La Racine

de VITA FONS II®

Nous sommes en 1933 dans la plaine de l'Alentejo au Portugal. Elizabeth Bellhouse a seize ans.

« J'étais partie de la Quinta do Ribeiro do Baccho..., j'étais en train de faire quelque chose que je faisais suprêmement bien : j'étais à cheval - comme toujours, seule - dans la plaine de l'Alentejo. Ce serait ce jour-là - en cet endroit et dans ces circonstances alors que j'étais en pleine forme, au mieux de mes capacités, et gaie - au point de ravissement - ... - que je traverserais la frontière la plus reculée de l'intellect fini.

Alors que j'étais en train de connaître la plénitude de mon soi de seize ans, survint une Expérience qui devait intensifier et colorer la Vie qui était en moi. J'étais sur le point de quitter la dualité (le duo-vers lui-même) et de pénétrer dans l'Unité.

Tendue et alerte, Jane ma petite jument bien aimée aux oreilles alertes, à la crinière et à la queue soyeuse, trottait, l'oreille gauche pointée avec intérêt en avant - son attention portait à la fois sur le terrain accidenté et sur tout ce qui nous entourait. Son oreille droite était dressée en arrière avec autant d'intérêt - elle était aussi vigilante à mon égard, moi qui était le centre de son cœur. Sachant qu'elle prendrait grand soin de ne pas le heurter avec ses sabots, Pucky1 courait à côté d'elle en bondissant, jouissant de la rigoureuse forme athlétique de son propre corps et des senteurs capiteuses qu'il n'avait le loisir d'étudier, notre course ne lui permettant pas de s'arrêter un instant.

C'était le printemps, le soleil était suffisamment chaud pour faire sortir l'âcre parfum des grands eucalyptus à un demi-mile2 sur la gauche. Des guêpiers aux nuances éclatantes étincelaient, en vol piqué, d'un azinheira à un autre le long du cours d'eau voisin, tari. Au-dessus de nos têtes, bien que lancées en l'air en des salves extatiques, des alouettes montant en flèche - des paquets d'oiseaux voltigeant, poignants et minuscules - chantaient encore et encore. Le ciel était une cascade de chants d'alouettes.

Tout autour, s'étant métamorphosés à partir de chenilles gauches et disgracieuses, et ayant ensuite subi une complète dissolution pour devenir de splendides créatures ailées, des papillons de tailles, formes, et couleurs diverses, voltigeaient avec inconséquence de fleur en fleur, puis décrivaient des spirales les uns autour des autres, se heurtaient, se séparaient, et se laissaient glisser à nouveau.

 À mesure que nous avancions, le clip-clop saccadé des sabots de Jane faisait se taire un instant les criquets. Avant qu'ils n'eussent repris leur chant nous étions passés. Jane, Pucky et moi avancions avec précaution et cependant rapidement, au centre d'une bulle hermétique au bruit des criquets, qui nous accompagnait dans notre course.

Des lézards vert bronze, la tête haute, s'arrêtaient pour nous regarder fixement, et - perdant soudain courage - filaient se mettre à l'abri. Des fourmis à la mâchoire féroce filaient à toute allure avec leur butin, le long de leurs chemins méticuleusement balayés. Des cafards trottaient précipitamment deci delà pour affaires de cafards.

La plaine de l'Alentejo palpitait de vie et resplendissait comme seuls les semi-déserts resplendissent lorsque tout va bien. Les bords du chemin charretier étaient pailletés de minuscules fleurs blanches, semblables à des étoiles, parmi lesquelles fleurissait de manière éparse de la scabieuse bleue. Ou bien un, deux, et parfois même trois petits iris mauves éphémères pour une tige, avaient miraculeusement surgi à travers le sol dur comme du béton. Parmi les vigoureux chaumes de blé il y avait les habituels lupins blancs-rosés et des nappes de chrysanthèmes dorés annuels. Et en moi s'éleva de nouveau, un irrésistible amour pour la Nature.

Dans un effort instinctuel pour entrer davantage encore en symbiose avec la Beauté, l'Amour et la Joie, pivotant au niveau des genoux en un arc de cercle, je déportai mon poids en avant, tout en apostrophant Jane : "Fora !" (ALLEZ ! en route ! !).

Ravie - comme une danseuse s'accordant aux pas de son partenaire - elle adopta mon mouvement vers l'avant, changea la cadence à mi-course, allongea l'encolure et... sa crinière soyeuse s'éleva, s'envola comme le vent, avec Pucky (qui avait entendu mon "Fora") ventre à terre, une demi foulée en arrière.

