EXTRAITS de Desireless

1ER CHAPITRE DE DESIRELESS

Lire sur Calaméo

Partie 1

Desireless

De mon cœur gonflé la source s'est tarie

Elle s'est perdue dans le désert de mes entrailles.

Dans le lit de mes veines amères aucune rivière ne coule plus

Et les sols arides se meurent.

La vigne infertile a été arrachée de mon ventre, rongée par la dangereuse vermine.

Qu'importe ! Elle ne donnait plus de fruits.

Dans la vallée sans larmes nulle oasis où s'abreuver, nul refuge où s'abriter.

Sur les terres asséchées même l'espoir s'en est allé.

Frédérique Chamayou

1

Nuit Zéro

C’est la Nuit Zéro.

Dans quelque temps tout sera accompli.

Dans quelque temps le monde va commencer à changer.

Toulouse (France), mars 2033

− Que s’est-il passé ?

− C’est le cargo ravitailleur…

− Et bien quoi le cargo ravitailleur ?

− Il a explosé !

− Encore ?

− Oui, encore…

− Tous des incapables !

− J’aimerais pas être là-haut, ça craint.

− Et nous en bas, tu crois pas qu'on craint ? On va se recevoir un de ces trucs sur la tête, tu vas voir…

− Mange, ça va refroidir.

Le silence retomba entre les deux sexagénaires, meublé par les commentaires de la télévision que leur conversation avait momentanément recouverts.

Sur des images du lancement du vaisseau puis grâce à des schémas animés, la journaliste scientifique d'IPS TV[1] tentait d’expliquer les conséquences de la nouvelle explosion du cargo ravitailleur.

Au même moment, les trois derniers astronautes de la station orbitale internationale extrapolaient avec inquiétude les retombées de la catastrophe. Cela allait-il compromettre la mission comme ils le craignaient ? Le sort s’acharnait depuis plusieurs mois et cela n’allait pas arranger les difficultés financières et politiques qui se jouaient sur terre quant à l’avenir du grand projet initié par les Etats-Unis et auxquels d’autres nations s’étaient depuis rajoutées.

*

* *

Londres (Grande Bretagne)

− Alors ?

− Tout se passe bien, Sir.

− Parfait.

− Tous nos avions ont pu partir ?

− Presque, seuls trois sont en attente d'une météo favorable, les six cent vingt-deux autres n'ont posé aucun problème.

− Et les vaccins.

− Tout est géré, nous avons autant de stocks que nécessaire.

− Je ne veux pas d'imprévu comme l'an passé !

− Il n'y en aura pas.

− Je compte sur vous Parker.

− Vous savez que vous pouvez, Sir.

− Combien de temps cela va-t-il prendre cette année ?

− Vingt jours.

Sans autre formule de politesse l’homme coupa la conversation vidéo sécurisée et se dirigea vers l’immense baie vitrée de son bureau. Son appartement occupait le dernier étage de l’une des plus hautes tours de la capitale britannique.

Son regard se perdit par-delà les toits qui se prolongeaient loin devant lui. La tension de ces derniers jours, de ces dernières heures, de ces dernières minutes, retombait et affaissait ses épaules. Il ne ressentait pas de joie mais avait l’impression d’être allégé d’un poids trop lourd. Il déboutonna le bouton de la veste de son complet gris foncé.

C’est alors qu’il pensa à elle et son cœur se serra.

A bord de la station spatiale, les trois astronautes attendaient les prochaines décisions. Leur mission allait-elle se poursuivre ? Déjà lors du premier accident ils avaient été informés que certains pays n’étaient plus sûrs de vouloir poursuivre l’aventure ISS-3[2], préférant jouer cavalier seul ou bien mettre leurs billes dans d’autres projets de conquête spatiale.

*

* *

Palm Beach (USA)

Dans la chambre les habits sont éparpillés sur le sol et sur le lit.

Alors que Déborah dort encore, David regarde les lueurs qui percent les volets fermés. Il a mal au crâne. Il a trop bu hier soir.

Déborah, toujours endormie, bouge la main vers lui. Il la prend, par réflexe. Il se tourne vers elle. Le drap ne recouvre que ses jambes. Elle est à plat ventre et ses cheveux décolorés cachent son visage. David passe sa main sur le dos dénudé et s’arrête à la limite du drap. Déborah tourne la tête de l’autre côté.

10H25 : David se lève d’un bond. Déjà la moitié de la matinée est passée. C’est son seul jour de repos et il le passe à… à ne rien faire !

Le mal de tête fait battre ses tempes.

Il enfile un caleçon et va préparer un café.

Seul dans la kitchenette, les yeux dans le vague, les cheveux pleins d’épis et la barbe naissante il mélange le breuvage fumant sans se rendre compte qu’il a oublié d’y mettre le sucre. Dès la première gorgée le dégout lui donne presque la nausée. En même temps que le sucre, David attrape la boîte de Tylenol.

