Épices et herbes

A la fin du XIV ème, la révolte chinoise et l'invasion turque coupe "la route des steppes", ouverte aux marchands italiens et français par Marco Polo en 1295, il faut recourir aux intermédiaires musulmans et en particulier au sultan d'Egypte qui font payer très cher leurs offices; or Venise garde son monopole d'importateur et maintient sa marge bénéficiaire.

Le prix des ÉPICES s'en trouve brusquement augmenté, si bien que les européens n'ont plus qu'une idée en tête : découvrir d'autres chemins vers les épices et la fortune qu'elles représentent.

Angélique

Comme pour la rhubarbe, c'est la racine de cette plante qui fut longtemps utilisée pour ses propriétés médicinales. Introduite en France par les Vikings, les monastères la cultivèrent pour prévenir la peste, et bien plus tard, ils l'utilisèrent dans leurs célèbres liqueurs.

Pour les populations nordiques elle est un légume. Au Groenland, ses racines constituent même à peu près l'unique légume disponible. Les Lapons les conservent cuites dans du lait de renne.

Grâce à son arôme suave et légèrement musqué, ses graines et sa racine entrent dans la composition de nombreuses eaux, ratafias, baumes et liqueurs; les plus célèbres étant la Bénédictine et la Chartreuse. Ses tiges confites dans du sucre parfument et décorent les gâteaux.

La véritable (et la meilleure) angélique de Niort est aussi vendue sous forme de purée qui s'utilise comme de la confiture ou pour faire des sorbets. Vous pourrez vous en procurer à Maisons-Lafitte à l'épicerie-cave de Longueil.

LA CHICORÉE

En 1806, lorsque les britanniques ont institué le blocus de tout trafic maritime avec la France, le sucre et le café en provenance des Antilles devinrent denrées rares. On lui substitua alors la chicorée... Merci les Anglais !

Les bienfaits de la chicorée étaient déjà connus en Egypte il y a 4000 ans. On faisait griller sur des pierres ces petites graines aux vertus digestives. Galien parle d'elle comme l'amie du foie et Pline l'Ancien estime qu'elle libère le ventre, aide le foie, les reins et l'estomac.

Aujourd'hui, sa teneur élevée en oligo-fructoses ou fructo-oligo-saccharides permet d'affirmer que sa consommation régulière stimule activement les bifidobactéries de l'intestin humain. Cet effet bifidogène réduit le pH colique et favorise le développement d'une flore acidophile qui s'oppose à la prolifération de certains germes pathogènes.

Le giroflier est un arbre tropical et maritime qui peut atteindre une dizaine de mètres. Les feuilles ressemblent beaucoup à celles du laurier. Les fleurs à pétales jaunes encadrant un pompon d'étamines sont rarement visibles car on les cueille encore à l'état de boutons d'un rose vif; mis à sécher au soleil, ceux-ci deviennent les clous de girofle. Le clou de girofle doit son parfum à une huile essentielle qui suinte si on le presse un peu. La poudre de girofle est privée de cette huile qui "s'évapore" lors du broyage. Aussi faut-il toujours préférer le girofle en clous, malgré la différence de prix qui se justifie.

Déjà connu en Chine sous la dynastie des Han au II ème siècle avant notre ère. Des siècles plus tard, les arabes qui commerçaient avec les Chinois le découvrent et le font connaître au Liban et en Syrie. On en trouve sa trace en 335 de notre ère à Byzance à la cour de Constantin.

Le Viandier en fait mention en 1490 pour la confection de la sauce Cameline très répandue à cette époque. (15 % des recettes du Viandier et du Ménagier en font mention).

La pharmacopée médiévale en fait une panacée dans la lutte contre la peste, l'impuissance ou le catarrhe. Les arabes, associés aux Chinois, qui les procuraient désormais aux Italiens, ne savaient pas, en vérité, d'où il venait exactement.

Marco Polo qui aurait voulu supprimer les intermédiaires, pose la question aux Chinois. Ce n'est que deux cents ans plus tard que son compatriote Nicolas Conti découvre que le girofle des entrepôts de Java est alimenté par d'autres terres encore plus à l'est, les Célèbes peut-être.

