Le coin de l'IMAGINAIRE

Je vous invite à prendre place sur les sofas du coin Imaginaire.

Fermez doucement les yeux et écoutez...

Sommaire :

MÉDUSE

Son regard effrayant s’enfonce dans le cœur jusqu’aux tréfonds de l’âme. Tel un étau qui se resserre, il accule son adversaire dans les mâchoires mortelles d’une vérité inavouable.
Point de salut pour celui qui le croise ; en pierre il le transformera, exsangue de toute excuse.
Point de cachette non plus. Le regard de la conscience est comme des milliers de serpents qui fouillent sans cesse jusqu’à trouver ce qui ne peut se montrer ?

C’est Méduse qui parle en moi. Elle me crie ses reproches. Elle m’alerte quand je me perds sans m’en rendre compte. Elle condamne mes petits arrangements. Elle me prévient des dangers de l’ignorance dans laquelle je suis et de mon incapacité à prendre le chemin qu’elle voudrait que je suive.
De ses yeux exorbités, elle voudrait pouvoir arrêter mes erreurs, mes errements et mon inconscience.
Elle préfèrerait me statufier plutôt que de me laisser me mentir à moi-même.
Son armée de serpents me débusquent à chacun de mes pas. Ils m’attaquent pour me faire reculer, me harcèlent pour que j’arrête de me voiler la face. Y parviendront-ils ? Si c’est le cas j’aurai probablement été transformée en statue de sel.

Frédérique Chamayou - Tous droits réservés ©

BOUT DE PAPIER

Posé sur l’asphalte je guette le moindre souffle d’air.

Une voiture passe à proximité de moi et je sens l’haleine chaude de son moteur. Elle me fait frémir et je me retrouve sur le dos.

Ma légèreté est mon ADN. Je ne pèse rien et suis ballotté au gré du plus petit déplacement d’air.

Un passant avance, insouciant, indifférent à mon destin. Il pose son pied sur ma surface blanche déjà maculée et un peu froissée. Son empreinte s’imprime sur moi, témoin de son passage dont lui-même ne gardera aucune trace. Je me sens comme plus lourd de cette marque sur ma peau de papier

De nouveau une voiture puis une autre. Je tangue à droite puis à gauche sans but, sans constance non plus.

Une bourrasque me fait m’envoler en tourbillonnant. Je prends de la hauteur, je dépasse le passant indifférent qui m’a marqué de son sceau, ce petit peu de lui, sans qu’il ne s’en rende compte.

Je retombe sur la route, malmené puis écrasé par l’une des roues d’une automobile sur laquelle je reste collé pendant quelques tours qui me dépècent, me détruisent, m’anéantissent.

Mes ennuis ne sont pas finis. Dans la rigole dans laquelle mes derniers lambeaux s’éparpillent en guenilles souillées je me dissous dans l’eau boueuse et sale, agonisant.

Je rencontre mes frères et sœurs de misère qui racontent la vie des hommes. Leurs histoires sont écrites sur nos lignes. Les miennes commençaient par ces mots … mais non, tout est effacé. 

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CHLOROPHYLLUS

Chlorophyllus est un géant au ventre d'écorce et aux bras de branches. Sa chevelure verte s'ébouriffe au gré du vent. Il est jeune de cent millions d'années et est né des entrailles de la terre, sa mère nourricière. De son père il ne sait rien, comme tous ceux de sa famille.

Jade, enfant des Montagnes de Béryl, l'a rencontré par une nuit de pleine lune. La fillette s'était endormie au creux de son tronc et il l'avait protégée comme si elle avait été son trésor. 

Pendant son sommeil Chlorophyllus lui transmit son langage. 

A son réveil Jade proposa à son nouvel ami de l'emmener jusqu'aux berges du fleuve pour lui présenter les membres de son village. 

