RESTER VIVANT et autres textes Michel HOUELLEBECQ
Il s’agit d’une recueil d’articles sur des sujets divers, d’intérêt inégal. Les textes les plus passionnants se situent au début du livre, ils se centrent sur le thème de la souffrance, évoquée en phrases lapidaires ; l’expression littéraire et poétique permet d’extérioriser la douleur inhérente à la condition humaine, et de rester vivant. L’auteur est convaincant lorsqu’il aborde ce sujet et lorsqu’il porte un regard lucide, acéré sur notre monde moderne, sur le numérique et son pouvoir destruction en matière de communication, sur l’architecture fonctionnelle et transparente à la mode, et sur le toute-puissance du marché capitaliste. Hélas ! Cela se gâte vers la fin de l’ouvrage, avec des jugements injustes, voire haineux à l’encontre de Jacques Prévert et du cinéma onirique auquel il a participé, notamment Les portes de la nuit et Les enfants du Paradis. L’écrivain tourne en dérision le sens de la fête, et toute tentative d’émancipation politique et sociale.
Editions Flammarion, 1997, LIBRIO
PIERRE RABHI, SEMEUR D’ESPOIRS Olivier LE NAIRE, entretiens
Dans un livre d’entretiens avec le reporter Olivier LE NAIRE, Pierre RABHI, paysan, penseur et écrivain, alors âgé de soixante-quinze ans, évoque son parcours de vie, en lien avec ses engagements et ses propres ouvrages qui prônent le respect de la terre mère, du vivant, et une sobriété heureuse. Il dénonce une fuite en avant dans un productivisme destructeur de la planète, et plaide pour une éducation non violente, proche de la nature, pour « l’agroécologie » dans une perspective humaniste. Il s’inspire de la civilisation amérindienne, lui qui a été marqué par une double culture : né en Algérie dans une famille musulmane, le garçon a été confié à une famille française et chrétienne après la mort de sa mère ; il s’est converti à la religion de ses parents d’adoption, s’est coupé de ses racines, puis, à l’âge de vingt ans, a émigré en France où il a travaillé comme ouvrier et s’est intéressé à la philosophie en cherchant sa voie. Pierre la trouve en s’installant sur une ferme ardéchoise sans confort avec Michèle, son épouse ; la beauté du paysage les attire davantage que le souci de rentabilité ; conscient de la nocivité des méthodes agricoles traditionnelles, le jeune paysan va découvrir l’agriculture biologique et pratiquer l’élevage ; la famille s’agrandit, et après des années difficiles, le succès de son approche vaut à l’agriculteur une grande notoriété. Il transmet son expérience en Afrique, (Burkina Faso, Tunisie,) en Palestine, multiplie livres et conférences, sans cesser de cultiver son jardin. Le philosophe trouve aussi un large écho dans nos sociétés occidentales, un public fervent adhère à ses idées. Olivier LE NAIRE l’interroge sur son passé, mais lui demande également son point de vue sur les questions d’actualité et les problèmes sociaux et sociétaux. Pierre RABHI répond avec simplicité et développe une réflexion en profondeur, qui n’esquive ni contradictions ( impossible de se passer totalement de pétrole pour les transports, par exemple), ni constats sur la difficulté de promouvoir le mode d’existence qu’il préconise. On est cependant frappé par sa cohérence, sa façon de mettre en harmonie les paroles et les actes.
Actes SUD, 2013, Domaine du possible.
Marie-Noëlle HOPITAL