Albuquerque, grâce à ses espions et à un renégat italien moine-aventurier, aura la confirmation que les Molluques sont bien la source des girofles.

En 1619, quelques Anglais parvinrent à se procurer pour leurs possessions voisines d'Amboine et de Miaou quelques pieds de girofliers qui poussèrent admirablement. Mais les Hollandais, désormais propriétaires des Moluques et de leurs girofliers chassèrent ou massacrèrent tous les Anglais de l'archipel. Puis ils forcèrent les indigènes placés sous leur domination à détruire le moindre giroflier, sauf ceux des îles de Ternate et d'Amboine où ils concentrèrent les cultures surveillées comme un secret d'état.

En 1748, alors que depuis un bon siècle déjà, les Français ont banni de leur cuisine les épices si utilisées à l'époque médiévale, ce qui distinguait la cuisine française des cuisines étrangères, seuls, le clou de girofle et le poivre étaient encore très utilisés. La cannelle et le gingembre ne parfument plus que les desserts. Les aromates Gallo-romains, augmentés avec la vogue des jardins, retrouvent une place de choix. Les épices qui, au Moyen Age, distinguaient la cuisine aristocratique se sont peu à peu vulgarisées, les Portugais puis les Hollandais malgré leur monopole les ayant mis à la portée des tables bourgeoises. En 1748, un jeune homme d'une trentaine d'année, manchot, Pierre Poivre, propose au Conseil d'administration de la Compagnie des Indes de ravir le monopole.

Pierre Poivre entre dans les bonnes grâces des Espagnols installés aux Philippines, obtient la libération d'un roitelet moluquois et reconnaissant celui-ci lui obtient la complicité des indigènes pour subtiliser quelques plants de muscadier et giroflier. Pierre Poivre les confie à des colons en 1753 à l'île Maurice. Mais la Compagnie des Indes a des difficultés et Pierre Poivre rentre en France.

Puis le duc de Praslin, ministre de la marine le renvoie en 1767 aux Mascareignes comme grand Intendant. Il envoie deux vaisseaux vers les Moluques. Les chefs locaux qui n'avaient pas oublié le Français l'aide à rapporter un échantillonnage complet des plantes. On confie cinq girofliers à un créole de la Réunion. Un seul survit et il donne beaucoup de fruits. Il sera le grand ancêtre de tous les girofliers de la Réunion et de Sainte-Marie de Madagascar. On en expédiera à Cayenne, à Saint-Domingue et à la Martinique.

De Bourbon, des plants furent apportés à Zanzibar et y prospérèrent si bien que cette île est devenue un des plus grands centres girofliers du monde. Au temps des paquebots des Messageries maritimes, les voyageurs émerveillés racontaient que la brise de terre amenait au large des effluves embaumés, signalant de bien loin cette terre.

Pierre Poivre se retira à Dijon en 1773 où il mourut treize ans plus tard. Sa veuve épousera Dupont de Nemours.

Le SEL provient de la côte atlantique et de la Manche ainsi que des salines de Franche-Comté; il est vendu en gros par les marchands sauniers, puis au détail par les regrattiers. Son commerce est florissant et au XIVème on le frappe de l'impôt de la Gabelle qui durera jusqu'à la Révolution. En 1340, Philippe VI de Valois fait de sa vente un monopole d'Etat et crée des greniers à sel, administrés par des officiers gabeliers. La salière est taillée dans du pain par un serviteur nommé porte-chappe. Puis il devient tellement précieux qu'on l'enferme dans des salières fermées à clé jusqu'au XVIème siècle. On trouvera certaines salières montées sur roues pour être envoyées aux différents convives, ce qui n'est pas sans rappeler au début XXème siècle, le train d'argent d'un maradjah en Inde qui, posé sur une immense table, sert à apporter des carafes de vins aux invités. Le train s'arrête automatiquement quand une carafe est enlevée.

Le sel fut jusqu'au XXème siècle un élément essentiel de la vie. Il permettait notamment de conserver les aliments. L'impôt lourd qui lui fut attribué n'est pas sans rappeler de nos jours les lourdes taxes qui pèsent sur un autre élément essentiel de notre vie moderne : l'essence !