Le voyage dura trois jours. Le géant et la fillette apprenaient à faire connaissance. La nuit elle dormait au creux de son ventre et le jour il la faisait monter sur ses plus hautes branches pour qu'elle lui montre le chemin. 

Jade se sentait en sécurité auprès de Chlorophyllus. Il était joyeux, tendre et racontait les histoires comme personne. Elle comprit qu'il n'était jamais allé en dehors des lieux qui l'avaient vu naître et que, malgré sa stature imposante il avait peur de ce qui l'attendait là où elle l'emmenait. Elle le rassurait en lui chantant des chansons de son village et en lui racontant sa vie auprès des siens.

Pourtant rien ne l'avait préparé à l'accueil qu'il reçut en arrivant. Il avait protégé l'enfant et l'enfant l'avait ramené : la légende s'était réalisée.

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(Ce texte a remporté un jeu d'écriture sur Facebook sur le thème : mon monstre idéal. Conditions : pas plus de 300 mots et ne pas utiliser les mots terrifiant, monstre, créature ou magique)


EN NUIT

Je m'enroule dans tes bras et ferme doucement les yeux.

Tu m'enveloppes, telle une couverture sombre, et me plonges dans l'oubli.

Tu es la gardienne de ma mémoire et je suis forcée de te faire confiance. Toi seule a la clef de mon néant ; toi seule sais de quoi il est fait.

Parfois tu me tapes sur l'épaule, me réveilles et me parles. Nos échanges insomniaques m'usent mais tu n'en n'as que faire. Tu as besoin de ta dose ! Tu me forces à partager l'obscurité de ton intimité. 

Alors, presque à mon insu, nous refaisons le monde, jusqu'à ce que je sois complètement à toi, te maudissant de m'avoir réveillée. Et sur tes pages noires j'écris les pages blanches de mes jours.

Souvent, au fond de ton ventre lunaire, je compose, je m'éblouis, je voyage, espérant garder en mémoire ces mots que pourtant je n'écrirai pas. Tu es une belle illusionniste !

Parfois tes doigts sombres fouillent mon ventre, allumant des feux que tu ne peux pas éteindre, éveillant des désirs essoufflés, étreignant sans pudeur mon corps délaissé.

Tu te joues de moi mais je ne t'en veux pas. A moins que mon rêve de jour ne devienne cauchemar… Mais un simple trait de lumière t'arrête : tu n'es pas si forte ! Rira bien qui rira la dernière !

Quant au petit matin tu t'éclipses sans bruit, quand aux premières lueurs du jour tu pars sur la pointe des pieds, je dors. Mais je sais que ce soir encore tu reviendras.


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LA DERNIÈRE LETTRE

Mes chers enfants,

Vous êtes ma joie, ma fierté, ma lumière. Je vous ai aimés avant même de vous voir et cet amour ne m’a jamais quitté. Le bonheur d’être mère est un cadeau inestimable et je bénis le ciel de me l’avoir donné.

Lorsque vous lirez cette lettre je ne serai plus. 

Lisa, tu vas probablement te mettre en colère, pleurer, m’en vouloir peut-être. Mais, ma chérie, je ne te laisse pas, je m’absente, simplement et en paix. En paix de savoir que tes rêves sont en train de se réaliser. Tu es une belle personne et tu mérites tout ce qui t’arrive, n’en doute jamais. Ton père, s’il était encore de ce monde, te le dirait aussi. Je sais qu’il te manque et que tu as toujours voulu qu’il soit fier de toi, c’est ce qui t’a guidée. Alors je peux te l’assurer, il est fier de toi, de l’être merveilleux que tu es, de la femme et de la mère que tu es devenue, toi aussi. Tes enfants sont mes trésors et je te remercie de m’avoir fait découvrir le bonheur d’être grand-mère. 