Déborah dort toujours et David décide de ne pas la réveiller.

Pendant ce temps, deux hommes et une femme continuent leur tour autour de la terre, suivant scrupuleusement, malgré l'incident, le programme très chargé de leur journée, alternant les différentes expériences scientifiques, les activités physiques et les périodes de repos.

*

* *

Moscou – Russie

− Bonjour ! Si tu veux une fille, c’est à partir de cinq mille roubles pour celles-là et cinq mille huit cents pour celles-ci. Quand tu auras choisi et payé tu descendras au sous-sol.

− Ok !

− Tu choisis qui ?

− Celle-là.

− C’est Nadia. Donne-moi les billets et c’est OK.

Nadia semblait à peine majeure. C’est ce qui avait plu à Andreï.

Elle monta dans la voiture noire et ils empruntèrent le toboggan qui menait au sous-sol.

Nadia lui indiqua un emplacement et il s’y gara. Il n’y avait pratiquement pas de lumière.

Nadia commença à le caresser sans entrain.

Au bout d’un quart d’heure, la voiture noire ressortit du parking et rejeta la prostituée sur le bord de la route sans ménagement. Des jurons fusaient par la portière qui venait de s’ouvrir.

− Incapable ! Tu m’as fait perdre cinq mille roubles ! Où est la patronne ? C’est du vol !

Nadia se releva et fit un doigt d’honneur à l’homme qui partit à fond de train au moment où une voiture de police s’approchait.

− Embarquez-moi ce beau monde !

Un peu plus tard, dans un cachot, en plein cœur de Moscou, cinq prostituées commentaient :

− Non mais t’as vu ces nazes ! Même pas capables de rien.

− J’sais pas ce qu’ils ont les mecs aujourd’hui mais tous des impuissants.

− Et en plus ça leur plait pas. T’as beau sortir toute l’artillerie, rien.

− Et toi Nadia ? Qu’est-ce qu’il avait ton client pour te jeter ?

− Pareil. Il n’y arrivait pas et disait que c’était ma faute. Il voulait que je le rembourse. Non mais t’as vu ça où ? Le type il peut pas et il dit que je fais pas ce qu’il faut !

A environ 350 kilomètres d’altitude, les trois spationautes de l’ISS-3, préoccupés par l’explosion de leur cargo ravitailleur se sont réunis pour une vidéo-conférence avec leur base.

*

* *

Mombasa (Kenya)

De son balai Elvis pousse les feuilles et les fleurs devant lui. Il s’essuie le front du revers de la main. A cette heure de la journée, avec son uniforme bleu aux initiales du Bamburi Sea Lodge, la chaleur devient four. Aussi préfère-t-il balayer dans l’allée ombragée qui longe les courts de tennis.

Harassé, Elvis chantonne doucement pour se donner un peu de courage.

Quelques singes attendent de pouvoir chiper une sucrerie ou un objet aux clients inattentifs. Elvis les surveille.

A l’autre bout de l’allée il aperçoit Bernadette qui pousse devant elle le chariot de linge sale des chambres qu’elle vient de faire.

Elvis pose son balai. Il la regarde passer, la déshabillant ostensiblement des yeux. Elle ne lui accorde pas un regard mais se déhanche avec sensualité tout en poussant sa charge.

C’est un jeu entre eux, un jeu qui leur fait du bien et qui les a conduits plus d’une fois dans le même lit.

Elvis tente :

− Ce soir je vais au Corona’s… tu viens ?

− On verra…

Elvis sourit puis retourne à son travail.

Ce soir-là, Bernadette a rejoint Elvis au Corona’s bar puis l’a suivi jusqu’à son appartement. Mais, contrairement à d’habitude leurs caresses mutuelles les ont conduits au sommeil. Ils se sont endormis dans les bras l’un de l’autre, probablement trop harassés par leur journée de travail, la bière et la chaleur, pour faire ce pourquoi Bernadette avait accepté l’invitation d’Elvis…

Pour l’équipage de l’ISS-3 c’est l’heure de la visio-conférence avec les équipes au sol.

Une demi-heure plus tard les activités reprennent à bord.

Le doute et l’inquiétude n’ont pas quitté les astronautes qui n’ont pas appris grand-chose si ce n’est qu’une commission d’enquête va être diligentée pour tenter de comprendre les raisons du deuxième accident consécutif d’un cargo ravitailleur. Pour l’instant aucune piste n’est négligée mais rien de précis ne semble se dessiner. Quant à l’avenir de la mission personne n’a abordé le sujet.

__________________________________________

[1] IPS TV (Information Politique Société Télé Vision) : chaîne d'information nationale en continu.

[2] ISS (International Space Station) : station spatiale internationale

Frédérique Chamayou - Tous droits réservés ©

G. LIT UN EXTRAIT DE DESIRELESS

R. lit un extrait de Desireless

J. lit un extrait de Desireless

L. lit un extrait de Desireless

M. lit un extrait de Desireless