1 son lévrier bâtard. Les lévriers l'ont accompagné toute au long de sa vie.

2 Un mile = 1,6 km.

Et en cette seconde, cela se produisit.

M'abandonnant à une Joie et un Amour extrêmes, je fus emportée dans un tourbillon ascendant par cette énergie toute particulière qui relie deux mondes : le monde terne du duo-vers, et le monde glorieux qui est éclairé par la lumière de l'Agneau.

Bien que toujours liée à lui par le Ravissement et l'Amour qu'il avait engendrés, mais perdant absolument toute conscience de tout ce que je viens de décrire, ma conscience émergea dans une dimension qui est l'Au-Delà de l'Être. Dans cette dimension il n'y a pas de formes, de couleur, de mouvement, de son. Elle se trouve au-delà de la dimension où "l'amour n'appelle que l'amour". N'y ayant absolument pas de soi, il n'y a et ne peut y avoir, aucun échange d'amour. Dans cette dimension l'aboutissement de l'Amour EST...

L'ensemble de l'empathie totale et sans tâche de l'Amour est une Paix et une Sérénité Absolues - la source de tout dynamisme : la réalisation du Potentiel divin Absolu : l'unique préfiguration de chacune de toutes les qualités divines dont le mental de l'homme ait connaissance.

Là le Divin est sans forme et abstrait : il est l'Amour total Absolu, Non-Inhibé, Sans Peur, Magnifiant, lui-même. L'Amour total Actif, Universellement Magnifiant imprègne tout et a fait valoir sa volonté dans tout. Il y a une Liberté métacosmique si totale qu'elle passe inaperçue. - Rien n'est remarqué. Il n'y a pas d'observateur pour remarquer quoi que ce soit... quant à cet Au-Delà de l'Être.

Il y avait là la seule, la transcendante, et l'unique racine de toute Perfection et de tout Accomplissement. C'est un état de Non-Existence antérieur à l'acte de création (et même bien plus éloigné que cela de la Création elle-même). Il a pour nom les Divines Ténèbres, mais ce n'est pas ainsi que je trouvai qu'il était. C'était un rose d'or aussi Insubstantiel que la brume.

Parce que, lorsqu'on est entré en symbiose avec lui, on est entré dans un état d'existence que le mental et les émotions humaines ne peuvent contenir parce qu'en son sein ils n'existent pas, malgré son caractère bien vivant (et tout ce qui le concernait était plus vivant que la Vie - qui en découle) je ne peux vraiment guère le décrire. Il s'agit du royaume du divin : l'Expérience entière est la Divinité - rien d'autre. Il n'y a, qui soit efficace, rien de tel que la Différence. Dieu est si pleinement, et de manière si ininterrompue, qu'Il est chaque phénomène - mais les phénomènes n'existent pas - aucun n'existe, ou n'est, sinon Lui. Il est tellement Tout-Puissant, Sa présence est tellement dynamique, que rien ne peut exister ni n'existe effectivement en dehors de Lui. Il est partout et tout. Il n'y a pas ni ne peut y avoir d'êtres secondaires. Ni de processus secondaires. Rien n'existe qui puisse se mettre entre Dieu et les Infinités de Possibilités qui sont une partie de Son soi dynamique. Il n'y a ni ombre, ni ténèbres, ni même n'y a-t-il un précurseur de l'Autre. Il s'agit du véritable Univers.

Dans une telle Expérience, l'expérience elle-même est si vivante que le symbole, le son, le mouvement et la vision, sont effacés. Puisqu'il n'y a pas d'image objective, il n'y a pas de mouvement. L'expérience étant absolue il n'y a pas de discours à enregistrer - cela n'apporterait rien - nul besoin ne s'en est fait sentir. L'intensité de l'Unité de toutes choses efface tout.

C'est une dimension d'être qui consiste en une Idée toute puissante, toute consciente, si prononcée qu'il n'y a pas lieu de la formuler. Cette Idée est l'actualisation absolue de l'Amour Magnifiant. Et avoir l'idée est avoir son Accomplissement. C'est connaître les deux "en demeurant au sein de la substance de la bonté, de la vérité et de la beauté", et transmettre la bonté, la vérité et la beauté dans toute leur pureté, sans effort, ou sans empêchement aucun, à celui qui les accepte avec une approbation née de l'absolue Identité du transmetteur et du récepteur.

Ma conscience active avait émergé en Présence du Fondement vivant, source de toutes choses qui existe pour l'éternité, duquel l'acte de création tire son élan et auquel il emboîte le pas.