Ce que je sais également, ma Lisa, c’est que ton rêve secret est d’écrire un livre et que tu es en train de le réaliser. Je suis sûre que tu es sur le bon chemin et que tu vas réussir dans ce domaine aussi. Je te le souhaite ma fille adorée, tu as ce don de raconter des histoires, tu l’as toujours eu et, même si je ne te l’ai pas assez dit, crois-moi, je te connais mieux que quiconque. Te souviens-tu lorsque petite tu me racontais tes rêves à ton réveil ? Tu me faisais partager ton imaginaire sans limite et j’en garde un souvenir ému : ta confiance d’enfant m’était chère et précieuse… et elle l’est toujours.

Patrick, mon grand, prends ta sœur dans tes bras et console-la. Je compte sur toi pour trouver les mots, lui expliquer que la vie continue pour vous et que le meilleur reste à venir si vous savez voir le monde avec optimisme. Je te chéris comme ta sœur. C’est elle l’aînée mais c’est toi le plus vieux. Non, ne fronce pas les sourcils comme tu le fais quand tu as un doute. Toi, tu es un sage. Tu es venu au monde en ouvrant tes grands yeux bleu foncé comme si tu étais étonné de te retrouver là. Dès que nos regards se sont croisés c’est toi qui m’as fait comprendre que je ne devais pas m’inquiéter pour toi, malgré les difficultés de tes premières secondes, de tes premières minutes, de tes premières heures. Et chaque instant gagné sur la vie a alors forgé ton armure de chevalier et trempé l’acier de ton courage, m’apprenant en même temps l’espérance malgré le pessimisme des médecins. Merci mon fils pour tout cela.

Tu t’es armé pour vaincre la maladie, mon Galaad des temps modernes, et je suis sûre que tu vas aller jusqu’au bout de ta quête d’homme et trouver ton graal dans tes recherches sur les énergies propres. N’abandonne jamais tes convictions, elles sont le reflet de ton âme… et ton âme est belle !

Lisa, Patrick, mes chéris, je n’ai qu’un souhait à formuler avant de refermer la page : restez unis, soutenez-vous toujours et puisse votre lien s’enraciner dans l’amour inconditionnel que votre père et moi vous avons toujours porté même lorsque nous ne nous entendions plus lui et moi. Veillez-y vraiment !

Je pars mes amours, pas pour vous quitter, je ne le pourrais pas, mais au contraire pour mieux vous retrouver, un jour.

Je veux que vous sachiez que je fais ce choix sereinement et que je suis saine d’esprit. J’ai d’ailleurs pris mes dispositions auprès du notaire. Essayez de me comprendre car je suis heureuse de la décision que j’ai prise. 

L’amour de ma vie, mon âme-sœur, est parti pour le Grand Voyage et j’ai décidé de le rejoindre. Nous avons eu le bonheur de nous rencontrer, de nous trouver et de partager six années merveilleuses qui ont tissé des liens uniques entre nous. Je n’avais jamais osé espérer vivre un tel amour et je me sens privilégiée pour cela. Mais son départ il y a six mois m’est insupportable.

Vous le savez, je lutte depuis des années contre deux ennemies implacables, la maladie et la souffrance. Mais aujourd’hui je ne veux, je ne peux plus lutter contre un troisième ennemi, le manque. Je ne veux plus parce que je crois, au plus profond de moi, qu’en arrêtant de lutter je vais retrouver mon amour de l’autre côté du miroir. J’en ai la conviction, il m’attend, il me tend ses bras adorés. 

J’ai fini mon temps ici-bas, inutile de prolonger l’agonie. Je veux croire que lorsque la Grande Faucheuse m’emportera - ce qui ne saurait tarder puisque j’arrête mes traitements - mon cher amour me guidera vers lui et je suivrai sa lumière jusqu’à ce que nous soyons à nouveau réunis. 

Ne me prenez pas pour une folle, c’est cet espoir qui m’a fait tenir jusqu’à maintenant et c’est lui qui me permet de faire le Grand Saut en pleine conscience.

