et donc pas de lecture non plus). Ils sont par exemple très doués pour la musique ou les langues étrangères à l’oral.

Bref, je prépare mes critères pour corriger (120 copies, même si elle ne dépasse pas une page, il me faut de la méthode)

Avec mes anciens critères de métropole, peu auraient dépassés 4/20 alors qu’il y a régulièrement 100 % de reçus au brevet ici. Mais une collègue m’a glissé à l’oreille que le brevet guyanais n’était pas le même que celui de métropole.

    • Je supprime la présentation.

    • Je supprime l’orthographe et la grammaire.

    • Je supprime les approximations.

    • Je conserve le concept de « hors sujet », il ne faut pas exagérer !

    • Je cherche si le « concept » demandé est présent quel qu’en soit la formulation.

Bref, j’arrive à une moyenne par classe entre 11 et 12.

Ce mardi, je rends les copies. Pas trop de commentaires. Je leur demande d’écrire le corrigé au dos de la copie. Où la la ! Au moins dix minutes avant que tous s’y mettent : « Et pourquoi j’écrirai le corrigé puisque j’ai eu 13 ? » « Parce que j’ai été très généreux et qu’il te manque 7 points ! »

Je marche dans les rangs pour vérifier et vois une élève qui écrit en idéogrammes. Je la questionne : « je vous ais demandé de copier le corrigé, pas de faire des dessins » « mais c’est ce que je fais, mais en Chinois ». Zen Pierre, Zen ! Je lui explique que j’aurai énormément de mal à l’aider dans ce cas.

Ensuite, règlement, règlement : Je fais marquer la note dans le carnet de liaison pour les parents. Je repère quelques loustics qui l’écrivent au crayon. Il faudra ensuite que je vérifie que les parents ont bien signé la copie.