La moutarde est connue depuis au moins le IVème siècle. La corporation des moutardiers-vinaigriers est née à Orléans au XVIème siècle. La composition de la moutarde blanche dite forte, fut fixée au XVIIIème à Dijon.

L'épicier au Moyen Age, selon le Ménagier de Paris, porte bien son nom et on y trouve de nombreuses épices bien plus utilisées qu'aujourd'hui. On y trouve aussi des bougies, des torches et des flambeaux, ainsi que des "épices de chambre", c'est-à-dire de l'orangeat (écorces d'orange confites), des citrons, de l'anis, du sucre, des dragées et de l'hypocras (vin).

La passe-pierre que l'on appelle aussi perce-pierre, rameau de salicorne ou "corne salée", cornichon de mer; est de la famille des épinards. Elle a des rameaux en forme de courts segments charnus de couleur verte au moment de la cueillette (avant maturité). Son goût est comparable à celui du cornichon, quand il est confit dans le vinaigre. Sa texture est croquante. Elle se récolte à la mi-juillet et peut se consommer en salade ou cuite omme des haricots verts.

Dès 1607, l'auteur du Trésor de santé, indique l'usage que l'on faisait de la passe-pierre, la "criste-marine, ou basille, ou perce-pierre, croist és lieux pierreux de la mer. On la confit en vinaigre et en sel étant par ce moyen très savoureuse [...] son goust est salé.[...] On la mange crue ou cuiste comme en salade". Nous retrouvons cette façon de faire au XVIIIe siècle sous la plume de Buc'hoz qui la trouve "bonne aux salades d'hiver" et qui indique que "la manière de la confire est la même que celle des cornichons, avec lesquels on la mêle ordinairement". Ni l'un ni l'autre de nos auteurs ne précise d'où vient la perce-pierre en question mais, comme cette plante pousse en abondance sur le littoral de la Bretagne jusqu'au Pas-de-Calais, on suppose qu'aucune région n'en avait le monopole. Toutefois, ce n'est qu'en 1804 que le préfet Dieudonné le cite parmi les plantes consommées dans le Nord, en commentant : on fait confire les belles feuilles dans le vinaigre pour les manger en salade".

Consommée pendant la Guerre pour remplacer les haricots verts, actuellement cette plante se consomme "en cornichon" et, depuis quelques années, se vend dans les épiceries de luxe à travers la France.

SALICORNE AU VINAIGRE

Ramassez (ou achetez chez le poissonnier) de jeunes tiges de salicorne bien tendres et placez-les dans de petits bocaux de verre avec des branchettes d'estragon et quelques grains de poivre entiers.

Remplissez les bocaux de vinaigre d'alcool ou de cidre et laissez-les pendant trois semaines dans un endroit frais avant de les consommer - avec une raclette par exemple.

Ne gardez pas plus d'un an les salicornes au vinaigre car elles se ramollissent avec le temps.

La canne à sucre, cette graminée géante, est originaire du delta du Gange. Les Chinois en ont eu connaissance par les Indiens dès la plus haute antiquité.


Lors de l'expédition de Darius dans la vallée de l'Indus, les Perses découvrent à leur tour "ce roseau qui donne du miel sans le secours des abeilles" et le rapporte chez eux. Ils en gardent le secret puis les invasions et conquêtes finirent par répandre l'exploitation de la canne dans tout le Moyen-Orient, à partir du III ème siècle avant Jésus-Christ.

Au I er siècle avant Jésus-Christ, Pline l'Ancien, dans son Histoire Naturelle évoque "un miel recueilli sur des roseaux, blanc comme la gomme, cassant sous la dent, les plus gros morceaux étant comme une aveline"... Ce texte indique bien que le sucre est alors produit sous forme solide, ce qui facilite son transport par caravane à travers l'Asie Mineure, jusqu'aux portes de la Méditerranée, d'où il gagne la Grèce puis l'Empire romain comme produit de luxe ou médicament.