Toi Lisa tu as un livre à écrire, toi, Patrick tu as la planète à sauver, je respecte l’espoir que vous mettez dans vos projets, respectez le mien, il me remplit de l’intérieur et annihile toute peur en moi. Si cela peut atténuer votre peine, sachez que je suis heureuse parce qu’auprès de celui que j’aime et aimerai jusqu’à la fin des temps.

Ne pleurez pas pour moi mes amours, le bonheur m’attend, le bonheur est là et je suis sûre qu’un jour nous serons à nouveau tous réunis, il ne peut en être autrement.

Embrassez pour moi mes petits trésors Nina et Alexandre. 

Vous êtes tous dans mon cœur.

Maman qui vous aime.

Frédérique Chamayou - Tous droits réservés ©

(Nouvelle écrite pour un concours 2015 d'Edilivre : 48H pour écrire. 

Le thème : l'espoir. A rédiger en 48 heures sans dépasser 10 000 caractères espaces compris.)


LA FEMME "SANS"

Les coudes appuyés à la table de la salle à manger, le menton dans une main, une femme, les yeux dans le vague, regarde la fumée s'échapper des trois bougies qu'elle vient d'allumer.

Qui est-t-elle ? A quoi ou à qui rêve-t-elle ?

Je la découvre dans l'intimité de sa solitude. Elle parait sans âge, sans amis, sans famille, sans histoire, sans passé ni avenir, sans nom.

Un chat roux monte sur la table, se glisse habilement entre les bougies, les coudes, le menton et se frotte avec plaisir sous le cou de sa maîtresse qui le caresse alors machinalement.

Je me ressaisis : mais non, une femme "sans rien" ça n'existe pas !

Elle doit avoir trente ans. Ses yeux sont tristes, sa solitude doit lui peser. Elle porte une robe noire simple et échancrée. Elle a pris soin de mettre des boucles d'oreilles assorties à sa robe, elle prend donc soin d'elle, mais pour qui ? Ses amis ? Son amour ?

J'aimerais la connaître. Que fait-elle dans la vie ? Avocate ? Institutrice ? Ecrivain ? Peintre ?

Les fumées des bougies se mélangent et dessinent comme une silhouette : la sienne ? Ses pensées se perdent dans les volutes de fumée. Elle n'est plus là et pourtant tellement présente. J'ai l'impression de la connaître de mieux en mieux, elle m'est de plus en plus proche, presque de ma famille.

Je pose mon stylo, je m'approche du tableau : il est signé "Marie-France".

Frédérique Chamayou - Tous droits réservés ©

LA FOURMILIÈRE

« Mes chères amies,

Nous voici rassemblées dans ce bel amphithéâtre pour célébrer toutes ensemble, avec la présence exceptionnelle de notre Reine, le redressement officiel de notre fourmilière.

Comme vous le savez, nous avons été, il y a deux ans, victimes d’une concurrence terrible qui nous a conduites au bord du dépôt de bilan. Tout d’abord avec notre concurrent historique, je veux bien entendu parler des fourmis rouge. Elles détenaient plus de soixante pour cent de part de marché. Puis avec la concurrence virulente des fourmis à casque noir qui, par leur publicité agressive d’une part et en cassant les prix d’autre part, ont causé ce qui aurait pu être notre perte.


C’est alors que fourmi RH est arrivée et nous a proposé ses conceptions novatrices en matière de management. Notre Reine et moi, votre Directrice, avons décidé de miser le redressement de notre fourmilière sur ses idées nouvelles qui, grâce à l’investissement et l’adhésion de toutes ont pu être mises en place avec le succès que nous connaissons aujourd’hui.

C’est en partant de l’atout majeur qui cimente toute fourmilière que s’est construite la nouvelle stratégie ainsi que les projets qui ont vu le jour. Et cet atout majeur c’est ? LA COLLABORATION !!! Oui mes amies, la collaboration. Que serait une fourmi sans les autres fourmis ? Rien ! Mais toutes ensemble nous pouvons déplacer des montagnes !

