Hélène, la trentaine, petite blonde mince et musclée, s'activait, en ce début d'été, au mariage de sa sœur Marjorie, de huit ans sa cadette.
Leurs parents et les parents du marié avaient prévu un repas de quatre vingt personnes dans un restaurant en bordure de mer.
Hélène se sentait joyeuse. Elle savait qu'elle allait revoir son cousin Quentin de Nice qu'elle appréciait tout particulièrement et qu'elle voyait au moins une à deux fois par an à l'occasion de réunions familiales. A chacune de ces occasions leur attirance se faisait de plus en plus vive. Pourtant Quentin était marié depuis dix ans à une italienne qui lui avait donné un fils magnifique. Mais rien n'y faisait, ni les liens familiaux, ni sa situation, ni son éloignement géographique, à chaque fois qu'ils se voyaient les liens qui se tissaient entre eux se resserraient toujours plus fort.
Hélène avait bien rencontré des hommes notamment dans des soirées dansantes où les rapprochements des corps avaient parfois eu comme résultat un rapprochement de vie, mais rien de durable.
Une partie de la famille était arrivée la veille et avait été logée chez les parents de la mariée et du marié ainsi que dans un petit hôtel du village. C'est d'ailleurs dans ce même village que Marjorie et son futur époux, Mathieu, s'étaient connus depuis leur plus tendre enfance, fréquentant les mêmes écoles, rencontrant les mêmes amis. Malgré cette apparente proximité les deux tourtereaux ne s'étaient réellement découverts que durant la dernière année de lycée, lors d'une boom organisée chez un de leurs amis communs. Cela faisait maintenant cinq ans. Et cela faisait deux ans qu'ils vivaient ensemble et, Marjorie ayant terminé ses études de secrétariat, rêvait de fonder une famille.
Hélène avait été leur complice de tous les instants et avait vu grandir l'amour entre sa cadette et son futur beau-frère. Combien de fois sa sœur s'était-elle confiée à elle, lui faisant part de ses interrogations, de ses joies, de ses doutes ? Mathieu lui aussi appréciait beaucoup Hélène et c'était tout naturellement qu'ils lui avaient demandé d'être leur témoin avec Quentin, le cousin de Nice.
Après les consentements à la mairie puis la cérémonie religieuse, le cortège se dirigea vers le restaurant avec force klaxon pour annoncer au reste du monde la nouvelle de cet heureux mariage.
Hélène, en tant qu’aînée, supervisait tous les détails de la noce afin d'aider et soulager les parents et beaux-parents et pour rendre ce jour inoubliable à sa sœur et à son mari.
Pour l'occasion Hélène portait une robe légère à volants sans manches qui lui arrivait en dessous des genoux. L'imprimé bleu-vert faisait ressortir la couleur azur de ses yeux parfaitement maquillés. Un chapeau blanc fleuri à larges bords et un petit sac à main de la même couleur s'harmonisaient avec des chaussures pointues à talons aiguille.
Depuis le début de cette fête Hélène avait senti sur elle, comme une onde chaude, le regard émerveillé de son cousin. Ils s'étaient peu parlé jusque là tant Hélène avait été occupée. Mais ils avaient été suffisamment proches à la mairie et à l'église, puisque témoins tous les deux, pour se communiquer leur trouble mutuel.
Bien que proche de la mer, le restaurant offrait une piscine à ses clients. C'est autour de celle-ci que fut servi l'apéritif, les plus jeunes n'attendant pas plus pour se baigner car, en ce mois de juin, il faisait déjà bien chaud.
Les invités furent ensuite conduits dans la salle du restaurant où des tables de dix avaient été agencées en demi-cercle, de part et d'autre de la table des mariés et de leurs parents. Les deux témoins n'étaient pas à la même table, Hélène se trouvant à côté de sa mère, à la table des mariés et Quentin deux tables plus loin avec sa femme et son fils.
Aux premières notes de musique Hélène sentit des impatiences dans les pieds. Elle échangea rapidement ses chaussures à talons hauts pour des chaussures plus légères et surtout plus basses qu'elle avait pris la précaution d'emporter pour pouvoir danser plus aisément.
La mariée et son père ouvrirent le bal par une valse viennoise. Puis le père laissa la place au jeune époux et, un peu maladroitement, les nouveaux mariés terminèrent cette première danse.
Le DJ connaissait bien son métier. Il alterna judicieusement les musiques pour les papis et les mamies avec des musiques plus actuelles : rien de niais mais au contraire tout ce qu'il fallait pour permettre à tout le monde de danser et mettre une bonne ambiance.
Hélène ne quitta plus la piste que pour aller boire un peu d'eau. Elle était dans son élément. Quentin lui avait fait danser un ou deux rocks mais la danse n'était pas son fort…. Jusqu'à ce qu'ils se retrouvent ensemble pendant une série de slows. Les lumières s'étaient tamisées et sans un mot ils s'étaient retrouvés dans les bras l'un de l'autre comme si c'était ce qu'ils attendaient depuis le début de la journée (le début des temps ?). Hélène sentait dans son cou le souffle rapide de son cavalier. Etait-ce le rock précédent ou bien l'émotion qui faisait battre son cœur si fort ? Elle s'était serrée contre lui dès le début du slow, les bras autour de son cou. Il la tenait dans ses bras de plus en plus fort. Leur trouble augmentait à tel point qu'Hélène en avait mal au ventre et cette émotion lui donnait envie de pleurer. Quentin le ressentit. Il se pencha sur son visage et lui demanda : "Ça va ?". Elle hocha la tête pour répondre oui, aucun mot ne pouvant sortir de sa gorge. Leur désir montait en même temps que la peur que la chanson s'arrête. Jamais Hélène n'avait ressenti une telle émotion, un tel trouble, un tel désir impérieux.
Lorsque le slow se termina ils se séparèrent, surpris de se retrouver au milieu de tous ces gens qu'ils avaient complètement oubliés le temps de cette danse.
Frédérique Chamayou - Tous droits réservés ©