Pourquoi aimer la Guyane ?

Le texte si dessous n'est pas de moi. Il est "emprunté" à "Farouk Amri"

Il m’est arrivé ici et là de dénoncer les fléaux qui sévissent en Guyane : la violence, la cherté de la vie, l’échec scolaire, le chômage, en particulier celui des jeunes, les frontières passoires qui ne contredisent pas l’enclavement ressenti…

Pourquoi, dans ces conditions, continuer à vouloir vivre en Guyane ?

Pour les 40% de rémunération supplémentaire (je suis fonctionnaire) qui me permettent d’échapper à la prolétarisation des enseignants de Métropole ? Je dirais oui mais pas seulement car il existe des plans autrement rémunérateurs (la Réunion, les Collectivités d’Outre Mer, les postes d’expatriés) ou matériellement plus intéressants (les Antilles où le coût de la vie est bien moindre qu’en Guyane).

Alors, concrètement, pourquoi ? J’aime le Péyi pour plusieurs raisons.

D’abord, le champ de liberté qu’offre la Guyane. Aucun autre territoire français n’autorise cette possibilité de s’évader à peu de frais sur les quelques 95 % d’une surface plus grande que le Portugal. Ici, pas de mention « propriété privée » ou « tabou ». Sur un simple coup de tête, on peut partir se ressourcer loin de tout. Emprunter un carbet ou en réaliser un (une bâche, un hamac, deux-trois sangles, une machette, un… bon, j’arrête avec mon côté baroudeur). Se retrouver en pleine forêt pour une nuit, une semaine, un temps indéfini. Canoter sur les fleuves à la recherche de criques mystérieuses et magiques.

Ensuite, le champ de la citoyenneté. C’est étrange, mais plus le temps avance, plus je me sens guyanais. Certains me le contestent mais, a contrario de l’Hexagone, il est facile de passer par-dessus.

Ici, on ne vous demande pas une assimilation avec rejet obligatoire de votre patrimoine culturel et cultuel pour être reconnu français. Ici, l’amour et le respect du Territoire suffisent pour être reconnu guyanais.

Et si la vraie nation Arc en ciel était ici, en Guyane ? Je ne parle pas de l’origine géographique des gens, la Seine-Saint-Denis par exemple fait mieux en termes de diversité. Je parle de composantes ethniques : Créoles, Noirs marrons, Chinois, « Métros », Surinamiens, Brésiliens, Haïtiens, Hmongs, Amérindiens et… quelques Arabes qui toutes participent pleinement à créer un creuset guyanais.

En parallèle, le champ de l’humain. D’une part, la courtoisie qui résiste de façon générale dans les DOM et autres COM et qui se perd dans l’Hexagone. Si l’Autre vous est inconnu, aucune chance pour qu’il vous salue si vous le croisez à Paris. C’est peu me direz-vous mais tellement, tellement important. La courtoisie, ciment du lien social. D’autre part, la pauvreté n’a pas de couleur. Les vêtements que vous portez ne vous cataloguent pas socialement. On peut être en tongs/savates, short et tee-shirt et payer l’ISF. Sur ce point, j’espère que les uniformes portés par les collégiens guyanais perdureront afin d’éviter la concurrence publicitaire exacerbée à laquelle se livrent les gamins dans l’Hexagone.

Et aussi le champ de la Nature. Quelle joie de voir les bords de mer vierges de toute construction ou non annexés par des particuliers (merci la mangrove). Qui n’a pas fait au moins une fois la route entre Nice et Menton ne peut pas comprendre mon ressenti. Ici, pas de plages bondées.

Sans oublier le champ du partage. Dans son symbole premier, le Carnaval, Arc en ciel ethnique qui se mélange pour une longue, voire très longue, période de fête.

Le partage également dans les nombreuses manifestations culturelles ouvertes à tous.

Enfin, le champ des possibles. A vue d’œil, le pays se modifie. Par certains aspects, il est émouvant d’assister en direct à la construction d’un pays. Une simple idée couplée à de la volonté peut faire de n’importe quel quidam un homme riche… d’abord humainement.

Objectivement, la Guyane n’est pas seulement belle à vivre. Elle a un caractère envoûtant. Objectivement, des pauses régulières au « Guyane bashing » s’imposent.