L’une des créations géniales de fourmi RH a été la « Boîte à idées ». Grâce à cette boîte, chacune de vous a pu faire part de ses réflexions, améliorations, ou inventions.  Nous nous étions engagées à étudier chaque proposition tant au niveau de sa faisabilité que du rapport coût-bénéfice. De plus si l’idée était retenue, son auteur se voyait intégré d’office à sa réalisation et à ses éventuels bénéfices. Je tiens ici à saluer l’imagination fertile que vous avez manifestée et qui nous a été très précieuse. Bravo pour avoir joué le jeu ! Parmi ces idées il en est une que nous avons sélectionnée pour son audace, sa pertinence et l’espoir qu’elle a soulevé en nous. Il s’agit du déménagement. Ce défi a été relevé par chacune d’entre vous, de l’ouvrière au soldat, de la nourrice à la Reine en personne. Au fur et à mesure des nombreuses réunions en amont de ce projet, nou

s avons senti l’enthousiasme et l’adhésion qu’il recueillait. Du choix du nouvel emplacement, à l’organisation du transfert et à l’aménagement des lieux, chacune de vous a pu s’exprimer à toutes les étapes et nous avons toujours essayé de tenir compte de vos avis. Ce pacte de confiance entre nous a été un élément primordial pour cette entreprise délicate mais oh combien motivante que nous avons vécue toutes ensemble.

Et je tiens à souligner que malgré l’ampleur de la tâche, les moments de convivialité n’ont jamais été oubliés et je garderai toujours en moi les mémorables pizza-party de fourmi Chef. Je souhaite que nous conservions l’habitude de ces temps informels qui participent à souder les équipes.

Notre nouvelle stratégie s’est aussi appuyée sur l’intéressement de chacune d’entre vous aux bénéfices de la fourmilière dont vous détenez désormais une part suite aux fructueuses négociations qui ont été menées. Ceci n’avait jamais été fait avant mais nous en avons ressenti tous les avantages. Chaque fourmi est donc un peu propriétaire de son entreprise et s’en sent de ce fait responsable. Voilà une belle idée !

Résultat, nous pouvons être fières de nous ! Je suis fière de vous ! Notre Reine, je parle en son nom, est fière de vous !

Nos réserves alimentaires sont au plus haut, bien stockées dans les salles hith tech que nous avons construites. La champignonnière donne des récoltes honorables, d’un rendement bien supérieur à celui de l’ancienne fourmilière, grâce au système de ventilation des galeries préconisé et étudié par l’équipe technique. Notre élevage de pucerons, du fait même de notre nouvel emplacement qui convient parfaitement à ces insectes, mais aussi grâce aux formations souhaitées par nos éleveuses et données par notre très expérimentée fourmi Bergère, produit déjà quinze pour cent de plus de miellat. Et aujourd’hui j’ai la joie de vous annoncer que notre communauté compte plus de deux mille membres : un record que nous devons bien entendu en premier lieu à notre vénérée Reine mais aussi grâce à la nouvelle crèche. Comme vous le savez, chaque collaboratrice peut désormais y venir à n’importe quelle heure du jour et de la nuit effectuer une garde. Ces gardes sont réalisées sur la base du bénévolat en s’inscrivant sur le planning dédié, sans diminution de salaire. Nous savons l’importance que revêt pour vous toutes de passer du temps avec nos chères larves et nymphes. Encore une proposition sortie de la Boîte à idées.

Et pour marquer et célébrer ce moment historique du succès de notre nouvelle fourmilière et pour inaugurer nos nouveaux locaux, je vous propose une minute de contact d’antennes pour former une belle chaîne de solidarité, symbole de notre unité.