Jusqu'aux temps modernes, le sucre restera pour les Européens un médicament précieux et un luxe réservé aux grands de ce monde, denrée fabuleuse apportée d'au-delà des déserts par les caravanes. Dès l'année 1470 . on faisait venir à grands frais du sucre d'Espagne et même d'Egypte.

Mais les épiciers ou confituriers en réservaient l'emploi pour les gourmandises des nobles , ils ne vendaient aux bourgeois que des confections au miel.

En 966, Venise édifie un entrepôt d'où le sucre est diffusé vers l'Europe centrale. Ce sera, avec le commerce des soies et des épices, l'origine de sa fortune et de son destin.

Dans l'île de Candie, la Crète, dont le nom arabe quandi signifiait justement sucre cristallisé, les Arabes aux environs de l'an 1000, installeront la première raffinerie "industrielle". Après avoir conquis la Perse, les Arabes avaient réorganisé l'ancestrale production sucrière. C'était un véritable pactole qui contribua pour beaucoup à la richesse des seigneurs des Mille et Une Nuits. Ils inventèrent le caramel dont l'un des premiers usages dans les harems fut l'épilation.

Lorsque le sucre ou les épices transitaient par les villes de Provence ou du Languedoc pour prendre la route terrestre qui à travers la France, menait vers l'Europe du Nord et l'Angleterre, le prix des marchandises, déjà considérable, se trouvait alors fortement majoré par la cascade de taxes payées aux barrières d'octroi. C'est pour cette raison que la route maritime passant par ses trois pôles Venise (qui crée le premier entrepôt de sucre en 966.), Gênes et les villes de la Hanse, bien que plus longue, mais sans déchargement, ni taxation, permettra à Bruges de devenir la plaque tournante.

En 1273, les comptes de la comtesse de Savoie mentionnent la somme de 2 sols d'or et 5 deniers d'argent pour une livre de sucre. En 1299, la comtesse de Bourgogne, Mahaut d'Artois acheta quinze pains de sucre qui valaient leur poids d'argent métal ! Un siècle plus tard, cinq livres et demi de sucre seront achetées à la fameuse foire du Lendit à Saint-Denis pour la pharmacie de l'Hôtel-Dieu pour un écu d'or. Marguerite de Navarre raconte dans l'Heptaméron qu'un pain de sucre de la taille d'un petit doigt suffit à payer largement vers 1515, un copieux déjeuner servi dans une taverne d'Alençon.

Après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb, on développa les plantations sucrières notamment à Saint-Domingue. Mais on s'aperçut bien vite du gaspillage représenté par le transport des cannes qui pourrissaient et prenaient de la place sur les bateaux. Les Vénitiens installèrent sur place, des raffineries aux Antilles, Canaries et Madère.

Les Hollandais poussèrent la production dans les Indes orientales, quelques archipels et quelques domaines aux Antilles. Ils cassèrent les prix.

Finalement à tant produire et à casser les prix, on en arriva à ce que le sucre devienne à la fois meilleur marché et d'une consommation en constante augmentation. Colbert multiplia les raffineries et le Royaume naguère tributaire de l'étranger pour le sucre, commença à lui en vendre.

A la veille de la Révolution, le cinquième de la consommation européenne provenait des raffineries de Bordeaux.

La culture de la canne à sucre nécessita une nombreuse main d'oeuvre docile pour travailler dur dans les grandes chaleurs. Il fallait des esclaves sinon on pouvait faire une croix sur le Nouveau Monde. On les prit par millions sur les côtes d'Afrique.

En 1575, Olivier de Serres, signala la richesse en sucre de la betterave.

Installées à Rouen, trois raffineries reçoivent le sucre brut du Nouveau Monde et le transforment en sucre candi que l'on appelle "sucre royal". A la veille de la Révolution, la France a remplacé dans sa puissance la Venise du Moyen Age et est devenue le plus gros répartiteur de sucre en Europe.