Il me fut transmis - si nettement et si pleinement que jamais cela ne devait me quitter - que là - dans cet état - réside le fil directeur menant à la toute-puissance du Tout-Puissant. Là se trouvait l'inéluctable, le trans-éternel, l'indéniable. Cet état d'Etre seul et unique, embrassant tout, est la relation prépondérante que Dieu a avec nous et avec toute la création avant même qu'Il/Elle nous fasse. Une relation jamais émoussée et qui ne cessera jamais d'être. Au sein de cet Absolu, Dieu a réalisé, et réalise en permanence, toutes Ses œuvres.

Parce qu'il en est ainsi, bien que notre vie se perpétue à l'infini, et que tous les êtres soient destinés à atteindre leur accomplissement propre, individuel, total, tout ce que nous pourrons jamais avoir besoin de connaître ou de comprendre à quelque propos que ce soit dans tous les siècles des siècles, est accompagné de la sainte Unité de Dieu. Au sein de laquelle Unité son Soi sans cesse magnifiant est maintenu. - Même l'espace vide, la plus infime particule subatomique, et les puces, les poux, les limaces, les araignées, les scorpions et les criminels humains, ne font qu'Un avec cette Unité Au-Delà de l'Être, sont maintenus par elle, et nourris par elle. Leur nature intrinsèque et leur être véritable proviennent de Dieu qui ne fait qu'un avec eux : cette Divinité qui embrasse tout, qui est primordiale et trans-éternelle.

Je me trouvais gagnée par l'émerveillement, la joie et l'extase de l'Unité Au-Delà de l'Être. Je ne faisais qu'une avec - étais partie intégrante de - Ce qui ne fait qu'un avec toutes choses, et qui n'est conscient que de la valeur divine infinie de toutes choses. Et qui se délecte de leurs infinités de valeur avec des infinités de délectation.

Être touché par Cela est être à jamais marqué au fer rouge par Sa marque. Dès lors, un feu inextinguible brûle au-dedans, qui rendra, si on le laisse, moins prompt à réagir et moins sensible aux demandes de ce monde, et plus conscient de l'inexprimable Compétence pour devenir partie intégrante de Ce qui ne fait qu'un avec la divinité de tout.

Dès lors, tout parle à chacun principalement de cette Bonté, universellement sustentatrice, et divine : cette stimulante harmonie qui fait une unité de toutes choses et de tous processus. Cela parle à chacun d'une Force inhérente à l'aboutissement de l'Amour actualisé, une force d'une telle envergure et d'une telle puissance que tout est considéré comme l'aboutissement de cet ardent désir qui s'élève dans le Cœur Divin, et crée la Nature et préserve le cosmos avec une attention infinie et infatigable pour son absolue divinité.

Jeune et ardente, comme je l'étais, je réagis à ce feu avec plus que de l'émerveillement et de la joie - je réagis avec un courage téméraire et toute la confiance dont je pusse disposer. L'expérience céleste était allée me chercher et je courais d'un pas léger, rapide, et impatient, pour l'embrasser - dans sa totalité. »

...

Extraits du chapitre 2 du manuscrit - jamais publié - d'Elizabeth Bellhouse :

L'Histoire de VITA FLORUM ou La Découverte d'une Science Maîtresse.

« La "fabrication de VITA FLORUM" résulte de l'être - non de l'agir. »

Elizabeth Bellhouse3

« ...nul individu ne peut stimuler une force émotionnelle

qui ne concorde pas avec le développement de son propre tempérament émotionnel ».

Manly Palmer Hall4

« Des énergies et des pouvoirs merveilleux sont en chacun de nous. »

Elizabeth Goudge5

3 dans La Guérison Incommensurable.

4 Manly Palmer Hall, né le 18 mars 1901 et décédé le 29 août 1990 était un auteur canadien sur l'ésotérisme, la mythologie, et les religions. Son œuvre la plus connue est The Secret Teachings of All Ages: An Encyclopedic Outline of Masonic, Hermetic, Qabbalistic and Rosicrucian Symbolical Philosophy.

5 Elizabeth Goudge, (née Elizabeth de Beauchamp Goudge le 24 avril 1900 à Wells en Angleterre et morte le 1er avril 1984) est une romancière britannique.

Auteure de nombreux romans, de livres pour enfants et d’une vie romancée de Jésus, elle construit des histoires où se côtoient beauté et merveilleux. Ses livres sont parmi les plus vendus au Royaume-Uni et aux États-Unis des années 1930 aux années 1970.

En 2001 (ou 2002), l'écrivain J. K. Rowling déclare que le roman Le Cheval d'argent est l'un de ses romans préférés et l'un des rares à avoir influé sur l’écriture de sa série littéraire Harry Potter.