Longue vie à notre Reine ! »

Frédérique Chamayou - Tous droits réservés ©

(texte écrit pour un concours organisé par une association d'amélioration des conditions de travail)

LES VIEILLES ÂMES

Épaule contre épaule, dignes et âgés, ils regardent, du haut de la colline, le paysage devant eux. Le monde est devenu fou et ils le laissent volontiers à sa folie. Ils ont connu tant de changements, tant d’époques, tant de projets, tant d’épreuves !

Leurs deux têtes tournées dans la même direction, ils se tiennent la main, presqu’immobiles, un vent léger courbant leur dos. C’est qu’ils ne sont plus tout jeunes ! Leur sagesse s’est construite patiemment, lentement, saison après saison, année après année, sans que jamais ils ne se séparent, sans que jamais ils ne quittent leur sol.

Il leur en a fallu de la patience ! 

Naître jumeaux, tout savoir de l’autre, tout vivre comme l’autre, tout voir, ressentir, connaître, comprendre comme l’autre : voilà l’affaire de ces deux-là.

Pourtant cela n’avait pas bien commencé.

Au début ils s’ignoraient, tout simplement, trop préoccupés par leurs parcours respectifs, leurs vies respectives. Vivre était d’ailleurs leur seul but. Dans cette terre inhospitalière, en haut de cette bute rocailleuse et aride, balayée par un Mistral perpétuellement en furie, ils devaient s’accrocher de toutes leurs forces souterraines, ancrer leurs racines comme leurs ancêtres l’avaient fait avant eux et espérer que la nature leur serait favorable, que le ciel leur apporterait son salut.

Comment se préoccuper, dans ces circonstances de son frère ou de sa sœur ? Même son jumeau ?

Grandir, fabriquer sa substance, aspirer sa pitance, pour croître, se fortifier et se battre pour sa subsistance malgré le gel d’hiver ou la chaleur suffocante des étés, tels étaient les seuls buts à atteindre coûte que coûte pour leur survie.

Ils en ont vu partir des leurs, abattus, assassinés sous leurs yeux.

Pourquoi ont-ils été épargnés ? Jamais ils ne le surent mais cela forgea leur philosophie de la vie face à un destin qu’ils ne maîtriseraient jamais.

Un jour leurs mains se touchèrent. Ce jour-là et pour le restant de leur vie ils prirent conscience de l’existence de l’autre… et cela les rassura. Combien cette présence réciproque les soutint l’un et l’autre ! Cela les aida à surmonter la peur des murs qui se rapprochaient chaque jour un peu plus d’eux, celle du silence dans les nuits enneigées, celle des flammes qui parfois les mettaient en danger.

Les années passant épaule contre épaule ils s’épousèrent, frère et sœur incestueux et unis, pour donner la vie en dehors d’eux, expropriés de leur semence comme tous ceux de leur condition. Alors ils se consolèrent en abritant la vie à l’intérieur d’eux-mêmes. C’était ainsi depuis la nuit des temps.

Il est vingt et une heure. Le soleil s’est couché et j’aperçois depuis la route leurs silhouettes immuables. Je les ai toujours connus ainsi et je voudrais que cela ne change jamais.

Frédérique Chamayou - Tous droits réservés ©

MISE EN ABYME

- Peux-tu m’attacher mon collier, je suis tellement stressée que je n’y arrive pas.

- Attends… Voilà ! Madame Chamayou vous êtes magnifique !

- Merci ! Vous n’êtes pas mal non plus Monsieur mon amour. Bon, on y va ? On va finir par être en retard.

- Ne t’inquiète pas, on est dans les temps. As-tu pensé à prendre « Mise en abyme ? »

- Oui, j’ai déjà vérifié trois fois.

* * *

- Mesdames et Messieurs, le moment de vous révéler le nom des gagnants de notre concours de nouvelles e-crire auféminin est arrivé.