En 1806 les Anglais instaurent le Blocus. Comme tout pays évolué qui subit un blocus, les Français développent alors leur ingéniosité. Ca commence chez soi où les familles avaient suspendu un morceau de sucre au bout d'une ficelle accrochée au plafond. Chaque membre de la maisonnée avait le droit de faire tremper rapidement le morceau dans sa tasse de café. Système égalitaire, qui assurait sans doute la bonne entente familiale. Ca se poursuit au niveau de l'Etat : Napoléon apprend qu'un berlinois d'origine française, Charles Frédéric Achard, en se basant sur les travaux du chimiste prussien Sigismund Margraf, a réussi à extraire industriellement du sucre de la betterave. Delessert achète un terrain à Passy, y installe l'outillage nécessaire, y compris des machines à vapeur - parmi les premières- et y perfectionne les procédés d'écoulement des mélasses et de cristallisation du sucre.

Chaptal enmène visiter la fabrique dirigée par un célèbre industriel Benjamin Delessert. Né en 1773, celui-ci fait partie d'un groupe qui a consenti au Premier Consul un prêt de 12 millions pour combler le déficit du trésor public.

L'empereur visite avec curiosité les installations, pose 1000 questions. Soudain son parti est pris : il décore Delessert de sa propre croix de la Légion d'Honneur, le nomme Baron d'Empire et directeur de la Banque de France (poste qu'il conservera 1/2 siècle) et ordonne la mise en culture de betteraves sur 32000 hectares. Tout industriel ayant produit 10 tonnes de sucre fut exempté d'impôts pour quatre ans. En deux ans 213 fabriques voient le jour; elles produisent plus de 4000 tonnes de sucre. Le Blocus continental fit la fortune du Nord.

La chute de l'empire provoquera la libération du trafic maritime ; les sucres coloniaux reviennent en force et la plupart des fabriques sont en faillite. Pour sauver cette industrie nationale, Louis XVIII doit augmenter les droits de douane sur les sucres d'outre-mer. C'est le début d'une guerre économique. Finalement un équilibre s'établiera : le sucre industriel suffisant aux besoins de l'Europe, le sucre de canne s'impose sur le marché extra-européen.. Désormais, les problèmes concernant la nourriture des hommes ne vont plus se poser en termes locaux, mais en termes mondiaux.

La betterave sert aussi comme légume, par ses feuilles. Cuites avec du sel, un peu de sucre, du beurre et une pincée de farine, mijotées au lait ou au bouillon, elles remplacent les épinards d'été qui sont un peu âcres.

Le sucre en morceaux a été inventé en 1854 par un épicier parisien, Eugène François. Il est obtenu par moulage d'un cristallisé humidifié à chaud, suivi d'un séchage qui soude les cristaux entre eux. Le poids et la taille des morceaux sont indiqués par un chiffre de 1 à 4 apposé sur l'emballage. Ce chiffre correspond au nombre de morceaux contenus dans la largeur de la boîte.

La betterave porta un coup très dur à l'économie des Antilles, Brésil et Réunion. En 1870, la France est le premier producteur de sucre de betterave d'Europe.

La pénurie du pétrole ouvre la nouvelle ère du sucre carburant. Les automobiles peuvent rouler à l'alcool de betterave.

La vergeoise tire son origine de la forme garnie de cerceaux de coudrier qui servait à la fabrication des pains de sucre. Par extension, les déchets de sucre provenant de ces formes.

Le sucre est un exhausteur de goût qui renforce les arômes; un agent de fermentation qui favorise la formation de gaz carbonique dans les pâtes et les fait lever sous l'action de la chaleur; un agent de texture qui donne de la consistance aux gâteaux, modifie leur aspect et leur mie, raffermit les meringues; il est un agent croustillant qui rend croquantes les tuiles et les gaufres, les tulipes et les langues de chat; il est enfin un élément de décor : sucre glace dont on poudre les choux, les millefeuilles et les kugelhopfs, sucre cristal qui habille les pâtes de fruits, sucre-grain semé sur les chouquettes et les gourmandises, glaçage royal, sucre filé, tiré, soufflé, coulé; caramel, dernier stade de sa cuisson.