Cette année encore un jury prestigieux s’est penché sur les histoires que de nombreux internautes nous ont fait parvenir sur quatre thèmes que je vous rappelle :

1. Tout a commencé sur snapchat

2. Voilà un an que j'avais semé cette graine

3. Rien ne serait plus jamais comme avant

4. C'était la photo parfaite

Depuis six ans le concours e-crire auféminin déniche les écrivains de demain : Olivier Norek, Camille Anseaume, Virginine Grimaldi sont autant d’auteurs talentueux que nous avons eu le plaisir de découvrir et de révéler à travers ce prix.

Je tiens dans cette enveloppe le nom des trois brillants lauréats de l’édition 2016.

Après une présélection de douze textes, réalisée pour moitié via le vote des lecteurs sur le site aufeminin.com et pour moitié via la rédaction d’auféminin, notre jury, composé de professionnels de l’édition, d’auteurs et d’éditeurs dont la présidente du site auféminin que je salue, a choisi les trois finalistes de l’éditions 2016.

Je décachète l’enveloppe… Alors, le troisième prix est attribué à Didier Lebrun pour sa nouvelle « Snapchat et moi » ; le deuxième prix est attribué à Maxime Scwarc pour sa nouvelle « Maintenant ou jamais » et la gagnante 2016 est Frédérique Chamayou pour sa nouvelle « Mise en abyme ». Je vous demande de les applaudir bien fort.

Honneur aux dames, je vais demander à Frédérique Chamayou de bien vouloir s’avancer pour nous en dire un peu plus sur sa « Mise en abyme ».

- Bonsoir. Je suis très émue et ravie d’avoir remporté ce concours de nouvelles. Je tiens à remercier le jury et les internautes pour l’honneur qu’ils m’ont fait. Ce qui est étonnant c’est que cette nouvelle je l’ai écrite il y a un an, sans savoir qu’elle participerait à un concours. C’est le thème 2 « Voilà un an que j’avais semé cette graine » qui m’a donné l’idée de la présenter, en l’adaptant au concours e-crire auféminin… Quel bonheur de voir que la graine a remporté le premier prix !

- Merci Frédérique. Pourriez-vous nous la lire ?

- Bien sûr :  

- Peux-tu m’attacher mon collier, je suis tellement stressée que je n’y arrive pas.

- Attends… Voilà ! Madame Chamayou vous êtes magnifique !

- Merci ! Vous n’êtes pas mal non plus Monsieur mon amour. Bon, on y va ? On va finir par être en retard.

- Ne t’inquiète pas, on est dans les temps. As-tu pensé à prendre « Mise en abyme ? »

- Oui, j’ai déjà vérifié trois fois.

* * *

- Mesdames et Messieurs, le moment de vous révéler le nom des gagnants de notre concours de nouvelles e-crire auféminin est arrivé.

Frédérique Chamayou - Tous droits réservés ©

(ce texte a participé à un concours d'écriture)


RONDS DANS L'EAU

Un homme marche au bord d’un lac. Il tient un petit enfant par la main. 

Soudain l’enfant s’arrête pour ramasser un galet blanc et brillant.

L’homme dit à l’enfant :

- Envoie ton caillou le plus loin possible.

L’enfant s’exécute et envoie le galet de toutes ses forces. Le caillou tombe au fond de l’eau qui décrit des cercles autour du point de chute de la pierre.

- Tu vois les ronds dans l’eau ? demanda l’homme, et bien le premier rond, celui qui est le plus petit mais aussi le plus proche de là où est tombé ton caillou, c’est un peu comme toi maintenant : tu tiens ma main, tu restes près de moi et de ta maman. 

Un jour tu t’éloigneras un peu, comme le deuxième rond : tu iras à l’école, tu auras de nouveaux amis, tu vivras de nouvelles choses mais ton centre sera toujours au même endroit. 

Quand tu seras grand comme moi tu t’éloigneras encore plus, tu visiteras de nouveaux pays, tu feras de nouvelles connaissances, tu vivras de nouvelles expériences, tu apprendras un métier, peut-être auras-tu l’impression que tu n’as plus de centre. 