Le sucre glucose est un sucre de plus en plus utilisé dans l'industrie alimentaire au détriment du sucre conventionnel (saccharose). Il est tiré du maïs et produit par les Etats-Unis d'Amérique. Certes on consomme plus de sucre qu'avant mais du sucre américain. Ce sucre a la propriété de donner du moelleux aux pâtisseries et de la souplesse aux glaces. C'est pour répondre aux exigences du consommateur qui veut des pâtisseries "moelleuses" indéfiniment et pouvoir manger des glaces au sortir du congélateur. Une glace "normale" ne peut pas être souple immédiatement. Rappelez-vous il y a 20 ou 30 ans, on prenait encore le temps d'attendre avant de consommer.

Au commencement était le miel :dans la Rome antique, un gâteau de fromage de brebis enrichi de miel, de farine et d’œufs, poudré de graines de pavot et cuit au four : le "Savillum" faisait fureur.

LE MUSCADIER

est un grand arbre tropical à petites fleurs jaunes et à grandes feuilles très parfumées. Seules les fleurs des arbres femelles après avoir été fécondées par le pollen des fleurs des arbres mâles, donnent des fruits ; les noix de muscade sont le noyau de ces fruits dont la pulpe, sorte de réseau charnu, rouge à l'état frais, constitue le macis au parfum légèrement différent. A chaque récolte, plusieurs fois par an, on sépare les noix des macis pour les faire sécher de part et d'autre. Naturelle, la noix de muscade ou noix muscade est marron foncé. Les Hollandais la trempaient autrefois dans la chaux pour empêcher la germination. Cette habitude conservée, aurait également pour effet de protéger la noix des insectes et des vers.

Le macis séché est aplati en "lames". La noix se râpe au fur et à mesure des besoins, le macis se morcelle. Chacun contient une huile essentielle extrêmement volatile. Aussi doit-on les conserver en récipients étanches et par peu à la fois. Le macis est plus fort et plus piquant que la noix elle-même.

Au Moyen Age, cette noix s'appelait noix muguette. Les anglais disent nutmeg de l'ancien français mug.

Comme toutes les épices, la muscade et le macis furent d'abord utilisés sous forme de parfum et de remèdes. Mais mal dosée, la muscade pouvait se comporter comme une drogue, ce qui freina son entrée dans la cuisine. L'école de Salerne décréta :"Une noix t'est salutaire, la deuxième te nuira, la troisième te tuera."

Le macis, moins cher que la noix de muscade valait quatre francs or pour une livre en France à la fin du XIV ème, mais la moitié du prix d'une vache en Angleterre !

Dès la mainmise sur les Moluques, les Portugais ruinèrent la lucrative filière arabo-italienne. Cet avantage échut à Lisbonne jusqu'à l'installation des Hollandais et de leur compagnie des Indes en 1656. Les Hollandais interdirent l'exportation du muscadier et s'ingénièrent pour en dérober la connaissance à tous, même aux botanistes de leur patrie. Seul Pierre Poivre, réussit avec ruses et courage à s'introduire dans l'archipel et à enlever des plants.

Du XVIII ème au XIX ème, Anglais et Néerlandais se succédèrent dans l'archipel jusqu'à ce que les Anglais trouvent plus pratiques de transporter les muscadiers à l'abri de l'île de Penang en Malaisie, puis à Singapour. Les plantations prospérèrent jusqu'à ce qu'un champignon les anéantisse en 1865.

Aujourd'hui, la culture du muscadier s'est répandue à travers les tropiques, dans toutes les terres chaudes humides et ombragées.

LA VANILLE

est une sorte d'orchidée tropicale, liane à fleurs blanches légèrement verdâtres, à l'origine parasite des grands arbres des jungles centrales de l'Amérique et du nord de l'Amérique du Sud. Le fruit est une capsule verte et dure, longue de dix à quinze centimètres, contenant un très grand nombre de petites graines et qui n'apparaît qu'après une fécondation artificielle en raison de la conformation de la fleur operculée par une sorte d'hymen.

On cueille ces fruits à peine mûrs, on les plonge dans l'eau bouillante ou on les expose au soleil sous le couvert de boîtes ou de couvertures. Ainsi les gousses, laissant exsuder leur eau de constitution, fermentent en prenant une couleur marron très foncée. On les fait ensuite sécher et elles se couvrent alors d'un givre constitué par de fins cristaux de vanilline, ou aldéhyde aromatique.