Et puis un jour tu prendras la main de ton enfant et tu l’amèneras au bord d’un lac où il ramassera un galet que tu lui demanderas d’envoyer le plus loin possible. Et là tu sauras avec certitude que tu as retrouvé ton centre, au plus profond de ton cœur. 

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UN DÉBUT, DEUX FINS

Début

Allongée sur sa serviette de plage, lunettes de son nez, la jeune fille poursuit la lecture de son livre. 

De petites vaguelettes viennent s’échouer devant elle dans un bruit sonore et régulier sans qu’elle en prenne réellement conscience. 

Le soleil est déjà chaud et a commencé son œuvre sur les peaux offertes à ses rayons.

1ère fin

La jeune femme tourne une à une les pages de son livre. Absorbée par les lignes qui l’appellent elle n’est plus là sur cette plage mais dans la lande irlandaise humide, mystérieuse, froide et peuplée de korrigans, d’elfes et autres êtres légendaires qui l’entraînent dans une sarabande celtique au son des cornemuses et des binious. 

A l’orée d’une forêt L’arbre aux trois troncs, gardien du Bois d’épices, lui barre l’accès. Mais elle possède les mots magiques qui vont endormir le chêne géant. Accompagnée de Sirta, la libellule bleue, elle pénètre alors dans la pénombre du lieu. Les arbres fantomatiques tendent leurs branches crochues vers l’intruse. 

La sonnerie d’un portable interrompt brusquement l’aventure en même temps que la lecture de la jeune femme qui referme le livre pour prendre son téléphone.

2ème fin

L’homme qui se trouve derrière elle, à une dizaine de mètres, la regarde mais elle ne s’en rend pas compte. Il ne voit d’elle que sa chevelure blonde et légèrement ébouriffée, son bras bronzé qu’un bracelet doré orne en donnant un air de distinction. De ce bras elle se protège les yeux pour lire. Elle tient son livre de l’autre bras, de manière à ce que l’ouvrage lui fasse un peu d’ombre. 

L’homme sent la jeune femme captivée par sa lecture, hors de ce qui se passe autour d’elle. Il l’envie un peu. Il ne peut détacher ses yeux des formes à peine visibles qu’il entrevoit d’elle en contrebas et à moitié cachées par le cabas du couple interposé entre eux et tous les possibles. 

L’homme ne peut s’empêcher de fantasmer, se voyant aux bras de la jeune femme aux lunettes de soleil. 

Lorsqu’elle se leva pour aller se rafraîchir dans la mer il se leva à son tour mais en même temps son rêve s’effondra : il venait de se rendre compte que la jeune femme devait avoir plus de soixante ans, avait du mal à marcher et une corpulence insoupçonnée…

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UN ENDROIT MAGIQUE

Au creux d'une émeraude taillée de mille facettes. 

Dans le reflet de la coupe que le voyageur, assoiffé de rêves, porte à ses lèvres. 

Au cœur des légendes perdues, oasis verdoyante où jadis les fées aimaient à s'arrêter... Je crois d'ailleurs qu'elles le font encore. 

Par-delà l'imagination, là où l'esprit s'enfonce, se perd et se repose, sans se douter que jamais plus il ne sera le même. 

Sur la toile du peintre, au bout de son pinceau, par la fenêtre de ses yeux et de son âme, impression d'éternité que jamais il n'arrivera à toucher. 

Dans la chevelure du vent qui emporte les désirs et les espoirs, irise la surface du miroir trompeur de la jeunesse, balaye les certitudes, pour, un jour, les déposer doucement sur un écrin de verdure parfumée, riches des expériences passées. 

Dans mon souvenir émerveillé d'une journée d'été, au cœur d'un petit bois aux senteurs de buis et de pins encigalés. 

Suivez bien toutes ces directions, sans appréhension, sans idées préconçues, et vous découvrirez à coup sûr, cet endroit magique.

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