La vanille fut découverte par les conquistadors en même temps que le cacao, auprès des Aztèques. Mais la culture de la vanille en dehors de son berceau natal fut très difficile. Il lui manquait les abeilles de la forêt américaine, sans aiguillon mais si voraces qu'elles arrivaient à s'introduire dans le calice fermé par un opercule.

Ce n'est que vers 1830 que le botaniste belge Charles Morren, s'inspirant des travaux sur la fructification des orchidées réussit à obtenir la pollinisation du vanillier dans les serres du jardin botanique de Liège. Deux ans plus tard, Neumann, chef des serres du jardin du roi à Paris répétait l'expérience.

Le parfum de la vanille est tellement grisant que à hautes doses, il a parfois des effets de la drogue, ainsi chez les ouvriers maniant journellement de grandes quantités. C'est le vanillisme : céphalée, lassitude mais aussi des réactions allergiques cutanées à la hauteur de la figure, du cou et des mains. Il n'existe aucun traitement si ce n'est de changer de métier.

La consommation annuelle mondiale est de 1600 tonnes dans les bonnes années. Les autres "parfum vanille" sont artificiels, c'est l'éthylvanilline. Arôme artificiel le plus important, c'est un sous-produit de l'industrie de la pâte à papier !

L'arôme exquis de la cardamome en fit d'abord une offrande à brûler, puis les Grecs et les Romains la mêlèrent à de la cire pour des parfums solides dont on remplissait des coquillages portés à l'égyptienne dans les cheveux ou accrochés aux vêtements. On en fabriqua ensuite un dentifrice, car, mâchée après le repas, la cardamome neutralise le goût de l'ail. Elle apaissait et désinfectait les gorges irritées, calmait la toux et chassait les vers intestinaux. Aussi, tout naturellement, la trouva-t-on finalement dans les sauces.

Apicius en confectionnait un assaisonnement ...pour les truffes, avec de l'huile et... du garum. La cardamome préférée était encore verte, un peu molle. Noire et séchée, elle valait un petit peu moins cher.

La France ne se montrera jamais tellement amateur de cardamome, au contraire des Anglais. Les pays scandinaves, en revanche, en importent de grandes quantités. Actuellement, la Suède absorbe le quart de la production indienne et en parfume souvent les alcools, qu'elle absorbe généralement beaucoup et les pâtisseries et pains.

Chez les arabes, l'habitude de parfumer le café de cardamome est très courante.

Le Gingembre qui pousse dans les terres tropicales est une plante haute d'un mètre environ offrant des feuilles à larges nimbes et de bizarres fleurs charnues jaunes bordées de pourpre groupées en épi. Son rhizome noueux, en chapelet, fournit l'épice.

Dans la cuisine médiévale française, l'union cannelle-gingembre est primordiale.

Son succès au Moyen âge s'explique autant par sa réputation d'aphrodisiaques que pour ses vertus aromatiques ou médicinales. Sainte Hildegarde de Bingen dit qu' " Il rend les hommes lascifs et laisse les femmes, sans défense. " L'école de Salerne lui trouve des vertus aphrodisiaques :

" Au froid de l'estomac, des reins et du poumon

Le gingembre brûlant s'oppose avec raison,

Éteint la soif, ranime, excite le cerveau

En la jeunesse éveille amour jeune et nouveau. "

Jusqu'à Nostradamus qui conseille : " ... il est indiqué aux estomacs trop froids, ainsi qu'aux personnes qui se sentent dénaturées par l'âge. Mais il est plus profitable encore aux hommes qui ne peuvent remplir le devoir de nature. " Il le recommandait aussi aux femmes incapables d'enfanter par " froideur de matrice. "

Aujourd'hui et depuis la Renaissance, le gingembre est passé de mode en France. En revanche, les pays anglo-saxons, germains, flamands et scandinaves continuent à lui être fidèles. Chacune de ces nations en consomme dix fois plus que nous en pâtisserie et en ragoûts. Malgré son nom, le ginger ale ,'est pas une bière mais une boisson gazeuse au gingembre, non alcoolisée nord'américaine. En revanche la Ginger beer est une boisson anglaise non alcoolisée..